Sujet: Descente en Enfers (Ember) Dim 27 Mar - 13:51
« I just want to be perfect. » «Perfect? I'm not perfect. I'm nothing.» Black Swan
La frustration gagnait tout son corps. Le goût amer de l'impuissance lui souleva le coeur. Tout en elle la débectait. Elle n'était qu'imperfection. Rien. Rien. Ginger régurgita son maigre déjeuner, ses doigts s'accrochaient nerveusement aux rebords blanc de la cuvette. Elle inspira et, hésitante, s'enfonça encore un doigt dans la bouche jusqu'à ce que son corps soit de nouveau secoué de soubresauts et qu'elle vomisse une nouvelle fois. Mais rien ne changerait, tu le sais Ginger ? Ta haine envers ton imperfection serait toujours présente en toi. Ce n'est pas la première fois que tu essayes de vomir dans l'espoir futile de régurgiter ce que tu déteste en toi. Peine perdue. Tu le sais et tu te hais encore plus pour ça.
Mais pourquoi es-tu dans les toilettes des filles alors que tu devrais être à ton cours de danse ? Laisse moi réfléchir...ton professeur a finalement choisi une autre fille pour le rôle que tu espérais tant avoir. On t'as encore dit que tu dansais mal. On t'as fait tomber devant l'examinateur. Tu n'as pas réussi à répondre aux attentes du professeur. Qu'importe, ce qui est sur c'est qu'on a encore une fois étaler sous tes yeux ton incompétence. Et ça te frustre. Et tu en devient cette pauvre petite chose pathétique qui vomit ses tripes, les yeux noyés de larmes. Tu n'es qu'imperfection. Tu le sais car ce n'est pas la première fois qu'on te le dit après tout.
Tu t'appuies sur le mur, essayant de te relever, d'affronter cette réalité immonde. Le bruit de la chasse retentit, tu regardes l'eau disparaître dans le conduit avec tes vomissements. Le tourbillon t'attires, tu voudrais pouvoir t'y noyer. Mais à la place il te ramène dans des souvenirs amers. Ce n'est pas la première fois qu'on te juge imparfaite.
Tu danses mal. Comment veux-tu réussir avec ce maintien ?! Je suis désolée Gabrielle, mais elle danse mieux que toi. Tu es bien trop coincée. Tu crois que tu vas bien danser en ne te lâchant jamais ? Tu vois Gabrielle, tu danses bien mais tu sembles trop fragile pour le rôle. Je vais devoir le confier à Sophie Je ne vais pas te confier ce rôle. Tu a plusieurs cours de danse et moi je veux quelqu'un qui ne s'éparpille pas. Le problème avec toi Ginger c'est que tu ne sais que danser. Tu n'exprime rien par la danse. Il y a de bien meilleures danseuses que toi. Pas trop vexée de ne pas avoir était prise ? En même temps tu es tellement coincée aussi bien dans ta vie que dans ta danse...tu as dû plus le refroidir que l'exciter.
Tu fermes les yeux, tu te bouches les oreilles, tu espères faire cesser la valse de ces masques répugnants. De ces masques dont la bouche est emplie de vérité. A chaque remarque blessante, ils distillent lentement dans tes veines un poison qui te fait ouvrir les yeux sur ta pitoyable performance. Rivales, professeurs, famille...tous pensent pareil : tu es médiocre. Tes efforts ont servis à rien...parce que tu n'es rien. Tu n'as rien. Tu n'es pas naît pour danser.
Tu n'es rien. Tu ne danseras jamais à la perfection. La perfection...tu ne l'atteindras jamais.
-La ferme !!!
Tu ouvres la porte des toilettes avec violence. Tu te retrouves face à ton visage. Ce visage, preuve que tu es dans un corps qui a atteint ses limites. Ce corps avec lequel tu ne toucheras jamais la perfection. De rage, tu essayes de taper de toutes tes forces sur le miroir qui a osé te renvoyer ce reflet que tu hais en cet instant. Tu hurles et arrive enfin à décrocher ce conseiller muet que tu envoies voler à l'autre bout de la pièce dans un fracas de verres brisés.
Tu hurles, tu pleures comme une gamine et tu te laisses tomber sur le sol. Ce sol que tu as la sensation de si bien connaître car tu es toujours écrasée. Ecrasée par ton imperfection. Ecrasée par la compétition. Mais au moins Ginger...tu ne peux pas descendre plus bas. Sauf en Enfers. Et en cet instant tu serais prête à vendre ton âme au Diable pour obtenir un peu de cette perfection que tu essayes de saisir de tes mains depuis si longtemps.
Invité
Sujet: Re: Descente en Enfers (Ember) Dim 27 Mar - 20:28
EVERYBODY’S LOOKING FOR SOMETHING.
« Some of them want to use you Some of them want to get used by you Some of them want to abuse you Some of them want to be abused »
Ember avait lu quelque part que la perfection n’était que la recherche constante de la perfection. Une quête sans fin, en somme. On disait aussi que rechercher la perfection, c’était poursuivre la mort. Ember préférait nettement cette définition. Elle lui arrachait toujours un sourire. La perfection ? la perfection n’existait pas. Oui. Même lui, tout égocentrique, tout égoïste, tout imbu de lui-même qu’il était, même lui le reconnaissait. Personne n’était parfait. La perfection n’était qu’un concept, utilisé par des professeurs pour vous inciter à vous surpasser, par des parents pour se sentir fiers de vous, ou par des gens idéalistes qui croient que des gens parfaits créeront un monde parfait. Mais quand bien même le monde serait rempli de gens parfaits, quand le monde parfait existerait-il, le monde ne serait qu’ennui. Le monde serait mort. Alors, oui, la perfection conduisait à la mort. De bien des manières.
Un cri de rage au premier étage. Ember s’arrêta. Il attendit quelques secondes puis, comme rien ne venait, il continua son chemin en direction des dortoirs des garçons. Il passait devant la salle d’eau quand un vacarme déchira le délicat silence. Du verre brisé. Quelqu’un semblait bien s’amuser dans les toilettes. Ember faillit passer son chemin. Il avait des tas d’autres préoccupations, et personne ne savait qu’il était là. Il pouvait faire comme si de rien n’était. Rien vu, rien entendu. Mais la curiosité l'emporta. Il se dirigea vers les toilettes, avec prudence; après tout, il n’était pas sûr de ce qu’il allait y trouver. Peut-être qu’un type comme Hurt ou Sin avait pêté un boulon, et Ember ne tenait pas à faire les frais de leur violence exacerbée. Il s’arrêta devant la porte, tendit l’oreille et se rassura. Ni Sin, ni Hurt, ni aucune autre brute dans leur genre n’était susceptible de produire de tels sons. Des pleurs, de petits cris. Oh oh... on dirait que quelqu’un est très malheureux. Désespéré, même. Ember sourit. Il n’était pas du genre "bon samaritain", à aider les autres, pour... pourquoi ? Pour le plaisir de voir un sourire illuminer leur visage ? Mais. bien. sûr. Non, il n’aimait pas consoler les autres. Même s’il était plutôt doué pour user d’hypocrisie, le faire pour rassurer quelqu’un, c’était... une perte de temps. Oui. Franchement. Qui pouvait bien perdre son temps à consoler les autres ? Il avait mieux à faire. Personne ne savait qu’il était là, se répéta-t-il en reculant. Mais il ne fit pas trois pas. Personne ne savait qu'il était là... ah oui, tiens. Il reconsidérait soudain cette phrase sous un nouvel angle. Et si...? Il passait peut-être à côté de quelque chose. Il entra.
Ember n’aimait pas consoler les autres. En revanche, il les aidait volontiers… à sa manière. Après tout, tout le monde y trouvait son compte. Même lui. Et le plus souvent, l’argent n’était pas son seul intérêt. On s’amuse comme on peut, voyez-vous. Il s’approcha de la jeune fille prostrée au sol et baissa les yeux. C’était toujours la même chose. La même question, mais formulée différemment. « Et toi, dis-moi ? De quoi as-tu besoin ? » Et la réponse…
« I wanna use you and abuse you I wanna know what's inside you »
« On dirait que quelqu’un a mal dansé, aujourd’hui. »
Son ton n’était pas critique ou moqueur. Sa voix était douce et calme. Et pourtant il n’aurait pas parlé autrement s’il avait constaté qu’une mouche était collée au plafond. Il s’assit sur ses talons et croisa les bras sur les genoux, comme s’il allait lui demander ce qui n’allait pas, comme s’il allait l’écouter, comme s’il allait se montrer réellement condescendant… comme s’il allait la consoler. Et c’était toujours la même chose. La même question, mais formulée différemment. La réponse ? la réponse était un éternel oui. Mais ce n’était pas tant le résultat que le chemin parcourut pour y arriver qui l’intéressait.
« Ce n’est pas ta faute, tu sais. »
« I'm gonna use you and abuse you I'm gonna know what's inside Gonna use you and abuse you I'm gonna know what's inside you. »
Sujet: Re: Descente en Enfers (Ember) Mar 29 Mar - 18:45
« The only person standing in you way is you» « You really need to relax» Black Swan
C'est étrange. Mais c'est dans ces moments là où vous êtes si misérables. Au fond du trou. C'est dans ces moments là où vous offrez la face la plus médiocre de votre personnalité que quelqu'un arrive. C'est dans ces moments là où quelqu'un vient regarder avec un plaisir malsain la preuve de votre chute. Et c'est ce qui t'arrives Ginger ? Tu es l'image pitoyable de ton échec, de ta propre faiblesse. De ta propre vulnérabilité. Tu es sans défense. Et voilà que la porte s'ouvre, que quelqu'un vient regarder la pathétique chose que tu es devenue en cet instant. Dans des toilettes. Avec un miroir brisé, comme ta vie à cet instant.
Tu lèves tes yeux et à travers le voile de larmes et le voile de cheveux qui t'obscurcissent la vue, tu distingue un jeune homme. Te dominant de toute sa taille. T'écrasant encore plus par son aura, cette aura indescriptible. Effrayante mais étonnement attirante en cet instant. Il ne s'est même pas donné la peine de se baisser à ta hauteur. Non lui n'est pas si stupide, si misérable. il semble bien au dessus de tes petits chagrins. Bien au dessus de toi. Il se contente simplement de baisser les yeux sur ta silhouette. C'est drôle ? Voilà que son nom te revient ! E-Ember...oui c'est son nom. Tu le connais de vue, de réputation. Il est dans ta classe...mais tu t'en moquais bien. il aurait pu mourir que tu n'aurais pas fait la différence. Non ça n'aurait jamais bouleversé ta vie. Ta petite vie bien ordonnée, bien sage. Dans laquelle on ne trouve que la danse et ton objectif de perfection. Mais voilà; tes deux fondements se sont effondrés, te faisant chuter une nouvelle fois. Tu es désespérée et voilà qu'il croise ta route. Et voilà que tu te dis : il peut, peut-être m'aîder ? Oui Darling...le diable aide toujours ses clients potentiels.
« On dirait que quelqu’un a mal dansé, aujourd’hui. »
Tiens il te connaît aussi on dirait. Ainsi que ta réputation d'être en larmes au moindre échec en danse. Tu renifles, te tournes sur le dos, écarte ta chevelure désordonnée pour le regarder dans les yeux, même si tu vois flous à cause de tes larmes. Tu veux au moins lui répondre sans fuir son regard. Mais voilà que ta voix devient chevrotante et la réponse acerbe ressemble plus à une plainte. Pauvre Ginger.
-Ca se voit tant que ça ?
Tu te caches finalement les yeux, pour cacher les larmes traîtresses qui coulent sur tes joues. Quel spectacle pitoyable tu offres décidement à ce spectateur amusé. Tu pleures. Tout pendant quelques secondes te semble loin et dérisoire. Tu ne fais même pas attention au fait qu'Ember se baisse vers ta petite personne, pour être sans doute plus près de toi quand il arrivera à te manipuler. Tu oublies tout. Seul ton chagrin compte.
« Ce n’est pas ta faute, tu sais. »
Cette simple phrase suffit à te relever. A te donner le peu de force, le peu de dignité qu'il te reste pour le regarder droit dans les yeux. A genoux. Essayant d'être à sa hauteur avec ta petite taille, tu le regardes droit dans les yeux. Malgré les larmes, malgré les sanglots dans la gorge...
-Qu'est-ce que tu en sais hein ? Bien sûr que c'est de ma faute ! Tu crois que je danse mal à cause des autres ?! Non. Si je reçois des réprimandes c'est qu'il y a une raison ! C'est parce que je ne suis pas à la hauteur !! Je n'arrive pas à répondre aux attentes des autres...J'ai beau faire des efforts et je n'y arrive pas. Je suis incapable d'atteindre la perfection...incapable de progresser parce que je me plante tout le temps. Et mon corps me fait toujours obstacle à chaque fois. C'est ma faute.
La fin de ton discours se termine par un long sanglot. Tu couvres de nouveau tes yeux de ta main maigre et fine. Ton corps, éternel théâtre de tes privations, est secoué par ta tristesse. Tu t'assoies, n'arrivant décidément pas à lui tenir tête. Tu t'appuies sur ton autre main, sentant au passage un petit bout de verre. Tu aurais presque envie de te l'enfoncer dans ta peau. Dans ton corps. Jusqu'à agoniser dans ton sang. Tu pleures toujours. Tu n'arrives plus à parler...Ah si. Tu arrives à dire une seule chose.
-C'est ma faute...je ne suis pas parfaite.
Invité
Sujet: Re: Descente en Enfers (Ember) Mar 5 Avr - 16:23
« – Hey. Don't ever let somebody tell you... you can't do something. Not even me. All right ? – All right. – You got a dream... you gotta protect it. People can't do somethin' themselves, they wanna tell you you can't do it. If you want somethin', go get it. Period. »
The Pursuit of Happyness
Pauvre, pauvre Ginger. Assise là, sur le sol, en larmes, dans les toilettes. Ember en aurait eu pitié si avoir pitié faisait partie de ses habitudes. Pauvre Ginger. Victime de sa réputation de danseuse acharnée. Victime des autres, victime de ses échecs, obnubilée par la perfection, Ginger, à la recherche de… Tiens, ça lui rappelait ce film, avec Will Smith. À la recherche du bonheur. Oh, mais Ember venait d’avoir une idée. Il en avait déjà une avant ça, mais très vague. Mais ça… Non. C’était carrément sournois. Mais après tout… il le valait bien. Et Ginger en valait la peine. Ember sourit, intérieurement bien sûr – il n’allait pas gâcher la petite scène bien dramatique, tout de même, non, la danse de la victoire attendrait. Ginger, très chère Ginger… tu sembles te croire bonne à rien, mais non, tu as tort : tu l’ignores encore, mais tu viens d’illuminer ma journée. Rien que pour cela, il fallait qu’il soit… brillant. Oui, voilà. C’était le mot exact. Brillant. Parce qu’Ember ne gaspillait pas son intelligence à tort et à travers, pour devenir un nouveau L. Non, Ember… Ember préférait se concentrer sur lui. Sur ses projets. Et, en l’occurrence, sur Ginger. Pauvre, pauvre Ginger. Victime des autres, victime…Victime de moi, là tout de suite. Sauf qu’elle l’ignorait encore. Ember se demanda combien de temps elle l’ignorerait… ou ferait semblant de l’ignorer. Le jeu était lancé.
« Ça se voit tant que ça ? »
Elle se cacha le visage pour ne pas montrer ses larmes. Ember fut tenté de lui donner un mouchoir (pas d’inquiétude, c’était gratuit !) mais il se retint. N’abuse pas. Patience.
Elle pleurait, elle pleurait, et Ember crut qu’elle n’allait jamais s’arrêter. Mais il ne fallait pas la brusquer. Et puis, il était patient. Il allait attendre qu’elle se ressaisisse. Peut-être. Elle ne semblait pas de taille à surmonter sa douleur, mais Ember connaissait les artistes. Les artistes sont des durs à cuir. On les enfoncerait six pieds sous terre qu’ils trouveraient encore le moyen de se procurer une pioche pour sortir de là. Increvables. Ginger ne dérogeait probablement pas à la règle. Sans quoi, elle aurait arrêté de danser il y a longtemps. Mmh. Peut-être que ça aurait été mieux pour elle, plutôt que de se détruire pour sa passion. Comment pouvait-on se détruire pour sa passion, d’ailleurs ? C’était stupide. Une fois détruit, impossible de pratiquer. Où était la logique, vraiment ? Ember soupira. Décidément, il ne comprendrait jamais les artistes. Enfin. Ils était quasiment indestructibles, il leur devait au moins ça. Aussi, ne fut-il qu’à moitié surpris lorsque Ginger se redressa, à genoux, pour le regarder droit dans les yeux. Ember soutint son regard, elle aurait pu souhaiter sa mort qu’il aurait soutenu son regard, il était habitué à ce qu’on le déteste, à ressentir de la haine ou de la peur dans le regard des autres. Ginger, elle… C’était stupide, mais la première chose qui lui vint à l’esprit, ce fut qu’il l’imaginait plus grande que cela. Et aussi, comment faisait-elle pour tenir alors qu’elle avait l’air au bout du rouleau. On avait pas idée, franchement… Les artistes… Increvables, on vous dit.
« Qu'est-ce que tu en sais hein ? Bien sûr que c'est de ma faute ! Tu crois que je danse mal à cause des autres ?! Non. Si je reçois des réprimandes c'est qu'il y a une raison ! C'est parce que je ne suis pas à la hauteur !! Je n'arrive pas à répondre aux attentes des autres... J'ai beau faire des efforts et je n'y arrive pas. Je suis incapable d'atteindre la perfection... incapable de progresser parce que je me plante tout le temps. Et mon corps me fait toujours obstacle à chaque fois. C'est ma faute. »
Ah. La tirade de Ginger inspirait des tas, et des tas de répliques à Ember, mais il se concentrait sur sa première idée. Ne pas s'éparpiller. Dire juste ce qu'il fallait. Juste les mots qu'il faut. La danseuse retomba en sanglots et Ember faillit soupirer.
« C’est ma faute… je ne suis pas parfaite. »
Ma pauvre chérie, mais PERSONNE n’est parfait. Sérieux, quand est-ce qu’elle avait eu son dernier cours de bon sens, celle-là ? Ember fronça légèrement les sourcils. Non, on se ressaisit. Il ne savait même pas pourquoi il s’agaçait. Sûrement parce que des tas d’idées machiavéliques s’échafaudaient dans son esprit, et qu’il n’avait ni assez de victimes ni assez de situations pour les expérimenter toutes en même temps. Il baissa les yeux sur elle, sur ses mains sur le sol, à ces bouts de verre, et il sut par quoi il voulait commencer.
« Tu dis que tu n’es pas parfaite ? Que ton corps te fait obstacle ? Que pensent les autres, à ton avis ? Celles qui te surpassent toujours… »
Il laissa la question en suspens. Il lui laissait le temps d’y répondre, aussi, si elle le souhaitait, mais cela ne l’empêcherait en aucun cas de continuer son petit speech. Quand Ember était lancé, et bien… disons qu’il ferait sûrement semblant de l’écouter, mais c’était tout. Le seul qu’il écoutait, c’était lui. Oui, il aimait bien s’écouter parler. Et surtout, il ne pouvait pas dire n’importe quoi. S’écouter parler lui permettait également de mesurer ses propos. Il ne voulait pas faire un faux pas. Il ne voulait pas qu’elle décèle le piège, non. Pas encore. Il était comme le chasseur qui attend, caché, que l’innocent petit lapin tombe dans son piège. Même s’il aurait plutôt comparé Ginger à une toute petite souris.
« Tu as déjà vu À la recherche du bonheur ? Avec Will Smith ? À un moment donné dans le film, le type dit à son fils, que s’il a un rêve il doit le protéger. Il lui dit de ne jamais laisser personne lui dire qu’il ne peut pas faire quelque chose, et que des tas de gens, jaloux parce qu’ils ne réussiront jamais, feront tout pour le décourager. Que s’il veut quelque chose, il doit juste se battre pour l’obtenir. »
Il pencha la tête sur le côté. Il avait toujours les bras croisés sur ses genoux. On aurait dit un gamin.
« Le corps a ses limites, tu le sais. Tes professeurs, les autres filles… ils le savent aussi. Et moi, je sais que tu fais de ton mieux, que tu te bats pour ton rêve. Mais peut-être qu’eux, ils ne savent pas; peut-être qu'ils te disent que tu n’es pas à la hauteur parce qu’ils pensent que tu n’as pas encore donné ton maximum ? Sauf que toi, tu donnes toujours ton maximum. Pas vrai ? Ce n’est pas que tu veux pas, c’est ton corps qui ne peut pas. Et ça, c’est dommage, mais tu n’y peux rien. C’est pour ça que je dis que ce n’est pas de ta faute. »
Il se redressa comme s'il s'apprêtait à partir. Mais tout ça, c'était du bluff. Il n'en avait pas encore fini avec elle.
« C'est vrai, qu’est-ce que tu y peux ? Dans la vie, il y a deux catégories de personnes : celles qui arrivent à tout facilement, et celles qui doivent travailler dur. Toi, tu fais clairement partie de la seconde. »
Il fit un pas vers la porte, un léger sourire aux lèvres. Il n'allait pas partir, pas encore. Il attendait sa réaction. Ou, plus précisément, une réaction. Retiens-moi.
Sujet: Re: Descente en Enfers (Ember) Mer 6 Avr - 13:46
« You're so hypnotising could you be the devil, could you be an angel your touch magnetizing » E.T Katy Perry ♪
Pauvre Ginger. Te voilà bien triste. Pourtant ce n’est pas la première fois qu’on te juge inapte à exercer cette passion pour laquelle tu donnes ta vie. Mais aujourd’hui tu n’as plus tellement envie de te battre. Tu es fatiguée en cet instant. Fatiguée de voir que tous tes efforts n’obtiennent pas un résultat. Fatiguée d’entendre les vipères cracher cette vérité que tu hais. Tu te sens engourdie lasse. Tout te semble terne. Les larmes perlent doucement sur tes joues. Pas un sanglot. Pas un gémissement. Non en cet instant tu sembles n’être qu’une coquille vide. Vide de tous sentiments positifs. Vide de tous espoirs. Juste remplie d’amertume et de haine envers ton incompétence. Et surtout lasse. Si lasse de ta médiocrité.
A genoux. Le dos courbé. Ta chevelure balayant presque le sol. Voile te cachant cette réalité. Te cachant la présence d’Ember. Tu contemples le sol. Ce sol si simple. Si attirant. Tu as presque envie de ne faire qu’un avec. De rester à jamais étendue. Au moins tu oublierais enfin tes échecs. Tu ne songerais plus à cette réputation de danseuse acharnée, obnubilée par la perfection. Cette réputation que tu te traines comme un boulet. Qui brule ta peau à chaque seconde parce que tu n’arrives pas à satisfaire les autres et à te satisfaire toi-même. Au fond tu en a marre de ne jamais arriver à quelque chose. Tu en marres de ne jamais complètement réussir l’objectif que tu t’es fixé. Tu voudrais tellement réussir. Tu voudrais tellement réussir à exprimer plus de chose par la danse. Tu voudrais être capable de danser à la perfection. Sans obstacle. Sans limite. Danser à jamais dans l’ivresse de ta passion.
Tu pourrais rester encore longtemps ici. Dans cette position. Ton esprit vagabondant dans des limbes inconnus. Où la vie semble tellement plus belle. Tellement plus facile. Oui tu es bien ainsi. Rêvant doucement. T’imaginant sur une scène immense, applaudie par un public, ivre de ta danse. Et toi ressentant cette performance dans tout ton corps. Tes doigts jouent doucement avec un petit morceau de verre. Oui ça serait tellement merveilleux. Tu pourrais rester encore longtemps ainsi…mais Ember est là. Ember est là et te répond.
« Tu dis que tu n’es pas parfaite ? Que ton corps te fait obstacle ? Que pensent les autres, à ton avis ? Celles qui te surpassent toujours… »
Tu voudrais répondre mais tu te rends compte qu’en fait…Tu n’en sais rien. Tu ne t’es jamais vraiment demandé ce qu’elles en pensaient. Te surpassent-elles vraiment ? Sont-elles meilleures que toi ? Mais ma chère Ginger, toi qui es si vulnérable, si aveuglée par les critiques des autres tu ne te rends pas compte qu’elles crèvent de jalousie. Non tu n’as jamais pensé à ça, parce que tu n’as jamais voulu comprendre le mécanisme tortueux des relations humaines. Tu n’as jamais voulu comprendre que ces filles, que les autres agissaient ainsi par méchanceté. Par jalousie. Oui tu es douée pour la danse. La perfection n’existe pas Ginger mais tu es née pour danser. Tu as un talent pour la danse dont tu doutes et qui te rends tellement plus manipulable. Tellement plus dupe. Tellement plus facile à avoir. Tu te tais. Tu attends.
« Tu as déjà vu À la recherche du bonheur ? Avec Will Smith ? À un moment donné dans le film, le type dit à son fils, que s’il a un rêve il doit le protéger. Il lui dit de ne jamais laisser personne lui dire qu’il ne peut pas faire quelque chose, et que des tas de gens, jaloux parce qu’ils ne réussiront jamais, feront tout pour le décourager. Que s’il veut quelque chose, il doit juste se battre pour l’obtenir. »
Tu as presque envie de ricaner. De le regarder avec un air méprisant et de lui dire que tu te moques éperdument de ce film Que tu ne l’as jamais vu. Non toi tu danses. Et si tu regardes un film…ce sera sur la danse, ou peut être quelque chose qui te rappellera New-York. La ville où ta passion est née. Non tu n’aimes pas les films. Tu n’as pas le temps pour ça. Pourtant tu l’écoutes. Tu écoutes avec attention. Et étrangement ça te rappelle ton histoire. Ca te rappelle les paroles de Mr. Keys, le vieux professeur de jazz, et aussi les paroles de ton père…qui t’avait toujours encouragé dans ta passion. Cette passion pour laquelle tu te bats. Et toi Ginger, quel est ton rêve ? Danser.
« Le corps a ses limites, tu le sais. Tes professeurs, les autres filles… ils le savent aussi. Et moi, je sais que tu fais de ton mieux, que tu te bats pour ton rêve. Mais peut-être qu’eux, ils ne savent pas; peut-être qu'ils te disent que tu n’es pas à la hauteur parce qu’ils pensent que tu n’as pas encore donné ton maximum ? Sauf que toi, tu donnes toujours ton maximum. Pas vrai ? Ce n’est pas que tu veux pas, c’est ton corps qui ne peut pas. Et ça, c’est dommage, mais tu n’y peux rien. C’est pour ça que je dis que ce n’est pas de ta faute. »
Tu le regardes. Tu es comme fascinée par sa tirade. Tu es hypnotisée par ce qu’il te dit. Tu as la sensation d’être comprise. Dans chacune de ses phrases. Dans chacun de ses mots. Tu te reconnais. Tu es hypnotisée. Tu ne pleures presque plus. Plus de larmes. Non plus de tristesse en cet instant. Non tu n’écoutes que lui. Fascinée. Magnétisée. Par son aura. Par sa voix. Par ses paroles. Tout te semble tellement vrai. Tu te reconnais tellement dans ce discours. Tu ne dis rien. Tu écoutes avec la plus grande attention. Tu inspires. Tu expires. Tu trembles légèrement. De peur ? D’angoisse ? Tu n’en sais rien. Peut être des deux. Ton cœur bat la chamade. Il semble près à sortir de ta poitrine. Peut être qu’il vient juste d’être enfin touché par les paroles de ce Diable à apparence humaine. Oui enfin le poison contenu dans ses paroles se propage doucement dans ton corps. Prenant possession de toi. T’enlevant toute volonté. Tu es totalement en son pouvoir. La souris est prisonnière de l’aura du prédateur.
Ember se redresse. Va-t-il partir ? Va-t-il te laisser ? Non me laisse pas à tu envies de crier. Tu as compris qui j’étais, ne me laisse pas s’il te plait. Aide-moi. Oui déjà prisonnière. Déjà dépendante du mal qu’il t’apportera. Parce que tu crois que le poison qu’il te propose est un remède. Tu crois que manipulation veut dire gentillesse. La souris est sous l’emprise du prédateur. Tu attends angoissée ce qui va suivre. Ce qu’il va dire. De toute façon tu es déjà empoisonnée.
« C'est vrai, qu’est-ce que tu y peux ? Dans la vie, il y a deux catégories de personnes : celles qui arrivent à tout facilement, et celles qui doivent travailler dur. Toi, tu fais clairement partie de la seconde. »
Tu te sens si misérable. Le « clairement » sonne comme une réplique acide. Une flèche qui te transperce dans ta fierté. Non tu ne veux pas être dans la deuxième catégorie. Tu veux être première. Devant tout le monde. Enviée de tous. Reconnue. Mais tu l’es déjà Ginger sauf que c’est tellement facile de te faire entendre le contraire.
«Wanna be a victim. Ready for abduction »
Ainsi il te croit médiocre, lui aussi. Tu as atteint tes limites ? Ton corps n’y peut plus rien ? Dommage ? Non jamais tu n’abandonneras. Tu le sais. Tu pourrais très bien être aveugle ou paralysée…que tu trouverais encore le moyen de danser. Tu serais prête à mourir pour la danse. Parce que la danse est tout ce que tu as. La danse est ton âme Ginger. Si ton corps refuse de se dépasser, tu trouveras un moyen. Et ce moyen…c’est lui qui le possède.
Tu le regardes partir vers la porte. Non ne t’en vas pas, tu voudrais crier. Dépêche-toi Ginger. Bientôt il va partir et tu auras alors laissé passer cette belle occasion. Et toi Ginger, quel est ton rêve ? Danser. Non tu ne veux pas laisser passer cette chance. Va-s-y lève toi. Et demande-lui son aide. Signe ton destin avec le Diable. Viens découvrir les Enfers. Et toi Ginger, quel est ton rêve ? Danser.
Tu te lèves, trébuche presque, et t’accroches désespérément à sa veste. Comme une enfant s’accroche à ses parents quand elle a peur d’être délaissée. Tu respires, tu trembles, tu as peur. Tu appuies presque ta tête sur son dos. Tu as peur qu’il te laisse mais tu ne sais pas comment lui dire. Tu as besoin de son aide mais tu ne sais pas comment lui dire.
« Aide-moi. S’il te plait. »
Des mots simples mais qui veulent dire beaucoup. Des mots simples qui veulent dire que tu reconnais sa superiorité. Des mots simples qui veulent dire : aide moi. Toi seul peux le faire.
« Aide moi. »
Et le loup la mangea.
Dernière édition par Ginger le Mer 13 Avr - 11:31, édité 1 fois
Invité
Sujet: Re: Descente en Enfers (Ember) Dim 10 Avr - 15:54
« Aide-moi. S’il te plait. »
Quel dommage…
« Aide-moi. »
…c’était trop facile.
Elle s’était accrochée à lui comme si sa vie en dépendait. Mais sa vie se résumait à danser, alors c’était peut-être le cas. Ember s’arrêta. C’était exactement la réaction qu’il attendait. Ginger était plutôt prévisible… mais ça ne le gênait pas, au contraire. Il aimait bien les gens prévisibles. Le contraire était plus difficile à gérer. Ember ne savait jamais vraiment comment se comporter avec eux, il devait toujours se tenir sur ses gardes, c'était agaçant. Tandis que Ginger... Il tressaillit. Non. Ne souris pas. Par chance, il était plutôt bon acteur. Il se retourna en haussant les sourcils, feignant la surprise :
« Quoi, moi ? »
Il avait l’air de dire : tu crois que moi, je peux t’aider ? Alors que je n’y connais absolument rien en danse… c’est même toi qui l’as dit : « qu’est-ce que tu en sais, hein ? » Mais rien. Je ne sais rien. Et c’était vrai, en un sens. Ember ne connaissait rien à la danse, il ignorait même si Ginger était réellement une bonne danseuse ! Il ne l’avait jamais vu faire, il en avait juste entendu parler. La dernière fois, c’était quand deux filles se plaignaient qu’elle ne faisait que danser, toujours, comme si elle voulait montrer qu’elle au moins, elle s’entraînait dur, qu’elle au moins, elle savait danser, en bref elles croyaient qu’elle la ramenait et elles étaient jalouses. Si ce n’était pas pathétique… Mais Ember avait compris au moins une chose au sujet de Ginger ; elle ne faisait pas semblant, elle s’entraînait parce qu’elle avait besoin de s’améliorer, encore et encore. Si ça se trouvait, elle avait vraiment du talent. Si ça se trouvait, elle n’avait pas besoin d’en faire autant. Pas vis-à-vis des autres, en tout cas. Mais peut-être qu’elle en avait besoin pour elle-même, parce que ça la rassurait. Il n’en savait rien. Comme dit plus tôt, il ne comprenait pas les artistes. Ce qu’il comprenait, en revanche, c’était ce pauvre regard désorienté, perdu, désespéré, parce qu’il le voyait partout, tout le temps. Ce regard-là, il savait ce qu’il voulait dire. Ember afficha un air plus avenant.
« Bon… peut-être. »
Il laissa un petit instant de flottement, comme s’il prenait le temps de réfléchir à la solution. En fait, Ember aimait bien le suspense. Il aimait bien l’imposer aux autres. Il aimait un peu moins quand ça le concernait, mais il restait quelqu’un d’extrêmement patient. Peu de personnes avaient réussi à le faire sortir de ses gonds – une seule, en fait. Mais c'était il y a longtemps. Et puis surtout, ce n'était pas le sujet. Il commença à faire les cent pas dans la pièce, les mains dans les poches. Comme s'il réfléchissait tout haut, il demanda :
« Comment font les autres pour te surpasser, à ton avis ? Parce qu’elles s’entraînent plus que toi ? Parce qu’elles sont plus douées, peut-être ? »
Il s'arrêta, croisa les mains dans le dos et pencha la tête sur le côté. Comme si la question l’intéressait réellement. Au fond, il s’en fichait complètement, ce qui comptait, c'était de faire réagir Ginger comme il le voulait, pour pouvoir enchaîner proprement sur son but, la raison qui faisait qu’il était encore ici, au lieu de vaquer à ses occupations habituelles. Même si les occupations habituelles d’Ember se résumaient souvent à cela. Il secoua la tête en signe de dénégation et leva les yeux au ciel :
« Non, franchement. Tout ça, ce sont des conneries. Tu crois qu’on peut s’entraîner dur tous les jours pour être meilleur que les autres, sans se retrouver dans ton état ? C’est vrai quoi, regarde-toi… Sans vouloir être méchant, tu touches le fond, là. » Il regarda le débris du miroir d’un air entendu. « Mais tu crois que les autres ne sont jamais passées par là ? Bien sûr que si. La différence, entre elles et toi, c’est qu’elles ont réussi à surmonter le problème. »
Il marqua une pause. Là, c’était le moment le plus délicat… celui qu’il attendait avec le plus d’impatience. Il prit un air détaché pour ajouter, tout en scrutant sa réaction :
« Comme je te l’ai dit, le corps a des limites. C’est normal, c’est la nature qui veut ça. En théorie en tout cas. En pratique, c’est différent. On peut toujours tricher avec la nature. » Il soupira : « Et oui d’accord, je sais ce que tu vas me dire, c’est pas bien de tricher, et bla bla bla, mais quand les autres trichent avant toi, ce n’est pas de la triche, c’est juste une sorte de… mise à niveau. Mais tu vois ce que je veux dire », ajouta-t-il comme si c’était évident.
Il haussa les épaules et recommença à tourner autour de la pièce, plus lentement. Et en fait, ce n'était pas autour de la pièce qu'il tournait, mais autour de Ginger. Ember repensa à ce film avec Will Smith, et il sourit. "Ne laisse jamais personne te dire que tu ne peux pas faire quelque chose... même moi." Elle n'aurait pas dû le laisser lui dire des choses pareilles. Ember n'y connaissait rien. Il ne savait rien d'elle, et si ça se trouvait elle n'avait pas besoin d'aide... pas de la sienne, en tout cas. Après, vu son état, elle avait sûrement besoin d'un soutien psychologique, ou quelque chose comme ça. Mais que faisaient les médecins ? songea ironiquement Ember. Moins de médecins, c'était bon pour ses affaires. Mais bon, toujours était-il que "l'aide" qu'il pouvait apporter à Ginger n'était pas forcément ce qu'il y avait de mieux pour elle. Si ça se trouvait, elle dansait déjà super bien. Ember l'ignorait, et pour tout dire il s'en fichait. De toute manière, le problème ne venait pas de sa façon de danser, ou même de son corps qui ne parvenait plus suivre le rythme. Le problème, il venait de son état d'esprit à elle, qui était incapable de se satisfaire de son niveau, cherchant à aller toujours plus loin. Ember sourit. Il lui avait demandé si elle avait déjà vu À la recherche du bonheur. Elle n'avait pas répondu. Mais ce n'était clairement pas le cas. Et personne n'avait jamais été là pour lui dire ce genre de choses ? Pour l'encourager à croire en ses rêves, sans se préoccuper de ce que les autres pouvaient dire ou penser ? C'était dommage, quand même. Mais ce n'était pas lui qui allait s'en plaindre.
Sujet: Re: Descente en Enfers (Ember) Mer 13 Avr - 13:03
«L'enfer même a ses lois.» Faust (1806)
Un temps où tu attends sa réaction. L'angoisse se repend dans ton corps, tu entends durant ces quelques secondes les pulsations de ton cœur, ces pulsations qui te font vivre. Qui battent la mesure de ta vie. Quelques secondes où tu as l'impression que tout va se jouer. Tout va se décider...dès qu'il répondra. Et s’il part ? S’il refuse ? Que feras-tu Ginger ?
Ember se retourne, tu recules surprise, apeurée. Pauvre petite rat d'opéra. Pauvre petite souris. Trop innocente. Trop vulnérable. Tu regardes l'expression de surprise, si vrai pour toi, se peindre sur son visage. Peut être qu'il ne détient pas la solution finalement. Tu as soudain la sensation d'être une idiote, pourtant tu penses qu'il reste un espoir. Alors tu attends qu'il parle.
« Quoi, moi ? »
Ton cœur chute, tu le regardes avec horreur. Il ne peut pas t'aider, Ginger. Et si oui comment il le ferait ? Après tout il ne connaît rien en danse, tu l'as dit toi-même. Mais après tout on peut aider les autres sans forcément avoir de grandes connaissances sur le problème en question. Mais le ton d'Ember semble indiquer qu'il ne peut pas t'aider et tu lui lances un regard désespéré, désorienté et triste de ne pas avoir reçu l'aide attendu. Tu baisses la tête honteuse, nerveusement, tu essayes d'arranger tes cheveux. Comme pour dire que ça n'a pas d'importance, alors que l'aide impossible te ravage de l'intérieur.
« C-c'est juste q-que...je pensais que »
« Bon… peut-être. »
Tu relèves la tête. Surprise et...heureuse. Il va t'aider. Il va t'aider à mieux tomber Ginger, mais tu ne le vois pas. Ou plutôt tu ne veux pas le voir. Pauvre Naïve. Pauvre Ginger. Tu crois que ce visage affable va t'aider par bonté. Tu n'es décidément que vertu et innocence quand tu quittes le domaine de la danse, ma petite Ginger. Un temps de flottement. Un suspense. Tu attends avec impatience et angoisse la réponse qui franchira les lèvres d'Ember. Tu attends ce qui va suivre avec l'impatience d'un spectateur fasciné par une pièce à l'intrigue si passionnante. Ember commence à faire les cent pas, comme pour réfléchir...ou pour mieux t'avoir. Tu te craques nerveusement les doigts et ton cœur rebat de nouveau la chamade.
« Comment font les autres pour te surpasser, à ton avis ? Parce qu’elles s’entraînent plus que toi ? Parce qu’elles sont plus douées, peut-être ? »
Tu hausses les épaules. Tu n'a vraiment pas envie de répondre à cette question. Tu t'humectes les lèvres et regardes Ember qui semble attendre ta réponse.
« En s'entraînant plus ? »
Ginger. Ma chère Ginger...crois-tu vraiment ce que tu viens de dire ? Mauvaise réponse évidemment et tu le sais, tu es la seule personne à s'entraîner huit heures par jour, en plus de tes cinq heures de cours. Tu rougis de ta bêtise...tu ne sais rien bien sur. Sinon tu n'aurais pas demandé son aide.
« Non, franchement. Tout ça, ce sont des conneries. Tu crois qu’on peut s’entraîner dur tous les jours pour être meilleur que les autres, sans se retrouver dans ton état ? C’est vrai quoi, regarde-toi… Sans vouloir être méchant, tu touches le fond, là. »
Tu lui lances ton regard gingerien, celui qui veut dire : si c'est pour me faire remarquer une chose aussi évidente : je me passerais bien de toi. Après tout tu sais déjà que ta tendance à trop t'entraîner, t'as valu d'aller plus d'une fois à l'infirmerie et même des fois à l'hôpital. Dis moi Ginger...combien de fois as-tu eu les pieds en sang après tes efforts ? Combien de fois ton corps blessés, t'as supplié de t'arrêter ? Combien de fois as-tu ignoré les remarques des médecins devant tes blessures qui ne guérissaient pas à cause de tes exercices incessants, de ta maigreur inquiétante ? Tu t'entraînes jusqu'à l'épuisement, jusqu'à détruire ton corps, à stopper tes règles, à stopper tout ce qui peut te gêner dans ton organisme. Tout ce qui peut nuire à ton objectif. Suicidaire. Il regarde le débris du miroir d’un air entendu. Tu pousses un sifflement méprisant et d'exaspération.
«Brillante analyse Sherlock.»
Franche. Tu es bien franche Ginger et même si ta réponse n'était qu'un murmure, il respirait le mépris. Tu plaques ta main sur tes lèvres, regrettant aussitôt les mots qui viennent de sortir de ta bouche. Et tu espères que ça ne va pas faire changer d'avis Ember. Enfin tu reconnais juste qu'il a raison, même si tu as fait la remarque d'une façon désagréable.
« Mais tu crois que les autres ne sont jamais passées par là ? Bien sûr que si. La différence, entre elles et toi, c’est qu’elles ont réussi à surmonter le problème. »
Pause. Ces pauses t'énervent. Tu veux la solution maintenant. Plus d'attente pour toi. Si Ember peut aider...qu'il te donne alors cette réponse que tu désires tant. Qu'il arrête de faire à ton coeur les montagnes russes parce que tu angoisses, parce que tu as l'impression que cette aide ne viendra jamais.
« Comme je te l’ai dit, le corps a des limites. C’est normal, c’est la nature qui veut ça. En théorie en tout cas. En pratique, c’est différent. On peut toujours tricher avec la nature. »
«Quoi ?!»
Tu commences soudain à discerner, derrière les paroles manipulatrices, toujours pleines d'innocence pour toi, l'idée, la solution en question. Tricher ? Mentir ? Tu ne peux pas. Tu ne peux pas tricher avec quelque chose que tu aimes !! Non, rien que l'idée du dopage ou de toutes autres substances qui te donnera l'illusion d'atteindre un bon niveau. L'idée de prendre un chemin où l'effort semblera dérisoire, où le travail laissera place à la facilité...Non tu ne préfère pas y penser. Voilà que l'hésitation s'empare de ton corps, après tout c'est normal. Surtout quand on se prépare à sceller un pacte avec le diable. Tu veux répondre mais il te coupe la parole par un soupir :
« Et oui d’accord, je sais ce que tu vas me dire, c’est pas bien de tricher, et bla bla bla, mais quand les autres trichent avant toi, ce n’est pas de la triche, c’est juste une sorte de… mise à niveau. Mais tu vois ce que je veux dire »
Il ajoute ça comme si c’était l'évidence même, comme si c'était normal ?! Tu le regardes tourner lentement dans la pièce avec une expression proche de l'effarement, du choc. La triche te semble tellement horrible et inconcevable, surtout pour toi. Pauvre petite Ginger, symbole de la vertu. Et voilà que tu t'emportes :
«Tricher ?! Et comment je tricherais sans me faire prendre hein ? Et en quoi tricher permet de te mettre à niveau ? C'est juste une preuve de feignantisme ! Et puis non je ne vois pas ce que tu veux dire !!»
Au fond tu as peut être une petite idée de ce qu'il veut dire, mais encore une fois tu préfères ignorer la vérité. Maintenant que tu as dit ce que tu avais sur le cœur, ce que tu penses de la triche...tu espères juste qu'il ne va pas te laisser, qu'il ne va pas renoncer à t'aider parce que tu t'es montrée...agressive.