Meine, à son habitude, était parfaite et, comme d'habitude, c'était pour cela qu'elle détonnait sur le paysage. Au milieu de ce marché de noël presque bondé et des orphelins désordonnés essayant de répondre tant bien que mal aux demandes des clients, la jeune berlinoise trônait avec grâce près de la machine à Barbapapa. C'était presque risible de voir cette parfaite petite poupée barbie faire avec dextérité et application de parfaites, sublimes barbapapa.
C'était des Barbapapas dénaturées. Sans originalité, sans espièglerie, la barbapapa de Meine était la quintessence de l'ordre. Elle avait presque réussi à enfermer l'enfance.

Pour plaire au public, Meine était en jupe et talons, ce que tous lui avaient déconseillé à cause du froid et du temps qu'elle allait passer debout. Comme d'habitude, elle avait souris et habilement détourné la conversation.
La comparer, elle, avec ces imbéciles qui ne savaient pas tenir sur des talons. Mais encore.

Meine utilise regard doux et timide sur groupe de collégiens.

— La bourge, montre ton cul, on s'fera plus de tunes.

Eponine souriait à s'en décrocher la mâchoire. Elle souriait à tout le monde. Elle souriait aux vieux comme aux jeunes, elle souriait en voyant les enfants émerveillés devant toutes ses guirlandes. Oh, comme elle les comprenait. Noël, c'est magique. Eponine redresse un peu son gros bonnet rouge et blanc, à motifs de Noël et au gros pompon duveteux. Bonnet assorti à son écharpe, bien évidemment. Sinon, ça fait désordre – même si, entre nous, Eponine était tout sauf la personne la plus organisée du monde. Désordonnée, peut-être, bordélique, sûrement, mais souriante et enthousiaste, personne n'aurait pu l'être mieux qu'elle. Elle était l'allégorie du sourire. Alors qu'elle souriait dans le vide, un petit garçon, haut comme trois pommes, attira son attention. Ses yeux se posent sur cette petite créature que le rouge de ses joues rend adorable.

Eponine – Coucou !

Juste un sursaut. Le petit baisse les yeux, intimidé par une si grande personne – enfin, grande. Tout est relatif.

Eponine – Tu veux faire de la luge ? Tu vas voir, c'est vraiment rigolo !

Et si tu as peur, Eponine viendra avec toi, mon lapin.

Eponine répond en souriant au petit geste de Mello. Oui, son ami Mello. Ca fait toujours bizarre aux gens, quand ils apprennent qu'ils s'entendent plutôt pas mal. Pas encore comme deux larrons de foire mais presque. Elle rigole joyeusement quand elle l'entend crier que le tir, c'est pour les vrais hommes et en plus, c'est classe. Elle a un rire de lutins de Noël. Et c'est certainement ce rire qui fait venir une famille. Une charmante famille. Un garçon emmitouflé dans une doudoune noire, une petite fille avec des couettes et une écharpe rose. Une maman les bras pleins de paquets et un papa qui en a marre, visiblement.

Eponine – Bonjouuuur !

Un nouveau gloussement de lutine.

Eponine – Vous voulez essayer la luge ? Ca plaira à toute la famille !

Elle gonfle ses joues, profondément vexée. Touchée dans son orgueil et dans son sourire. Oui. D'accord, ils ont fait de la luge. D'accord, ils se sont bien amusés et d'accord, ils ont payé. Mais Eponine ne comprenait pas la réaction des parents. Pourquoi avaient-ils l'air aussi fatigués tous les deux ? Comme si ça les embêtait que leurs enfants fassent de la luge. Allons bon, tout le monde savait que la luge, c'était un sport de Noël, que tout le monde était en mesure de pratiquer. C'était la discipline de leur enfance, ces heures passées dans le froid qu'ils voyaient défiler sans y faire attention. Oui, décidément, elle est vexée. C'est un jour de fête, non ? Un grand jour ! C'est la fête qu'elle attend chaque année. Elle jette un coup d’œil vers Mello et les autres. Oui. Ça a l'air de bien se passer pour eux.

Eponine – Allez, venez tous ! La luge, c'est pour tout le monde ! Pour les petits comme pour les grands !

Eponine – Ouais ! Vas-y Dreaminette ! Vends ta marchandise !

Et Eponine part dans un immense éclat de rire. Un rire de lutine, rappelons-le. Mais elle ne le fait pas exprès, de rire comme ça. Elle le fait depuis qu'elle est toute, toute petite. C'est son père qui lui disait qu'elle avait des lutins dans la gorge. Des lutins dans la gorge. Et rien que cette expression avait réussi à la traumatiser quand elle était enfant. Et maintenant, elle en riait. Ou elle s'en servait pour faire peur aux plus jeunes, à son tour. Son regard croisa celui d'un groupe d'adolescents et elle leur sourit avec effronterie.

Eponine – Quoi ? Vous avez peur de faire un tour ?

Et elle repart dans un grand éclat de rire.