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 Il faudra bien mourir, et me finir entre tes lèvres. ▬ Hannibal

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Sujet: Il faudra bien mourir, et me finir entre tes lèvres. ▬ Hannibal Il faudra bien mourir, et me finir entre tes lèvres. ▬ Hannibal EmptyDim 19 Juin - 0:23



Il faudra bien mourir, et me finir entre tes lèvres. ▬ Hannibal 014uzz


Dans la violence de nos amours, sûr, en mégot sur du velours,
nous partirons dans la fumée, mon amour les yeux fermés.

.


« Dis, je t'ai manqué ? »

Lui sourire, un peu têtue, à moitié innocente, encore enfant, mais plutôt femme, les yeux clairs et directs, les lèvres confuses, la tête en arrière, le regard rieur et assuré, les dents mordillant l'intérieur de sa joue, les mains joueuse, les pieds sautillants, les cheveux dansants, tout bien préparé, elle aura l'air parfait. Elle aurait l'air parfait et il se rendrait compte qu'elle lui manque terriblement. Elle arriverait et le prendrais par surprise, elle ferait comme d'habitude. Elle ferait comme si bien sûr ils ne s'étaient pas quittés quelques jours plutôt, comme si tout cela n'était qu'une continuité bien établie.
Et c'était le cas.

Parfois ils se séparaient avec fracas. C'était curieux à voir, ils se jetaient la pierre, ils se déchirait petits bouts par petits bouts, ils se perdaient, ils se mentaient, ils criaient ils hurlaient, ils se faisaient mal, ils se maudissaient, ils se haïssaient. Puis ils se retrouvaient avec violence, avec chaleur, avec brutalité, avec besoin. Mais ils se séparaient aussi doucement, sans effusions plus que nécessaires, pour des raisons curieuses qu'ils ne disaient qu'à demi-mot, ils se lassaient, ils se laissaient. Et puis ils se rejoignaient un beau matin comme si le temps était au beau fixe, et oubliée les intempéries chagrines de la veille.
C'était un va-et-viens continuel, c'était perturbant. Elle aimait désespérément ça. Ainsi pensait-elle à ce qu'elle dirait quand elle reverrait Lecter.

Elle entra dans sa chambre, n'alluma qu'une lampe de chevet – les rideaux avaient été tirés, par elle ou une de ses colocataires absentes – et avança l'air las, déchaussa d'une main ses ballerines qu'elle envoya valdinguer d'un mouvement ample du pied, fit quelques pas rapides en soupirant et en agitant mécaniquement quelques mèches de ses cheveux. Elle déposa son sac à main sur son bureau, y fouilla machinalement avant de se rendre vers la penderie. Elle en sortit un vêtement brusquement, sans le regarder vraiment, puis elle s'arrêta et respira un coup. Elle était peut-être un peu énervée. Elle se força à sourire un instant au miroir, puis elle se baissa et retira son jean et son t-shirt de la journée, puis arpenta la pièce en lingerie blanche, sa nouvelle tenue à la main, jusqu'à son sac où elle récupéra son téléphone qu'elle consulta brièvement. Puis, après de nombreux passages du coq à l'âne, elle se décida à enfiler la robe rouge et cintrée qu'elle agrippait sans s'en rendre compte.
Elle se posa devant ce qui avait plus la fonction de coiffeuse que d'espace de travail, et elle leva ses cheveux en un espèce de chignon fouillis et épais. Elle s'attarda sur les boucles légères qu'ils prenaient soudain lorsqu'elle les triturait. Elle soupira et relâcha le tout. De sa main droite, elle ajusta le miroir, tandis que la gauche vaquait encore dans les filaments ocres. Elle eu une petite moue fatiguée.
Il était dix-sept heures, presque personne n'était dans les dortoirs, et Lolita Julietta Chiastraelli se préparait à aller faire on-ne-sait-quoi on-ne-sait-où, comme à son habitude. Mais ça, vous vous en doutiez peut-être.
Elle approcha son visage du verre et glissa un bâton de rouge à lèvre sur sa bouche entrouverte. Ensuite, après un discret coup de brosse dans sa chevelure lâchée, elle se leva et alla remettre des chaussures, à plus haut talons cette fois là. Il était vrai que la rousse faisait particulièrement attention à son apparence, et qu'elle était particulièrement agitée. Ce manège là n'était que très courant. Pourtant, sûrement ennuyée d'avoir piétiné autant dans la pièce, c'est à pas feutrés qu'elle alla encore une fois vers son sac.

Enfin, pour la première fois depuis qu'elle y était rentrée, Lula accorda un regard à la silhouette masculine allongée nonchalamment sur l'un des lits.

Dis, je t'ai manqué ? demanda-t-elle d'un ton riant.

Pourquoi était-il là, déjà ? Comment était-il rentré ? Elle avait sûrement laissé la porte ouverte, ou bien l'une des autres filles, ça leur ressemblaient à toutes. Ce n'était pas non plus la première fois. Depuis combien de temps était-il là ? Un peu avant qu'elle n'arrive, ou bien, après avoir séché la journée, s'était-il assoupi ici, et se réveillait-il à peine ? L'avait-il attendue ?
Dans la pénombre chaude des murs, elle observa de loin son visage. Elle se laissa glisser vers lui et s'assit à ses côtés, à moitié alanguie sur le drap.

Il a l'air épuisé, il a toujours l'air épuisé, et cet air élégant qu'il arbore avec prestance, et sa cigarette – il fume toujours dans les chambres, il fume même quand elle met ses mains sur son nez en une mimique gamine pour chasser la fumée toxique –, et toutes ces choses lui vont bien. Elle fredonne distraitement tandis qu'elle se rapproche de lui.
Le temps n'existe plus. Elle n'est plus pressée. Oublié, le rendez-vous pour lequelle elle s'est bien préparée.
Elle se met à genoux sur le lit, elle laisse échapper un petit rire étouffé, elle joue avec ses cheveux, la bouche entrouverte et le sourire songeur, et ses yeux ne le lâchent pas un instant, de ses pupilles bleus cyan à ses paupières allumeuses. Elle reste suspendue dans sa position, enroulant une mèche rouge dans un des doigts, son bras pendant sur l'autre avec prestance. Elle regarde l'heure, fait « oh ! » du regard, elle devrait partir.
En vérité elle aimerait bien qu'il l'arrête et l'empêche d'aller dans d'autres bras.

Elle se rapproche et se rallonge sur le côté et elle laisse trainer sans le faire exprès son bras sur le sien, puis se retourne, se met sur le dos, puis sur le ventre, puis se relève un peu, et se rabaisse, indécise. Elle arrête son manège soudainement.
Elle lui sourit. Moins enfantin, plus décidé, un peu sarcastique, néanmoins joueur, un sourire heureux. Heureuse de quoi, on l'ignore. Mais elle sourit quand même. Elle s'approche et murmure :

En fait, tu t'en fous, non ?

Elle a un petit rire.
Ce n'est pas vraiment une prière pour attirer son attention. Plutôt une concession. Mais ça lui ferait mal si il s'en foutait, la pauvre chérie. Elle se redresse, mutine, et elle tend la main, passe ses doigts sur sa joue, joue avec une mèche de ses cheveux blancs, puis reviens sur la peau. Ses phalanges glissent un instant puis se suspendent, à quelques centimètres de la cigarette.
S'il pouvait l'enlever un moment qu'elle l'embrasse.

Un éclair de jalousie passe dans son âme un instant. Et si c'était fini, et s'il en avait une autre, et si il s'était lassé, et si il avait tellement mieux avec tous les autres gens plus sains ou moins versatiles qu'elle qu'il connait, et si tout compte fait il s'en foutait, il a bien Trafic et Lala, lui.
Elle exagère, Lula, elle se fout du monde, la princesse. Elle qui n'est jamais à personne qu'au monde entier, elle qui se donne sans rien garder, sans rien avoir même à la base, elle qui prend puis qui s'ennuie, puis qui jette puis qui s'en va, puis qui veut et qui reprend, elle qui se croit si maline et si jolie, elle qui ne veut rien d'autre que tout, tout simplement. Elle, elle en aurait des choses à dire sur la tromperie, les sacrilèges, et les tristes sortilèges des nuits noires. Et c'est elle qui irait pleurer, pour une fille qu'il aurait regardé passé, pour un ami dont il lui aurait préféré la compagnie, deux heures dans la semaine ? C'est elle qui se permet de se croire tout permis ? C'est elle qui se permet de le croire à elle ?
Elle exagère, oh Lula, Lula qui voudrait être la seule, l'unique, qui voudrait écrire son nom sur son cœur, le marquer au fer rouge, le garder et crier « c'est le mien ! » Lula qui voudrait être la seule étoile au firmament.
Elle exagère, Lula, elle sait bien qu'elle n'est qu'une petite égoïste qui demande aux autres ce que jamais elle ne leur donnera.
Elle exagère, Lula, mais elle sait que dans ces moments là il n'y a que lui, et plus personne d'autre. Elle n'aime pas plusieurs êtres à la fois. C'est faux, elle les aime séparément. Et lui il les ramène tous au plan secondaire. En un geste en un mot, il est le héros d'un moment.
Alors elle crève d'envie d'être la seule. Dis-lui, Hannibal, tu l'aime ?

Un air grave passe et disparaît, chassant le fantôme de cette peur pourtant intacte. Elle le regarde à nouveau, se ressaisit.
Il fume toujours, alors elle recule encore, puis elle se rapproche encore ; et juste à côté de ses lèvres les siennes déposent un baiser.

.

Quand de nos feux c'est l'extinction, de l'incendie à l'horizon,
quand j'ai plus le choix que d'm'éteindre ; rallume-moi !




Dernière édition par Lula le Jeu 10 Mai - 22:20, édité 1 fois
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Sujet: Re: Il faudra bien mourir, et me finir entre tes lèvres. ▬ Hannibal Il faudra bien mourir, et me finir entre tes lèvres. ▬ Hannibal EmptyLun 8 Aoû - 22:10



C'EST L'AMOUR QUI FAIT TOURNER LE MONDE. ET SI C'EST VRAI, ALORS LE MONDE TOURNAIT PLUS VITE QUAND HALEY ÉTAIT LÀ.
W.S. Gilbert


Il y a ces bruits de pas précipités dans le couloir. Il y a le vent qui souffle contre la fenêtre et le claquement de la vitre. Il est allongé sur le lit, un bras passé sur ses yeux, la cigarette se consumant entre ses lèvres. Il est revenu, comme d'habitude. Mais il n'est pas revenu pour elle. Il ne reviendrait jamais pour elle. Il est revenu pour sa bouche un peu trop large et ses joues trop rouges. Il est revenu pour sa voix claire et trop aigüe, pour sa silhouette trop grande, pour son épaules trop écartées. Il est revenu pour son vaste front blanc et son odeur de lait sucré qu’il déteste tant. Il est revenu pour son corps lacté qui lui rappelle la neige comme une infinité de flocons envolés qui la constituerait. Il n'est pas revenu pour elle. Il est revenu par peur. Parce qu’à chaque fois qu’elle part, à chaque fois qu’il s’en va, à chaque fois qu’ils s’écorchent, à chaque fois qu’ils séparent, il a peur. Peur que cette rupture ne soit la dernière. Alors il disparait et il revient, entre ses draps, sur ce lit, dans cette chambre où elle le retrouvera. Et soudainement elle apparait. Elle passe la porte, elle marche, elle s'agite, elle respire, elle est juste là. Et c'est le début de l'éternité. Lorsque soudainement, il cesse de vivre pour mourir en elle.
▬ Dis, je t’ai manqué ?
Et toi Lula, est-ce qu’il te manque ? Est-ce qu’il te manque lorsque tu te lèves le matin, dans les bras d'un autre, que ce n'est pas son odeur sur ta peau, que ce n'est pas son corps contre le tien ? Est-ce qu'il te manque lorsque tu manges, lorsque tu respires, lorsque tu dors, lorsque tu vis ? Est-ce que tu le vois quand tu crispes tes paupières, est-ce que tu sens son parfum lorsqu'elle n'est pas là, est-ce que tu entends sa respiration lorsqu’elle est loin de toi ? Est-ce que tu peux fermer les yeux entre deux rêves, la laisser s'incruster entre deux reins ? Est-ce que tu peux l’oublier, la laisser s’effacer quelque part au milieu de ta mémoire ? Et il la voit partout. Apercevoir son ombre échappée dans une détour de couloir, attraper du regard ses cheveux de sang au milieu de cette foule. Il était possédé de Lula, comme une brûlure amer qui continuerait de le consumer. Dans chaque femme il y avait les traits de Lula, dans chaque mouvement il la retrouvait, à chaque seconde lorsqu’il posait son regard sur le monde, c’était Lula qu’il voyait. Il sentait Lula dans un frôlement de corps, dans tous ces autres qui bougeaient, qui lui parlaient et qui n’étaient que des réminiscences, que des copies, des morceaux de Lula.
▬ En fait, tu t’en fous.
▬ Oui.
Oui je m’en fous Lula, je m’en fous de ton maquillage qui dépasse, je m’en fous de ton parfum entêtant qui me donne le tournis et de ton rouge à lèvres qui ses jouent de mes iris. Je m’en fous de ta robe de sang et de tes talons qui claquent comme un bourdonnement incessant qui me rend dingue. Je m'en fous de tous ses artifices que tu enfiles. Moi je te veux Lula. Lula quand tu me hais, quand tu me dis de ne jamais revenir, quand tu claques la porte de ta chambre derrière moi. Lula quand tu poses tes lèvres sur les miennes, Lula quand tu souris quand tu dérobes le soleil de tes bras. Lula quand tu te déposes au creux de mon corps, quand on s'aime le soir pour se tuer la nuit. Lula quand tu t’en vas, quand tu dis que tu ne reviendras pas. Lula comme un feu, comme une horreur, je te veux comme une entaille en plein coeur. Lula quand tu m’aimes. Dis Lula est-ce que tu m’aimes ? Parce que moi je. Moi je.
Mais déjà elle s’en va. A peine le temps de déposer un baiser auprès de sa joue.
Où tu vas, Lula ? Elle s’en va en aimer un autre. Elle file, entre le monde, s'évanouit dans la foule, elle t'échappe encore une fois où peut-être est-ce toi qui t'en va, personne ne sait plus vraiment. C'est leur façon bancale d'aimer. De s'aimer. C'est leur façon maladroite de s'accorder. Elle, l'été brulante de passion à prendre les autres, à emprisonner l'univers entre ses doigts, à trop aimer jusqu'à s'étouffer. Lui, l’hiver de ses sourires crispés, plein de son froid dans le givre incrustés de ses cernes sous ses yeux, tant de glace brisée dans chacun de ses mouvements saccadés, tant de neige qui ampli son être et qui a fini par le noyer. Et l'été déposa sa bouche brulante sur la chair de l'hiver pour la marquer, de sa signature rouge à lèvre.
Hannibal écrasa sa cigarette contre le mur et se redressa. Il ne tendit pas la main pour la retenir, il n'esquissa pas le moindre mouvement. Son visage marqua juste une crispation.
▬ Tu diras bonsoir de ma part à Shrimp.
Dis Lula, est-ce vraiment cet Hannibal que tu aimes ? Celui qui te vend de l'amour pourri, de l'amour factice, de la moquerie. Dis Lula, c'est vraiment ce bout de vivant, rouillé d'angoisse que tu aimes ? Cet homme pas assez humain, celui qui te jette sa passion infecte. Ils avaient leur destruction, leur mots qui s'éclataient, leurs lèvres qui s'emmêlaient, leurs corps qui s'entrechoquaient. Ils avaient leurs disputes, leurs « tu me manques » entre deux portes claquées et des « je m'en vais » à peine soufflés entre deux silences. Ils avaient leurs « je t’aime », jetés de travers, à s'aimer à l'envers. Mais Lula, est-ce que tu le vois ? Qu'il crève un peu plus de toi ? Qu'il se noie de tes yeux cascades avalant la mer ? Et de tes éclats de rires qui éclatent son coeur. Que de tes baisers tu dévores sa chair ? Que tu bois son être de chacun de tes embrassements ? Que tu calcines son âme de tes cheveux incandescents ? Que tu brises en une étreinte son corps usé ? Est-ce que tu le vois, qu’il t’offre sa mort, au fond de tes draps ? Que tout n'est que miroir dans lequel il ne voit que toi ? Dans lequel il ne voit que Lula.

Non, leur amour n'est pas beau, il est sale, il est dégoulinant de passion violente. C'est un de ces amours fracassants, brisés, vide de l'intérieur, un de ces amours maladifs qui prend au corps comme une maladie, comme une peste du coeur. Et ce n'est pas dans sa façon de la prendre dans ses bras, ce n'est pas dans sa façon de l'embrasser, ni même de lui faire l’amour. C'est dans sa façon de retenir son souffle lorsqu'elle s'approche de lui. C'est dans son regard qui s'accroche à sa silhouette, dans cette crispation de lèvres qui passe à peine pour un sourire quand elle se déploie enfin, à ses côtés. Elle est sa survie, son unique respiration avant de suffoquer, sa dernière seconde de vie avant d'expirer. Mais il ne s'en rend pas compte, Lecter, assis sur le lit, à la regarder s'enfuir.
Parce qu’il est vide sans elle. Et qu'il est si plein de Lula.
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Sujet: Re: Il faudra bien mourir, et me finir entre tes lèvres. ▬ Hannibal Il faudra bien mourir, et me finir entre tes lèvres. ▬ Hannibal EmptyLun 5 Sep - 23:51

She said goodbye too many times before.


Non, Lula ne t'aime pas, Lecter.
Elle ne te dirait jamais vraiment ce qu'elle ressens. Elle ne sait pas. Elle ne peut pas. Personne ne pourrait réduire cela à quelques mots.
Non, car Hannibal, tu es mortel. Elle se comporte avec toi comme avec une maladie grave dont on ne peut pas prononcer le nom, parce que ça la rendrait trop réelle, parce qu'on ne l'accepte jamais vraiment. Elle ne prononce pas ce mot, non, elle le fait trop. Elle l'utilise le plus souvent possible, elle le rabaisse, elle dit amour, elle dit amours, jamais comme il faut, ne parlant jamais de ce dont il est question, du vrai, de celui qu'on cache et qui détruit.

Tu diras bonsoir de ma part à Shrimp.
Elle tourne la tête, la bouche entrouverte, dans ce qui semble être un délicat signe d'intérêt. Tandis qu'elle continue de tresser ses mèches rouges, elle le regarde, et dit délicatement, vivement et tout en légèreté, avec une douceur pensive :
Ce n'est pas lui que je vais voir. Elle s'arrête un instant. C'est un autre. Il est très gentil, tu gagnerais à le connaître. Mais j'ai peur qu'il m'aime un petit peu trop. Parce que, comme je le dis, c'est un très gentil garçon. Et toi, tu n'en es que le contraire. Elle soupire. Je ne devrais pas être en retard, il va s'inquiéter. On se voit depuis trois semaines, ajoute-t-elle brièvement, avant de retourner vers son miroir.

Mais continue, Lula. Je t'en prie, fais-toi plaisir. Extrapole, invente un peu plus que ce soit convainquant. Ou pas, qu'importe, après tout ? Peut-être qu'il existe, peut-être pas, on s'en fiche ; c'est du pareil au même. Il y en aura toujours un pour servir de prétexte quand tu es dans la même pièce que lui. Tu pourras toujours prétendre qu'il n'existe pas. Mais qui ça intéresse, qui elle aime ? Mais qui ça intéresse, qui elle embrasse, qui elle embrase ?
Sûrement pas lui, si moqueur, si nonchalant, si méprisant, si loin de toi, Lula, de tes délires et de tes chimères.
Mais je ne sais même pas pourquoi je te racontes ça. Elle étouffe un petit rire candide. Tu t'en fous.

Elle pourrait rester là longtemps, Lula, à faire illusion. Elle pourrait encore se démaquiller, puis changer de tenue. Elle pourrait décider qu'elle reste, et se jeter à ses côtés. Mais il est déjà tard. Il ne fait pas beau. On pourrait croire entendre déjà venir la pluie. Mais il est déjà trop tard et elle ne comprend pas pourquoi elle est si désemparée, si amère tout d'un coup.
Peut-être que ça ne marche plus, Lula. Peut-être que c'est fini pour de bon, qu'il ne tient plus à toi. Peut-être qu'il ne l'a jamais fait, mais tu te refuses à imaginer ça. Peut-être qu'il sait mieux faire semblant que toi.
Car, et si ce n'était que cela, l'histoire de Lula ? Faire semblant. Faire encore semblant, faire comme si c'était le dernier soir, en espérant de tout son être, en le criant de ses lèvres muettes, en espérant qu'il la retienne, qu'il la rattrape, qu'il l'aime encore une fois. Que tout recommence et que l'on y noie Lula.

Elle continue sans même plus fixer son regard dans le reflet du miroir, sans même toucher ses cheveux de son peigne. Elle continue sans comprendre, peut-être sans comprendre aussi pourquoi sa gorge est de plus en plus sèche, et ses joues de plus en plus salées. Elle continue comme on ira à son propre suicide, sans comprendre pourquoi on fait ça, mais en sachant désespérément qu'il n'y a plus que ça à faire. Elle ne sait pas vraiment ce qu'elle fait, si c'est encore un jeu qu'elle n'anylise même plus, ou si c'est vrai. C'est une voix différente, une voix embuée, asphyxiée par sa fumée, sa fumée., rauque et portant les prémices d'un sanglot qui sort soudain, et elle ne la reconnaît pas. Mais ce n'est plus Lula. Ce n'est peut-être plus un jeu. Ce n'est plus Lula, c'est Lola. Elle veut dire quelque chose, peut-être une question, mais cela meurt entre ses lèvres. Elle tourne son regard vers le mur à l'opposé des lits.
Et puis elle laisse son bras tomber, fatigué, la brosse à peine retenue entre ses doigts. Elle s'affaisse dans la chaise, épuisée, et lâche, de guerre lasse :
Va-t'en.

Va-t'en. Tu m'ennuies. Tu m'embêtes. Tu es énervant. Alors va-t'en. Je suis très bien sans toi, tu ne m'apportes rien. Et puis tu es déprimant. Tu te fous de ma gueule, tu préfères jouer les jolis cœurs ailleurs, je ne peux pas te le reprocher. Mais va-t-en ! Tu es dégueulasse, regarde, tu as encore mis de la cendre partout. Ne fais pas cette tête d'idiot, n'ai pas l'air si content de toi ! Ne me dis pas de conneries cette fois là. Je sais très bien ce que tu fais, où tu vas, qui tu vois. C'est ça, va-t'en, défile-toi encore, une dernière fois. Puisque c'est comme ça, qu'est-ce que tu fais encore là ?
Salaud, imbécile, traître, connard, lâche, menteur.
Est-ce que tu comprends l'étrange langage de mes mots d'amour ?
Entends-tu mes appels, connais tu mes détours, sais tu mes plaintes qui éteignent mes jours ?

Je ne veux plus que tu viennes dans ma chambre si tu n'as rien à y faire.

J'ai peur. J'ai peur de tes yeux vides, j'ai peur d'y disparaître, peur d'y voir une autre ombre, un autre murmure, un autre combat. J'ai peur que tu ne luttes plus pour m'avoir moi, peur de n'être plus la cause de tes hantises.
Moi, je veux tuer toutes les frayeurs qui agitent ton être, par pur égoïsme, pour qu'il ne reste que moi. Je veux teinter de ma couleur tes cernes, tes cicatrices, tes veines, y écrire Lula et être le seul poison à s'infiltrer en toi. Je veux nager doucereuse dans ta douleur, être la reine de ton malheur, que tu souffres autant que je souffres de n'être pas à toi.
Je n'ai jamais été quelqu'un de sensé.

Et je te regarde et je ne sais pas. Je ne sais pas si c'est de la haine, si c'est de l'habitude, de l'angoisse, de l'excitation, si c'est autre chose ou bien tout à la fois. Je ne pourrais jamais te retenir. J'ai peur, j'ai peur de ta poitrine vide, de ton torse froid, de tes yeux sans fond et de tes lèvres distantes. J'aime et j'ai peur de tout cela.
Mais j'ai peur, de plus en plus, car je te sens filer entre mes doigts, car si je suis le feu et toi la fumée, je me consume et tu t'en vas.
Et j'ai déjà trop brûlé pour toi.

J'ai tellement peur de ne jamais pouvoir t'avoir entier, que je vais te déchirer, Hannibal. À force de te retirer à moi, je vais me jeter sur toi, te mordre à pleines dents, te griffer, te saccager, te massacrer ; je serais sans pitié. Et puisque je ne peux pas prendre tout de toi, j'arracherais de ma bouche d'infimes morceaux de ton âme, seulement après t'avoir saigné à blanc et meurtri jusqu'aux os. Mais tu en crèveras de douleur ; mais jamais autant que moi. Et je m'en irai comme un animal blessé avec sa proie obtenue tant bien que mal, et je te laisserai ensanglanté et mourant, puisqu'après tout, puisque je ne peux t'avoir vivant. Je vais te tuer, te mettre en pièce, je vais hurler, je vais pleurer, je serais une furie, je serais la tempête et l'hystérie, je serais ta peine et ton agonie. Je ne te ferai même pas l'honneur de t'achever. Tu crèveras à petit feu.
Tu l'auras bien cherché.

Je ne te laisserai rien pour t'en sortir. Après mon départ encore, je serais là, et après ma mort, après la tienne, après que ce que nous appelions nous deux soit enterré et oublié, je serais toujours là. Mais tu le sais, ça ? Tu le sais déjà aussi bien que moi.
Je serai ta seule guerre, ta dernière bataille, j'inscrirai mon nom en lettres blanches dans tous les livres d'histoire où nous ne serons pas. Car personne ne racontera le nôtre, d'histoire, vicieuse, malsaine, tordue et usée. Je serai la plus grande défaite d'Hannibal, le plus beau crime de Lecter, je serai le seul sang qui tâchera ta peau et ne partira pas.
Je ne partirai jamais.
Je m'infiltrerai comme une fumée toxique et tu l'auras voulu, tu finiras pourri jusqu'à la moelle, et ce sera encore et toujours de ma faute - ne cherche pas d'autres coupables, d'autres raisons. N'espère rien, ni grâce ni pardon, il n'y a plus de dieu au ciel pour vouloir de ton cas.
Je ne partirai jamais.
Comme je sais que tu ne partiras pas.

Elle se lève. Et elle se tient droite, apprêtée, les joues peut-être un peu trop rouges, les cheveux peut-être un peu trop électriques.
Peut-être que c'est un soir différent des autres. Peut-être que c'est plus grand cette fois, que ça a l'air plus vrai, que c'est plus effrayant aussi. Peut-être qu'elle a vraiment peur d'y croire, ce jour-là.

Va-t'en. Ne reviens plus. Ou c'est moi qui m'en irai pour de bon.
Peut-être que je t'aime, Hannibal.
Alors reste ce soir, et retiens-moi.

And I have no choice cause I won't say goodbye anymore.

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Sujet: Re: Il faudra bien mourir, et me finir entre tes lèvres. ▬ Hannibal Il faudra bien mourir, et me finir entre tes lèvres. ▬ Hannibal EmptyDim 12 Fév - 16:06


makin'up, breakin'up, what do you care ?
STAY IF YOU WANNA LOVE ME, STAY

— Mademoiselle Lula ?
Les yeux déclinent, le menton glisse. Elle se tourne à peine, le regarde à demi-mot. Ses grands yeux ciel parcourent ce visage, suit les courbes de ces cernes, arpente ces mèches grises pour redescendre le long de cette cravate jusqu'à la cigarette qu'il tient entre ses doigts. Elle est assise, distraitement accoudée au comptoir du bar, avec ce sourire presque hypnotique qu'elle emmène toujours au coin des lèvres. Elle ne lui demande même pas qui il est, ni ce qu'il lui veut ; elle se permet juste ce léger regard curieux accroché aux paupières. Oh, elle est belle Lula, elle le sait. D'une de ces beautés qui déchirent les peaux et s'effondrent sur votre corps pour l'ensevelir entièrement. Une de ces provocations subtiles de l'humanité, une de celles qui s'incrustent en filigrane sur votre essence pour ne plus jamais vous abandonner. Une de ces intensités qui bouleversent le monde.
— Lecter, dit-il en s'approchant pour se présenter. Je vous ai vu nager.
Elle hoche la tête comme si elle savait déjà, comme si ça allait de soit. Elle écarte de son front une mèche de ses cheveux brulant et son menton, subtile, vacille.
— Je suis enchantée.
— Je vous offre à boire ?
— Oh ce serait vraiment très gentil de ta part.

Ce n'était pas une des ces rencontres extraordinaires, pas une de celles qui resteraient gravées dans l'Histoire, pas un coup de foudre, pas même une de celles qui méritaient qu'on s'en souvienne. Il ne se rappelait même pas de ce dont ils avaient parlés, ni combien de temps ils étaient restés dans ce bar avant de décider de rentrer à l'orphelinat. C'était juste une autre de ces soirées insignifiantes, et quand il avait levé les yeux vers le ciel noir, il avait cru que le monde s'écroulait.
Il se remémorait à peine ce moment où elle avait brisé la nuit d'un éternuement et qu'alors il lui avait prêté sa veste, pour ne pas qu'elle attrape froid. Cette veste, elle l'avait sûrement encore, un peu parce qu'il n'avait jamais cherché à la reprendre, un peu parce qu'elle n'avait jamais voulu lui redonner. Un peu parce que petit à petit, sans faire exprès, comme un hasard, tout ce qui appartenait à Hannibal étaient devenus ce qui appartenait aussi à Lula, tous ces objets étaient devenus leurs objets, leurs affaires s'étaient confondues, leurs vêtements s'étaient perdus les uns dans les autres, leurs chambres n'étaient plus qu'un unique et même lieu. Il avait fini par s'égarer dans des Lula, atteindre des Lola qui sous entendait des Lolita. Elle avait balayé les Lecter pour déceler des Hannibal qui sonnaient comme des Harrinson. Il y avait des mégots sur du maquillage, des chaussons de danse tombés sur des chemises, des bouquins de théâtre et la Bible. C'était leur façon d'envahir l'espace de l'autre, millimètres par millimètres se conquérir pour mieux s'étouffer. Leur manière mutuelle de se balancer leurs bouts d'âmes au visage, d'agripper leurs doigts autour d'un air qui ne leur appartenait pas. De se suicider l'un dans l'autre.

— Et bien pars. Va-t-en Lula. Tu sais bien que je viendrai te chercher. Parce que personne d'autre ne viendra. Aucun de ceux que tu as séduit, ni aucun de ceux qui ont promis de t’aimer. Personne. Il y a trop de vent dehors et il fait nuit. Et il pleut sûrement. Alors pars, Lula. Je te retrouverai de toute façon. Tu sais bien que personne d’autre ne partira à ta recherche. Personne d’autre que moi. Je te ramènerai même si tu t’en vas.
Elle est si lâche, la voix d’Harrinson si froide comme un aveu oppressé, une confession embryonnaire qui n’arriverait pas à survivre face à l’atmosphère. Comme un effort de trop. Il soupire, de ce souffle lasse qui se sature de paroles exténuées. Ses lèvres flottent encore quelques secondes dans l'oxygène qu'il inhale, restent suspendues là, à éclabousser ses pensées et il ne sait plus très bien ce qu'il voulait dire. Il ne sait plus très bien quel mot utiliser, quoi penser et surtout quelle parole pourrait encore la retenir. Il fait semblant de parler posément, à faire succéder les phrases avec un calme silencieux, à souffler ça comme ça, presque excédé, bassement exposé.
Alors pourquoi ses yeux tremblent-ils ? Et ces foutus mains qui s’agitent. Qui passent rapidement sur son front. Et cet effroyable raclement de gorge dont il n’arrive plus à se défaire. Il tousse. Il essaye de la cracher, cette peur givrée dans ses poumons, cette terreur qui lui suinte partout. Bien sûr qu'il a peur, autant qu'il a froid, autant qu'il est perdu, qu'il est creux, brouillé, qu'il a des nausées qu'il lui vienne au cœur, que sa vie entière est suspendue, frappé en plein coma. Bien sûr qu'il y croit. Bien sûr qu'il croit qu'elle va s'enfuir, qu'une fois de plus, elle va se dérober. Qu'elle reviendra quand elle pourra, quand elle aura du temps entre deux rendez-vous, quand elle s'en sera lassé de lui, de l'autre et d'elle. Il y croit. Qu'il y a un type dehors, derrière cette porte, qui l'attend. Il y croit, à chacun de ses mots, à chacun de ses gestes. A chacune de ses paroles qui s'écroulent de son rouge à lèvres. Elle est tellement réelle. Et il ne peut plus supporter l'idée qu'elle ne lui soit pas toute entière, qu'elle puisse sortir de cette chambre alors que lui ne peut même pas se lever de ce lit.
Peut-être qu'au fond, ils ne se sont jamais vraiment rencontrés. Qu'ils sont restés ces deux inconnus, accoudés à ce bar miteux. Qu'ils n'ont pas bougé, depuis tout ce temps, de ces tabourets. Qu'ils sont en train de se regarder vivre, l'un avec l'autre et l'un sans l'autre. L'un dans l'autre. Ou peut-être qu'ils se sont déjà ratés. Qu'ils se sont manqués à un de ces endroits, à un de ces moments qui ne veulent rien dire, qu'on ne soupçonne pas. Peut-être qu'il est trop tôt pour eux, peut-être même qu'il est déjà trop tard. Il y a des siècles, des années lumières, des vies entières qui les séparent, et il n'arrive même pas à couvrir la distance dans cette chambre, ces quelques mètres entre eux.

— Tu sais.
Tu sais, je déteste l'odeur du chlore déposé sur ta peau quand tu sors de la piscine. Et ta façon de rire trop fort pour attirer l'attention sur toi. Cette manie de sucer tes mèches de cheveux et de chantonner lorsqu'il y a un silence. Et pourquoi est-ce tu me parles de tous ces Andrew, des Brandon, de ces Graham ? Mais quand je me lève le matin, sans cette senteur que je ne supporte pas sur mon oreiller, toutes les autres odeurs me semblent vides. Tu sais, personne d'autre n'a ton odeur désagréable, Lula. Et je me dis que que ce ne sont pas tes cheveux, ni ta voix. Et tous ces gens qui rient n'ont pas ton rire cassant en un éclair, Lula. Tu sais Lula, le monde n'est visible qu'à travers toi.
Il aurait voulu être la raison pour laquelle elle se lève le matin, être ses petits bonheurs nus et distillés, ses attentes, ses exploits, sa fierté, son tout magnifique et infrangible à la fois. Il aurait voulu. Il aurait voulu. Il aurait voulu être les plus belles choses qu'elle n'aurait jamais été. Mais il était ses soupirs, il était ses colères froides, ses échecs bouleversants. Il était ses injures, ses déceptions, ses désastres, ses sarcasmes, ses plaintes, ses laideurs, ses hontes. Il était son horreur, sa nausée, sa fièvre, son haut-le-cœur. Il était la mort lente et douloureuse de Lula.

— Lolita.
C'est essoufflé, à peine prononcé, ce nom qui s’évanouit dans l'air. Cette parole envoyée par terre, un peu pour faire mal, un peu pour faire beau. Bien sûr qu'il aurait dû hurler, qu’il aurait dû se frapper, se mettre en colère, il aurait dû se lever et la prendre dans ses bras. Mais c’était resté, si crispé en lui. Non pas aujourd'hui, pas ce soir, il a les yeux trop morts, la tête trop fade. Pourtant, pourtant Lolita. Lolita, qu'est-ce que je dois dire pour que tu restes ? Qu'est-ce que je dois faire pour tu t’arrêtes, pour que tu m’attendes ? Lula, est-ce que tu peux l'entendre Lula ? Son corps secoué d'hurlements. Je t'aime. Et ça envoie valser toute la pièce, ça démolit les murs, ça déchire les rideaux, ça balance les lits, ça fracasse les vitres, ça brise la table. Je t'aime. Je t'aime. Je t'aime. Ça se voit partout, dans son regard qui se précipite pour tenter de la retenir, dans son corps qui suffoque de tout ce qui ne peut lui dire, même dans sa façon hasardeuse de respirer. Ça s'entend partout, ses je t'aime qui s'élancent, ricochent sur la porte, s'éclatent au plafond, qui s'échappent de ses mains moites, de son cou basculé. Je t'aime, ne me laisse pas. Ça résonne dans la pièce, fend l'atmosphère. Oh tu peux le détester Lula, tu peux le haïr, tu peux même le tuer. Mais reste juste encore un peu. Laisse-le t’admirer encore. Laisse-le apercevoir encore, même dans l’entrebâillement de la porte, ta silhouette floutée. Ne me laisse pas. Ne me laisse pas. Ne me laisse pas. Il ne se lassera jamais de toi.

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Invité
Sujet: Re: Il faudra bien mourir, et me finir entre tes lèvres. ▬ Hannibal Il faudra bien mourir, et me finir entre tes lèvres. ▬ Hannibal EmptyJeu 26 Juil - 22:39


Aucun express ne m’emmènera vers la félicité,
aucun tacot n’y accostera ;
aucun navire n’y va


Hannibal Lecter était un garçon détestable. Elle en avait marre de sa tête de con, de ses cheveux ébouriffés, de ses tatouages ridicules, de ses costumes risibles. Elle ne pouvait plus supporter ses sourires de crétin, ses amis et Trafalgar en particulier, elle ne pouvait plus le supporter, elle en avait assez, c’était son dernier retranchement. Tout contre la porte qu’elle était, son cœur entrouvert était submergé. Il y avait une haine latente qu’elle avait conçue pour tout ce qui se rattachait à lui, de ceux qu’il côtoyait aux vêtements qui touchaient sa peau, de la cigarette qui touchait ses lèvres à son nom. Elle détestait tout ce qui n’était pas essentiellement lui, parce que tout cela n’était pas elle. Il aurait fallu qu’elle l’enferme quelque part où il ne pourrait plus exister en dehors, une dimension parallèle où elle ne laisserait respirer que lui et son amour pour elle. Elle rejetait tout le reste, tout ce qui faisait qu’il était lui-même, avec autant de force qu’elle en aimait l’essentiel. Mais il fallait qu’elle fasse quelque chose, parce que ça la rongeait de l’intérieur, toute cette douleur consommée qui la consumait et la rendait autre, ou plus que jamais vraie. Lula n’était pas amour ; on vous aura menti. Elle ne respirait que par jalousie.

Lula est sur le pas de la porte ; comme elle l’était la dernière fois, comme elle l’a été une centaine de fois. C’est toujours la même histoire, mais cela ne se passe jamais vraiment pareil. Qu’elle rentre, qu’elle sorte, qu’il la retienne ou la laisse s’en aller, ou que la pièce soit différente, ou que ce ne soit pas lui sur ce lit, c’est du pareil au même — elle ne quitte un autre pour le rejoindre, elle ne va en trouver un que pour le quitter ; tout finit toujours par parler d’Hannibal. Même la porte, même les murs, même le lit, même parler, même manger, même aimer, tout n’est jamais qu’une affaire de lui. Elle est entre le départ définitif et le retour final, entre la chambre qui parle d’Hannibal et le couloir qui parle de Lecter. Lula est sur le pas de la porte.
Des millions de scénarios se présentent dès qu’elle y pense, parce qu’on peut toujours recommencer, on peut sauver les meubles même si la maison brûle, on peut s’aimer une fois de plus, parce qu’au fond il faut y croire et il faut croire qu’elle y croit encore. Elle bat des paupières. Parfois il lui semblerait qu’elle n’a fait que cela, que battre des paupières ce soir là, sourire tout au plus, et qu’en rouvrant les yeux elle s’est retrouvée ici, dans cette chambre, entre le moment et l’éternel, et elle ne sait même pas comment. Comment on en est arrivé là. Il faut que le liquide passe entre ses neurones. Comment en est-on arrivé là ? Comment est-on passé de ce bar à cette chambre, et comment cette chambre est-on passé à un champ de mines ? A-t-on lentement cessé de faire l’amour pour commencer à se faire la guerre ? Tout s’est-il passé de façon liée, mêlée, n’y a-t-il entre eux que le monde ou son absence ? Qu’a fait Hannibal le conquérant, pour entrer en elle, dans cet endroit dont elle ne soupçonnait pas l’existence ? Pourquoi est-ce lui ? Pourquoi pas un autre ? Pourquoi, même, quelqu’un a-t-il plus de place que les autres dans son cœur dévoré par un amour universelle ?
Comment en est-on arrivé là. Elle ne peut pas même inventer les réponses.

▬ Lolita.
Lolita. Lolita, Lolita, Lolita. Mais Lolita, elle avait mal au cœur, et elle n’en pouvait plus de ne pas savoir pourquoi c’était pas aussi facile de partir, pourquoi les murs lui criaient de rester, pourquoi la porte lui arrachait les doigts, pourquoi il y avait la chambre et le monde qui tournait autour, et puis Hannibal et le monde dans la chambre, le monde d’Hannibal et de Lula, de Lola qui n’existait que dans Lecter et de Lolita qui n’était plus rien pour personne et qui renaissait ce soir. Il y avait quelque part une fille qui portait ces vêtements, qui avait les mêmes cheveux et le même air désolé, et qui s’appelait Lolita, qu’un garçon qui s’appelait Harrinson appelait Lolita, et qui n’était rien d’autre qu’à lui, qui n’était Lolita que pour lui, et pour personne d’autre, mais il n’était pas sûr que ce soit elle dans l’embrasure de l’entrée.
Sans clarté aucune, son objectif premier lui revient en tête ; elle n’en ressent pas de fierté. Ce soir, Lula a passé la porte en voulant la repasser, en se souhaitant un courage inébranlable dans sa résolution, c’était aujourd’hui qu’elle devait le laisser en plan pour la dernière fois. On allait en finir avec cette histoire qui traînait depuis des mois, achever leurs cœurs meurtris et plomber une bonne fois pour toutes cet amour mourant. Lula était partie pour partir.
Quand il était encore possible de faire marche arrière, avant que tout ne lui semble dérisoire, avant qu’elle ne le voie et que tout redémarre.

C’est un problème insoluble. Il y a trop en elle pour le quitter sans être encore à lui, et il y a trop en lui pour la faire rester en étant encore à elle-même. Il n’y a pas de bon choix, entre partir et rester ; ils sont faits de leurs départs et de leurs retours, ils ont tout bâti autant sur leur absence que sur leur présence. Qu’elle reste ce soir, elle partira le lendemain, qu’elle s’en aille, elle reviendra. Elle le sait. Alors quand cette certitude la submerge, la porte se referme, et elle enlève ses chaussures, elle lance son sac dans le coin comme quand elle est rentrée, elle secoue la tête, et comme un pas de danse, elle retourne sur le lit, et contre lui se lover comme un chat, elle repose sa tête sur son épaule, elle serre son corps fin et chaud sur le sien, ses mains s’accrochent au revers de sa chemise, elle attache avec ferveur tout ce qui peut le retenir, elle frissonne une dernière fois, et quand le ciel tombe vers le sol au bord de la nuit, elle cherche les yeux fermés un morceau de lui, pour y déposer, du bout des lèvres, un morceau d’elle.
Elle n’a jamais eu besoin que de ça.

sinon toi.

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