-"Je suis Near."

Le surveillant attendit. Mais rien ne vint. Alors…l’albinos avait fini de parler ?
C’était tout ? Cette réplique (ou plutôt ce manque de réplique) déstabilisa Tears alors qu’il avait commencé à reprendre confiance. Mais cette dite confiance le quitta dès que le petit garçon posa ses yeux vides sur lui, même de coté son regard provoqué un grand trouble.
Et voilà que les jambes du surveillant se mettaient à trembler. Ce n’était pas le moment, déjà que ce dit Near ne semblait pas extrêmement amical, si en plus le blond devait montrer sa faiblesse en frissonnant comme un enfant, ça n’allait pas le faire.
Tears posait ses mains sur ses cuisses pour stopper les nombreux spasmes qui lui parcouraient les membres. Sans succès.
Il y avait quelque chose de si mystique dans Near… Near.
Pourquoi donc ce surnom ?
Proche… le garçon n’avait absolument rien de proche. Proche de personne, proche de rien, alors pourquoi…
Tears réfléchissait, puis la réponse lui sembla évidente. Proche de L.
Proche de l’arrivé. Ca ne pouvait être que ça.
Ce garçon était donc un des premiers de l’orphelinat ? Le blond ne savait pas pourquoi, mais il s’en doutait. Quelque chose le lui avait soufflé à l’oreille.
C’est alors que son âme oscilla de même, la supériorité étouffante de l’être neutre imprégnait la pièce. Pour une raison absurde, Tears se sentit honteux, honteux d’avoir daigné déranger l’albinos. Car oui, il se sentait atrocement inférieure, écrasé par tant de suffisance palpable mais peut être involontaire. Instinctif ou pas, cette arrogance était tangible.
Se sentant petit et écrasé, il déglutit difficilement, de la brume dans ses yeux, plus mal à l’aise que jamais. Il voulait fuir, dire merci et partir. Aller voir quelqu’un d’autre, quelqu’un d’agréable et chaleureux. Le froid s’empara de lui et l’envie de chaleur se fit de plus en plus présente dans le cœur du blond. Mais jamais il se renierait ses convictions, il se savait lâche mais quand même…
Que pouvait-il dire maintenant ? Face à cette réplique, que pouvait-il répondre ?
Les questions que l’albinos jugeait totalement idiotes, il n’y répondait même pas. Il ne les écoutait sûrement pas, comme s’il avait prévu à l’avance l’inutilité de la question.
Alors que de fines gouttes de sueur perlaient sur ses mains, Tears commença à avancer à pas discret vers le petit être blanc. Il prit soin de s’arrêter à plus de trois mètres de lui, puis de s’accroupir pour paraître à peu prés à sa hauteur.
Mais il ne savait toujours pas quoi dire. Il savait juste qu’il ne fuirait pas, même si l’envie était présente, il ne le ferai pas. Ce n’était ni de la dignité, ni du courage… juste une envie ardente de comprendre.
Sa rencontre avec Near n’était sûrement pas du au hasard, c’était peut être un test. Un test que le jeune blond se faisait à lui même, pour s’assurer que la place qui l’attendait lui était méritée.
Non… il ne pouvait considérer cela comme un test, tomber sur lui dès le premier jour, c’était comme tomber sur le boss dès le premier niveau d’un jeu vidéo. Disons qu’il s’agissait plutôt un but. Un but qu’il se devait d’atteindre, peu importe combien de temps cela prendrait, mais c’était la décision qu’il venait de prendre. Un jour, personne ne saura quand, il arrivera peut être à communiquer convenablement avec l’albinos. Pour l’instant, il se devait d’en prendre de la graine et d’analyser le génie, ainsi il pourra peut être savoir comment l’orphelin fonctionnait.
Le problème était que Near était sans faille, il se laissait aucune ouverture. Absolument aucune. Plus dur que l’acier, plus froid que la glace… on s’y casserai les dents.
Mais là était sa résolution, sa détermination, son dessein, quitte à ce que cela prenne 5 ou 10ans. Aussi longtemps que le surveillant sera à Wammy’s House, Near serait sa limite, le terminus de son parcours de pédagogue… et d’humain.
Bien conscient que son ignorance actuelle était encore trop grande pour faire parler l’astre de neige (une boule de neige géante quoi) il n’allait pas insister pour l’instant.
Ce qu’il lui paraissait lâche au début se révéla une bonne chose maintenant. Poser trop de questions à un orphelin dès une première rencontre n’était pas très aimable.
Même si la question était à fond professionnel, Tears ne mit pas de distance dans sa voix qui était chaude quand il prit la parole :

-"Bonjour Near… Heu.. c’est mon premier jour ici, et…je n’ai aucune idée du lieu où je dois me rendre…"

La remarque du blond était profondément inutile puisqu’il savait bien qu’il y avait des bureaux, même s’il ignorait où. Il voulait juste entendre cette voix à nouveau.
En fouillant ses poches, Tears dégota un de ses vieux yoyo et après quelques manipulations infantiles, il le tendit timidement à Near avec un air qui voulait dire "Tu veux essayer ?"

Encore ces yeux. Trop sombres pour un enfant mais pourtant tellement immaculés. Cela faisait plusieurs minutes interminables que le jeune albinos le fixait ainsi.
A force, Tears finissait pas avoir mal au bras, toujours tendu en direction de Near, le yoyo en main.
Le surveillant savait être patient même si ces minutes se révélaient comme une torture muette. D’ailleurs le silence qui les entourait était bien trop pesant, bien sûr il y avait les cris d’enfants et des bruits de jeux, mais dans la pièce, il n’y avait pas une mouche.
Ne sachant pas quel expression prendre durant cette attente, il esquissait un faible sourire en regardant l’enfant. Mais soutenir son regard était trop accablant, de plus qu’il s’y reflétait.
Le surveillant se voyait lui-même dans les grands yeux de Near, et ce qu’il y distinguait était ridicule. Bien qu’un sourire sincère élargissait un peu ses lèvres souples, il restait de la crainte sur son visage.
Il fallait aussi dire que Tears avait l’air assez pathétique à sourire comme ça pendant trois heures.
Au moment où il allait baisser les yeux, admettant sa lâcheté, l’albinos rompit le contact visuel en tournant ses orbes vers le jouet. Le blond sentit le faible poids dans sa main s’évaporer.
L’orphelin avait prit l’objet du bout des doigts, prenant soin de ne pas toucher la main de son aîné.
Il appréhendait les contacts physiques, ça ne faisait pas un pli. Cependant, il avait accepté son cadeau, et cela lui suffisait. Peut être était ce pour récompenser sa patience ? Une sorte de test.
Au final, Tears était content d’avoir attendu, même si sa crampe lui faisait encore un peu mal, le résultat en valait vraiment la chandelle. En effet, Near se leva posément et, toujours avec cette même lenteur maladive, laissa le yoyo faire son chemin vers le sol, tenu par la ficelle.
Le jouet n’ayant pas reçu le geste pour remonter, il resta au bout de la ficelle à pendouiller stupidement. Si Tears était une groupie fangirl, il aurait sauter partout en criant "Kyaaaa trop mignooon !!!", secouant les mains comme une possédée, des étoiles plein les yeux.
Mais ce n’est pas ce qu’il fit. Le cœur du jeune homme fut secoué par un sentiment d’attendrissement total. Near, bien que muet et glacial, pouvait se comporter d’une façon tout à fait adorable, même s’il ne le faisait pas exprès. La situation, bien qu’attendrissante, pouvait aussi se révéler un comique charmant, ce qui accentua le sourire du surveillant. C’était une scène tout bonnement adorable et enfantine. Cependant, cela montrer aussi le handicap du génie par rapport à la vie sociale.
L’albinos avait beau avoir un grand Q.I et plus de connaissances d’un enfant normal (sûrement plus qu’un adulte normal d’ailleurs) il y avait des choses qu’il n’avait pas. Des choses que des enfants normaux savaient faire, mais pas lui. L’orphelin avait perdu quelque chose, il avait légué sa sociabilité propre aux enfants en échange de son intelligence. Il avait beau avoir tous les jouets dignes d’un petit de 8ans, il lui manquait cette chose. Cette chose indescriptible qui faisait qu’il était enfant.
C’est en se remémorant "Peter Pan" de James Matthew Barrie que Tears découvrit la nature de ce manque. Pour l’auteur, les enfants sont tous gais, innocents et sans cœur.
Cherchez l’intrus.
La gaieté. L’allégresse et la joie de vivre étaient défaillantes dans ce petit être blanc.
Il semblait s’ennuyer tellement, chaque seconde de son existence n’avait rien de comparable avec une enfance normale d’un enfant normal accompagné de ses parents normaux et des joies normales qu’ils apportaient, le tout en toute normalité. Fallait-il en conclure que Near était anormal ?
Non, il fallait croire que les autres étaient tous pareils. Il n’était pas anormal, il était extraordinaire.
L’orphelin, toujours débout, déclara en regardant vers le blond :

-"Je préfère… les robots."

Les robots, êtes dénués de tout sentiments qui agissaient mécaniquement. Pourquoi diable Tears n’était pas étonné des goûts de l’enfant ? La pratique du yoyo quand à lui, demandait plus de malléabilité et moins de mollesse, c’était peu être pour cela que l’orphelin n’y arrivait pas.
Le surveillant se demandait ce qu’il pouvait trouver de passionnant dans ses bonshommes en plastique inerte, ils avaient moins de "vie" qu’un yoyo. Quoique, apparemment, Near savait leur donner vie dans sa petite tête créative.
Ce dernier s’assit par terre et essaya de manier le jouet ainsi mais le résulta n’en devint pas meilleur.
Il finit par délaisser le yoyo et se comporta comme s’il était seul, comme si rien de ce n’était produit. Vexé, le jeune blond regardait le jeune enfant avec frustration. Lorsqu’il lui avait tendu le yoyo, il avait tout de suite pensé lui donner. C’est pourquoi il lui ne lui avait pas présenté son précieux yoyo porte bonheur qu’il avait toujours dans sa poche et dont la valeur sentimental était immense. Donc le problème n’était pas là, Tears se fichait éperdument du jouet que Near possédait à ses côtés, mais être ignoré lui faisait toujours un poids sur le cœur. Bien qu’il détestait être le centre d’attention, il ne voulait pas être délaissé comme étant étiqueté inutile… enfin, tant que l’enfant ne le dévisageait pas avec ses grands yeux, il n’avait pas à se plaindre. Pris d’un élan de flemme magistrale, le blond n’avait aucune envie de parcourir tout l’orphelinat à la recherche de quelqu’un. Sur ce, il s’assit à même le sol, les jambes croisées, appuyant son coude sur son genou, sa joue logée dans le creux de sa main.

-"… les robots… tu leurs inventes une vie, c’est ça ? …"

Par peur d’avoir à faire à un nouveau silence meurtrier, il chercha quelque chose à dire tout de suite après, mais rien de vint. Il savait que sa question avait très très très peu de chance d’être répondue alors il voulait enchaîner, mais il resta muet. En rentrant dans l’orphelinat, il était passé devant ce soit disant accueil, les secrétaires étant absentes, et il n’avait pas remarqué les autres bureaux qui étaient un peu plus en retrait. Alors il attendit, sans rien attendre réellement.

~ Flagelle moi donc pour le retard et la courtnesse ^^" Au fait, Near ne participe plus, il est trop inspiré par son puzzle blanc 8D ~

Décontenancé par le silence de mort que Near laissait dans la salle, le surveillant regardait le sol, les murs, et priait pour que tout cela finisse. Mais l’albinos l’ignorait d’une force magistrale, le genre de "Qui me parleuuu ?" version glaçon. Et ça faisait mal.
Tears préférait encore qu’on l’insulte, que de devoir faire face à un silence flegmatique et austère. Il voulait qu’on le voit, pas qu’on l’observe, ni qu’on l’analyste, ni qu’on l’admire, mais juste qu’on le voit. Et soudain un bruit sourd le fit sursauter de toute sa hauteur, mort de peur, il poussa même un cri de panique. Le surveillant se retourna vivement et vit une jeune fille charmante habillait d’une robe des plus adorables, des cheveux dorés encadrant ses yeux clairs.

-"Excusez-moi !"

Dans un reflexe, le blond se leva rapidement, s’apprêtant à ramasser les livres qui étaient visiblement tombés des mains de l’orpheline mais le temps qu’il se trouve à ses cotées, elle avait déjà tout ramassé. Tears jeta un coup d’œil à Near qui l’avait même pas levé les yeux, ce qui ne l’étonnait guère maintenant qu’il s’était rendu compte du froid qui régnait sous cette carapace de peau. Il y avait un cœur, sans doute, mais il était comme déconnecté.
Tears retourna son visage vers la jeune fille et lui sourit timidement, passant une main maladroite dans sa propre nuque. L’orpheline avait l’air au moins aussi gênée que lui, vu les couleurs qui teintaient ses joues d’enfants.

-"… Ce n’est rien… et… heu… enfin, bonjour…"

Il la gratifia d’un sourire enthousiaste, essayant de retrouver l’optimiste qu’il avait perdu face à Near. Il pencha un peu la tête pour regarder l’enfant haute comme trois pruneaux en la contemplant sans l’examiner, il la couvait juste du regard. Tears, à vingt ans, avait fini sa croissante et un mètre soixante dix, c’était pas fameux. Mais pourquoi se plaindre, ça ne sert à rien, c’est une perte de temps et de bonne humeur. Le surveillant ouvrait la bouche, comme pour rajouter quelque chose mais aucun le son ne sortait. Pas qu’il était intimidé, juste qu’il ne trouvait pas ses mots. Peut être qu’il devait avoir un peu peur d’ailleurs, qui sait quels manies ou dons étranges la jeune blonde était dotée ? La rencontre avec Near lui avait clairement fait comprendre qu’il ne fallait pas qu’il s’attende à une banalité hors normes de la part des orphelins. Alors quoi ? Elle collectionnait les rats morts peut être, ou mangeait des œufs sans enlever la coquille, peut être même qu’elle n’avait pas d’amygdales. Finalement, il roula un peu des yeux devant ses stupidités et fit quelques gestes incompréhensibles avec les mains. Il finit par montrer le couloir et, souriant d’un air innocent, demanda poliment :

-"… et… je suis nouveau… je cherche… l’administration…"

Ses yeux se perdirent sur les livres de la jeune fille. Des Contes. Ah, les contes, petites lectures si innocente… ou pas. Les vraies, les pures, les contes authentiques étaient souvent d’un glauque fort excentrique. Blanche Neige qui faisait danser sa mère dans des souliers en métal chauffé à blanc, le Chaperon Rouge qui a du manger sa grand mère sans oublier la Petite Sirène qui meurt après qu’une grognasse lui ait piqué son cher prince. Le genre de fin bien écœurante, bien comme Tears détestait. Heureusement que Disney arrangeait le tout pour que se soit adapté à la vue des rétines fragiles et délicates des enfants ou gens sensibles, dont le blond faisait parti.

Il était soulagé. La petite était souriante et tout ce qu’il y avait de plus charmant. Agréable, elle lui montra le couloir du doigt en articulant d’une voix douce :

-"Et bien, c’est par là ! Enfin l’administration, je pense que c’est le bureau de Roger."

Tears hocha la tête, sans savoir pourquoi et répondit avec un sourire timide mais sincère. Si Near l’avait désenchanté, alors cette orpheline, elle, l’enchantait. Elle semblait si pure et innocente, comme si elle s’était crée une bulle magique de protection contre les idées noires. Alors, les yeux se remplissant petit à petit d’un soulagement indescriptible, il soupira gentiment d’aise.

-"Je peux vous y conduire, ce n’est pas loin. Au fait, je me nomme Snow."

Couvant la dite Snow de ses yeux bleutés remplis d’attendrissement, il se demanda alors : pourquoi Snow ? Elle n’avait rien de froid, ni d’austère. Elle aurait du s’appeler Sunshine tiens. Non, non, Sunshine ça faisait trop bling bling, va y que tu me regardes et que j’ai un pseudo qui flash. Snow, c’était humble et discret, rien de bien frappant, juste simple et court. Hochant à nouveau la tête, Tears lui fit comprendre qu’il acceptait son aide. Evidement qu’il acceptait son aide et dieu soit loué qu’elle l’ait proposé. La petit fit une courbette des plus gracieuses et se saisit de la main du tout jeune surveillant. Oh, elle avait une petite main toute chaude qui paraissait si minuscule et qui n’avait pas la force de tirer grand-chose. Mais il se laissa faussement entrainé, le cœur réchauffé, passant de la Sibérie aux Iles Canaris. Perdu dans quelques pensées vagabondes, il ne remarqua pas le silence.

-"Qu’est-ce qui vous amène ici ? Etes-vous professeur ?"

Tears cligna vaguement des yeux. Ah oui, enfin non, enfin presque. Enfin quelqu’un qui parlait, qui sentait quand le silence pouvait devenir gênant et qui s’intéressait un minimum à l’autre. Même si ces questions étaient plus faites pour combler un vide que pour autre chose. Néanmoins, ça faisait plaisir. Même si les réponses importaient sûrement peu à Snow, l’attention qu’elle lui donnait le touchait plus qu’elle ne pouvait l’imaginer. C’est mignon les enfants. Ou plutôt, c’est gai, innocent et sans cœur. Ainsi, Tears était un grand enfant. La seule chose qu’il avait peut être gagnée en grandissant, c’était un cœur. Chose qui était plus un fardeau qu’autre chose. Parfois, il se disait qu’il aurait aimé rester enfant à jamais, ne se soucier de rien, voir tout avec de grands yeux ignorants, le visage vierge de tous rictus maléfiques, pas d’idée corrompues pleins la tête.
La main tremblante, le visage encore un peu indécis, il marchait à petit pas derrière la jeune demoiselle.

-"… Heu, je suis le nouveau surveillant… je m’appelle Tears…"

En peu de temps, ils arrivèrent au point de départ du surveillant. L’entrée. Oui, bon, ils sont où les bureaux ? Interrogeant Snow des yeux, il remarqua que ses livres lui lacéraient les bras, entrainant la frêle enfant vers le sol comme le plus lourd des boulets. Inquiet, le surveillant tendit sa main libre vers les livres énormes.

-"… Tu veux… que je les porte ?"

Son visage était aimable et traduisait ses bonnes intentions en intégralité. Allez petite, donne moi ce poids qui te fais souffrir. La main tendue du jeune adulte avait beau être hésitante, elle était fiable. Rongé par l’anxiété, un peu trop fine, mais solide. Dehors, il faisait beau. Comme pendant la majorité des jours d’août. Et pendant ce temps, cette donzelle restait enfermée dans la bibliothèque à dégoter des livres plus lourds qu’elle ? C’était quelque peu déprimant. Mais bon, chacun ses goûts, ses passions, sa vie. Surtout sa vie.

-"Tears... C'est beau, c’est doux mais c'est triste... Mais les larmes de joie sont les plus belles que l’on puisse offrir à ses proches. C’est timide, c’est poétique et c’est agréable à prononcer. Surveillant ? J’espère que vous vous ferez vite à l’orphelinat. C’est plutôt tranquille comme lieu de vie… Enfin si on oublie les quelques élèves turbulents… Je suis contente de vous avoir rencontré. J’espère que… Mmm, pardon, je parle trop."

Il la regardait, le sourire timide accroché aux lèvres. Le surveillant était rassuré de voir qu’il pouvait y avoir des enfants normales ici. Peut-être la petite Snow lui rappelait-elle sa propre enfance même si elle était certainement plus maligne et réaliste que lui à son âge. Quoique, qu’est ce qu’il en savait ? Une chose était sur, il était content, lui aussi, de l’avoir rencontré. C’était là quelqu’un d’humain qu’il pourrait venir voir, pour papoter de tout, de rien, du temps, d’eux, de ça… au cas où la douceur et l’humanité se mettaient à lui manquer. Espérons que cela n’arrivera jamais. Tears, flatté par les compliments de jeune demoiselle, c’en retrouva presque gêné. Il ne s’attendait pas à ce qu’on prenne son pseudonyme comme ça, même si, à la base, c’était comme ça qu’il fallait le prendre. Ben oui, c’est triste ou plutôt… non, c’était émouvant. Un beau sourire, même avec les yeux couverts de larmes, n’était jamais triste.
Ses yeux glissèrent sur quelques marques, certes peu visible, mais cependant bien présentes, qui poinçonnaient le bras de la demoiselle. Tears déglutit maladroitement devant la découverte que, non, le monde n’était pas tout rose, et le plus souvent, c’est les gens bien qui en pâtissaient. Son regard devint lourd et remplie de quelques mœurs moroses. C’est pas vrai… mon dieu, pourquoi ? Il examina le visage de la petite et, visiblement, non, il ne comprenait pas. C’était peut-être des chutes, des maladresses parce qu’il ne pouvait pas comprendre comment un humain, doté de chair d’homme, puisse infliger quelconques maux à un visage si pétri de grâce et d’innocence. Une petite main vint se caller dans la sienne, en douceur, et l’emmena vers l’avant. Il serra les livres contre son torse plat et la suivit, un peu hagard et lent.

-"Certains orphelins peuvent paraître étranges je pense, mais dans le fond, on a tous un passé différent et on a tous souffert à notre manière, ou presque. Je pense que vous ne devez pas vous inquiéter de la réaction de certains des enfants."

Eh bien, voilà qui était clair. Alors c’était vraiment un humain, fait d’os et de muscles, armé d’un cœur, d’yeux et de conscience qui lui avait fait ça ? Il sentait bien que dans cet orphelinat, il ne pourrait jamais, grand dieu jamais, se plaindre d’être le plus malheureux du monde. Il fallait dire qu’il ne l’était pas, mais ici, le fait était que même s’il le voulait, il n’en avait pas le droit.
Au fond, le conseil de Snow était surement à exercer. Alors pourquoi son cœur se serrait devant la froideur de Near, les marques de Snow et devant l’idée que le défilé de malheur n’était pas fini… ? Jusque là, personne ne semblait vouloir clamer sa souffrance, ils n’étaient pas orgueilleux à ce point. Personne ne pouvait ouvertement déclarer ses malheurs sous peine que la moitié de l’orphelinat lui dise "… On a subi pire, alors s’il te plait, ta gueule."
Ils arrivèrent devant une porte dont l’écriteau en indiquait la fonction. Et maintenant ? Il savait que, dans l’ordre logique des choses, il devait lui rendre ses livres, la remerciait et entrer. Pourtant, l’envie n’y était pas. Mais voilà que la porte s’ouvrit sans douceur et qu’une dame, grande et effroyablement belle se trouva face à lui. Ha… he… beh ? Il cligna des yeux un instant, ça devait être un professeur, quelque chose comme ça non ? Rien que son aura dégageait d’une autorité sans précédant.

-"Vous êtes qui, vous ?"

Ah, pas que son aura apparemment. Il se raidit soudainement, comme s’il devait faire un garde à vous, sentant que s’il ne sortait pas une réponse qui arrangeait la jeune femme, c’en était fini de lui. Et pourtant, n’était-ce pas un sourire bienveillant sur son visage pâle là ? Ha, mais il ne lui était pas adressé. Bon, il fallait qu’il assure, parce que si le premier collègue qu’il rencontrait se formait une sale opinion de lui, il n’allait jamais s’en sortir. La mine encore un peu surprise, il n’eut pas le temps de réfléchir des masses qu’il se mit à bredouiller :

-"Ha, heu, ben, je suis… surveillant. Nouveau, heu, le nouveau…"

Ciel, plus de professionnalisme, que diable ! Il serra la petite main de Snow dans la sienne, comme pour se donner du courage.

-"J’aimerai connaître mes fonctions…"

Ah bien du coup, on oublie la politesse, les présentations réciproques et tout… ça faisait partie de la maladresse de Tears. Ha ben oui, du travail ma p’tite dame. Il se crispa, fermant un œil comme si sa réplique devait provoquer quelconques chutes, coups ou répliques sèches.

-"… Si ça ne vous dérange pas… Madame… heu… ?"

Au moins, il donnait l’image du gentil surveillant là, comme ça, avec la petite Snow au creux de la main et deux énormes livres de contes serrés contre lui. Cependant, la gentillesse n’était peut-être pas ce qui était le plus demandé en ce métier.