La nuit, tous les chats sont mauves.

Et pourquoi tous les chats n’auraient pas le droit d’être mauves ? Le dicton dit qu’ils sont gris, mais pourquoi ne seraient-ils pas roses à poids noirs ? Cela promettrait d’être amusant ! On pourrait penser que, fondus dans la nuit, leurs corps auraient subis de nombreux perçages. Ne nous limitons pas à quelques couleurs, imaginons que les chats sont maintenant des rubik’s cube géants et poilus, avec la tête au milieu et les pattes dans les coins. Et imaginons qu’un crocodile habillé en astronaute passe, et qu’il mange le chat-cube. Et bien le crocodile deviendrait de forme cubique sur toute la surface de son abdomen, et des poils lui pousseraient sous la mâchoire. Puis il s’envolerait en forme d’avion, atterrirait dans une marre comme une grenouille, se ferait manger par un rockeur loups, et tout ça à cause d’un foutu dicton !

Utopy pouvait aller très très loin comme ça. Oui, détrompez-vous, l’histoire pourrait très bien se continuer. Elle était plus qu’habituée à dire pareils inepties. Son cerveau était branché constamment sur les fréquences inconscientes de l’esprit humain, et ainsi, toutes les phrases sortaient malicieusement de sa bouche sans jamais avoir le moindre sens. Le plus étrange, et également le plus rageant, c’est qu’en fin de compte, tout ces mots s’enchevêtraient, s’éclipsaient, se métamorphosaient, se mouvaient pour se transformer en un ensemble cohérent, doué de logique et de sens à la portée de n’importe qui. Comment faisait-elle pour paraître à la fois si idiote et intelligente ? C’était la grande question.

Aussi, revenons à nos chats. Qu’ils soient d’une couleur ou pas, ce n’était pas l’important. La seule chose intéressante dans la phrase est « nuit ». Car il était très tard, deux heures du matin pour être plus précis. Le ciel clairsemé avait troqué son habituel teinte grisâtre et polluée contre un plafond astrale reluisant aux milles et unes splendeurs. Les étoiles scintillaient comme des diamants, ornant la couronne majestueuse du couple divin, Gaïa et Ouranos. C’était un spectacle magnifique. Utopy songea que peu de gens prennent vraiment le temps de réfléchir au delà de la beauté des étoiles. Ces planètes, pour elle, étaient la signature du néant. Elles étaient si grandes, et en même temps si ridiculement faible face à l’infini grandeur de l’espace. Alors qu’en était-il des humains ? Ils avaient adorés le ciel, poussés à croire que quelque chose de magnifique veillait sur eux, pauvres mortels. Le dieu Soleil baignait de ses rayons les cœurs aigris des Hommes, remplacé par le dieu Unique et incontestable par la suite. Que cette présence soit là ou non, il fallait bien pour eux que la peur s’estompe. La peur de la Mort, du vide que représentait le ciel, si salvateur et en même temps repoussant. Si la Terre avait 30 ans _ à son échelle _ les dinosaures auraient foulés le sol à 27 ans, et Jesus serait apparu il y a 20 min. La vie humaine n’est que poussière.

Un mur.

Absorbée par sa marche silencieuse, le nez vers le ciel, Utopy n’avait pas vu qu’elle s’approchait d’une surface plate et verticale, aussi nommée mur. La suite fut toute tracée : elle se le prit en pleine figure. C’est un choc. Ça fait mal. En tous cas, les étoiles avaient disparues pour laisser place à une douleur au niveau du nez, surtout. Utopy crispa le visage, et toucha son nez. On aurait dit qu’il palpitait, mais il ne paraissait pas cassé. Elle ne saignait même pas. Au pire, elle aurait un méchant bleu, rien de bien grave. La jeune fille regarda autour d’elle, et se rendit compte qu’elle ne savait absolument pas où elle se trouvait. En hauteur, au pied d’un grand bâtiment arrondi... cela devait être l’observatoire de l’orphelinat. Si elle ne se trompait pas, Utopy était ravie. Elle n’avait jamais eut l’occasion d’observer les astres dans une télescopes. De plus, elle avait quelques devoirs de physiques à terminer, et l’observatoire pouvait être fort intéressant.

La jeune fille entreprit de contourner les murs en quête d’un accès à l’observatoire. Après l’avoir trouvé et gravit les quelques marches d’escalier, elle entra dans une spacieuse salle, au plafond vitré, aux télescopes innombrables, et aux centaines de livres empilés çà et là. C’était si spacieux qu’il pouvait y avoir des tables comme des espaces totalement vides. Il n’y avait que quelques étudiants, trop absorbés dans leurs travaux pour remarquer son arrivée. Utopy fit un pas. Le son fut absorbé comme par magie par le sol, à un point incroyable. Traduction normale de Utopy : Elle pourrait faire les 400 coups sans sentences. C’était parfait.

La demoiselle n’avait cependant pas du tout envie de faire comme tout le monde. Aussi, elle se planta au milieu de la pièce, s’allongea, les bras en croix, sur la substance mousseuse et en même temps dure qui recouvrait le sol. Installée ainsi, elle se perdit à nouveau loin, très loin...

Dans les étoiles...