" Etudie, non pour savoir plus, mais pour savoir mieux."

Tout le monde est dehors, certes il fait beau mais ce n'est pas en jouant dehors que l'on s'instruit ou que l'on réussit ses études. Hugh le sait bien. A peine sorti de cours, il se dirige vers sa chambre, plus précisément à son bureau afin de poursuivre sa quête de savoir. Livres sous le bras, il arpente le dédale de couloir, laissant à chacun le plaisir de voir cette fine silhouette élégamment vêtue déambuler sous leurs yeux. Ses cheveux bruns s'agitent au rythme de ses pas, ses yeux d'un bleu à tuer une nymphomane sur place se posant négligemment sur des objets aléatoires. Une fissure sur un mur, une peinture s'écaillant, une feuille traînant au sol, chaque anomalie est immédiatement remarquée par le jeune homme. Le parquet en bois usé grince sous ses pas, l'odeur d'ancien règne et ce n'est pas pour lui déplaire, ça lui rappelle la bibliothèque, les vieux livres et leur senteur d'antan.
Les couloirs ne sont pas tellement remplis en ce moment, la chaleur estivale invitant les enfants à se bousculer afin de se rendre dehors, épargnant à Harmless le contact physique avec les autres alors qu'il se faufile entre les corps bouchant les couloirs comme c'est le cas en hiver. Le trajet jusqu'aux dortoirs se fait donc sans encombre, un trafic fluide, du calme, que demander de plus? Une fois devant la chambre qu'il partage avec Lust et Everald, Hugh pousse doucement la porte et d'un regard rapide, découvre la pièce déserte. Tant mieux, ces deux là l'auraient empêché de travailler dans le calme, voire empêché de travailler tout court.
Le jeune homme se déleste de ses livres qu'il range immédiatement à leur place sur son bureau, ôte sa veste à cause de laquelle il a trop chaud, tire la chaise et s'assied face au travail qui l'attend. Pas besoin de relire ses cours, une fois écrites, les informations sont déjà enregistrées. Pourquoi Hugh travaille t-il autant alors qu'il emmagasine les connaissance avec une facilité déconcertante? Parce qu'étudier est un plaisir pour lui. C'est pour cette simple raison qu'il ouvre un livre traitant de la théorie des cordes. Il parcourt les lignes à une vitesse fulgurante, réfléchissant à sa propre théorie en la matière tout en poursuivant sa lecture. Le temps passe, le livre s'achève mais ce n'est pas un soucis, il n'a qu'à tendre la main pour attraper un autre ouvrage. Il jette son dévolu sur un classique de la littérature anglaise: The Final Problem. Le jeune homme retrouve donc l'apparition du professeur Moriarty et le récit du combat entre ce dernier et le fameux Sherlock Holmes.
Au fur et à mesure de sa lecture, l'esprit d'Harmless s'embrume et le sommeil vient lentement mais surement l'enlacer et c'est ainsi qu'il se retrouve assoupi, le visage posé sur ses bras reposant sur le bureau.

"Heureux celui qui t'aime et qui, la nuit, partage le lit où tu t'endors"

Chaleur. Pas cette chaleur envahissante et étouffante des après-midi d'été mais cette chaleur douce et bienveillante, humaine, qu'il connait si peu, lui à qui on a attribué le sobriquet de puceau. Les yeux encore clos, il retrouve petit à petit les sensations de son corps groggy, captif d'un doux sommeil qui s'est emparé de lui par surprise. Le souffle toujours irrégulier, l'esprit entre le rêve et la réalité, Harmless émerge peu à peu. Sentant le sol dur sous son corps, il ouvre lentement ses yeux, les laissant s'acclimater à la lumière agressive qui s'engouffre dans la pièce par la fenêtre. Un souffle contre son visage, une étrange chaleur contre ses lèvres et tout le long de son corps. Hugh se retrouve nez à nez avec un visage, visage appartenant à Everald et qui vient de...

"E-Everald?!"

La surprise le tenaille et une gêne immense s'empare de lui. Le jeune homme se raidit, n'osant esquisser le moindre mouvement et le rouge lui monte aux joues. Les yeux grands ouverts de stupeur, il fixe l'allemand qui l'enlace tendrement, allongé à ses côtés. Incapable de parler ni de raisonner correctement, pétrifié tel une statue, le jeune homme est comme désemparé, ne sachant comment réagir face à cette situation inédite n'entrant pas dans les classiques des relations sociales humaines.
Everald est un camarade de chambre très agréable, quoiqu'un peu pressant envers Hugh mais jamais le jeune anglais n'aurait imaginé qu'il puisse agir de la sorte à son égal. Comment interpréter cette tendresse, cette embrassade dans le sommeil, ce... ce baiser chaste et doux? Chaud, Harmless meurt de chaud, ses joues son en feu, il n'ose pas imaginer à quoi il doit ressembler, rongé par cette timidité si handicapante.
Jamais une autre personne n'avait enlacé le jeune homme ainsi, personne n'avait encore goûté ses lèvres. Ces sensations inconnues le déstabilisent profondément, comment réagir à cela? Est-ce un geste désuet pour le fragile allemand ou une déclaration silencieuse? Everald est un garçon charmant, doux, rêveur, attendrissant par sa fragilité et Hugh l'apprécie vraiment mais... c'est un garçon justement. Non pas qu'il soit intolérant, ça non, mais de là à ce que cela lui arrive, le Word est simplement... Désemparé. Il n'a pas été éduqué comme ça.
Après avoir difficilement déglutis, toujours à même le sol face à Everald, il articule péniblement.

"Tu-tu es là depuis... longtemps?"

"L'amitié est une chose merveilleuse à partir du moment où l'on peut se taire ensemble sans malaise."

Le froid du sol raidit ses muscles fatigués, la chaleur du petit corps de l'allemand le détend. Hugh est pris entre deux sensations, la douceur et la gêne, la tête de son camarade de chambre contre son torse. Il doit l'entendre, son état, son coeur qui s'emballe. Il doit la sentir sa chaleur, son corps réagissant de manière disproportionnée systématiquement. Que faire? Comment réagir face à cette proximité inconnue, nouvelle et soudaine? Faut-il bouger ou rester ainsi sur le vieux plancher de la chambre? Le Word est perdu, il est comme un enfant, sans repère, sans référence pour l'orienter dans une façon de réagir appropriée alors il ne bouge pas, droit, comme un cadavre, essayant de raisonner, de trouver une solution. Harmless, l'inoffensif, l'amputé de la normalité sentimentale, n'ose pas esquisser le moindre mouvement, n'ose pas toucher Everald qui, lui, dans un souffle rieur, daigne enfin lui répondre.

« Hum. »

Son souffle répend une douce chaleur sur le torse du britannique qui attendait plutôt une explication de ce qui a pu se passer dans son sommeil, de la raison pour laquelle il se passe ce qui se passe, pourquoi est-il ainsi allongé tout contre lui. Pas par animosité, sans aigreur mais juste pour comprendre cette proximité dont les motivations lui échappent.

« Tu travailles trop... »

Il travaille trop. Est-ce la un motif pour embrasser une personne dans son sommeil dans le cadre de relations sociales classiques? Peut-être, après-tout, qu'en sait-il? L'affection est étrangère à sa vie et il se sent incapable d'en donner comme il le voudrait. Quoi qu'il en soit, l'allemand n'a probablement pas tout à fait tort...

"Je... Oui. Peut-être."

Toujours emprisonné par son malaise, il se contente de bredouiller. Il peste mentalement contre lui même de ne rien dire de constructif, de ne rien faire, le regard ailleurs, dans le vide. Peut-être qu'il y trouvera les réponses qu'il cherche. Mais Everald semble avoir décidé de jouer avec ce fardeau qu'est le sien, son visage part, audacieux, à la rencontre de son cou, ses mains découvrant ses cheveux bouclés, effleurant son visage. Le feu aux joues, Harmless se surprend à fermer les yeux, appréciant ce moment, cette douceur, cette chaleur si rassurante, il n'oserait l'avouer. C'est comme un secret, un instant caché, vécu dans un souffle, loin de tout, c'est beau. Curieuse, sa main quitte sa cachette et vient timidement, approchant peu à peu, reculant par crainte, comme un animal qu'on tente d'apprivoiser, pour finir par toucher du bout des doigts, effleurer la nuque du Riddle, à la naissance de ses cheveux. Une question lui brûle les lèvres depuis son réveil, osera-t'il la poser? Sortira-t'il de son légendaire mutisme? Oui.

"Pourquoi...?"

Oui, pourquoi joues-tu ainsi avec ses faiblesses, avec ces sensations qui le perturbent tant? Te moques-tu? ... pourquoi?