Sujet: Elle rêve et divague dans un soupir } War Ven 15 Juil - 23:58
{ S'envoler vers les étoiles, vers un monde idéal, fermer les yeux, mettre les voiles...
Quelques notes fluettes dans un fond de soleil levant ; des songes qui s'éloignent et le réveil qui gronde. Les paupières qui papillonnent, timidement, avant que le corps ne s'étire et qu'un soupir contrit ne s'échappe des lèvres sèches. Il était déjà l'heure de se lever, la clarté du jour chatouillant sa peau d'albâtre alors qu'elle se relevait, frottant ses yeux pleins de sommeil. Elle aurait volontiers dormi quelques heures de plus ; se coucher à trois heures du matin ne s'avérait pas être une si bonne idée finalement. La faute à ce livre si engageant dont les aventures palpitantes l'avaient tenue éveillée jusqu'à leur fin... Au fond, ce n'était pas une si mauvaise chose. Déjà ses amies s'affairaient pour se préparer dans la chambre, avant de descendre petit-déjeuner ; elle observa sa chemise de nuit quelques secondes, plongée dans une intense réflexion puis, sous l'injonction de l'une d'elle, décida de s'activer un peu et entreprit de se vêtir pour la journée magnifique qui s'annonçait.
Et dire qu'aujourd'hui il fallait étudier ; heureusement, il y aurait l'après-midi pour profiter de ce beau ciel d'été. Joyeuse, elle se hâta à la suite de ses camarades et suivit les sombres couloirs de l'orphelinat jusqu'au réfectoire, son ventre émettant les gargouillis familier qui les faisait tant rire habituellement mais qui restèrent inaudible dans le brouhaha ambiant.
La matinée passa rapidement, faite de cours et d'autres qu'elle écouta attentivement. Elle était sage et peu dissipée, prêtant une oreille toujours attentive aux discours de professeurs ; et puis, bien éduquée, elle était empreint d'un grand respects pour les adultes et, bien qu'il lui arrivait d’enfreindre certaines règles, elle ne pouvait se résoudre à laisser son esprit divaguer ailleurs. De plus, elle avait soif de connaissances.
Mais, hélas, de vilains nuages vinrent gâcher son plaisir dès la fin de matinée, effaçant derrière leur masse voluptueuse les rayons chatoyant du soleil de midi. La pluie semblait venir à grand pas et sa lecture dans le parc s'annonçait difficile. Avec un soupir résigné, après s'être de nouveau rempli l'estomac et délaissant son groupe d'amis, elle pris la direction de la bibliothèque, le livre qu'elle avait terminé le matin même à une heure peu recommandable, bien calé entre ses bras. Elle poussa la grande porte de chêne avec douceur puis se glissa dans l'embrasure, la laissant retomber lourdement derrière elle ; il faisait frais dans la somptueuse pièce, symbole de connaissance et chassant l'ennui à tout moment du jour ou de la nuit. Elle ferma les yeux un court instant, prit une grande inspiration, laissant l'odeur de papier et de poussière remplir ses narines, avant de se décider à esquisser quelques pas. Elle salua d'abord le bibliothécaire, échangea quelques mots avec lui, riant à la blague qu'il venait de lui faire puis le laissa s'occuper d'enregistrer le retour du livre d'aventure, se glissant dans un rayon au hasard, cherchant une nouvelle lecture pour se sustenter.
Un doigt impériale passait sur les volumes, soulignant les titres où les auteurs ; elle penchait parfois la tête sur le côté pour lire les tranches puis la redressait, faisant danser les longues boucles blondes dans son dos et sur ses épaules menues ; et dans sa tête le mot "lu" ne cessait de se répéter en boucle. Depuis le temps qu'elle arpentait la pièce derrière ces quatre murs, elle avait eut bien des heures pour lire les livres, prenant le premier qui voulait bien venir sous ses doigts. Elle avait tout de même une préférence pour les livres d'aventure ou possédant des effets magiques quelconques. Mais, plus petite, c'était dans les encyclopédies qu'elle aimait le plus fourrer son nez, et le dictionnaire : il y avait tant de choses à apprendre, tant de choses à connaître ! Sa curiosité et cette soif de connaissance ne semblaient jamais être satisfaites ; si bien qu'elle prenait plaisir à apprendre, encore et toujours, avalant toutes les informations qu'on voulait bien lui fournir, même les plus impromptues...
Après quinze bonnes minutes à arpenter les rayons à la recherche d'un livre qu'elle n'avait pas encore lu, elle finit par tomber sur un vieux livre à la couverture défraichie et aux pages jaunies intitulé "Les Corbeaux" par Henry Becque ; l'édition était loin d'être récente, le livre semblait avoir été lu à maintes reprises ; une pièce de théâtre noir, comme l'appelait les professeurs de langue, profond et poétique mais sans doute difficile à comprendre. Le genre de choses qui n'arrêtait pas la blonde ou ne la rebutait pas pour découvrir un nouvel écrit.
Elle alla s'installer dans un coin tranquille, au fond de la bibliothèque pour dévorer sa nouvelle trouvaille ; il y avait quelques autres orphelins ici et là mais personne qu'il lui semblait connaître ou voir habituellement ici ; bah, pas d'importance, ils ne risquaient pas de la déranger, ils allaient sans doute choisir un livre et l'emprunter pour le lire ailleurs, laissant la pièce déserte et silencieuse pour son plus grand bonheur. Snow aimait la solitude, elle l'aimait autant que la compagnie. D'un naturel altruiste et possédant un caractère facile et peu contraignant, elle se liait plutôt facilement avec les autres ; mais, lorsqu'il s'agissait de lecture, elle aimait être seule, libérée du moindre murmure qui pouvait agiter les orphelins... Et elle savourait avec bonheur ces cours instants où elle était seule, entièrement seule, le livre dans ses mains. Elle détailla la couverture, huma l'odeur de vieux papier qui se dégageaient des premières page.
Enfin, elle entama le livre.
Invité
Sujet: Re: Elle rêve et divague dans un soupir } War Sam 16 Juil - 20:51
L'océan le rejetait sur une plage déserte, et il s'éveillait. Le murmure des vagues s'en allait lentement à mesure qu'il ouvrait les yeux, le lent râle des eaux se transformant en un chant d'oiseaux claironnants. L'odeur et le goût salés de la plage devenaient une brise fraîche de fin d'été. Il resta de longues minutes allongé, à observer le plafond quand il ne clignait pas des yeux. La réalité se résumait alors à un voile flou qui obscurcissait malicieusement ses yeux. Depuis toujours ils étaient imparfaits, comme embrumés, il peinait à distinguer ses mains, il était constamment plongé dans le brouillard opaque.
Il se leva lentement, entreprit de s'asseoir sur le bord du lit, son corps s'éveilla alors. Et craqua, grinça comme une porte aux joints desséchés. Il grimaça en se frottant longuement le visage, une main tâtonnant à la recherche de ses lunettes. Le voile brumeux disparut presque immédiatement. Il y était habitué, depuis toujours, à ce petit quelque chose qui se substituait à ses yeux, mais ne l'avait jamais vraiment accepté. C'était comme quelques mots finement gravés au fin fond de ses prunelles. Un match perdu dés le premier round.
La chambre était vide, si ce n'est lui et un paquet de cigarette qui lui faisait de l'œil. Il tendit le bras et une promesse émergeait de sa conscience. Il devait perdre cette mauvaise habitude estivale. De plus que le règlement était sensible à ce sujet. Il enterra vite ses reproches et en porta une à ses lèvres. Une plume qui se consumait dans sa poitrine, celle là qui disait une dernière fois. Il termina à la fenêtre, en sous-vêtements, une cigarette à la main. Les étudiants en contrebas semblaient des poissons clowns.
Le doyen allait et venait lentement en consultant sa montre, encore et encore. Les cuisinières versaient un autre repas insipide, encore et encore. C'était une journée comme toutes les autres, celle dont on ne souvient pas, celle qui ferait peut être déjà vu dans un futur proche. La normalité des exceptions était effrayante. Elle laissait planer cette ombre sur l'humeur, le petit quelque chose de déprimant alors que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Routine, Automate, bien peu de différence au final. Une armée de soldat de plomb.
Le soleil couchant teintait les ciel d'orange, un petit parfum d'adieu, comme une occasion manquée, une voix qui murmurait un dommage plein de nostalgie. Il aimait à s'enfermer dans les toilettes, une autre cigarette à la main, et tenter de faire des ronds de fumée. Il crachait lentement le tabac au rythme du clapotis régulier d'un évier cassé. Le mégot émettait toujours un petit grésillement de désespoir quand il tombait dans la cuvette, la chasse d'eau faisait toujours table rase. C'était sa manière à lui d'enterrer une autre journée, de faire une nouvelle croix sur le calendrier.
Il aimait à se faufiler dans la bibliothèque, de se perdre dans l'immense labyrinthe à l'odeur de papier vieillis. Il aimait à s'immerger dans les volumes épais, austères et poussiéreux, passer son temps à chasser les fantômes du passé qui semblaient encore là. Une façon d'écouter l'histoire d'autrui, une centaine de voix qui l'avait précédé, des murmures qui n'étaient pas si différents des siens. Une sensation de perte de soi, une plongée dans les ruines d'un temple archaïque, avec Shakespeare ou Poe comme compagnon de route.
Et cette sensation, ce regard dur et acéré sur sa nuque, n'avait pas de prix. Il aimait à imaginer la première bibliothécaire chassant les rires qui montaient autour d'une revue Playboy, des années auparavant. A chaque fois qu'il saisissait un autre de ces immenses volumes estampillés fragile il jetait un regard par dessus son épaule, l'impression fugitive d'enfreindre une règle sous le regard approbateur et amusés des précédents occupants. Cette fois-ci il prenait leçon d'Hemingway, il n'y avait aucune gloire à mourir à la guerre dans la boue et la misère.
Il se faufilait rapidement dans une des allées obscures, ses pas étouffés par la moquette, cherchant un recoin tranquille et désert. Il y avait ce renfoncement qu'il aimait beaucoup, des fenêtres hautes et des étagères semblables à des géants entouraient quelque poufs et tables ravagées. L'impression d'être quelque part sous une montagne. Il s'arrêtait net, raidit, un pied encore enfoncé dans l'imaginaire. Une jeune fille qui avait l'air de sortir tout droit de l'ère victorienne lisait. Un mélange de doute et de surprise s'insinua en lui, l'impression d'avoir vu un fantôme, peut être d'avoir fait un sceau dans le temps. Il déglutit difficilement, Hemingway semblant ricaner contre sa poitrine.
Quoi qu'elle puisse être il ne fallait pas la contrarier, il s'avança lentement, droit, simulant sa contenance. Il lui fit un léger signe de tête quand elle leva les yeux puis se laissa tomber dans un pouf avant de s'empresser d'ouvrir l'épais volume. Il se cachait derrière l'ami Ernest, relisant trois fois la même phrase en jetant de réguliers regard à l'autre occupante. Le livre semblait se moquer, et même éclater de rire quand le visage aux longs cheveux blonds lui rendit son regard.
Sujet: Re: Elle rêve et divague dans un soupir } War Dim 17 Juil - 20:14
{ Nous sommes les héros de ton livre d'images, Nous sommes prisonniers tout au fond de nos pages
Snow lisait peu de théâtre ; c'était un genre littéraire qu'elle n'appréciait pas beaucoup, peut-être parce qu'elle n'arrivait pas à se mettre dedans, à voyager, comme avec les autres livres. Elle ne reposa la "Les Corbeaux" pour autant, laissant ses yeux couleur de ciel suivre les lignes, répliques après répliques, appréciant la satyre qui constituait la pièce. Une famille de bourgeois modèle : un père et une mère aimants avec leurs trois filles. Et puis soudain ce qui ressemblait à une comédie de théâtre classique se transformait au drame : la mort du père, la découverte d'une entreprise familiale très endettée et un mariage arrangé pour sauver les affaires... Et ainsi, on observe la chute de ces quatre femmes de page en page. C'était assez prenant, et le temps fila à toute allure, le jour déclinant rapidement, les orphelins et autres adultes se succédant dans la bibliothèque, ramenant leur livre, en empruntant d'autres, restant rarement bien longtemps. Si bien qu'elle ne s'aperçut de rien, restant seule avec les personnages fictifs, savourant la pièce.
Et puis elle sentit la chaleur d'un regard sur elle, elle avait presque fini la pièce, mais ce regard semblait insistant et elle s'arracha à sa lecture, levant les yeux, rencontrant les pupilles sombres. Le garçon était visiblement étonné de la trouver là ; s'avança avec raideur jusqu'à un pouf voisin, un volume d’Hemingway dans les bras. Elle avait déjà lu ce livre, lui aussi peut-être, Snow s'imaginant qu'un livre lu une fois seulement ne recevait pas l’engouement qu'il méritait. Enfin, toutes ces suppositions pour revenir au fait que le jeune homme ne semblait pas très à l'aise en sa compagnie. Elle s'était replongée dans sa lecture mais voyait du coin de l’œil les regards fréquents qu'il lui adressait ; étrange adolescent. Il lui semblait bien l'avoir déjà croisé auparavant, au détours d'un couloir ou dans ce même lieu saint où vivait en harmonie des centaines de livres mais les souvenirs restaient flous dans sa mémoire. La seule certitude qu'elle pouvait avoir c'est qu'il était aussi membre des Alters ; ils avaient donc des cours commun. Son pseudo, quel était-il déjà ?... Étrange, la mémoire lui faisait soudain défaut, un sentiment de panique l'envahissant rapidement : on pouvait lire la peur au fond de ses yeux, alors qu'elle tentait de se concentrer sur la chute de l'histoire. Et les regards intermittent qui la poursuivaient.
Inspire. Expire. Fait le vide. Reste calme. Elle parvint à finir le livre, la panique ayant quitté son visage d'ange ingénu. Et puis, son pseudonyme lui revint en mémoire : War. La guerre. Pourquoi, se demanda-telle alors ? Et pourquoi pas se sermonna-t-elle. Elle était la neige, pourquoi ne serait-il pas la guerre. Pourtant le garçon qui lisait Hemingway à côté d'elle, dérangée peut-être par sa présence, ne semblait pas enclin à la violence. Mais au fond, que savait-elle ? Elle ne lisait pas dans les feuilles de thé, pas plus que dans les étoiles. Et on lui avait bien assez répété qu'il ne fallait pas juger un livre à sa couverture. Puisqu'elle avait fini sa lecture, avalé une bonne pièce de théâtre, satyre du XIXè siècle, elle l'observait, sans se cacher mais sans le dévisager. Elle le regardait simplement lire, comme si la scène était un merveilleux tableau du Louvre ; ou comme si l'homme en train de lire avait pu figuré au musée de Mme Tussaud. Et lorsqu'il leva de nouveau les yeux pour la regardé elle lui sourit doucement, gentiment. Plutôt que Snow, elle aurait pu s'appeler Slow, tout le monde aurait compris, elle dégageait une étrange impression de douceur. Son sourire était avenant, engageant même s'il voulait abandonner ce bon vieux Hemingway pour discuter. Elle ne voulait pas, elle-même engager la conversation, de peur de le déranger plus encore que sa simple présence : elle-même avait horreur qu'on lui parle lorsqu'elle était plongée dans un monde merveilleux fait de pages noircies et de mots en noir et blanc.
Et s'il n'était pas bavard, et bien tant pis, elle irait reposer l’œuvre d'Henri Becque et emprunterait autre chose.
Invité
Sujet: Re: Elle rêve et divague dans un soupir } War Lun 18 Juil - 22:29
Il ferma le livre d'un coup sec et le posa lentement sur ses genoux. Elle le regardait, un léger sourire flottait peut être sur ses lèvres. Il la fixa, longuement, ses yeux verts dessinaient un reflet fin sur les verres épais de ses lunettes. Il ouvrit la bouche, parla, communiqua, des mots s'échappèrent de son crâne, de son cœur. Un filet de fumée de tabac dans une pièce obscure. Hemingway dit qu'il n'y a aucun gloire à mourir à la guerre, dans la boue et la misère. Ses mains, graves, griffaient lentement la couverture du livre. Les murmures de la bibliothèque s'étaient tus.
L'eau et le fer. Les armes et la mer. Il y avait au travers de la lunette de visée un soleil bleu et métallique. Une montagne et des milliers de fusils derrière les arbres. Un marcheur solitaire. Il suffirait de tendre le bras pour le rejoindre, savoir le percuteur s'écraser. C'était si facile, ne faire qu'un avec lui, sentir l'acier exploser dans sa poitrine, danser et s'écraser sur cette tâche écarlate. La détente était un pinceau qui peignait un tableau toujours plus surréaliste. Un autre cri dans la nuit comme titre de l'œuvre.
Les vagues avaient ce petit râle métallique. Des shrapnels dans le sable. Le goût du sel et de l'acier dans le soleil. Le vent frais lui brûlait la peau, et ses mains brutes et usées griffaient le sable gris. Le souffle était étouffé, un bloc de goudron noyé dans les poumons. Quelqu'un lui avait un jour dit qu'il avait survécu, il ne comprenait pas, se demandait s'il avait été laissé derrière. Il s'était sentis comme gelé, paralysé, une image d'un homme en costume bleu à ses propres funérailles.
Il avait l'image d'une cigarette qui brûlait trop vite, le crépitement du tabac semblait une rafale lointaine. On lui avait longtemps demandé combien d'hommes il avait tué. Il se contenait de répondre, un demi-sourire forcé au bout des lèvres, qu'il avait simplement tiré, que les balles avaient leur propre volonté. Il se sentait comme lui, de longues histoires, des larmes de fer, une mémoire qui ne lui appartenait parfois pas. Qui s'écrivait dans sa chair, au plus profond des gouttes de son sang.
Ils pleuraient souvent en silence le soir, des sanglots étouffés dans l'oreiller, une prière pour que la femme et les camarades n'entendent pas les suppliques. La nuit se chargeait d'emporter le reste, d'amener un autre mensonge, un sommeil sans rêves, amnésique. Mon Dieu, préserve nous du mal. Je n'ai jamais blessé ou volé, j'ai été un homme bon. Il s'évertuait à les renflouer mais les douilles remontaient toujours à la surface, toujours moins rouillées, toujours plus blessante. Il aurait voulu pleurer au grand jour, crier, mais il n'était plus lui.
Un jour un homme avait dit qu'il se réveillait chaque matin comme un nouveau né, innocent, et qu'il allait se coucher le soir, coupable, un vrai salopard. La raison ? Il disait qu'il avait fouillé tout le jour durant dans la merde des hommes. Un héritage à oublier qui prenait des airs de crise identitaire. De grands gestes de refoulement, on lui disait qu'il était autre. Que chaque jour, un peu plus, que ça aurait pu arriver n'importe où dans le monde.
Il montrait les dents en silence, un mélange de doute et de volonté d'en découdre. De dire, oubliez moi, allez vous en, c'est à moi, c'est moi. Il finissait toujours au bord des larmes, une main tremblante et rassurante lui caressant l'épaule, des murmures inquiets hantaient les murs. Il partait toujours par la porte de derrière.
Aujourd'hui, Hemingway avait ramené la guerre là où elle n'aurait jamais dû être. Il en était peut être désolé, quelque part. Une main blanche et froide semblait frapper sur sa poitrine, ouvre moi, c'est moi, tu le sais très bien. Le froid l'envahissait, griffait sa peau, il se mordit la lèvre. Non, pas maintenant, pas aujourd'hui, s'il te plaît.
Il se leva, lentement, marcha, ses pieds semblaient s'enfoncer dans la moquette, contourna la table, le vertige n'était jamais loin. En fin s'assied face à sa solution à usage unique. Hemingway s'était tut, resté sur le pouf. Ses mains se posèrent sur le bois usé, et son regard effleura la clarté de ces yeux bleus. Il s'essuya la bouche du dos de la main, ses lèvres se retroussèrent un instant. L'envie d'une autre cigarette. Il s'éclaircit la gorge, baissa les yeux un instant, plus très sûr de ce qu'il voulait, ou pensait. Dis la chose juste. Je suis War. Et toi ?
Son nom lui sonnait comme un cailloux en travers de la gorge.
Sujet: Re: Elle rêve et divague dans un soupir } War Mar 19 Juil - 0:46
{ I could be weak, I could be senseless
Le livre gémit lorsqu'il le ferma un peu sèchement, le geste arrachant un léger sursaut à l'adolescente ; avait-elle fait quelque chose qui l'avait contrarié ? Son regard pesait-il comme un fardeau sur ses épaules ? Elle ne voulait pas, n'avait jamais eut l'intention de troubler son calme, se sentait coupable. L'ombre du doute revint s'installer au fond de ses prunelles, des questions d'ordre existentielles comme celles citées précédemment, m'envahissant brutalement. La culpabilité était un sentiment qu'elle détestait, elle se sentait mal, elle qui détestait par-dessus tout blesser les autres. Mais il ne semblait pas particulièrement lui en vouloir ; derrière les verres elle pouvait lire comme de la confusion. Ou peut-être n'était-ce qu'un reflet mêlé à son imagination. Quoi qu'il puisse être, la colère ou l'agacement n'était pas présent sur le visage marqué du brun. La couleur de ses iris lui rappelait certains paysages verdoyant de son enfance et elle se serait volontiers abandonnée à quelques souvenirs heureux du temps où tout était calme et beau à ses yeux ; hélas, l'innocente enfant n'était plus et elle n'avait pas envie de s'embourber dans sa mélancolie. Cependant, se perdre dans l'océan de verdure n'était pas déconseillé, s'abandonner à la contemplation de la couleur si singulière était loin de lui déplaire.
Il se leva et le charme fut rompu. C'était sur, elle avait fait quelque chose de mal, elle n'aurait pas du l'observer comme ça sous prétexte qu'elle avait fini son livre et n'avait rien de mieux à faire ! En réalité, il devait vraiment lui en vouloir d'avoir troublé sa lecture et il s'en allait pour être plus tranquille ! Attendez une seconde, en abandonnant Hemingway sur le pouf et en se laissant choir contre une table toute proche ? Peu probable. Théorie erronée, au revoir. Se morigénant d'imaginer tout de suite les pires situations, elle le suivit des yeux, laissa le bleu et le vert de fondre de nouveau. Son nom résonna un court instant entre les étagères, les livres chuchotant du bout de leur page, riant sous cape de cette situation. Elle ne s'en formalisa pas, le doute instantanément chassé, de nouveau, Snow se promettant fermement de ne plus le laisser s’immiscer au fond de son cœur, transparaître au fond de ses prunelles, ternissant l'éclat vif et innocent de l'azur.
Il lui faisait à présent face, de haut, les mains posés sur la table, d'apparence raide. Et elle n'avait pas bougé, les émotions se succédant toujours sur son visage comme un livre ouvert aux pages ébouriffés par le vent, sans contrôle. Elle replia ses genoux contre elle, posant "Les corbeaux" à côté d'Hemingway sur le pouf voisin sans le quitter des yeux ; il y avait de la curiosité dans le ciel sans nuage et toujours cette invitation tacite à un échange. Et il y eut son nom ; War. Elle s'était souvenu correctement, sa mémoire avait juste voulu lui jouer un mauvais tour, pour la faire paniquer un peu, la descendre de son piédestal auréolé de soleil où elle était lovée, lui rappeler qu'elle aussi ne méritait pas la confiance aveugle qu'elle lui portait, qu'elle pouvait la tromper, la trahir. Elle était l'écorchée vive de ses souvenirs, mais sa mémoire était sans nulle doute son bien le plus précieux. Si elle l'abandonnait, comment pourrait-elle poursuivre cette quête insensée de savoir ? Elle laissa là les pérégrinations de son cerveau, répondit à sa requête informulée.
"Je me nomme Snow ; enchantée, War. Bien qu'il me semble que nous ayons déjà eut quelques cours ensemble. N'es-tu pas un alter ?"
Elle avait l'impression que l'assommer de question risquait de le briser, comme s'il s'était agis d'une statue de cristal. Peut-être se posait-elle trop de questions, se servait-elle trop de sa tête. Sans doute, même, que c'était le cas. Mais elle était ainsi, elle était torturée par ses réflexions incessantes, ce besoins de réfléchir, de calculer, de prévoir, de se questionner. Il faisait parti d'elle, elle ne pouvait s'en défaire. Bien heureux sont les simples d'esprits ; et elle approuvait. Comme le monde devait être beau à leurs yeux ! Comme une enfant. Alors que plus elle grandissait et plus elle s'enlisait dans la noirceur du monde. Plus elle tentait de la fuir et plus elle la rattrapait, l'enveloppait, jusqu'à se noyer en son sein.
Chut, taits-toi mon coeur, ne va pas t'affoler ainsi, je me détourne de ces sombres pensées. Les cauchemars ont été chassés et ne reviendront pas, pensa-t-elle toujours perdue dans les yeux couleur olive. Et elle se concentra sur l'adolescent ; il paraissait avoir quelques années de plus qu'elle mais il n'était pas difficile de lui donner moins que son âge réel, lorsque l'on ne la connaissait pas. Après tout, elle avait l'air d'une poupée toute droit sortie d'une autre époque, et son visage possédait encore des rondeurs enfantines, rajeunissant la blonde. Mais au fond, était-ce un mal ? Ici, ça n'avait aucune sorte d'importance. On côtoyait de jeunes enfants aussi facilement que de vieilles personnes.
Son attention réussit finalement à se focaliser sur War ; elle ne voulait pas se montrer impolie en ignorant sa présence et ses réponses. Elle avait toujours le sourire au lèvre, comme un soleil de printemps.
Invité
Sujet: Re: Elle rêve et divague dans un soupir } War Mar 26 Juil - 3:12
A ce moment là, il était le juge. Sa tête posée mollement sur sa main, ses yeux fins dévoraient avec un intérêt presque scientifique les mots et les gestes de cette Snow. Il complétait mentalement un puzzle, se confrontait à des dilemmes, butait sur les bords. Se mordit la lèvre à la dernière pièce manquante, celle qui composerait peut être le chef d'œuvre de toute une vie. Son incisive droite pénétrait lentement sa lèvre inférieure sous les coups de la déception et de la frustration.
De peintre il passait à critique, évaluant un tableau de personnalité globale, comparant chaque trait de couleur, un ocre qui semblait trop sophistiqué ici, un crayonnage grossier là. Le charme de la surprise et de la découverte n'opérait plus depuis un bon moment. La petite touche de magie qu'on appelait excitation semblait partie dés les premiers mots. Un petit coup de pinceau ici peut être... Un doigt qui s'agite avec autorité : Tu n'es pas seul ici. Il se figura un soupir.
Les résistance était futile. C'était comme se forcer à lire un mauvais livre. De belles phrases, un joli fil rouge. Mais une torture de chaque instant, simuler l'intérêt et mentir à l'ennui. Il avait envie de prendre son sac et de fuir la bibliothèque. Laisser Hemingway et Snow là où ils étaient et ne jamais y revenir. Écouter un peu de musique et voir la mer avant d'aller se coucher. Rêver de papier et d'acier avant de se réveiller en sursaut, un autre jour devant soi.
Il ruminait en silence. Le regard fuyant, lorgnant sur la sortie qui semblait dix fois trop loin. Il était confronté à un mur de briques dont il fallait trouver le point de rupture. Le faire s'écrouler sur lui même sans subir de dommage collatéraux. Il n'avait pas les outils pour y construire une quelconque porte, du moins il ne savait pas s'en servir. L'impossibilité de porter un regard nouveau par dessus la pierre. Il ne savait que frapper, endommager, sans jamais détruire. L'incapacité de passer outre la première impression.
Il se frotta longuement la bouche, ses lèvres épaisses étaient sèches, la conviction de mâcher du papier. Un sentiment où se mêlait impuissance et frustration, ne pas savoir dans quel sens tourner le rouage pour l'emboîter dans l'engrenage. Au dehors le soleil offrait quelques derniers rayons orangés, des grains de sable dorés qui tombaient lentement des fenêtres hautes. L'heure de fermeture approchait à grand pas.
Je. Ou du moins nous ? Peut être ? Difficile de voir du vert dans ces grands yeux océan qui le mettaient à nu, un peu de questionnement et beaucoup d'attente au fond. Les livres, enfin, la bibliothèque -il articula distinctement- allai(en)t bientôt fermer. Aller autre part ? Bonne idée non ? Du moins si elle voulait. Il s'imaginer caché derrière le mur d'enceinte, fumer une de ses marlboro, et regarder les pensionnaires s'évanouirent dans le crépuscule. Et puis il se retournait et voyait Snow derrière lui.
Son petit sourire satisfait se muerait en une ligne tordue, et sa langue chercherait ses mots en avalant l'air. La vérité était que cette pensée ne pouvait être partager avec elle. Il lui fallait accepter un peu plus d'autrui, quitte à sacrifier un peu de soi. Il se résigna, attendit une réponse. Aller mentir autre part.
Sujet: Re: Elle rêve et divague dans un soupir } War Dim 7 Aoû - 11:07
{ The more tha you give her, the more that you take from me }
Il l’observait silencieusement, semblait la détailler comme un policier aurait passé la scène du crime au peigne fin, ne voulant oublier aucun détail, voulant découvrir la dernière pièce qui compléterait le puzzle, apporterait la solution de l’énigme ; et elle le laissait faire, ange innocent aux grands yeux bleus et aux longs cheveux blonds, fille du soleil, rayonnante de calme, irradiante de joie. Elle aurait pu briller, vous abîmer le fond de la rétine, qu’on aurait trouvé le phénomène normal. Etait-elle conscience du trouble qui habitait le garçon lui faisant face ? Non, elle n’avait pas les moyens de le deviner, ne l’étudiait pas comme il semblait l’étudier, s’oubliant paresseusement dans le silence rêveur qui avait suivit sa question. Avait-elle brisé quelque chose par ce murmure qu’elle avait voulu intéressé ? Avait-elle rompu l’équilibre précaire dans lequel ils baignaient depuis qu’il était venu prendre place à ses côtés ? Avait-elle versé en lui, par ces simples mots, un sentiment de révolte d’être ainsi dérangé ? Il fallait arrêter de poser des questions sans réponses ; il fallait cesser de poursuivre le but utopique de son existence. Elle n’atteindrait jamais la connaissance complète qui habitait le monde. Elle vivait dans un rêve éveillé depuis qu’elle était née, le confondait avec la réalité, oubliait parfois les autres, le reste, ce qu’il y avait autour, s’enfermant dans ces histoires d’aventures, de château et de magie ; elle voulait s’oublier, oublier l’intelligence, oublier l’espoir, oublier le doute. Elle voulait ignorer la sollicitude, ignorer l’altruisme, ignorer les joies et les peines. Elle voulait fuir le monde, fuir la noirceur qui habitait le cœur des Hommes, fuir la maladie, fuir la pauvreté. Echapper à la réalité. Rêver d’un avenir meilleur, certains. Que la connaissance devait lui apporter.
Mais il n’y avait pas assez d’heure, il n’y avait pas assez de jours dans une vie pour atteindre ce but impossible, réaliser le plus innocent de ses vœux. Et ce garçon aux cheveux noirs qui la fixait, ressentait-il lui aussi, en la dévisageant, tout ce qu’il y avait de mauvais en elle comme ce qu’il y avait de bon ? Pouvait-il lire au fond des prunelles océan ce rêve brisé avant d’avoir pu être réalisé ? Pouvait-il seulement entrevoir les sombres éclats d’une enfance bouleversée ? Ils étaient tous des enfants massacrés sur l’autel de la souffrance, leurs histoires avaient toutes un arrière-goût de désespoir, ils avaient tous souffert à leur manière. Elle n’était qu’une petite fille parmi tant d’autre, abîmée par ce rêve irréalisable, par ce but qu’elle poursuivait, en vain, un peu plus tous les jours. Pourquoi ce regard posé sur elle lui semblait-il inquisiteur ? Il ressemblait à celui de son père, le jour fatidique de la délivrance. War rêvait de papier et d’acier ; elle, d’une chambre vide, éternellement vide… Non, il ne fallait pas, tout ceci n’était qu’un lointain cauchemar, tomber dans la mémoire des choses oubliées. Elle ne voulait pas se souvenir, elle ne voulait plus ressentir la peur du noir, la crainte de l’abandon.
Et elle semblait crier « Ne me regarde pas comme ça ! Tu n’as pas le droit de lire en moi ! Personne ne doit savoir ! Personne ne doit voir les souillures du passé » Mais elle n’avait pas bougé ; seul le battement régulier de ses cils, sa poitrine qui se soulevait paisiblement et son sourire figé rappelait qu’elle était vivante. Le calme était toujours là, mais la joie rayonnante avait fui loin de son visage, loin de son regard. Et puis, l’intensité, le poids de son regard, disparu ; il semblait vouloir fuir quelque chose lui aussi, lorgnant vers la sortie du coin de l’œil. Elle en était certaine à présent, elle l’avait dérangé. Il ne s’attendait pas, en venant lire ici tranquillement, à y trouver quelqu’un d’autre ; et c’était cette même surprise qui l’avait obligé à rester en sa présence aussi longtemps. Maintenant, il voulait s’en aller. Et il était libre de le faire, elle ne le retiendrait pas, pouvait comprendre. C’était ce qui était sans doute le plus énervant avec elle, elle arrivait à comprendre, à déchiffrer ; elle créait le malaise, inconsciente écervelée.
Le soleil couchant en arrière-plan avait ce petit quelque chose de trop, il n’avait pas sa place dans cette scène et pourtant, il était là, bien présent, ses rayons mourant lentement, illuminant la pièce de couleurs chatoyantes, s’évanouissant peu à peu dans l’ombre de la nuit. Ils étaient les derniers orphelins dans la bibliothèque, elle ne tarderait pas à fermer. War évoqua cette même fermeture, lui proposa d’aller ailleurs, la surprenant. Alors, finalement, il ne voulait pas s’échapper, voulait bien rester en sa compagnie ? La tempête était passée, la mer était calme et les saphirs brillèrent de nouveau dans un bain de joie pire. Elle acquiesça silencieusement, souriant de nouveau comme une imbécile de se voir témoigner autant d’intérêt. Ce qu’elle avait vu, ce qu’il avait deviné, resterait secret, ne serait pas évoquer. Elle pouvait voguer paisiblement à ses côtés, sans crainte du naufrage, il lui offrait une bouée de secours. Déjà il se levait, s’éloignait. Elle observa sa silhouette quelques secondes puis lui emboita le pas, oubliant pour une fois, le livre sur la table, ignorante de ces pensées-fumées qui envahissait l’esprit masculin.
Sa réponse avait été muette, elle avait simplement accepté sa proposition, aller se perdre ailleurs, dans ce silence complaisant. Et elle était remontée à sa hauteur, silhouette gracile et minuscule disparaissant au côté de ce géant.
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Sujet: Re: Elle rêve et divague dans un soupir } War