Elle garde en permanence les yeux à demis-fermés, lui donnant un petit air de droguée qu'elle n'est pas. Ce n'est pas qu'elle ne ressent pas d'émotions (au contraire), c'est juste que son visage exprime clairement qu'elle n'en a strictement rien à foutre. Son bonheur le plus total: rester sur son lit à dormir, devant son ordi, à résoudre en deux secondes des énigmes de logique, en mâchouillant ses cheveux avec ardeur. Elle ne s'énerve jamais. Lorsque qu'on l'em... bête, elle peut foutre un coup de boule à la personne sans remuer ne serait-ce qu'un cil.
Son talent pour le dessin lui sert beaucoup. Il suffit qu'on lui donne quelques détails d'une situation, elle arrive très bien à reconstituer la scène. Dés lors, en songeant aux couleurs possibles, aux arrangements du deuxième et troisième plan, et caetera, elle peut s'imaginer une affaire avec beaucoup d'exactitude.
C'est une obsédée sexuel comme on en voit peu. On peut la voir souvent, dans le réfectoire ou n'importe où à regarder dans le vide, le regard voilé et heureux, un petit sourire flottant sur ses lèvres et le sang lui coulant délicatement du nez. Etant très directe, elle ne mâche pas du tout ses mots et peut blesser sans même s'en rendre compte. Mais elle est d'une aide précieuse, malgré tout.
Etant très tactile de nature, lorsqu'elle aime bien quelqu'un, elle peut rester des heures à le coller, à s'accrocher à sa jambe en réclamant des câlins (toujours avec les yeux à demis-fermés et le visage imperturbable). Elle n'a aucune difficulté à dire "je t'aime" parce que pour elle, ça veut juste dire qu'elle apprécie la personne, ce qui peut parfois mettre mal à l'aise.
Elle porte un amour inconditionnel pour son frère jumeau, Fuji. Elle serait capable de le suivre partout, tout le temps, sans pour autant être soumise, idiote ou quoi que ce soit.
Elle aime être entourée. Mais elle n'aime pas trop parler. Du moment que les gens sont là, autour d'elle, sans lui adresser la parole ou faire attention à elle, elle est heureuse.

Fujiko était assise sur un tabouret devant le miroir de sa chambre. Sagement, docilement, elle se regardait, ses yeux cernés à demi-fermés, comme d'habitude. Légèrement voûtée, elle fixait le reflet de son frère qui s'activait derrière elle à rendre forme humaine à ses cheveux épais en pétard. Ses longs doigts bronzés manipulaient les mèches avec ardeur.
-Franchement, rumina-t-il, comment as-tu fait pour te coincer un chewing-gum dans les cheveux?
Elle haussa les épaules. Elle n'avait pas envie de lui raconter qu'elle s'était endormie la bouche ouverte, et que le chewing-gum à la fraise était tombé sur ses cheveux, et agrippé avec la salive. Il soupira.
-Il faudrait vraiment que tu te coiffes plus souvent... Regarde moi ces noeuds... Tss...
Elle haussa à nouveau les épaules, et remit correctement son pull beige informe.
Finalement, Fuji plaqua la dernière mèche rebelle sur son crâne, et l'attacha avec l'élastique.
-Quand je pense que tu me fais devenir coiffeur... Bon, voilà, c'est fait.
Fujiko se regarda un instant.
-Merci.
Il y eût un petit silence. Puis, sans faire exprès, sans même y penser, Fujiko saisit une mèche entre ses doigts et se mit à la mâcher activement. Fuji eût un soupir exaspéré.
-Bon... j'y renonce. Je suis désolé, mais c'est impossible. M'occuper de tes cheveux ne m'apporte pas vraiment de satisfaction, surtout si tu bousilles tout le travail.
-Je ne t'ai rien demandé, tu me diras.
Fuji se raidit. Fujiko, elle, ayant abandonné sa mèche de cheveux, commença à se ronger l'ongle du petit doigt avec ardeur.
-Très bien... Je m'en vais, alors.
-Idiot, tu sais très bien que ce n'est pas ce que je veux dire.
Vexé malgré tout, Fuji posa la main sur la poignée de porte.
-Fuji.
-Hmm?
Fujiko se leva alors et s'accrocha à son frère par la taille. Toujours le visage identique.
-Tu m'en veux?
Gêné, le garçon tenta de desserrer la poigne de sa soeur. Elle resserra plus fort, la tête entre ses omoplates et les jambes traînant au sol.
Fuji soupira.
-Mais non, mais non. Allez, lâche-moi... J'ai des choses à faire.
-Bon.
Fujiko obéit.
-A tout à l'heure, alors.
Une fois son frère jumeau sorti de la pièce, Fujiko s'installa devant le miroir, une feuille de papier sur ses genoux, et un fusain dans la main gauche (elle était gauchère, son frère droitier).
Elle commença à dessiner, lentement, en faisant de larges mouvement du poignet, fonçant les ombres ça et là, gestes parfois rapides et précis, acérés, parfois délicats et d'une douceur extrême.
La feuille format A3 fût rapidement remplie dans tous les coins.
C'était des dessins sans queue ni tête, des dragons-chat trimballant des filles nues entre les dents, des toasts vivants attaquant des hordes de pots de beurre de cacahuètes, des fleurs gigantesques avec des ailes et des dents acérées, des sirènes difformes attaquant des sous-marins...
Ca n'avait aucun sens, aucune logique, mais ça la détendait.
Elle posa la feuille par terre, puis se dirigea vers son lit pour s'allonger un peu. Toujours fatiguée.
Flemmarde, diront les ignares.
Au passage, elle croisa par hasard son paquet de chewing-gum. Elle en attrapa un, le mâcha activement, puis s'allongea sur son lit, s'endormant, le goût de fraise dans la bouche.