1995 Ember a 4 ans.
~
«
Ember ? »
L'intéressé cligna plusieurs fois des yeux, la vision floue, avant de les ouvrir complètement pour finalement distinguer un visage totalement inconnu. Tout en se redressant sur son matelas, il apporta sa main droite à son visage afin de se frotter les yeux, confus. Il était étrange qu'une inconnue le réveille, il avait sûrement mal regardé. Mais c'est une fois bien réveillé qu'il se rendit compte qu'il n'avait pas mal vu. Une jeune femme blonde aux cheveux lisses et raides se tenait devant lui, penchée sur son lit. Elle remit ses lunettes en place, avant de soupirer, pour laisser ensuite place à un sourire rassurant.
«
Je sais que tu ne me connais pas. Je travaille pour la police. Enfin ...Non, pas vraiment en fait. Je suis une dame qui s'occupe des enfants. »
Le petit brun, les cheveux ébourrifiés, les lèvres entre-ouvertes, jeta un coup d'oeil à la porte.
«
Pourquoi vous êtes là ? Elle est où maman ? »
La jeune femme, qui semblait maintenant mal à l'aise, se redressa afin de s'asseoir sur le lit du garçon.
«
Ecoute, Ember ... Il est arrivé quelque chose à Papa et Maman. Je t'expliquerais plus tard, mais pour l'instant, il faudrait que tu me suives, d'accord ? Je vais m'occuper de toi, et nous irons là où il y a plein d'autres enfants. Tout ira bien, et je serais avec toi. D'accord ? »
Au fur et à mesure de ses paroles, le visage d'Ember blanchit, et les larmes montèrent. Les yeux brillants, il serrait la couette de ses petits poings.
«
Papa et Maman sont partis ? N'importe quoi ! Tu dis n'importe quoi ! Va t'en ! Je veux maman ! J'te veux pas toi ! J't'aime pas ! s'exclama-t-il avant de s'extirper hors de lit et de se jeter en dehors de sa chambre. »
Malheureusement, ce n'est pas ses parents qu'il vit tranquillement posés sur la table du salon, mais une dizaine de policiers agglutinés autour d'une seule et même chose : deux corps étendus en sang.
Le garçon ne réussit même pas à pleurer. C'est ce qu'on pouvait appeler un état de choc. Figé, il ne pouvait détacher ses yeux de la scène. C'est alors que deux mains se posèrent sur ses épaules. La jeune femme blonde. Cette dernière s'accroupit derrière Ember, lui frottant affectueusement le dos. Ce dernier, d'un geste brusque, se dégagea afin de s'enfuir. Il traversa la pièce à toute vitesse, passant la porte déjà ouverte, bousculant toute personne en travers de son passage. Il courra, courra, longeant la route, avant d'arriver à son endroit fétiche. Là où il aimait s'isoler. Il écrasa l'herbe, avançant vers l'eau. Puis, une fois au bord du lac, il se stoppa, se posant en tailleur devant celui-ci. Et, finalement, au bout de quelques secondes, il se laissa tomber dans l'herbe, les larmes déferlant sur son visage blanc.
«
C'était le p'tit ? interrogea un des policiers. »
Naomi, la grande blonde qui était en fait assistante sociale, soupira, les mains sur les hanches.
«
Oui. Si vous pouviez le rattraper, ce serait bien. Il serait temps que je l'amène à la Wammy's. »
«
J'y vais alors. »
~
Entrée à la Wammy's House.(note : ce n'est pas forcément le même directeur qu'actuellement.)
«
Alors, quel est ton nom mon garçon ? »
Devant le Directeur accroupi dans son bureau se tenait l'intéressé, debout, ses petits poings serrés, la tête baissée, ses fines mèches ébènes cachant son visage. Il n'avait aucune envie d'être ici. Aucune envie d'y vivre, aucune envie de rencontrer d'autres gens. Ce qu'il avait vu n'était pas réel pour lui. Il ne voulait pas de tout cela. Mais personne ne voulait écouter sa volonté. Personne. Ils faisaient tous semblant d'être gentils et agréables, mais aucun d'entre eux ne voulait savoir ce qu'il désirait vraiment. Ce n'étaient que de sales égoïstes. Il s'en fichait, lui, d'avoir une intelligence surdouée ou quelque chose dans le genre. Il voulait ses parents, sa maison. Mais si personne ne voulait l'écouter, alors il n'écouterait personne. Ils n'obtiendraient rien de lui.
«
Il s'appelle Emmanuel Benatar, Monsieur, fit une voix près de la porte qu'Emmanuel reconnu comme celle de la jeune femme blonde. »
«
Bien, bien ... Est-il muet ? Ou quoi que ce soit d'autre dans le genre ? demanda-t-il en détaillant le garçon qui restait de marbre sans vouloir poser le regard sur lui. »
«
Non, il m'a parlé lorsque je suis venue le chercher. J'ai bien peur qu'il soit en état de choc et qu'il ne pourra plus parler ... »
A ce moment, Emmanuel aurait voulu crier. Il aurait voulu crier qu'elle était bête, que c'était une imbécile de première. Une vraie débile qui pensait tout savoir, une prétentieuse. Elle avait faux.
Mais le Directeur vint de nouveau perturber ses pensées. Il leva avec douceur le menton du petit garçon vers lui afin de l'observer. Ce dernier, le regard vide, mais le visage enragé et tendu, observa un instant l'homme qui se tenait devant lui avant de se dégager brutalement et de rebaisser la tête. Après quelques secondes, le Directeur s'appuya sur ses genoux afin de se relever dans un soupir et de déclarer :
«
Non. »
La jeune femme, perplexe, croisa les bras avant de s'avancer vers le bureau et vers Emmanuel.
«
Il s'est simplement renfermé. Il ne veut pas nous parler. Il est en ce moment-même rempli uniquement de rage et de colère. »
«
A son âge ? Est-ce que c'est possible de ressentir autant de haine ? »
Ces imbéciles. Pourquoi parlaient-ils de lui comme s'il n'était pas là alors que si ? Plus ils parlaient, plus Emmanuel les détestait ...
«
Oui. Et c'est même mauvais. Avec un QI pareil, on se doit de le garder. De toute façon, ce sera mieux que tout autre orphelinat ou famille d'accueil ... »
L'homme se pencha de nouveau vers le concerné, un sourire rassurant se dessinant sur son visage.
«
Et puis, tu finiras par nous apprécier. Tous les enfants ici ont connu des peines. Je serais là pour toi si tu as besoin. »
Les paroles apaisantes du Directeur semblaient inefficaces sur le petit brun. En effet, ce dernier lui envoyait un flot d'insultes mentalement, voulant à tout prix s'écarter de toute personne qui comptait l'aider ou quoi que ce soit d'autre. Il écouta tout de même ce qu'il avait à lui dire. Et, c'est avec ça qu'il comprit qu'il ne pourrait pas arriver à sortir de cet orphelinat de cinglés s'il se mettait tout de le monde à dos. Surtout le Directeur. Au contraire, s'il l'avait dans la poche ...
Le Directeur feignit de tomber lorsque le garçon se jeta dans ses bras sans un mot. Il fût surpris, ne bougea pas, avant de finalement afficher un doux sourire et de le prendre dans ses bras à son tour. Ember le manipulateur était né.
2000 Ember a 9 ans.
«
Alors, ça te plaît Emmanuel ? »
Le garçon s'était assis sur son lit, laissant sa tante porter ses bagages jusqu'à sa chambre. Il avait réussi ! Il avait gagné ! Il était sorti de cet orphelinat de tarés ! Bon, c'est vrai qu'au final, il s'y était bien intégré. Tout le monde le connaissait, il connaissait tout le monde, il avait son terrain, il avait ses propres règles, et personne ne l'embêtait. Et c'est vrai que ce n'était pas vraiment grâce à lui-même. C'était un peu grâce à cette femme naïve à souhait qui l'avait retrouvé. Mais le monde extérieur était bien plus excitant ... Être confiné de ses 4 ans à ses 9 ans dans un établissement et enfin voir le monde de dehors ... C'était plus qu'excitant, il n'y avait pas de mot pour définir ça ! Il avait envie de faire tout ce qu'il n'avait pas pu faire là-bas, dont les pires conneries du monde. Enfin. La liberté.
Il ne répondit pas à sa tante, la regardant d'un air indifférent.
«
Ha, oui, c'est vrai ... Tu ne nous parle pas ... »
En effet, depuis ses quatre ans, depuis ce fameux jour, il avait appris à ne plus jamais adresser la parole aux adultes. Il n'avait parlé qu'aux autres enfants, c'est tout. Et ça l'avait bien aidé. Comme prévu, il a obtenu énormément de choses de la part des autres grâce à ça. Mais, maintenant qu'on lui avait redonné sa liberté ... Il avait l'impression de devoir lui être reconnaissant. Donnant donnant. Ni plus. Ni moins. Il avait au moins ça comme valeur.
«
Je te parlerais. Oui, ça me plaît. »
«
Emmanuel ?! »
«
S'il-te-plaît ... Appelle-moi Ember ... »
«
Comme tu voudras Ember ! Eh bien, on dirait que finalement, tu reparles ! Je suis si contente. J'ai cependant oublié que je devais faire deux trois courses ... Que d'émotions ! C'est en bas, juste à côté de l'immeuble, je reviens sous peu. Pas de bêtises, d'accord ? »
Hum ? Ne lui avait-on pas dit qu'Ember était une véritable terreur lorsque les adultes avaient le dos tourné ? Ils auraient dû. Quoi qu'il en soit, le petit la laissa sortir sans un mot. Naïve qu'elle était, il saurait profiter de sa gentillesse pour obtenir ce qu'il voulait ...
Curieux, il sauta de son lit joyeusement, afin de faire le tour de l'appartement. Il fouilla quelques tiroirs, placards, avant d'atteindre la chambre de sa présumée tante. Et ce n'est qu'après seulement cinq minutes de fouille qu'il tomba sur quelque chose de très intéressant. La femme avait caché un sachet quelque peu étrange dans la housse de son oreiller. Perplexe, le jeune brun s'assit sur son lit afin d'observer le dit-sachet.
«
Toi aussi, comme tous les faibles humains de cette Terre, tu es dépendante de quelque chose alors ... Ce qu'on appelle drogue ... »
Et, sans que l'on comprenne pourquoi, un sourire espiègle se dessina sur le visage d'Ember. C'est avec ce genre de trucs qu'on peut diriger les humains par le bout du nez ... Et qu'on peut facilement obtenir une chose pour laquelle Ember a beaucoup d'admiration ... Des petits billets verts. C'est à cet instant que tout commença. La rue, les gangs, les combats, la drogue, les filles ... La porte lui était grande ouverte. C'était, pour lui, mieux qu'un miracle.
Le véritable Ember était né. Il était enfin complet.~
«
Putain mais lâchez-moi ! »
«
Oh, oh, on se calme mon gars ! »
Les menottes aux mains, Emmanuel tentait de se dégager. Mais rien n'y faisait. Le policier se pencha vers la porte marron afin de sonner. On entendit quelques pas, puis un gros boum qui signifiait que quelque chose ou quelqu'un était tombé. Un rire suivit, et la personne, qui était donc la tante d'Embre, continua tout de même à s'approcher de l'entrée afin d'ouvrir aux inconnus. Les policiers découvrirent une jeune femme complètement défoncée. Ses yeux étaient rouges, ses pupilles dilatées, elle ne tenait à peine debout et avait un air totalement hystérique.
«
Madame ? Vous allez bien ? demanda un des deux policiers. »
«
Toooooooooootalemennnnnnnt. C'est si haut ... Si haut ! s'exclama-t-elle, faisant de grands gestes tout en manquant de tomber. »
Un des deux hommes la rattrapa, tandis que l'autre, qui tenait toujours Emmanuel, sortit son téléphone afin de contacter ses collègues. Ember en était sûr. Ca ne pouvait terminer qu'ainsi.
«
Oui ? On aurait besoin d'une fouille, ici. Oui, je vous donne l'adresse tout de suite. On pense qu'il s'agit d'un cas de drogue ... »
~
C'est ainsi qu'il fit un voyage direct pour la maison de correction durant un an. (Voyage qui s'avéra inutile ...) Puis, alors qu'il atteignait ses 15 ans, la Wammy's House le récupéra de nouveau, et cette fois-ci, définitivement.
~
«
Et bien, mon petit Ember, te revoilà. On dirait que tu n'as pas été très sage avec ta tante ... »
L'adolescent, assis sur une chaise en face du bureau du Directeur, les bras croisés, fixait l'homme avec une indifférence totale.
«
Et bien, elle ne méritait pas vraiment qu'on soit très sage. Elle n'est pas du tout apte à éduquer un enfant. Vous n'auriez pas dû me laisser à elle. C'est un peu de sa faute. Et de la vôtre. Non ? »
Le Directeur sourit, avant de porter la tasse de café à ses lèvres.
«
Tu es devenu comme je le pensais. Peut-être même pire ? »
A son tour, Ember afficha un sourire en coin. Le vieux avait sûrement raison. Mais s'il savait, pourquoi n'avait-il pas empêché tout ça ? Son départ de l'orphelinat, sa vie avec sa tante ?
«
C'est pour ça que tu vas continuer ce que tu as commencé petit. »
Le brun parût perplexe, et ne répondit pas, attendant la suite.
«
Tu ne te souviens pas ? Lorsque tu étais tellement haineux que tu frappais tout ce qui bougeait. Les autres orphelins en prenait plein la figure avec toi ! s'exclama-t-il en riant avec légèreté, ce qui surprit un peu le garçon.
J'avais ensuite demandé à ce que tu passes un sorte de stage. On t'avait initié à un sport pendant une ou deux semaines. Et il s'avère que ce fût une réussite. La boxe a réussi à canaliser ton énergie. Pendant tout ce temps, tu es devenu plus calme. Tu es resté toi-même, sauf que tu n'utilisais plus la violence. Tu te souviens ? »
C'est vrai. Il n'inventait pas. Et il avait raison. Ce qui avait réussi à le canaliser, c'était ce sport, la boxe. C'était peut-être la meilleure solution. Au fond, il n'aimait pas se battre. Il préférait régler les comptes par les mots. C'est ce qu'il avait toujours fait chez sa tante, dans la rue. Et, si ça tournait vraiment mal, il combattait, mais à l'aide de ce petit couteau toujours caché sur lui. Mais ici, ce n'était plus pareil. Il n'était plus un enfant, et n'était pas au sein de la rue et des gangs ...
«
Eh bien eh bien, va pour la boxe. »
Et, sans écouter ni attendre de réponse, Ember se releva, enfouit les mains dans les poches de son manteau, traversa le bureau afin d'atteindre la porte et sortit.