dans nos coeurs un chant d'espoir sans oser trop y croire

On a fait une pièce pour étouffer ta liberté.

Elle est petite, plane, presque démunie de fenêtre. Tu n'entends pas le vent quand il n'y a que le silence comme son. Tu ne vois pas le soleil, les néons sont là pour ça, ces lumières aveuglantes qui crèvent tes rétines à chaque passage dessus. Elle est blanche, elle est pure, elle est vide.
Au loin, les cibles et leur cercle de sang. De sang parce que tu t'es mise à penser qu'à chaque fois que quelqu'un tirait dessus, ça tuait quelque part. Ce rouge n'est pas normal. Cette pièce n'est pas normale et toi, le seul sentiment qui te passe par la tête, c'est cette angoisse de ces murs qui t’écrasent minute par minute.

Tu as pourtant lancée un défis.
Tu lui as pourtant lancée un défis.

Tes mains se balancent sur la petite surface de bois qui délimite l’isoloir. Tu te dis qu'il porte bien son nom, que tu as l'impression d'être seule, coupée de la réalité. Que tu détestes ça aussi. Que pour toi qui est née avec la nature comme deuxième écorce, cette cloison invisible entrave trop tes limites.
Deux pistolets se trouvent devant tes phalanges. Un plus léger que l'autre. Un plus rapide. Tu les portes dans tes mains, et te trouves dérangée par leur poids totalement disproportionné. Ton épaule qui a été façonnée pour l'arc ne comprend pas le mouvement de tes doigts autour de l'arme. Tu as même du mal à le saisir.

Il va bien falloir que tu fasses face. Tu lui as lancé un défis, et une Fir Bolg ne revient jamais sur sa décision. Surtout pas devant lui. Tu cibles ton arme dans le vide, imaginant la gâchette tournée, l’adroit-esse de tes doigts sur l'arme, le regard plié, le souffle tendu.

Il n'y a pas de raison à se que tu lui lances ce défis. Cela a toujours été comme ça. Il te propose, tu acceptes. Tu lui proposes, il accepte. Échange de compétence, échange puéril qui revenait à mettre toujours le même score identique sur vos victoires personnelles. Vous êtes toujours tout le temps au même score. Cette bataille est la quatre cent quatre vingt dix neuvième. Elle signe la moitié d'un millier de combat, d'un millier de regards tendus et de tentions brutes. De dégénérescence, de poings levés et baissés sur vos têtes.
Mais on a la tête dure quand on est irlandaise. On a la tête dure quand coule dans nos veines coule le sang rouge d'une famille aux aïeux puissants.

Hiems est la glace qui gèle les continents pour crever la terre.
Toi, tu es le feu qui détruit les cultures et brûles les membranes pour les rendre poussière.

Votre rivalité est ancestrale, elle est écrite dans les anciens textes. Il te fallait un alter ego, tu l'as trouvé. Tu l'as trouvé et quand tu as vu la porte s'ouvrir, tu as pointé l'arme de fer entre ses yeux bleus.

« T'jours  prêt pour ta raclée, l'gamin ? »

Ce tic qui transforme ton rictus en sourire n'est jamais contrôlé. Comme tes cheveux qui se font sauvage, désirant partir de chaque côté, comme fuyant la bataille des armes que tu te tiens prête à mener.
Tu relâches la visière, apportes ton regard sur l'autre arme en lui intimant d'en faire autant. Beaucoup de gens se demandent si dans ta tête, il existe autre chose que ces délires de fille sauvage qui veut défier la terre.

« Lourde ou légère ? »

Toi, tu t'en fous. Tu veux te battre contre la neige.