Sujet: Souris et rat de bibliothèque. [Snow] Lun 19 Déc - 0:59
La casquette enfoncée sur le crâne, le coin des lèvres soumis à l’attraction terrestre, l’œil vide. Une démarche traînante, une aura de répression, un balai à la main. A son passage, quelques orphelins font mine d’avoir oublié quelque chose dans leur chambre, s’y enfermant pour y remettre un peu d’ordre, au cas où Playmobil décide d’aller y jeter un coup d’œil. Quoiqu’on en dise, on a un peu peur de lui. Il n’est qu’un homme d’entretien, et n’a, du coup, aucune autorité sur les pensionnaires ; néanmoins, il y a ces origines mauresques qui font automatiquement froid dans le dos. Il n’est pas docile, le bougre. Il a beau tout nettoyé, il ficherait presque le chaos partout où il passe. Car c’est un classique chez lui, de tout mettre sans dessus dessous dans les pièces mal rangées, afin d’inciter violemment son propriétaire à la remettre en ordre.
Mais là, ce ne sont pas les chambrées dont il doit s’occuper. Abbey, on ne peut plus occupée, l’avait envoyé faire les poussières dans la bibliothèque. Autant dire qu’il n’était pas souvent affecté à cet endroit. C’était toujours la vieille ménagère qui s’en chargeait, à cause de sa passion pour la culture et les ouvrages. On ne pouvait pas lui en vouloir, la bibliothèque de la Wammy’s House était l’une des mieux fournies de l’Angleterre. Enfin, c’est ce qu’on disait. Tout ça lui passait par-dessus la tête, à Playmobil, malgré sa grande taille. Ne possédant pas une grande connaissance de la langue anglaise, il ne lisait plus du tout. Quelques fois, il osait demander à un jeune ou à sa supérieure hiérarchique qu’on lui lise le journal. Juste un peu. Sinon, il ne lisait plus rien. Il n’y avait aucun livre en arabe, ici. Peur qu’on y dissimule des explosifs ? Peut-être.
A cette pensée –car oui, Playmobil pensait beaucoup quand il déambulait dans les couloirs-, il lâcha un grognement, alors qu’une demoiselle passait à sa proximité. Se croyant visée, elle ouvrit de grands yeux, comme si elle s’était trouvée en face de Pedobear, ou de Saddam Hussein, et s’éloigna. C’est à peine si l’homme la remarqua. Il était à présent trop habitué au périmètre de sécurité que les jeunes avaient établi autour de lui. Bah, ça ne le peinait pas plus que ça. Ça n’est pas comme s’il était intéressé par tous ces morveux qui se croyaient tout permis à cause de leur Q.I. hors du commun. Non, vraiment, il était ici pour gagner sa vie et se retrouver aux Etats-Unis le plus vite possible. A moins qu’on ne lui ordonne de retourner chez lui entre temps. Pour l’instant, il n’avait plus aucun contact. Il n’était plus que Playmobil, l’homme à tout faire.
Il traîna donc des pieds jusqu’à la bibliothèque. Elle était immense. Il faillit rebrousser chemin, à la manière des adolescents, mais entendait déjà le rire moqueur d’Abbey ou d’un autre adulte amusé par cette candeur qui lui allait si mal. Il resta néanmoins figé sur le pas de la porte, à dévisager ces milliers de livres incompréhensibles pour lui. Prenant son courage à deux mains, il s’avança finalement. Pénétrant les rayons comme on franchirait la lisière d’une jungle hostile, il leva les yeux vers le sommet des rayonnages. Il avait remarqué la présence de pas mal de jeunes gens, toutefois, il n’y avait aucun bruit. Seulement le son des pages que l’on tournait consciencieusement, ou le vrombissement des ordinateurs derniers cris. C’était donc ça, la bibliothèque. Au moins, les enfants n’y faisaient pas de bêtises, à première vue. A première vue seulement. Playmobil n’était pas au bout de ses surprises.
Il s’engagea dans un nouveau couloir muré d’ouvrages. Aussitôt, des bruits de souliers d’enfant précipité résonnèrent au bout du rayon. Un gamin venait de s’enfuir à son arrivée. L’homme venu du Moyen-Orient avait juste eu le temps de voir le fugitif enfoncer un livre dans une étagère. Abandonnant l’idée de le poursuivre, il se hâta de recueillir l’ouvrage coupable. Presque plié en deux, il inspectait avec une moue de dromadaire les rangées interminables. Celui-ci n’était pas aligné avec les autres. C’était un gros livre, à la couverture rouge de la tentation. Il n’y avait aucune indication sur la tranche. Comme s’il s’était agi d’un roman pestiféré, il le saisit entre deux de ses longs doigts et le porta à son regard charbonneux. Le titre n’était qu’un unique mot, mais ne lui disait absolument rien. Ça ne ressemblait même pas à de l’anglais. Machinalement, à la recherche de l’identité de l’auteur certainement, il l’ouvrit et le feuilleta en vitesse.
Son visage se décomposa au fur et à mesure. Ses yeux s’écarquillèrent tellement que ses épais sourcils rehaussés menacèrent de faire glisser sa casquette. Il était figé, au milieu de l’allée. La stupeur laissa bien vite la place au dégoût, à mesure que les images pornographiques défilaient sous son regard ébahi. Avait-on glissé ce livre du diable dans les étalages ? La perversité adolescente n’avait-elle donc aucune limite ? Bien décidé à retrouver le trublion, Playmobil referma violemment le livre licencieux, tandis qu’une silhouette se dessinait en face de lui. Comme s’il était pris en flagrant délit de voyeurisme, il resserra les doigts autour du bouquin, dans l’espoir de le désintégrer par la seule force de ses mains, et dévisagea la nouvelle venue. Silhouette gracile, épais cheveux blonds attrayants, et robe bien trop au-dessus du mince genou. Aucun doute sur son identité. Oui, c’était en accumulant ce genre de détails peu avenants pour lui que Playmobil retenait le pseudonyme de certains orphelins.
-« Je t’ai déjà dit de ne pas porter de jupe aussi courte, Snow. » souffla-t-il en fronçant les sourcils, ramenant la visière de sa casquette sur ses yeux, pour ne pas être témoin du spectacle qu’offraient ses jolies jambes.
Soudain, quelques liens se firent dans son encéphale aux capacités limitées. Cette demoiselle, qu’il avait crue pure et saine d’esprit, venait tout juste de se trouver un petit copain muni d’horribles cheveux verts artificiels. Il ne faisait nul doute que les deux jeunes gens étaient susceptibles de se prêter à des activités douteuses. De ce fait, il était tout à fait possible qu’elle soit la responsable de cet abominable livre en ce lieu qui lui paraissait respectable. Oui, son mode de raisonnement laissait à désirer. On ne le changeait pas si facilement que ça. Il tendit l’objet pernicieux vers la demoiselle, et, de la suspicion coulant de ses yeux comme glisseraient des larmes, il demanda :
Sujet: Re: Souris et rat de bibliothèque. [Snow] Lun 19 Déc - 10:42
} You work all your life, for that moment in time It could come or pass you by it's a push shove world But there's always a chance if the hunger stays the night {
Y avait-il un lieu en ce monde qu’elle aimait plus que la bibliothèque ? Certainement pas ; cette pièce était son havre de paix depuis sa plus tendre enfance. Déjà toute petite, tenant à peine sur ses frêles gambettes, elle grimpait sur les fauteuils et les meubles pour atteindre les rayons chargés de livres que possédaient ses parents, irrésistiblement attirée par les symboles, les mots, les phrases qui dansaient devant ses yeux, dans l’intimité d’une unité qu’elle ne pouvait pas comprendre. Du moment où sa mère s’en était aperçu, la fillette avait eu l’immense honneur d’apprendre à lire ; et le Cp n’était pas la classe où elle devait aller, elle était encore bien trop jeune ; comme tous les enfants, elle avait commencé par des livres illustrés présentant les animaux de la ferme, différents métiers ; et puis il y avait eu Ratus, Mina, Hector et tous les autres… Les contes, fabuleux écrits, vieux comme le monde…. Des romans, des essais, des poèmes…. Des BDs, des Mangas… Et puis elle avait découvert les fabuleuses encyclopédies, cloitrée qu’elle était dans sa maison… Avant la mort de sa douce mère. La suite n’était que violence et sombre histoire de famille. Il ne fallait pas s’en souvenir ; c’était bien trop douloureux.
La bibliothèque était immense, silencieuse et, chose curieuse aujourd’hui, assez fréquentée. Ne s’arrêtant pas à ce détail, elle se dirigea automatiquement vers le bibliothécaire, échangeant avec lui deux, trois mots amicaux et discrets tout en lui rendant son dernier emprunt ; elle lui proposa ensuite de le ranger elle-même et il l’y autorisa sans plus de manières, sachant parfaitement qu’avec sa mémoire, elle reposerait l’ouvrage exactement à l’endroit où elle l’avait trouvé. Évidemment, personne n’aurait pu savoir que la rencontre qui allait suivre risquait d’être légèrement électrique. S’engageant dans une première allée, caressant au passage les tranches finement reliées, parfois un peu abimées à force d’avoir servies, elle finit par se trouver dans le bon couloir littéraire d’où un orphelin qu’elle n’eut pas le temps d’identifier s’enfuyait. Elle regarda sa course précipitée avec curiosité et incompréhension, l’envie de lui rappeler qu’il était interdit de courir ici lui mordant les lèvres. Mais il était déjà loin et une autre personne l’avait interpelée sur la longueur de sa jupe ; elle n’avait même pas besoin de voir l’homme pour savoir qui s’adressait à elle mais, courtoise et bien éduquée, elle lui fit face, lui accordant toute son attention de jeune fille, ses yeux limpides se plantant dans les siens. Ceux qui ne la connaissaient pas aurait pu prendre ce geste pour de la provocation pourtant il ne découlait que d’une vieille politesse qui voulait qu’on regarde son interlocuteur dans les yeux lors d’un échange.
Passant outre son commentaire, elle attrapa les coins de sa jupe plissée et le salua, à la manière des dames d’autrefois. Après tout, sa défunte famille ne descendait-elle pas d’aristocrates proches de la reine ? Mais, qu’importaient ses lointaines origines ? Ici elle n’était que Snow, le rat de bibliothèque et elle venait simplement rangée le dernier livre qu’elle avait emprunté. D’ailleurs, en parlant de livre, il ne lui semblait pas avoir déjà vu l’homme d’entretien flâner ici, surtout pas avec un livre dans la main… Surtout un livre qu’elle ne connaissait pas, qu’elle ne semblait jamais avoir vu et qui ne devait sans doute pas ce ranger ici. Elle fronça un sourcil sceptique puis elle remarqua que le regard de Playmobil venait de changer, passant du noir désintéressé habituel à de la suspicion. Là, elle avait du mal à comprendre le problème ; que sa jupe soit trop courte pour ce pauvre homme trop prude, elle pouvait le comprendre ; que son décolleté le dérange, aussi. Mais toute une histoire pour un livre qu’elle ne connaissait pas, ça la laissait un peu perplexe. Quelle preuve avait-il, d’ailleurs, de sa culpabilité dans cette affaire ? A chacune de leur rencontre, il fallait qu’il fasse ressortir tous les mauvais côtés qu’elle essayait de dissimuler habituellement, presque inconsciemment. Elle haussa les épaules, le bleu de ses yeux toujours planter dans le noir des siens, s’approchant tranquillement de sa démarche légère pour ranger son livre qui, oh surprise ! Allait à la place de celui que Playmo’ venait de retirer, sans le quitter des yeux puis, par curiosité elle observa la couverture rouge passion et lu le simple mot de la couverture. Une énorme envie de rire la pris mais elle se contint, se contentant simplement d’un sourire en coin devant son ignorance ; comment un adulte, un homme de son âge surtout, pouvait-il être ignorant à ce point ? Quelle était la limite à sa pudeur, à sa candeur ? Il devait réellement désenchanter dans cette orphelinat, où toutes les classes, toutes les origines, toutes les éducations se côtoyaient. Lui prenant doucement le livre des mains – de peur qu’il ne le fasse malencontreusement tomber – elle l’observa un court instant avant de déclarer, sérieuse.
« Ce livre ne va pas ici… » Elle tapota un coin de la couverture où rien ne se trouvait « …Il n’appartient même pas à la bibliothèque de l’orphelinat, il manque l’étiquette d’emprunt. Mais je suis heureuse de voir que tu t’intéresses à la littérature, même si celle-ci est un peu… Spécial. »
Avec Playmobil, elle n’avait employé le vous qu’à leur première rencontre. Maintenant, c’était le tu. Pas parce qu’elle le snobait, loin, très loin d’elle cette idée, mais parce que le vous ne correspondait pas à l’homme qu’elle avait en face d’elle. Ce qui ne signifiait pas qu’elle ne mettait pas le respect accordé aux adultes dans le « tu » employé. Poussant le jeu un peu plus loin, la tapota la couverture et remarqua, légèrement taquine.
« Il était temps que tu commences à t’intéresser à ces choses là ; tu devrais quand même assumer plutôt que de rejeter la faute sur une pauvre orpheline innocente. » Elle grimaça comme si elle se sentait triste qu’il ait pu penser une telle chose à son encontre puis continua « Enfin, je suppose que c’est l’orphelinat qui commence déjà à te déteindre dessus. C’est presque dommage, ta candeur te rendait un peu unique, un peu spécial, parmi tous les Adults qui nous entourent… »
Et le pire dans l’histoire, c’est qu’elle était sérieuse. Le taquiner amicalement était devenu une manière de se défendre contre ses idées arrêtées et vieillottes. Lui montrant alors le volume de nouveau, un sourire entendu aux lèvres, elle donna un grand coup pour enfoncer le clou.
« Alors dis-moi, quelle est l’heureuse élue qui va profiter de tout le nouveau savoir que tu viens d’acquérir ?! »
Invité
Sujet: Re: Souris et rat de bibliothèque. [Snow] Sam 24 Déc - 0:03
Il avait bien cru qu’elle ne le prendrait jamais, ce bouquin ! Comme s’il allait lui brûler la paume de la main, il l’avait tenu du bout des doigts. Et semblait avoir repris sa respiration, lorsqu’elle l’avait inspectée. Ou pas d’ailleurs. Car, en osant affronter sa silhouette du regard, il s’était rendu compte que sa gorge laiteuse était à découvert. S’il avait été davantage cultivé, il aurait eu l’occasion de replacer cette citation de Molière « Cachez ce sein que je ne saurais voir ». Malheureusement pour lui, il n’avait lu que très peu de livre, et devait donc se contenter de détourner le regard, le temps que Snow détermine l’origine du bouquin. Pourquoi cela prenait-il toujours ce genre de tournure avec elle ?
Rien qu’à leur première rencontre, il avait tout d’abord remarqué ses tenues affriolées. S’il savait en plus qu’elle n’était pas la plus lubrique de toutes, loin de là ! Mais, apparemment, elle avait bien vite cerné l’homme –ce qui n’était pas une tache difficile- et avait décidé de jouer un peu avec ses nerfs. Cette première fois, donc, Playmobil venait d’être engagé comme homme de ménage. A l’époque, il ne faisait absolument rien pour remplir ce rôle, si bien qu’Abbey devait éperdument tout faire toute seule. Toutefois, il se fit réprimander bien rapidement. Entre temps, il avait passé la plupart de ses journées à errer dans les couloirs, comme une âme en peine s’il n’avait pas été de si mauvais poil. Il était alors assis par terre, adossé au mur, jouant avec ses longs droits qu’il tordait et faisait craquer dans tous les sens. Quelques fois, un orphelin passait devant lui ; il observait donc ses jambes, et ses chaussures. Juste comme ça, parce qu’il n’avait rien à faire, et qu’il ne voulait surtout rien faire. Lorsqu’une démarche ralentissait en arrivant à sa hauteur, il levait les yeux, ombrageux et plein d’orage. Il n’osait pas encore ouvrir la bouche, de peur de mal s’exprimer. Il se contentait donc de faire gronder sa gorge. De toutes manières, dès que l’enfant apercevait les parcelles sombres de la peau de ses mains ou de sa mâchoire, il avait une pensée pour 2001 et s’éloignait, sans rien dire, priant certainement qu’un attentat ne se produise pas dans l’orphelinat.
Une seule paire de jambe, à son souvenir, n’avait pas bougé, et s’était plantée juste en face de lui. Une paire de chaussures noires et vernies, des chaussettes blanches et éclatantes, des mollets nus, des genoux nus, des cuisses recouvertes chastement d’une jupe bleue vaporeuse. Il avait vraiment eu l’air d’un pervers qui déshabillait du regard une pure demoiselle. Oh, loin de lui ce genre de pensées obscènes, au contraire ! Il aurait eu tôt fait de la blâmer de tous les noms, s’il avait été dans son pays. Et pourtant, il ne la congédia d’aucun grondement. Il avait essayé, pourtant. Elle ne bougeait pas. Apparemment, elle avait compris qu’il risquait d’être ici pour un bout de temps, et qu’il fallait autant lui laisser une bonne impression. En vain, mais chut.
-« T’es qui, toi ? » -« Je m’appelle Snow, enchantée. Et vous ? »
Il ne manquait plus que ça ; qu’il se mette à se rappeler ses premiers pas ici. Comme si cela pouvait l’émouvoir d’une quelconque façon. Oh, il n’était pas démuni de cœur, non, il était juste trop stupide pour savoir comment s’en servir. Et puis, Snow avait eu tôt fait d’être familière avec lui. D’un côté, ça l’arrangeait bien, car Playmobil était vraiment aussi doué qu’une huître, en ce qui concernait les convenances. Toutefois, le petit jeu dans lequel elle décida de les embarquer ne lui arracha pas un seul sourire. Il avait ouvert des yeux grands comme des soucoupes lorsqu’elle avait insinué qu’il s’intéressait à ce genre de littérature.
-« Il était temps que tu commences à t’intéresser à ces choses là ; tu devrais quand même assumer plutôt que de rejeter la faute sur une pauvre orpheline innocente. Enfin, je suppose que c’est l’orphelinat qui commence déjà à te déteindre dessus. C’est presque dommage, ta candeur te rendait un peu unique, un peu spécial, parmi tous les Adults qui nous entourent … »
Ses lèvres s’affolèrent autour des mots et des phrases qu’il peinait à former, tant la prostration était grande. Lui, assumer ? Elle, une orpheline innocente ? Lui, candide ? Qu’est-ce que signifiait ce ramassis de bêtises ? Prétendait-elle qu’il avait dans l’espoir de forniquer, à tel point qu’il se renseignait ardemment auprès des livres ? Ce n’était que pure foutaise !
-« Je ne te permets pas de porter des jugements trop hâtifs sur mes agissements, demoiselle ! Jamais je ne lirai ça ! Ce sont cochonneries ! »
Arg, il s’était raté dans sa dernière proposition ! Dommage, il avait jusque là fait un effort de construction syntaxique et de vocabulaire. Peu importait. Il ne voulait surtout pas qu’elle croit ça. Snow s’empressa tout de même de rajouter une couche, en lui demandant qui était la femme qui allait bénéficier de son nouveau savoir. Bon, au moins, elle avait pris soin de mettre le sujet au féminin. Il ne manquait plus qu’on le soupçonne d’être de l’autre bord. Ce serait la fin de sa réputation d’homme de foi. Il avait la chance, contrairement à Panzer, que l’on reconnaisse sa virilité, héhé. En réponse, il lui arracha tout d’abord le volume des mains, estimant qu’une jeune fille, aussi vicieuse soit-elle, ne devait pas avoir en sa possession une telle immondice. Il allait devoir le brûler au plus vite, sans que cela ne paraisse trop louche.
-« Et puis, il n’y a aucune heureuse élue ! Pourquoi devrais-je me rabaisser à votre niveau ? Je ne comprends pas votre obsession pour ces … obscénités. » protesta-t-il, la tranche du livre entre deux doigts, les sourcils s’agitant dans tous les sens, outré.
Désormais convaincu que c’était elle qui avait déposé le livre ici –par on ne sait quel raisonnement douteux-, il s’approcha d’elle, lui saisit le bras sans grande douceur, et voulut l’entraîner hors de la bibliothèque. Quelques regards effrayés arrivèrent jusqu’à eux, si bien que Playmobil dût se résigner à la pousser vaguement hors des rayonnages.
-« Ça te dirait d’aller t’expliquer à la femme de la bibliothèque ce que tu mets dans les étagères, hein ? » demanda-t-il d’une voix rauque et faussement menaçante.
[Playmobil en mode pedobear, mon Dieu, fuyez pauvres fous !]
Sujet: Re: Souris et rat de bibliothèque. [Snow] Sam 24 Déc - 12:53
} Les souvenirs se voilent Ca fait comme une éclipse Une nuit pleine d'étoiles sur le port de Tunis {
Ah ! Finalement non, il semblerait qu’il ne se soit toujours pas décidé à s’intéresser un peu à la chose ; mais à quelle époque vivait-il encore ? Il serait agréable d’arriver à inculquer un esprit un peu plus ouvert à cet homme, à la fin. Ca devenait presque irréelle cette histoire. Snow ne se formalisa pas de sa réaction ni même de son regard noir ; elle avait l’habitude, c’était le même regard depuis la première fois où elle l’avait croisé, le même. D’un noir intense qui semblait contenir de la colère et toute la haine du monde ; d’un certains côté, cette haine lui faisait penser à une douleur sourde, muette, que l’on cache sous couvert d’autre chose. Car, comme toutes les personnes coincées entre ces quatre murs, il souffrait d’une blessure que lui seul pouvait connaître. Et ce n’était absolument pas la pitié qui l’avait guidée à s’intéresser à lui, non, c’était sa curiosité, une simple curiosité, de celle qui fait mal lorsqu’elle n’est pas maîtrisée. Mais à chaque fois qu’elle tentait une pointe d’humour, il sortait de ses gonds, montaient sur ses grands chevaux et elle ne pouvait plus rien tirer de lui ; oui, décidément, cet homme était bornée : il campait sur ses positions sans avancer. Parfois même elle le sentait reculer. Plus d’un se serait amusé de ce genre de réaction, aurait poussé très loin le vice. Mais elle s’arrangeait toujours pour rester au bord du précipice. Elle savait de quoi était capable un homme que l’on poussait à bout ; elle en avait déjà fait les frais. Alors, elle dansait en équilibre sur la corde raide, le provocant sans jamais atteindre la zone qui l’intéressait. Et toujours leurs rencontres finissaient en affrontement. Elle détestait se brouiller avec les autres, avaient toujours fait des efforts pour entretenir de bonne relation. Mais avec lui, c’était compliqué. Pourtant, elle était loin de le détester, loin de vouloir lui faire du mal comme d’autre ; elle voulait juste comprendre.
Le souvenir de leur première rencontre était encore vif dans sa mémoire ; elle avait l’impression qu’elle ne datait que d’hier. Elle voyait encore la silhouette prostrée dans un coin de couloir, inconnue, que les orphelins ignoraient voire fuyaient ; elle aurait très bien pu faire comme eux mais ça ne lui était pas naturel. Elle s’était approchée mais n’avais pas osé engager la conversation. Peut-être cet homme avait-il besoin d’un peu de solitude ? Mais quand elle avait croisé son regard, elle avait répondu par la négative. Comment deux iris pouvaient-elles être si sombre ? Renfermés tant de haine ? Alors il avait parlé. Elle sentait l’effort que ça lui demandait et l’accent d’une langue dont elle ignorait tout ; naturellement elle avait répondu en saluant, attrapant les coins de sa jupe, pliant les genoux selon l’ancienne étiquette. Puis elle avait joint les mains sur le vêtement dans une position sereine d’écoute. Ce qu’il pouvait penser d’elle n’avait pas d’importance ; que sa tenue un peu courte jure avec son visage innocent aussi. Et elle avait voulu comprendre ; comprendre ce qui se cachait derrière ces deux iris noir comme de l’onyx et tranchant comme la lame d’une épée. Plonger dans leur intensité était comme se jeter dans un abime sans fond, se laisser tomber dans l’amer ressentiment d’une vie de secret et de faux-semblant. Le reste de leur échange n’avait pas d’importance ; ces yeux l’avaient marquée au fer rouge : il fallait qu’elle connaisse leur secret.
Et c’était les mêmes qu’elle voyait alors, la colère y brillait qu’elle ait pu penser seulement qu’il s’intéressa à ce genre de littérature osée. Mais où était le mal ? Ne pouvait-il pas comprendre qu’ici, ce genre de chose n’avait pas d’importance ? Il fallait qu’il apprenne à se détacher du regard des autres, de leurs pensées. Il fallait qu’il soit lui, élément isolé plongée dans la masse. D’ailleurs il aurait pu être gay ça n’aurait rien changé. Mais le sachant guindé et profondément religieux cette idée n’avait même pas effleuré son esprit de midinette. Il lui arracha – littéralement – le livre des mains et elle ne résista pas. De toute manière elle n’en avait pas la force. C’est comme si une termite voulait soulever un éléphant ! Dans tous les cas, il était marrant de le voir à ce point outré pour quelques mots et un simple livre. Un livre qui avait tout de même un millénaire d’histoire à travers le temps ! D’ailleurs elle ne se gêna pas pour le lui faire remarquer alors qu’il la poussait sans ménagement dans les rayons pour qu’elle aille s’expliquer avec le bibliothécaire. A moins que ce ne soit à Abbey, sa supérieure, qu’il ne veuille la confier. Mais Snow prenait soin des livres comme de la prunelle de ses yeux, la vieille femme et elle ne pouvait que s’entendre. Donc, elle n’avait pas de soucis à se faire.
« Tu sais, le Kamasutra est un livre religieux ; il compile de nombreux savoirs oraux hindoux sur l’apprentissage de l’amour et l’art de la séduction. Il rappelle les règles fondamentales que doivent respecter deux époux l’un envers l’autres et tente de leur enseigner de nouvelles manières d’enfanter dans la joie et la bonne humeur. »
Elle marqua une pause le temps qu’il enregistre les informations, lui lançant un regard appuyé avant de reprendre.
« Après tout, n’importe quelle espèce doit procréer pour survivre ! Est-ce que les singes se posent la question de savoir si ce genre d’acte est obscène ? Non, ils se reproduisent pour faire survivre leur espèce. Il n’y a vraiment que les Hommes pour se cacher derrière la religion en décrétant que ses actes son ignominieux ! »
Et pour enfoncer le clou elle rajouta :
« C’est stupide, ces règles vont à l’encontre de la nature. Elles n’ont été inventées que pour mieux nous contrôler. Il faut s’en détacher et être libre d’agir comme on l’entend. »
Avec un peu de chance, il retiendrait quelque chose de tous ces faits ; mais, elle était persuadée qu’il avait fait l’âne et qu’il ne l’avait pas écoutée. Ils étaient arrivés là où Playmobil voulait l’emmener et, avant même qu’il n’est le temps de dire quoi que ce soit au bibliothécaire – ou à abbey, je ne sais pas – elle annonça calmement.
« Monsieur Playmobil a trouvé un livre qui ne va pas dans la bibliothèque et qui l’a légèrement choqué. Il est persuadé que je l’ai rangée là sauf que ce livre ne m’appartient en aucune façon. Il serait donc aimable à vous de vous charger de cette œuvre qui a traversé les âges et à bénéficier d’une mauvaise réputation auprès de cet homme. »
Le ton était poli, loin de la condescendance. Elle avait juste énuméré les faits comme elle les voyait. Il n’y a jamais qu’une seule vérité : il y en a une pour chaque personne en ce monde. Maintenant, ce n’était plus de son ressort mais de celui d’autorités plus compétentes. Elle n’était qu’une orpheline ici, ce n’était pas à elle de décider de sa culpabilité.
Invité
Sujet: Re: Souris et rat de bibliothèque. [Snow] Lun 26 Déc - 11:50
S’il y avait bien une chose qui s’ajoutait à la liste de tout ce que Playmobil ne supportait pas, c’était le fait qu’un orphelin se justifie en permanence quand il était apostrophé plus ou moins vigoureusement par un adulte. Peu importe qu’ils soient en tort ou non, ils semblaient ressentir le besoin d’avoir le dernier mot, ce qui était, pour un machiste comme l’arabe, inadmissible, d’autant plus lorsqu’il s’agissait d’une fille. Dans son pays, sa sœur devait quasiment demander l’autorisation pour pouvoir parler. Au départ, cette habitude avait joué des tours à l’homme de ménage, qui semblait débarquer sur une planète inconnue, dès qu’une pensionnaire ouvrait la bouche. Il n’avait pas du tout supporté toutes ses jolies lèvres maquillées, les premiers jours ; si bien qu’il s’était efforcé de détourner la tête, à chaque fois que l’on s’adressait à lui, que ce soit une femme ou une fille d’ailleurs. Heureusement, cette tare s’était amoindrie avec le temps, d’autant plus qu’il passait la majorité de la journée avec Abbey, dont la bouche n’avait plus l’aguichage de la jeunesse. Non, les lèvres de la femme de ménage en chef semblaient être de papyrus, ou de ce papier sur lequel on rédigeait le Coran. Des lèvres qui menaçaient de s’effriter dès qu’elle haussait un peu trop la voix. Ça, au moins, ne dérangeait pas Playmobil. Il pouvait s’estimer heureux de ne pas avoir à être le sous-fifre d’une jeune ménagère bien en chair. Tout portait à croire que c’était l’âge avancé d’Abbey qui lui permettait de rester dans la piètre estime du Pakistanais.
Tout ça pour dire, que ça n’avait rien à voir avec ce que l’étranger pensait de Snow. Cette enfant était, à son goût, bien trop intelligente. A la manière de toutes les autres têtes blondes de la maison. Mais plus particulièrement Snow, car il leur était souvent arrivés de débattre l’un contre l’autre. Bien entendu, la demoiselle s’en sortait toujours mieux que lui. Il en était même venu à admettre indirectement ses défaites en se remettant au travail. En effet, la jeune Alter avait développé inconsciemment le don de venir l’importuner –officiellement, et tenir littéralement compagnie en vérité- lorsqu’il était en plein ménage. Qu’il soit en train de faire la vaisselle, en plein après-midi pendant les cours, ou qu’il change les draps le vendredi soir, et même une fois, alors qu’il sortait les poubelles, un jour où la pluie tombait si fort qu’aucun orphelin n’avait osé sortir. Sauf elle. En y repensant, Playmobil ne gardait pas de mauvais souvenirs de ces moments-là. Au fond, ça n’était pas pour balayer les couloirs qu’il se levait, le matin. C’était pour courser ces sales gosses, envoyer des seaux de javel sur les jeunes couples qui se reluquaient dans un coin, ou même tenter de faire la morale à ces débauchés adolescents. A force de les côtoyer, et malgré les siècles qui semblaient les séparer, Playmobil avait fini de vraiment les maudire. Il ne les portait toujours pas dans son cœur, néanmoins, il commençait à les considérer en tant qu’humain. Et ça, c’était déjà un grand pas en avant, bien qu’il ne semble pas à Snow qu’il fasse beaucoup d’efforts.
-« Tu sais, le Kamasutra est un livre religieux ; il compile de nombreux savoirs oraux hindous sur l’apprentissage de l’amour et l’art de la séduction. Il rappelle les règles fondamentales que doivent respecter deux époux l’un envers l’autres et tente de leur enseigner de nouvelles manières d’enfanter dans la joie et la bonne humeur. » -« Ne me dis pas que vous avez l’intention « d’enfanter » alors que vous êtes à peine majeurs ? » se contenta-t-il de répondre, articulant à peine.
Il s’efforçait de paraître stoïque et immuable face à son intellect. Elle avait même pris le soin de marquer une pause avant de reprendre, consciente qu’il n’accéderait jamais à son Q.I. D’autant plus que Snow faisait partie de la classe alpha, soit les plus doués de l’orphelinat. Bref, Playmobil faisait face à un redoutable adversaire, qui avait l’apparence d’une innocente demoiselle. A cette idée, les muscles de ses mâchoires se crispèrent davantage. Il fronça soudainement les sourcils lorsqu’elle parla de la religion. Evidemment, on ne pouvait pas s’en prendre à lui sans remettre la question de sa foi sur la table d’opération. Il se contenta donc de la mener jusqu’à la bibliothécaire, cette jeune femme a la poitrine abondante. Feignant être absorbé par la contemplation de ses rangers, il laissa Snow s’expliquer auprès de la gérante. Elle se saisit de l’ouvrage, l’observa sous tous ses angles. L’homme à la peau d’ébène sentit son regard compatissant sur lui. Il faillit laisser sa colère prendre le dessus pour de bon, mais il se retint. Ça n’était pas la première fois qu’un orphelin venait plus ou moins se plaindre de lui. De ce fait, elle écouta attentivement le récit de la demoiselle, hochant parfois la tête, la rassura et les congédia amicalement tous les deux, leur intimant de ne pas faire trop de bruit.
L’homme tourna les talons, faisant crisser les semelles cramponnées de ces énormes chaussures contre le parquet lustré de la bibliothèque. A croire que personne n’oserait jamais se ranger dans son camp. Seul contre tous, hein ? On aurait presque envie de le plaindre s’il n’était pas si nonchalant. Il se mit en quête du balai qu’il avait laissé dans le labyrinthe littéraire. Il percevait les petits pas de Snow derrière lui. Elle non plus ne lâchait pas l’affaire, apparemment. Tant mieux, il n’avait aucunement envie de passer son chiffon sur chaque couverture des milliers de livres de la salle. Il réajusta le tissu douteux sur son épaule et s’empara de son balai, sur lequel il s’appuya nonchalamment, jetant un œil à l’Alter à ses côtés.
-« C’est bon, tu es contente ? Tu es parvenue à convaincre un personne que ce livre n’était pas à toi. On réussit beaucoup de choses quand on a de grands yeux et un visage d’enfant, pas vrai ? On ne croirait pas que, tous autant que vous êtes, vous passez votre temps à penser à ce genre de cochoncetés. »
Qu’est-ce qui t’arrive Playmobil, de sortir de longues tirades, comme ça ? Tu ne te sens plus avec la jeune Snow ?
Sujet: Re: Souris et rat de bibliothèque. [Snow] Lun 26 Déc - 13:00
Bon, elle s’en sortait bien et Playmo la connaissait encore très mal ; s’il y avait bien une chose que Snow condamnait plus que tout autre c’était le mensonge. Parfois la vérité faisait plus de mal à entendre mais les conséquences étaient moindre qu’un gros mensonge. Alors, puisqu’elle s’obstinait à lui dire qu’elle n’était qu’une pauvre fille innocente, pourquoi s’acharnait-il à voir le coupable en elle ? C’était injuste, la vie était injuste, mais ça ne l’arrêtait pas pour autant. Elle lui montrerait qu’elle avait les pattes blanches sur cette affaire. Une fois que la bibliothécaire les chassa en leur intimant de faire le minimum de bruit possible, Playmobil se détourna d’elle et reparti dans les allées sans un mot de plus pour la blonde. Elle ne prit pas la peine de réfléchir, elle lui emboita le pas, trottinant presque sur ses talons pour tenter de suivre l’allure nonchalante de ses grandes enjambées mais se taisant cette fois. Elle attendait simplement qu’il engage la conversation ; elle ne pouvait pas toujours prendre cette initiative pour eux deux, n’est-ce pas ? Dès qu’ils furent tranquille, l’homme de ménage son balais dans les mains, ça ne loupa pas : il l’invectiva de nouveau sur sa prétendu innocence. Elle n’avait réussi qu’à l’énerver, dommage. Haussant les épaules, elle planta ses yeux azur dans l’encre des siens et décréta sans prendre de pincettes.
« Pourquoi tout tourne toujours autour du sexe avec toi ? C’est vrai, il y a des millions de sujet de conversation mais c’est toujours celui-là que tu mets sur le tapis. Je veux bien que ça te travaille et qu’il n’y ait pas de tabou sur ce sujet mais quand même ! Ne pourrions-nous pas, pour une fois, tenir une conversation cordiale sur le dernier grand succès sorti au cinéma, ou le dernier livre d’un auteur célèbre qui est niais à en mourir ? Ou que sais-je d’autres encore qui puisse t’intéresser. »
Oui, parce que le Kamasutra c’est bien, mais y a des milliers de livres bien mieux que celui-là dont quelques uns dans les rayons de la bibliothèque de l’orphelinat. Et puis, elle ne savait rien de ce qu’il aimait, alors forcément, leurs conversations finissaient toujours par tourner au règlement de compte. Et comme il passait son temps à se dévaloriser – c’est pas parce qu’on a un QI approchant les 200 qu’on a forcément raison et qu’on doit prendre les adultes de haut – il lui en voulait toujours d’avoir le dernier mot. Après tout elle n’était qu’une blonde avec une mémoire gigantesque et sachant se servir un minimum des quelques pourcents utilisables de son intellect. Pourquoi ne pouvait-il pas la voir comme n’importe quelle adolescente qu’il aurait croisée dans la rue, fan du dernier Justin Bieber ou rêvant de devenir actrice comme Mila Jovovich ? Qui rêvait d’aventure et d’abandonner l’école ? De partir loin avec son chéri pour oublier les querelles familiales ? Parce qu’ils étaient coincés dans un orphelinat pour surdoué ?! De nouveau, l’injustice de cette situation lui mettait une grande claque ; elle n’avait pas quitté l’adulte des yeux, une lueur de reproche dansant au fond de ses prunelles claires. Il y avait trop de pourquoi et pas assez de parce que avec lui. Et pourtant elle s’entêtait à le suivre, à lui parler, à se moquer gentiment, à rire, à essayer de le faire sortir hors-de-lui, à essayer de comprendre ce regard de haine qu’elle avait croisé au détour d’un couloir. Et elle n’abandonnerait pas. Non, il était bon pour la supporter jusqu’à ce qu’elle ait compris, jusqu’à ce qu’elle est découvert quel abominable secret ce cachait derrière cette haine vivace.
Elle détourna les yeux, la peur qu’il puisse lire tout ce qu’elle ressentait au fond de ses iris lui broyant l’estomac. Ce n’était pas sa faute, il n’y pouvait rien. Il fallait détourner l’attention, la conversation et l’emmener sur un terrain plus familier, moins querelleur et dans lequel elle évoluait depuis qu’elle était gamine. Attrapant un livre sur l’étagère la plus proche, elle le feuilleta avec douceur comme s’il était agi d’un enfant chétif et fragile puis elle le reposa en fronçant les sourcils. Ce n’était pas ça qu’il fallait lui mettre entre les mains, l’héroïne ne lui plairait pas. D’ailleurs, elle oubliait presque l’essentiel. Et alors qu’elle attrapait un second livre, plus épais encore que le précédent, elle leva de nouveau les yeux vers lui et demanda. « Qu’aimes-tu lire ? »
Et oui, avec Owan ce n’était pas « aimes-tu lire » comme n’importe qui aurait commencé mais ce qu’il aimait lire qui l’intéressait car ça ne voulait pas rentrer dans sa petite tête de moineau que quelqu’un puisse détester les livres ou en ignorer leur beauté. Mais peut-être la barrière de la langue était-elle trop importante pour lui ? Après tout beaucoup dans les couloirs se moquaient de son fort accent d’orient, de son anglais parfois incorrect. Et alors ? Chacun son temps d’adaptation ! Tout le monde ne pouvait pas être doué pour les langues après tout et puis l’anglais n’était pas aussi simple qu’on voulait le lui faire croire. Ce qui pour elle coulait comme de l’eau de source – elle était bilingue en même temps, quoi de plus facile ?! – n’était pas évident pour tout le monde et elle le comprenait parfaitement. Lui désignant le livre qu’elle serrait à présent contre elle, elle finit par déclarer :
« Tu as déjà lu les contes de Ceylan ? »
Parce qu’elle aimait les comptes d’ici et d’ailleurs, leurs histoires moralisatrices et qu’aujourd’hui on lisait aux enfants sans comprendre que ces fables s’adressaient parfois plus aux grandes personnes… Elle avait vécu dans ces comptes de nombreuses années et ne pouvaient pas facilement s’en détacher ; attrapant le balais qu’il avait dans les mains, elle lui confia le livre un léger sourire aux lèvres, histoire de le taquiner encore un peu.
« Ce sera plus intéressant que le livre qu’on a laissé aux soins de la bibliothécaire ! »
Invité
Sujet: Re: Souris et rat de bibliothèque. [Snow] Mer 4 Jan - 16:07
S’il y avait bien un domaine dont il ne fallait pas parler à Playmobil, c’était celui de la culture. Non pas qu’il était stupide, il connaissait des tas de choses. Mais lesdites choses ne relevaient pas d’un domaine dont on pouvait parler avec une jeune fille, aussi intelligente soit-elle. Des domaines de la vie bien plus sombres, et bien plus lointains, dont certains européens ne se doutaient même pas de l’existence. Là d’où il venait, les jeunes étaient très tôt initiés, non pas au plaisir de la chair, mais à manier les explosifs, et surtout, à prier, en prenant soin de se tourner vers la Mecque. Le Pakistanais n’avait certainement jamais mis les pieds dans un cinéma, et encore moins dans un concert. De ce fait, hormis la musique traditionnelle qui résonnait dans ses oreilles parfois comme une mélodie lointaine de son enfance, il n’écoutait rien. De plus, il ne connaissait rien du monde du cinéma, même pas les plus grandes stars du moment. Lorsqu’il avait été pris sous les ailes déchirées des punks, il avait été initié à la musique de ce genre, mais avait bien failli croire qu’il allait se retrouver sourd pour de bon. Il n’y comprenait rien, et ne voyait surtout pas l’intérêt. L’objectif qu’il s’était autrefois fixé le tourmentait bien trop pour qu’il puisse s’autoriser à se détendre. De ce fait, il minimisait les loisirs, se contentant de demander parfois à Gabriel de lui lire les journaux. Il ne parvenait toujours pas à lire bien longtemps en anglais. Il avait encore le réflexe de parcourir des yeux les phrases de droite à gauche, comme il était coutume de faire chez lui. Tout le ramenait à son pays d’origine, à tel point qu’on pouvait soupçonner qu’il s’agissait d’une excuse pour ne pas s’intégrer.
Il n’avait donc rien répondu à sa première remarque. Il aurait tout donné pour pouvoir baisser la tête, comme il était accordé à tous de le faire. Mais cette fichue dignité l’en empêchait, et Dieu seul sait à quel point l’honneur comptait pour lui. La guerre des regards, c’est ce à quoi il se prêtait le mieux. Oui, il n’hésitait pas à affronter une demoiselle, juste parce qu’elle était plus sagace que lui. Il ne connaissait rien aux adolescents, et encore moins à ceux qui étaient très intelligents. Sans doute aurait-il été davantage blasé en apprenant à vivre avec la jeunesse moyenne d’Angleterre. Toutefois, ici non plus, il n’était pas au bout de ses surprises. Rien que le cas de Snow l’empêchait parfois de dormir –même s’il prenait soin de n’en parler à personne. Ne voyons là aucune romance, juste des milliers de question sur le reste du monde. Comme si, peu à peu, le chemin qu’on lui avait tracé voulait s’effacer, au profit d’un autre, sur lequel les orphelins couraient dans tous les sens. Il ne le savait pas encore mais son séjour prolongé en Angleterre allait lui ouvrir les yeux définitivement, bien que ces derniers persistent à rester sombres et peu avenants.
Il n’avait donc rien dit, une fois encore, et l’avait observée s’agiter devant lui, à la recherche d’un livre. C’était à peine s’il entendait ses questions, pour la simple raison qu’il n’avait rien à répondre, et ne voulait pas passer pour plus inculte encore qu’il ne l’était déjà. On lui avait appris à regarder, à fouiller les gens par le simple biais de ces pupilles. Bien entendu, avec le temps, son espace avait totalement changé. La culture, mais aussi les mœurs n’étaient plus du tout pareils. Si bien qu’il avait dû tout recommencer à zéro. Et puis, il devait faire preuve davantage de discrétion ; en effet, il aurait été on ne peut plus mal vu de la part d’un étranger célibataire endurci, travaillant dans un orphelinat, d’être pris en train de sonder une demoiselle. Ce qu’il faisait à l’instant même. Mais, inconsciemment, il faisait suffisamment confiance à Snow pour savoir qu’elle ne se sentirait pas déshabiller du regard. Non, il n’allait pas jusque là, il était trop chaste. Oui, à 28 ans, on pouvait encore l’être. On pouvait n’avoir aucune pensée obscène lorsque l’on posait ses yeux de charbon sur la délicate silhouette de l’Alter. On pouvait n’avoir aucune pensée obscène lorsque l’on parcourait du regard les courbes un peu trop distinctes sous ses vêtements. On pouvait n’avoir aucune pensée obscène lorsqu’on distinguait entre deux ourlés blonds la peau laiteuse de sa nuque. Oui, on pouvait tout ça, lorsqu’on se faisait appeler Playmobil dans un orphelinat de surdoués. C’était certainement l’une des seules grandes qualités que l’on pourrait lui trouver, à force de fréquentation. Car il fallait la plupart du temps se forcer pour accepter de passer du temps avec lui ; c’était un peu comme aller à la messe tôt le matin, après une soirée bien arrosée, pour les moins croyants. Ça, en plus des constantes remontrances. Non, vraiment, il fallait s’accrocher.
Pour le moment, c’était lui qui était littéralement accroché à son balai, le regard vide et l’échine courbée. Une nouvelle fois, la demoiselle lui avait posé une question, à laquelle il était prêt à ne pas répondre, comme il avait eu la désobligeance de le faire jusqu’à présent. Toutefois, le scénario prit une autre tournure. En effet, Snow s’empara du balai soudainement. Si la différence de force n’avait pas été si considérable, il aurait presque perdu l’équilibre. Cependant, il ne mit pas plus de résistance que ça pour préserver le balai entre ses doigts bruns. A la limite, si elle avait une pulsion maniaque, ça l’arrangeait, vu qu’il n’avait aucune envie de le faire. Après tout, il y en avait déjà une, dans l’établissement qui était réputée pour nettoyer tout ce qui était sur son passage. Une vraie tornade de printemps. Le Pakistanais n’avait pas encore réussi à mettre la main dessus, histoire de lui offrir un bout de ses corvées. Elle était la protégée du big boss, il ne la cherchait pas non plus souvent. Il voulait éviter de faire des vagues, dans la limite du possible ; car ça lui arrivait aussi de sortir de ses gonds, à la manière du précédent Noël, durant lequel il avait failli assassiner Mushroom. Ou bien, en fin de semaine, quand il forçait les portes des dortoirs, il se retenait de piétiner les lève-tard, à l’haleine encore imbibée d’alcool. Les plus petits des internés avaient tout intérêt à ne pas lui traîner dans les jambes, au risque de finir écraser. Un peu comme au temps des dinosaures [je sens dès lors le regard lumineux des amateurs de bêtes jurassiques dans mon dos].
Il tenait à présent l’ouvrage entre ses doigts, comme s’il était susceptible de le brûler. Il le tourna et le retourna à plusieurs reprises, à mesure qu’il se souvenait du sens de lecture. Il se sentait stupide, sans aucun doute, et lui aurait volontiers balancé le livre à la tête, s’il ne s’agissait pas d’elle. Le technicien de surface n’osa même pas l’a regardée, tandis qu’il ouvrait la couverture.
-« Sans doute … mais je n’ai pas lu ce … ça. »
Il parlait lentement, rassemblant toutes ses connaissances d’anglais pour lire le résumé au dos. Il avait pris appui dos aux rayonnages, et s’était laissé glisser, pour se retrouver assis par terre, ses jambes d’échassiers repliées vers lui. Au fur et à mesure, son visage se raffermit un peu. Il leva finalement les yeux, un peu irrité par le temps infini qu’il avait mis pour déchiffrer les quelques lignes.
-« Tu te fiches de moi, ou quoi ? C’est un livre pour les enfants. »
Pour la première fois, son regard voulait dire plusieurs choses : un certain mépris vis-à-vis de la jeune fille qui lui jouait certainement un tour, et une curiosité naissante, quant au fait de savoir s’ils pouvaient lire ce livre –quel qu’il soit- ensemble.
Sujet: Re: Souris et rat de bibliothèque. [Snow] Dim 22 Jan - 18:42
} You missed the winter and it followed you back home Where sun kissed the crimson footsteps in the melting snow We are doing our best to disown the golden mean By these acts of cruelty in the name of beauty to be free {
Snow était née dans un livre, avait vécu son enfance puis son adolescence entourer de volumes plus gros les uns que les autres ; elle s’était intéressée à tous les genres possibles de la littérature, essayant d’apprendre, de voyager, de rêver au travers des pages d’imprimerie. Elle ne pouvait sans doute pas comprendre que le pakistanais, les livres, surtout en anglais, n’étaient pas son terrain de jeu favoris. Certes, elle se doutait bien que tout le monde était loin d’être comme elle mais il y a des choses qui restent incompréhensibles, même pour un cerveau surdoué. Elle le fixait de ses grands yeux curieux, comme une enfant naïve, le laissant tourner et retourner le bouquin entre ses doigts avec une douceur qui frôlait le dégout. A croire que le livre allait montrer les crocs pour le mordre – mais nous ne sommes point dans Harry Potter, cela ne peut donc pas arriver ici ! – où l’hypnotiser pour qu’il devienne plus docile. Mais rien de tout cela évidemment. Il avait ignoré toutes ses interrogations, se contentant de la regarder avec lassitude sans aucune réaction. Hm, peut-être fallait-il prendre le problème à l’envers et commencer à réfléchir au programme d’éducation qu’elle allait mettre en place pour l’homme de ménage. Il n’était pas possible qu’il reste éternellement inculte !! Surtout ici où il avait accès à des livres anciens et récents, avec ces orphelins tous si différents dont il pouvait apprendre une multitude de choses diverses et variées ! Si ça se trouvait, Playmobil n’aimait ni lire, ni regarder de films, ni écouter de la musique !! Ah non, la dernière hypothèse était à supprimer, elle l’avait déjà vu avec ses écouteurs sur les oreilles et elle doutait que ce soit pour espionner une conversation ou quelque chose du genre. Mais, s’il écoutait de la musique, il devait bien avoir un chanteur ou un groupe favori non ? Elle arriva donc à la conclusion qu’il n’avait tout simplement pas envie de se dévoiler, qu’il préférait cultiver le mystère sur ses goûts et ses couleurs. Soit, elle respecterait son choix, le laisserait lever le voile qui l’entourait au fur et à mesure qu’il lui accorderait sa confiance. Du moins, si c’était possible et si cet instant pouvait arriver un jour…
Tout à ses questions et à ses pensées elle avait donc fouillé la bibliothèque à la recherche DU livre. Bien sûr, il avait ignoré TOUTES ses questions, pas seulement la première, si bien qu’elle désespéra entendre sa voix depuis la fin de leur précédente dispute – oui, snow prenait leurs conflits pour des disputes mais là aussi, n’y voyer aucun sentiment amoureux. Soupirant, elle croisa son regard scrutateur, haussant les sourcils, curieuse de comprendre où il venait en venir à la regarder de cette manière. Parce que se faire passer au rayon X par un homme qui d’habitude vous sermonne sur la longueur – trop courte - de vos robe et sur vos décolletés trop plongeant, ça à de quoi susciter matière à réfléchir quand même ! Elle eut cependant le bon sens de ne pas s’offusque et de ne poser aucune question, se contentant de lui rendre un regard curieux, un sourire amusé naissant sur ses lèvres. Il en disait long ce sourire, bien plus que tout ce qu’elle aurait pu lui dire, bien plus que les remarques qu’elle aurait pu lancer pour le taquiner. Finalement, le sentiment d’observation disparu et le regard de l’homme se fit encore plus vide. Il fallait donc quelque chose pour le réveiller, rien de mieux qu’un bouquin, LE livre en question. Elle lui avait donc emprunté son balai pour le remplacer par les contes à la couverture délicieusement ouvragée. Sur la tranche on pouvait deviner la silhouette d’un prince sur son cheval galopant.
Et donc ils en étaient là, lui, observant le livre sous toutes ses coutures et elle, observant l’étranger tenter de déchiffrer la quatrième de couverture et – enfin – daigner s’exprimer à haute voix. Elle le regarda glisser contre les rayonnages pour s’asseoir sur le sol précédemment balayé, ses grandes jambes se pliant sans difficulté. A sa place, elle aurait eu toutes les peines du monde à faire de même et elle l’admira secrètement d’arriver à faire ça. En même temps quand on a des jambes de fourmis… Ca n’aide pas ! Elle lui laissa le temps qu’il lui fallait pour comprendre de quoi le livre parlait, sans sembler s’impatienter ou se vexer. Cependant quand il reporta ses pupilles de jais sur elle, elle frissonna. Elle préférait son regard de d’habitude, là, elle lisait un peu trop de mépris au fond de ses prunelles pour ne pas s’en sentir blesser. Quand allait-il donc finir par comprendre qu’elle ne se moquait pas de lui, jamais ?! Elle le taquinait souvent mais jamais elle n’avait été blessante ou méchante pour le plaisir de l’être. De la tristesse d’être ainsi considérée s’installa au fond des iris azurés et son expression avenante devint sérieuse alors qu’elle répondait d’un ton uni.
« Les contes ne sont pas des histoires pour les enfants, ils ne peuvent pas comprendre l’entière cruauté de l’œuvre moralisatrice. Mais c’est ce que tout le monde voudrait que l’on croit. »
Pour faciliter sa compréhension, elle parlait sans mâcher ses mots, détachant les syllabes sans pour autant lui donner l’impression de piétiner sa fierté, simplement pour la beauté de la langue quoi. Les yeux vissés dans les siens elle tenta alors de déchiffrer la lueur qui les animait et qui se battait contre le mépris. Elle n’était pas sociologue ou empathique, encore moins devin et l’altruisme ne donnait pas des connaissances sur le mode de penser et sur les sentiments qui abritaient les cœurs amis. Finalement elle abandonna l’idée de comprendre et, retrouvant sa candeur et sa joie, elle lui décocha son plus beau sourire et demanda simplement.
« Tu veux bien qu’on lise le premier conte ensemble ? C’est une histoire que j’aime particulièrement. »
Ce n’était pas la peine de le questionner sur ce que lui, aimait, puisqu’il ne répondait pas à ce genre de question !! Elle se contenterait donc d’une lecture à deux et puis, il y a autre chose qu’elle voudrait lui demander, mais ça pouvait attendre qu’ils soient confortablement installés dans le coin lecture ; et puis peut-être qu’il n’aurait pas de temps à lui consacrer pour apprendre à parler ou au moins à lire sa langue. En attendant elle le regardait à la limite du suppliant pour qu’il accepte sa première requête, tout en sachant qu’il restait souvent de marbre face à ce genre d’artifice.