« J'espère bien, avait-il dit. » Bien-sûr qu'il espérait. Il était venu pour ça après tout. Mais quand on connaît Ember, on sait qu'on ne peut rien obtenir de lui sans argent. Enfin, 'rien obtenir de lui' était un peu trop large ; personne ne pouvait manipuler le démon lui-même. Tout ce que vous pouviez acquérir du brun était ce qu'il voulait bien vous donner. Ces choses avec quoi il pourrait vous faire faire n'importe quoi. Ces drogues. Mais ça ... Ce qui rendait fou Shadow, Hannibal, et d'autres ... N'était accessible qu'avec l'une des choses qu'Emmanuel chérissait le plus au monde : les petits billets verts. Sho n'allait pas lui faire croire qu'il n'était pas au courant quand même ? Ce serait un mensonge.

Son interlocuteur était quelqu'un de plutôt impassible. Il ne faisait rien ressortir visuellement ; il était impossible de le décrypter en l'observant. C'était un véritable mur, qui n'avait aucune faille. Enfin, si, il en avait quelques unes, mais minuscules, et elles ne pouvaient être vues que par des observateurs très doués. Et, malheureusement pour lui, Ember faisait partie de ceux-ci. Il désirait vraiment s'immiscer dans ces failles, dans sa conscience, dans l'essence même de son esprit et de son corps. Parce qu'il dégageait trop de choses complexes et indescriptibles à l'oeil nu, une présence, une aura puissante, et que c'était en ça que lui aussi, il le trouvait fascinant. C'était une fascination et une recherche mutuelle.
Le visage du brun ne défaillit pas lorsqu'il lui annonça ce qu'il redoutait d'entendre : l'argent. Ben oui, évidemment, Ember savait qu'il était venu les mains vides ce con. Mais restait cette intense maîtrise de soi. Oui, cela confirmait ce que le Shape pensait. Il était totalement imperturbable, inébranlable. Et c'est à cette soudaine conclusion qu'Ember frémit ; son corps entier venait de s'enflammer à cette pensée, et son esprit bouillonnait d'excitation. C'était un défi qui se présentait à lui. Un nouveau jeu. Un jeu périlleux, comme toujours. C'était sa décision : il serait sa victime suivante. Mais, Ember, n'as-tu jamais pensé à ce qui arriverait si ce jeu n'était plus dangereux uniquement que pour tes victimes mais aussi pour ... toi ?
Sauf que cette idée ne lui vint pas une seule seconde à l'esprit. Ca ne lui était jamais arrivé, et ça n'avait pas lieu d'arriver, alors pourquoi devrait-il s'en soucier ? Comme si il était possible d'atteindre le brun. C'était tout simplement inimaginable. Toutes les personnes qui avaient essayé avaient aussi échoué. Ember était, lui aussi, à sa façon, impénétrable. « J'ai une part de gâteau si tu veux ? » Le garçon resta sur sa position, immobile. Quel clown celui-là. C'était une blague à lui seul. Enfin, il y avait pire, évidemment. « Non ? Tu en veux pas ? » Quelques secondes de silence s'installèrent, aussi pesantes que les précédentes. On ne savait si leurs regards statiques provoquaient un affrontement, ou si c'était autre chose. Rubis contre Saphirs. Cette tension pénible qui accablait la pièce et les deux garçons persévérait, et Ember avait conscience qu'il était celui qui devait la briser. Mais il aimait bien torturer son invité. Il avait confiance ; il savait que, malgré son masque de froideur éternelle, à l'intérieur, le brun bouillonnait d'émotions diverses. Après ces quelques lourdes secondes d'écoulées, il décida de ne pas plus le torturer. Alors, en un instant, le bruit d'un couteau de poche dégainé retentit, sans que personne n'ait pu s'y attendre. D'où il sortait ce couteau suisse à chaque fois d'abord ? Un grand mystère.

Le Shape fit alors mine de jouer avec, le faisant tourner dans la paume de sa main droite, les yeux à présent baissés dessus - ce qui devrait adoucir la tension qui s'était installée, puisque son regard carmin n'était plus planté dans le sien. « Les humains sont si insouciants et faibles ... marmonna-t-il pour lui même, bien que ce fût parfaitement audible. » Son sourire n'en fût que plus accentué. « Bien que tu sois plutôt comique ... commença-t-il. » Un soupir s'échappa de ses lèvres, et il cessa soudainement de faire tourner son petit couteau, relevant lentement les paupières vers son interlocuteur. « ... même si c'était à la fraise, je n'en voudrais pas. » Ha, ben oui, Ember et son addiction à la fraise ... ça ne dépassait cependant pas son goût pronnoncé pour l'argent.
Et, chose qui aurait fait sursauter n'importe quelle autre personne qui n'était pas de glace comme Shadow, le shape planta son couteau dans son bureau, juste au-dessus du tiroir, ce qui provoqua son ouverture soudaine. Le même petite couteau disparu mystérieusement dans sa manche, et il balança de l'autre main le paquet de cigarettes dedans. Il le referma un peu plus normalement, à l'aide sa main, sans bruit. Voilà, les espoirs de cet humain enfermés dans un tiroir. L'orphelin s'appuya alors sur les rebords de son bureau afin de se soulever et de s'asseoir dessus, tout en balançant ses jambes dans le vide d'un air enfantin. « L'être humain se créée très souvent une barrière, une muraille, pour faire face à ses problèmes. Enfin, faire face est un grand mot, n'est-ce pas ? commenta-t-il de son sourire déstabilisant. C'est la façon d'y faire face des faibles. Entre autre, des êtres humains. Alors, même si c'est lâche, on ne peut pas les blâmer, puisque c'est un comportement totalement humain. M'enfin, soupire-t-il, les addictions ... font partie des pierres de cette muraille. Tu me suis toujours ? Non ? Tant pis, je continue. L'humain va s'accrocher à des choses qui lui procureront un plaisir factice, bâtissant la barrière à l'aide de ces briques de faux bonheur. Il va finir par en être accroc, et, si tu suis bien ... Tu comprends qu'il a en fait bâti sa propre prison. Bref ... tout ça amène à ce qu'on appelle dépendance et autodestruction. Rien de très beau en somme ! L'humain a ensuite un comportement presque incontrôlable ; il ferait n'importe quoi pour obtenir ces briques de bonheur factice. Tout comme toi, qui vient à genoux la gueule ouverte dans ma chambre pour les obtenir. J'ai même l'impression que tu donnerais corps et âme pour avoir ce que tu es venu quémander. Mais ... » Il bondit hors de son bureau, s'étirant les bras vers le plafond, son sweat se redressant, découvrant sur son buste l'espace d'un instant, avant de faire volte face et de regarder Shadow, les mains sur les hanches. « Tu ne me vendrais pas ton corps pour ça - de toute façon, je n'aurais pas accepté. C'est donc plutôt bon signe, tu n'es pas réellement esclave de ces petits paquets. Doooooonc, en conclusion ... » Son sourire s'agrandit, et il finit par rajouter. « Tu m'amènes du fric, ou tu te passes de ces cigarettes. » Le garçon semblait légèrement paumé suite à son récit, et il y avait de quoi. Mais Ember se doutait qu'il n'aurait pas le droit à un débat intensif ; et tant mieux. Il était tellement ... distrait, et concentré sur l'environnement qui l'entourait ainsi que son interlocuteur, qu'il se déconnectait sûrement de ce que les gens tentaient de lui expliquer. Ca devait être habituel. Alors, le brun décida de faire la seule chose qui provoquait un tant soit peu de réaction chez Sho ; même si ces réactions n'étaient qu'intérieures le plus souvent. Le déstabiliser était juste un délice. Dans une impulsion, il s'approcha, attrapant avec douceur le menton du garçon, approchant son visage à quelques centimètres du sien, laissant leurs souffles s'entre-mêler, tandis que sa main gauche vint se poser contre son torse en guise d'appui. Ce qu'il voulait sentir, c'était ça, c'était cette réaction, cette faille. L'une des failles tant recherchées chez Sho. Il savait qu'il la trouverait de cette façon. Il le sentait. « D'accord ? »

(bouahha, considère ça comme un simple oubli. :b)

Durant toute son explication, le brun fût complètement paumé, ailleurs. Bien-sûr, Emmanuel le sentait, le voyait. Mais il persistait. Il irait jusqu'au bout de son explication, que ça plaise ou non à monsieur-je-suis-de-marbre-et-je-parle-à-personne. Pourtant, il semblait, au vu de sa réputation de muet, plutôt bavard avec le dealer. C'était déjà une première preuve de la déstabilisation qu'il arrivait à exercer sur son invité. Mais ce n'était pas assez. Il restait toujours inébranlable malgré tout. C'est pour ça qu'une fois étiré, le brun s'était dirigé vers Shade, posé sur sa chaise de bureau, et lui avait attrapé le menton dans une approche rapide et un peu trop sensuelle peut-être pour l'Alter. Mais c'était évidemment calculé ; il était en quête de cette faille, et il était presque sûr qu'il avait visé juste. Ember ne se trompait pas deux fois. Le contact physique d'un autre homme le sensibilisait, il le savait, l'avait deviné. Ou alors ... le contact d'Ember le sensibilisait ? Le doute l'atteignit soudain, et il sembla perdre le contrôle de la situation, bien que ce ne fût pas visible extérieurement. Immobile, il ne s'était pas éloigné de Shadow, gardant la même expression sournoise qu'il avait eu précédemment. Et pourtant, son esprit était perturbé par les conclusions qu'il venait de mener. Ses réflexions l'empêchèrent alors de voir ce qui allait venir ; bercé par cette approche du brun, l'Alter se laissa tomber dans le piège, inconsciemment. L'appel des lèvres avait été trop fort pour lui. C'est ainsi qu'il le vit s'approcher, frôlant ses lèvres une demie seconde avant de se reculer brutalement. Un énorme coup de chaud traversa Ember tout entier, et il resta penché un instant, immobile, le regard posé sur l'agité qui s'aggripait à la chaise devant lui, complètement affolé. « Tu... Que viens-tu de faire ? » Le shape se redressa, le visage vide d'expression. L'effarouché reprit son souffle afin de continuer : « TU AS FAIT QUOI ? » Eh bien, ça avait marché plus que bien ! Le visage entre les mains, il poursuivit : « Je... Je... Ta présence.... Je n'aime pas ça, tu m'as touché, tu ... » Oh ! qu'il continue, qu'il continue ! C'était tout ce qu'espérait le brun. Il trépignait d'impatience. Mais il n'eût pas à attendre longtemps ; sous le coup de la folie, son invité s'était levé, puis s'était brutalement déshabillé, pour se retrouver en caleçon dans sa chambre. Il avait envoyé ses vêtements à travers la pièce comme un cinglé, comme si on l'avait soudainement drogué. A vrai dire, Ember ne comprennait pas vraiment pourquoi. C'était étrange, parce que d'habitude, il devinait tout de suite les intentions des humains tellement ceux-ci étaient prévisibles. Mais celui-là, oui, celui-là ... Il était vraiment spécial.

Alors, Shadow s'élança vers le manteau qu'il avait lancé avec violence dans la pièce, afin de le vider, avant de faire pareil avec son jean teinté de noir. Une fois la scène terminée, il s'avança vers le dealer pour lui tendre quelques pièces, tel un pauvre. Exactement 50 cents. Ce qui ne valait évidemment pas un paquet de cigarettes. Mais il était là, à se tenir devant le manipulateur, les mains tendues vers lui dans un état pitoyable, à moitié à poil, ce qui ne pouvait que provoquer la pitié d'autres. « Voila de l'argent. »
Pour la première fois depuis très, très longtemps, - ce n'était peut-être jamais arrivé - Emmanuel Benatar était effaré. Réellement étonné de la réaction d'un humain. Lui qui recherchait sans cesse ce divertissement, cet étonnement ! Etonnement qu'aucune personne au monde n'avait réussi à provoquer chez lui. C'était la première fois. C'était quelque chose de très bizarre. Un sentiment de victoire, et de puissance était monté en lui d'un seul coup. Ou comment faire évoluer l'égocentrisme de ce narcissique en puissance en quelques secondes ? Ce gros coup de chaud qui le parcourait, le sang qui battait à une vitesse anormale dans ses veines ... C'était si ... Inhabituel ! Et quelle victoire ! Ca avait été plus facile que prévu. Il savait que le contact physique le perturberait, mais il avait vraiment réagit au quart de tour ! C'était parfait. C'était vraiment jouissif. Cependant, à l'extérieur, le brun restait de marbre, la moue impassible, son regard carmin fixé sur la silhouette de Shadow. Alors, d'un coup, alors qu'il n'avait pas sorti un mot ni esquissé un seul geste depuis son pétage de câble, Ember afficha un grand sourire démoniaque, avant d'exploser dans un rire fou. Il avait maintenant les mains sur le ventre, tordu en avant, hilare. Shade était terriblement amusant et fascinant, c'était un fait. Pouvions-nous dire que, pour la première fois aussi de sa vie, Ember était ... Heureux ? Peut-être parce qu'il avait atteint un but qu'il n'avait jamais atteint auparavant ? Tout se mélangeait dans son esprit, mais il était au moins sûr de ça : il était content, il s'amusait, et il réussissait. Bref, c'était parfait. Inhabituel et très excitant, mais parfait.

Alors, il se redressa dans une grande inspiration après ce long fou-rire, déposant ses mains sur ses hanches, se tenant droit devant Shade, son terrible sourire en coin démoniaque de retour. Ses iris de feu s'étaient posés sur son client comme une fatalité, comme s'il pouvait décider de son sort dans les minutes qui allaient suivre. Ce sentiment de puissance l'avait envahi depuis quelques instants, et ne semblait pas prêt de le lâcher. « Hé. Ecoute bien. Je ne t'ai pas touché. C'est toi qui m'a touché. » Et oui. Ember l'avait approché, l'avait certes tenté, il en était conscient - et le résultat de cette tentation avait été plus que satisfaisant. Mais il n'avait jamais goûté ses lèvres à l'aide des siennes. C'était lui qui avait brisé la ligne qui les séparait. « C'est un peu brutal comme façon de dire que tu as envie de moi, tu aurais pu faire ça plus romantiquement voyons ! ironisa-t-il alors que ses doigts se mirent à monter le long du torse du jeune homme, jusqu'à ce qu'il frappe légèrement du doigt son menton vers le haut. Plutôt que de te déshabiller comme un sauvage ... » Il prend alors une inspiration tout en levant les bras afin de croiser ses mains derrière son crâne.Ember le contourne, frôlant son épaule dans un courant d'air aux doux parfums masculins mélangés. Il se dirige vers le bureau, avant de ressortir le paquet du tirroir. Une fois celui-ci en main, il revient vers le désespéré, l'envoyant en l'air dans sa direction afin qu'il le rattrape. « Tiens. Tu me fais trop de peine, conclut-il avec une once de déception dans la voix. » Néanmoins, cette peine perceptible était due à l'air pathétique qu'il se donnait à présent.

Il passe alors devant lui sans même s'arrêter, se dirige vers un coin de la chambre, et se penche à deux endroits afin de récupérer le jean et le haut de son invité. Les vêtements dans les bras, il les prend un par un afin de les balancer à Shade tout en avançant vers lui. Il s'arrête en face de l'Alter, enfonçant ses poings dans les poches avant de son sweat gris. « Et rhabille-toi. Je ne voudrais pas pas que tu prennes froid, ironisa-t-il de nouveau. » Il se met alors à le détailler de haut en bas, les lèvres pincées. « N'oublies pas de me rembourser. Moi, je n'oublierai pas. » Si Ember était connu pour autre chose, c'était bien pour ça ; il n'oubliait jamais ce qu'on lui devait. Jamais. Qui que ce soit.

( Sorry je savais pas comment décrire le moment où il marche sur son torse à l'aide ses doigts et quand il arrive en haut il lui fout une petite pichnette avec son index sous le menton TT )