Ok, c'était l'occasion de ta vie. La bataille du siècle. L'apocalypse maya. L'apocalypse zombie. L'apocalypse zombie et maya. Ou un truc du même goût. Tu sentais jusque dans ta nuque imberbe des frissons, genre l'adrénaline. Voilà, tu sentais une putain d'adrénaline qui coulait dans tes veines comme des coulées de lave. T'avais même tout prévu. Enfin bon c'est ça quand on est particulièrement malin; t'avais troqué tes habituelles sapes - qui puaient autant la classe que toi quand tu t'aspergeais de parfum Lolita Lempicka - pour un tee shirt et un short qui laissait voir tes jambes de nymphe (tellement gay). Il faut dire que, connaissant les autres orphelins, ça allait vite dégénérer, alors autant ne pas prendre le risque que tes magnifiques fringues de poupée Barbie édition collector ne soient déchirées/tachées/découpées/et autres adjectifs peu plaisants. C'était la praticité même tout ça. T'espérais juste qu'on allait pas tenter de cramer ton joli petit cul de gonzesse, mais bon fallait s'attendre à tout à la Wammy's House, vu les tarés qui y avaient été recueillis.
Ce soir, pour une quelconque raison, il allait y avoir du grabuge genre bataille de dortoirs rpz les loisirs indémodables depuis l'invention du polochons. Mec, mec. Tempest. Il fallait que tu défendes ton territoire. C'était dans les gênes. Dans tes putains de gênes mon gars, l'instinct animal et toutes ces conneries. Tu sentais le lion qui rugissait en toi, le fauve le roi de la jungle parce que PUTAIN OUAIS T'ES LE ROI DU MONDE TIMOTHY ABRAHAM. TEMPEST. Enfin c'était ce que tu gueulais dans ta tête d'adolescent efféminé à la force physique égale à un mollusque.

Non pas que t'avais peur parce que putain le premier qui disait ça à propos de ta divine personne allait finir à l'infirmerie. Pas parce que t'allais botter le fessier à la-dite personne, non.
Parce que t'allais envoyer un de tes sbires botter le fessier de la-dite personne. Et tu trouvais ça parfaitement cool et digne de toi.
Pour des raisons logistiques, tu n'avais pas pris tes propres oreillers pour te lancer dans la bataille de l'année. Après tout, les tiens étaient emplis du meilleur rembourrage, que tu avais acheté grâce aux fonds de quelques généreux donateurs. Du coup tu t'étais contenté de quelques oreillers chourrés à la buanderie (et s'ils voulaient pas qu'on les vole, bah fallait pas les laisser sécher en évidence). T'étais pas certain de qui avait lancé l'évènement mais c'était la jungle ouais. Au pire tu te branlais complètement de qui avait lancé le truc, puis si on savait pas qui c'était le lendemain tu pourrais dire que c'est toi qui a commencé. En attendant les oreillers étaient pas trop lourds pour toi et tu t'en donnais à coeur joie, pieds nus en hurlant aussi virilement que tu le pouvais - sur l'échelle de la virilité de 0 à 10 tu te trouvais à peu près vers le 2ème barreau - un oreiller sous le bras et l'autre en mouvement.

— Hm. Vous vous battez sans rien? Soyez plus créatifs, créez des équipes, des points de contrôle à posséder... Ce serait plus fun, vous ne croyez pas ?

Tu te dis que le type était un crétin. Un crétin noob en plus. Le type de mec qui vient d'arriver dans la maison et qui connait pas les règles parce qu'il s'est pas encore fait tabasser jusqu'à ce qu'i comprenne. Tu hausses les yeux au ciel et reprends avec un peu moins d'entrain ton action punitive.

— Ecoutez-moi ! Je vous propose de former des équipes, on définit une zone d'action et le but serait d'occuper la base adverse un maximum de temps ! Cela vous branche-t-il ? Tous les coups - d'oreiller bien sûr - sont permis !

C'est qu'il ferait de l'humour en plus. Tu ricanes. Et une façon de parler tellement, tellement correcte. Tu te dis qu'il fait partie de cette catégorie d'ados qui s'enferment dans une logique carrée et parfaitement conne. Bordel, un adolescent c'est une masse d'hormones, pas un robot. Tu te dis qu'il a rien compris à la vie. Tu lui balances l'un de tes oreillers dans la gueule.

— La ferme le nouveau ! tu lui gueules en riant

Tu regrettes de pas avoir de talons pour pouvoir poser d'un air dominateur tes pieds sur son cadavre encore chaud, ce qui ferait son petit effet sur le blanc-bec. Simple question d'orgueil, parce que tu trouves que dominer les gens, c'est quand même cool. Je veux pas t'inquiéter mon chou, mais si tu permets j'aimerais ajouter que t'as un sacré complexe d'infériorité. Et tout le fond de teint que tu fous sur ta gueule de tapette suffira pas à cacher que t'es un grand gamin, Tempest.