Mon manteau fermé jusqu’au col, je déambule dans la rue. Je me dirige vers la librairie qu’on m’a conseillée.
Je traine des pieds dans le froid, regardant les devantures des boutiques. J’aperçois la librairie. Bien éclairée, elle est vraiment accueillante. Je me dirige vers l’entrée. Il y a de bons livres en devanture et l’intérieur semble incroyablement grand !
Les portes coulissantes s’ouvrent lorsque j’arrive à niveau de l’entrée. J’essuie mes chaussures et rentre.
Une vendeuse m’accueille, souriante.
« Bonjour, vous cherchez quelque chose en particulier ? Si vous voulez voir les nouveautés c’est par ici. »
Je la dévisage. Elle sourit chaleureusement. Elle aime son travail apparemment.
Je lui dis que non. Je n’ai pas besoin d’aide, je la remercie et m’enfonce dans le dédale de livre.
C’est calme. Il y a pas mal de gens mais respectent le plus ou moins silence qui règne, agrémenté d’un quelconque musique d’ambiance. J’observe les gens, leurs choix. Des amateurs de lecture feuillètent consciencieusement les livres. Je traie, je vois des enfants assis qui lisent dans un coin.
Au détour d’une autre allée je vois une femme discuter avec ma vendeuse. Elle cherche à faire un cadeau. Ma vendeuse lui parle avec enthousiasme d’un livre qu’elle assure avoir lu. Il lui a beaucoup plu et lui conseille vivement. Je la regarde. Elle fait de grands gestes. Je me demande si finalement son sourire n’est pas théâtral. Elle fait de grands gestes, comme une chorégraphie mesurée à la seconde près. Comme pour hypnotiser la cliente. Celle-ci opine du chef, laissant les paroles couler dans ses oreilles. Elle est enthousiaste. Oui, elle achètera celui là ! Et peu être même les trois autres que ma vendeuse lui a conseillés.
Ma vendeuse retourne guetter à l’entrée.
En fait elle aime beaucoup son travail. Je le vois, elle aime faire son théâtre.
Je continue de regarder les gens.
Puis j’entends quelqu’un qui entre. Je la connais ! Je crois bien que c’est Blue Mary. Elle entre et observe les alentours. Je crois qu’elle trouve ça grand.
Ma vendeuse lui saute dessus, comme elle l’a fait pour moi. Heureusement Blue Mary, bien que timide lui dit qu’elle n’a pas besoin d’aide.
Je la suis de loin, la regarde à travers les rayonnages. J’aime bien cette filature. Je regarde ses choix, regarde ce qu’elle feuillette. Je me retiens de rire. Je trouve ça tellement drôle qu’elle ne me voit pas.
Je la suis encore quelques minutes.
Elle lève la tête, intriguée je crois qu’elle m’a remarquée…
J’essaye de rester cachée.

Je tourne en silence, attendant avec impatience qu’elle me découvre.
Elle enlève son manteau. C’est marrant, on dirait vraiment une de ces petites vieilles qui vont acheter des livres avec leurs cabat a la main.
Elle regarde autours d’elle.
Elle a l’air de trouver l’endroit vraiment grand.
Elle tourne dans les rayons, choisis ses lectures. Je regarde à travers les rayons, je dois vraiment être flippante !
D’où coup elle regarde à travers les livres. Se fige. Je crois qu’elle m’a vue. Quoique … Mais elle me fixe, enfin pas vraiment moi, mais mon œil. Elle semble figée sur place pendant quelques minutes, comme glacée. Puis elle semble enfin me reconnaitre. Elle parvient ensuite à parler, mais son corps reste bloqué, comme sur pause.

_ Oh... Leïn... C'est toi... Tu m'as fais tellement peur...

J’hésite entre exploser de rire ou lui présenter mes excuses. Mais ce n’est pas très poli de rire comme ça, alors que je l’ai vraiment effrayée.
Elle à l’air presque sous le choc. Mon but n’était vraiment pas de lui faire peur … Je trouvais juste drôle de la suivre comme ça. Ca a quelque chose d’excitant, la filature !
Voir sans être vu.
Suivre les gens à leur insu et apprendre plein de choses sur eux. Savoir les gouts et leurs habitudes rien qu’el les suivant, c’est possible ! C’est même très drôle !
On apprend plein de choses sur les gens en les suivant. On apprend leur caractère. Ce qu’ils aiment. A partir de ça on peut aborder les gens en sachant de quoi parler, plus ou moins.
Quoique des fois j’ai du mal. Comme avec Blue Mary. Je ne suis pas sure. Enfin pas totalement.
D’un bond, je la rejoins dans son rayon. Je lui souris. Je tente des excuses, histoire de la débloquer.

- Salut ! Je suis désolée de t’avoir fait peur … Jt’ai vue par hasard. Alors j’ai trouvé drôle de te suivre.. Vraiment désolée !

Je lui tends le livre que je tiens. Je l’ai choisit en observant ses lectures et ses choix avant qu’elle ne me découvre. Normalement ça devrait vraiment lui plaire. Enfin je l’espère.
J’ai pris l’habitude de proposer aux gens que je connais des lectures après avoir observé ce qu’ils lisent en temps normale. C’est une occupation que j’aime beaucoup.
En général, ils adorent ce que je leur propose et me demande conseil par la suite. Je ne me suis que rarement trompée.

-Tiens, lui devrait te plaire !

Je lui souris encore. J’espère ne pas me tromper. Les livres sont importants. Très. Alors, proposer un livre à quelqu’un, c’est lui dire « je te connais ».
Bon je m’égarres là.
J’attends sa réaction avec impatience.

Blue Mary prend le livre que je lui présente. Oui, le titre est spécial « Le chant du Troll ». Ce livre, je l’ai déjà lu. Un livre magnifique, poétique avec de belles illustrations. Et qui aborde un thème que l’on pourrait qualifier de « grave », la leucémie. En même temps, Pierre Bottero est un auteur ayant écrit des livres géniaux avec l’univers particulier qu’il a su créer. Je regrette encore qu’il soit mort …
Elle observe attentivement la couverture, lit le résumé. Puis l’ouvre et lit un passage. J’observe un demi-sourire approbateur sur son visage.

_ Oh, il a l'air bien, je vais le lire! Merci Leïn! Je te dirais ce que j'en pense quand je l'aurai fini si tu veux.

Ah ! La réponse que j’attendais ! J’émets un petit soupir de soulagement. Oui, j’ai un peu stressé, j’ai eu peur qu’elle n’aime pas mon choix. Mais comme a chaque fois, ça a l’air le bon. J’ai hâte qu’elle le lise et me donne son avis.
Je ne vois pas trop quoi faire maintenant … Je la chope par le bras et l’entraine à la caisse.
On paye chacune nos achats (autant dire une montagne de livres a nous deux).
Puis je la prends par le bras, et l’entraine rapidement vers la sortie. On slalome entre les clients, évitons ma vendeuse.
Je l’entends nous dire au moment ou en franchit la porte « Merci de votre visite, à bientôt ! »
Je me tourne vers la porte, déploie le bras droit en faisant un grand signe que je ponctue d’un sourire « Merci de votre accueil, à bientôt ! ».
Je me tourne à nouveau vers Blue Mary et lui sourit. « Aller, on va prendre un chocolat chaud au bord d’une terrasse ? »
Je lui tends la main.