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Spade s’étira paresseusement sur la table à laquelle elle s’était installée. Elle était fatiguée… Elle savait que la bibliothèque n’était certainement pas le meilleur endroit pour dormir mais elle avait toujours trouvé ce lieu apaisant. En son for intérieur, elle tentait de se persuader que Ghost et Willow ne s’aventureraient jamais par ici, ils devaient bien avoir suffisamment de respect pour ne pas venir souiller ce lieu où toutes les connaissances étaient réunies. Elle soupira. Du respect. Comme si les deux furies pouvaient en avoir. En attendant, elle ne les avait jamais croisé ici, elle y avait donc élu domicile.

Elle laissa échapper un bâillement, ouvrant grand la bouche comme si elle allait se décrocher la mâchoire. Quelqu’un lui avait dit une fois que si elle continuait à bailler sans mettre sa main devant sa bouche, elle allait finir par avaler une mouche. Mais elle ne savait plus qui… Dans tous les cas, les chats ne mettent pas leur patte devant leur gueule quand il baille alors pourquoi le ferait-elle ?

Pour s’empêcher de dormir, elle écarquilla les yeux ce qui la fit loucher. Elle essaya de regarder son nez, mais ce qui à première vue lui semblait simple comme bonjour était en réalité un vrai casse-tête. Tant mieux, ça l’occuperait un peu.

Après quelques minutes, elle arrêta de contempler son nez et regarda autour d’elle. Il y avait vraiment beaucoup de livres… En même temps, ça semble logique dans une bibliothèque. Les rayons du soleil venait en caresser les tranches, et c’était comme s’ils ronronnaient de plaisir. Elle aimait bien aussi quand le soleil lui réchauffait le dos. Elle se mit à sourire. Les livres sont comme les chats. Elle était (en quelque sorte) un chat. Donc, elle était un livre. Logique, non ? Elle aimait bien ce genre de réflexions. Mais elle avait oublié comment elles s’appelaient. Elle se creusa un peu la tête mais finit par abandonner. Trop fatiguée.

Elle aimait beaucoup les livres. Quand un livre lui plaisait vraiment, elle ne pouvait s’empêcher de le poser sur son cœur après l’avoir terminé. C’était comme si elle voulait la graver dans son cœur, cette sensation qu’elle avait ressenti. Peur. Admiration. Bonheur. Tristesse. Les livres sont tous différents, il n’y en a pas un seul qui puisse produire la même émotion qu’un autre.

Elle entendit la porte grincer, ce qui eu pour effet de la tirer de ses pensées. Elle se retourna brusquement, le cœur battant à vive allure. Malheureusement, les étagères l’empêchaient de voir qui venait d’entrer. Elle se leva, silencieuse comme une ombre, et fit le tour de la pièce en espérant surprendre ce mystérieux visiteur. Une fois arrivée à quelques pas de la porte, elle s’accroupit, attendant le meilleur moment pour passer à l’action. Si c’était Aphrodite, elle s’enfuirait et s’enfermerait dans sa chambre. S’ils étaient deux ou plus, idem. Dans le cas contraire, elle tâcherait de voir s’il devait être considéré comme un ami ou un ennemi. Le maître mot était "surprise". C’était sa seule chance.

Elle observa attentivement et se rendit compte que la personne en question était seule et qu’elle avait les cheveux coupés court. Elle attendit qu’elle soit dos à elle puis se jeta sur elle, la menaçant de ses griffes ongles.

- Qui es-tu ?

Elle appuya sur chacune de ses paroles, comme pour bien les faire rentrer dans le crâne du jeune homme face à elle. Et elle rajouta un argument d’autorité pour l’inciter à lui répondre dans les plus bref délais : elle lui tordit le bras dans son dos. Pas trop fort. Suffisamment pour qu’il comprenne qu’elle ne plaisantait pas. On ne plaisante pas avec les livres.
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A la fin des Neufs Vies du Chat de Montezuma, livre que Drunk lisait à ses sept ou huit ans, il se trouve que le félidé auquel on s'était attaché – dans la limite du possible quand on s'appelle Drenig – fait gentiment la rencontre d'une méchante automobile. Cette fois fut la bonne pour l'achever dirait-on, neuf chances ou non. Ainsi donc le chat trépasse sans plus de discussion, et techniquement c'est le moment où le petit va essuyer ses yeux pour se forcer à lire les dernières lignes en bon héros, cas échéant va foncer dans les bras de sa mère ou encore dans le cas présent être globalement assez perturbé par sa première confrontation, indirecte, mais confrontation tout de même, avec la mort. Ça, c'était l'interprétation de Drunk, qui n'alla pas courir dans les jupons de sa créatrice et n'embua pas non plus ses lunettes.
De là à ce qu'il comprenne le malaise à la fin d'un personnage, à la fin d'une vie tout cours, il y avait bien sûr tout un chemin, que sans doutes il ne parcourut pas. En effet, ce collapsus du à cette conclusion plutôt abrupte, aussi bien du roman qu'au fond de nous même, la mort, fut interprété de la manière suivante par le gamin qu'il était « Les chats, ça fait peur ».
Le raccourci aussi était plutôt effrayant.
D'autant que les coutumes populaires et donc sans grande logique allait aussi dans ce sens, d'autant plus si le félin se trouvait être plutôt noir.
Fort de ce nouveau constat, Drunk rangea ce jour-là dans un endroit où il ne risquait rien et ne risquait surtout pas de, au choix, lui donner l'envie d'être relu, ou l'attaquer sauvagement dans un coin sombre. Après ça, libéré de toute pression quant à … ces horribles choses et compte tenu de la chance que l'on connait du personnage, le fait était évident qu'il en croise un dans la journée sur le dossier d'un banc sur le quel il était assis.
Le nombre de chat étant à sa connaissance des choses tout à fait inutiles au nombre de 400 millions sur cette planète, sa présence ici-même n'était pas si étonnante que ça. Sa proximité, elle, était nettement plus dérangeante. Et s'il était répandu que lorsqu'un chien passait, le meilleur moyen étant de l'ignorer cordialement, la technique que le petit tenta d'appliquer ne parut pas fonctionner avec ce qui portait ce genre de coussinet.
Oh non, la bestiole se rapprocha, et un réflexe humain s'empara du binoclard, à savoir repousser l'assaillant d'un soufflet.
Essayons d'exprimer clairement ce qui se passa à ce moment précis.
Le coup atteint bel et bien le chat qui, plutôt offusqué, crut bon de riposter à la chose la plus simple à atteindre de sa position, à savoir son visage. Re-coup. Nouvelle attaque, plutôt dans le genre bien agrippée.
Alors oui, forcément, avec un peu de pitié d'empathie, la situation faisait vraiment « aouch », mais de l'autre main, ça relevait limite du comique.
Mais depuis ce jour, le simple statut que Drunk associait aux chats, à savoir « ça fait peur », passa à celui de réels créatures du démon.
Conclusion ?
Non, Drunk n'aimait pas les chats.
Mais pour l'instant, Drunk était juste en quête d'un livre dit My Antonia, quête qui l'avait donc mené ici même.
La bibliothèque, outre le fait qu'elle contenait des livres, ce qui constituait déjà en soi un avantage pour lui, était plutôt délaissé par les mainteneurs du pseudo régime dictatorial pour la cause suivante : barbante. Aucune raison d'y voir comme dans tous les régimes similaires une censure pour ne pas fortifier les esprits, ici, ils l'étaient tous déjà.
Bref, désert. Surtout que Nikolaï en bon otage remplissait son rôle de princesse blonde capturée et avait délaissé son royaume. Calme. Tranquille. Une vraie bibliothèque.
Quand tout à coup au détour d'un rayon, il fallut que ça arrive. Quelqu'un surgit et pour une raison qu'il ignorait, quelqu'un se jeta sur lui, et cet assaut réveilla en lui le souvenir ému de cet altercation dans son enfance avec le chat. Inutile de dire que ce ne fut pas le charmant flash-back. De plus, il n'avait pas tort dans sa comparaison.
La personne finit par lâcher :

« Qui es-tu ? »

Quoi, était-ce encore un des chiens de garde des jumeaux et de la psycopathe ?
Autant répondre aussitôt :

- Ah, je...

Ce qui ne devait pas l'avancer beaucoup. Mais ces arguments n'étaient pas des plus entraînants ceci dit. Quoi que l'idée de finir un bras en moins parut suffisamment motiver l'autiste qui répondit en perdant ses lunettes.

- Drunk. Je suis Drunk. Je suis des pacifists, je suis Drunk...

Pas la peine de s'attaquer à la description psychologique – d'autant qu'on tournerait vite fait en rond. Mais mince, c'était quoi l'habitude de la maison de violenter les gens ?