Sujet: Ce n'est pas contre vous. | Ocean. Sam 6 Aoû - 10:24
Parfois, certains jours, pendant quelques secondes, Romeo se demandait si peut-être, cette fois-ci, il n'était pas allé un peu trop loin. Il avait alors, un instant, un visage étrangement sérieux en étudiant cette question... Et puis son méfait lui revenait de nouveau à l'esprit et un sourire idiot lui transperçait le visage et il oubliait aussitôt qu'il avait un instant imaginé regretter ce qu'il avait fait. Non, en fait, jamais il ne se disait vraiment qu'il était allé trop loin. C'est au dessus de ses forces de penser quelque chose d'aussi raisonnable.
Ce n'est pas contre vous. Romeo n'a pas une once de méchanceté en lui. Il est le plus adorable des êtres, vraiment, il peut être vraiment généreux et attentif. Mais bon, on ne peut rien contre l'ennui. Contre le désir naturel et irrationnel de le tromper, ce monstre omniprésent et omnipotent, il ne faut reculer devant rien. L'ennui est le plus grand ennemi de l'homme et tout doit être monopolisé pour le combattre. La mort, la maladie, la méchanceté, la bombe nucléaire, Dieu, les 5 fruits et légumes par jour, avoir ses trois étoiles à Pokémon, rencontrer l'amour de sa vie, c'est rien ça. Le véritable ennemi, ce qui est vraiment important, c'est de ne pas s'ennuyer. Et quand Romeo ne rit pas, Romeo s'ennuie. Travailler est ennuyeux. Etre triste être ennuyeux. Se casser le dos pour entretenir des relations est ennuyeux. Se dévouer à des gens qu'on aime est ennuyeux. Se passionner pour quelque chose est ennuyeux. Faire du sport est ennuyeux. Ecouter des trucs sérieux est ennuyeux. L'important c'est de rire. Sans sacrifices. Ce n'est pas contre vous, mais Romeo adore rire du malheur des autres quand il s'ennuie. Il adore faire des bêtises. Rien de sadique, rien de pervers, non non, juste des petites bêtises pour pouvoir rire un bon coup sans penser aux conséquences. Mais sinon il t'aime bien. Vraiment. C'est juste son vice, son péché mignon, sa manie, son obsession... Cette phobie de l'ennui dérègle toute sa vie et la dirige à la fois.
Bon, vous l'avez compris quoi, Romeo a été traumatisé dans son enfance par papa-maman, Oedipe, Freud, métro-boulot-dodo, « soit sage et t'auras un bonbon » et compagnie. Donc excusez ses bêtises, tout ça, c'est la faute à Dieu.
Dieu, Romeo il n'y croit pas. Ca le fait marrer, d'ailleurs. Comment quelqu'un de bon pourrait obliger un enfant à se lever tôt un dimanche pour rester deux heures à écouter un vieux raconter des trucs compliqués alors qu'il y a TANT de choses à faire dehors. Alors oui, il connait les prières, les paraboles, il a du subir le catéchisme (quand il n'arrivait pas à s'enfuir), le mariage de ses cinq cousines, les bénédicités à table et les « fait ta prière avant de dormir ». Mais bon, franchement, Dieu, ça sert pas à grand chose, non ? Enfin si, d'accord, Dieu, ça peut être utile parfois. Ca occupe. Oui oui, vraiment, Dieu ça occupe.
« Dis, Juliet, je l'ai mis où le violet déjà ? J'espère que tu l'as pas caché quand même hein ! »
Que fais donc Romeo dans la chapelle ? Et bien, après son gouter, Romeo s'est ennuyé. On est dimanche, la plupart des gens de sa classe s'échinent sur le DM de physique à rendre la semaine dernière et puis en passant devant la chapelle Romeo a eu une drôle d'idée. Et ses drôles d'idées, il les suit très souvent. Debout sur la pointe des pieds sur l'autel, ce grand dadais rajoute joyeusement des dessins idiots sur la croix tout en discutant avec sa poupée Juliet installée dans la poche de sa veste, à l'emplacement du cœur. Lorsqu'il entendit la porte s'ouvrir, le pseudo-albinos jeta un œil en arrière. Compagnon de jeu ou tyran à fuir ?
Invité
Sujet: Re: Ce n'est pas contre vous. | Ocean. Lun 8 Aoû - 21:41
La chapelle. Postée devant l'entrée, les deux mains jointes derrière la tête, elle détaillait l'édifice comme si ses yeux tombaient dessus pour la première fois. Il faut dire qu'habituellement, ce genre d'endroit ne l'intéressait pas ; trop peu de gens, trop calme pour l'altruiste émérite et volage qu'était Ocean. Le bâtiment, plus vieux que la Wammy's House elle-même, avait attiré son regard au sortir d'un cours d'histoire particulièrement... ennuyeux. Les guerres de religion, quoi de plus aberrant ? Elle avait toujours trouvé absurde de se dévouer et de s'entretuer pour quelqu’un qui, au final, n’existait peut-être même pas, ou se fichait de vous comme de son premier monde. Dieu, ça lui avait toujours semblé évident : une invention comme une autre d'un gars qui n'avait rien de mieux à faire. Une invention qui avait traversé les âges, certes. Raison pour laquelle le lendemain du dit cours, suivant comme toujours ses impulsions saugrenues, elle avait décidé de s'essayer à la foi. Oui oui. Et quel meilleur lieu pour trouver Dieu que la chapelle ?
Cependant, alors que la fameuse chapelle se dressait devant elle, splendide incarnation de la morosité, Ocean sentait déjà son inspiration divine retomber. Non pas qu’elle fut d'une nature très persistante d'habitude, mais au moins sa motivation dépassait-elle les dix minutes - dans la plupart des cas. A présent, elle se sentait aussi attirée par Dieu qu'un ballon de baudruche par un cactus. Autant dire plus du tout. Mais un rapide coup d'oeil à l'une des quelques montres qui gisaient au fond de sa large poche depuis ce matin, subtilement détachées des poignets de leurs anciens propriétaires, l'informa du long laps de temps libre qui se déroulait devant elle. On était dimanche, et sur les devoirs qui l'attendaient, la paresse l'emportait haut la main. Aussi décida-t-elle- de franchir la porte de l'édifice, après s'être nonchalamment étirée et avoir lancé un dernier regard aux alentours déserts.
Ses pas lents résonnèrent dans l'espace creux la chapelle, tandis qu'a ses côtés défilaient les bougies qui se consumaient en silence. Les vitraux filtraient la lueur éclatante de l'après-midi, la transformant en une lumière froide qui ne faisait que renforcer le caractère lugubre du lieu - aux yeux de la jeune fille, tout du moins. Pas très accueillant, ce Dieu, se dit-elle, une moue sceptique tordant les traits fins de son visage. Perdue dans ses pensées, Ocean se demandait comment procédaient ces ermites qui dédiaient leur vie à Dieu et disaient entendre sa voix, lorsque des mots se faufilèrent jusqu'à elle.
« Dis, Juliet, je l'ai mis où le violet déjà ? J'espère que tu l'as pas caché quand même hein ! »
Non, ce n’était pas la voix d'un Dieu pas très farouche et peu majestueux qui venait de parvenir à la jeune fille, mais bel et bien les échos d'un autre orphelin. Dans la solitude la plus totale quelques secondes auparavant - Dieu était décidément trop hors d'atteinte pour elle -, Ocean fut surprise de ne pas avoir remarqué plus tôt la touche de cheveux blancs qui ressortait dans l’obscurité ambiante. Toute divinité fut ainsi vite oubliée, et l'attention de la jeune fille se centra sur le garçon qu'elle ne connaissait que vaguement, de vue. Assez étonnamment, celui-ci n’était pas en train de prier, bien au contraire - du profanage graphique, se plut-elle à qualifier les dessins que traçait l'autre sur la croix. Pas choquée pour un sou - après tout, elle n'avait rien trouvé de sacré à ses yeux, ici - la rouquine eut un léger sourire ironique. Apparemment, cette chapelle recevait presque plus d'hérétiques en tout genre que de fervents croyants. Légèrement amusée, elle lança le premier truc qui lui vint à l’esprit :
« Tu communiques avec le Saint Esprit par écrit ? »
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