Et donc, le problème avec princesse, c'est qu'elle s'emmerdait souvent.
Il faut tout de même avouer que quand on avait un caractère à la con comme le sien, il était facile de se retrouver dans des situations d'ennui profond où n'importe quelle activité lambda paraissait impossible à pratiquer. D'autant plus que Neither se considérait comme quelqu'un d'exceptionnel, il lui fallait donc des passe-temps merveilleux, grandioses, hors du commun — en d'autres mots, à la prétendue magnifique image de sa personne. Elle n'aurait, pas exemple, jamais pensé à aller faire du sport ou à s'incruster dans une partie de jeu de société de son plein gré, sous peine de s'énerver toute seule si elle ne gagnait pas, ou si au contraire elle s'apercevait que les autres étaient trop stupides pour servir de concurrence digne de ce nom, bref. La compétition était partout, et c'était bien ça, en quelque sorte, qui bloquait la demoiselle.
Il lui restait bien une dernière option, puisqu'elle s'aimait tant : celle de s'occuper d'elle, de se regarder, se maquiller, se coiffer, se dandiner devant son miroir, essayer des vêtements, et on en passe ; mais même ce genre de choses, à la fin, devenaient lassantes. Bien entendu, elle pouvait toujours aller choper un groupe de personnes, comme ça, au hasard, puis leur dire des choses, des choses gentilles, trop gentilles pour qu'elles puissent paraitre véritablement vraies, pour enfin regarder la réaction de tous ces imbéciles heureux et se marrer toute seule. Mais le problème, avec ce genre de soit disantes attaques ironiques, c'est qu'on ne pouvait pas le faire à tout va, comme ça, tout le temps, non. Sinon, on aurait fini par penser que Neither était une psychopathe amoureuse de la race humaine, et ce n'était pas vraiment le but. L'objectif, la priorité, c'était de paraitre normale.
Alors il restait l'ultime option, et en soit sûrement la plus judicieuse, la plus noble, la plus intelligente, la plus passionnante : aller voir ailleurs si Ace y était.
Et ce n'était pas une chose facile, non, vraiment ; à moins d'avoir beaucoup de chance, et de lui tomber dessus tout de suite. Ou alors à condition de le connaitre comme son propre frère. Et devinez quoi ? Neither était la seule à pouvoir se vanter de ça. Enfin, plus ou moins. Bref, là n'était pas la question. Elle allait le chercher dans tout l'orphelinat, jusqu'à ce qu'elle le trouve, parce que quand il s'agissait de son Andrea, son grand frère "à elle rien qu'à elle", Narcisa pouvait se montrer têtue, voire du genre obstinée, obsédée. Neithy pouvait même aller voir dans tous les recoins de toutes les pièces de l'établissement s'il le fallait.
Et alors, perchée sur ses bottines à talon, Narcisa marcha, Narcisa marcha très vite et partout, allant vérifier dans chaque pièce, — de la chapelle à l'infirmerie en passant par les chambres — chaque pièce où il pouvait se trouver à la fin des cours, vers dix-huit heures, parce qu'elle s'ennuyait, parce qu'elle le voulait, parce qu'elle estimait que ça faisait déjà trop longtemps — quelques heures — qu'elle ne l'avait pas vu. Puis quand on lui demandait ce qu'elle avait à courir comme ça, à presque bousculer les élèves en lançant de petits « pardon » accompagnés de sourires gênés, elle répondait qu'elle avait perdu une boucle d'oreille. Est-ce qu'on la croyait ? Est-ce qu'on la prenait pour une demeurée ? Est-ce qu'ils savaient ? Neither s'en contrefichait.
Mais soudain dans un élan de lucidité, ou d'intelligence peut-être, qui sait, comme si ses cent soixante et un de quotient intellectuel lui revenaient en pleine face, Neither sut. Et elle sourit comme une fille qui venait de se rappeler où elle avait bien pu perdre sa boucle d'oreille, puis elle courut en direction de la bibliothèque, en espérant qu'il y serait cette fois ; en espérant qu'il se serait seul aussi. En passant, on précisera que la demoiselle n'allait pas souvent à la bibliothèque, étant donné son désintérêt profond envers la littérature. Elle ne le montrait pas vraiment, mais elle s'énervait toute seule à chaque fois qu'elle commençait un ouvrage. Narcisa avait toujours quelque chose à redire sur le style de l'auteur, les personnages d'un roman, les rimes d'un poème ou la chute d'une nouvelle. Comme si elle pouvait, elle, faire mieux, alors qu'au fond, elle n'avait jamais été douée en rien.
Inutile de décrire le soupir de soulagement lorsqu'elle aperçut enfin le tant cherché, le tant désiré Ace, au milieu de la grande pièce aux étagères remplies de livres. Neither ne mit pas beaucoup de temps à se ressaisir, parce qu'elle en avait l'habitude, et s'empressa de sourire amicalement à cette gentille et bien naïve Cherry, en lui lançant un petit « bonjour », histoire de faire mieux. La jeune fille se rendit vers l'étagère la plus proche pour prendre un livre au hasard, et ce dernier fit qu'elle en prit un sur les moeurs françaises du 19ème siècle. Bizarre hasard. Satisfaite,la blonde sourit et se retourna pour mieux regarder son frère. Dieu existait, apparemment, puisque ce dernier était seul, assis à un table carrée pour quatre personnes, plongé dans un livre dont elle ne distinguait pas la couverture. Il avait l'air un peu paumé, en passant. Cette pensée fit rire la demoiselle Cerqueira, la fit rire un peu trop fort, juste assez pour que les quelques rares personnes présentes à la bibliothèque et la bibliothécaire elle-même la regardent d'un air suspect. Neither prit le soin de s'excuser et de faire mine que c'était le livre qu'elle avait en main qui déclenchait cette soudaine euphorie.
Oui, tout le monde l'avait regardé, sauf lui, évidemment. Brusquement, Narcisa arrêta de sourire et s'avança vers Andrea. Et bizarrement, plus elle avançait, plus elle faisait la gueule. Il aurait pu au moins avoir l'obligeance de lever la tête. Son excellence aurait pu, oui Ace aurait vraiment pu daigner lever la tête, lui accorder le privilège d'un regard, d'un parole, que savait-elle encore, mais quelque chose, rien qu'un tout petit bout de quelque chose aurait été suffisant. Mais non. Rien. Le néant, le vide intersidéral, le vent qui souffle.
Est-ce qu'elle était vraiment invisible ? Qu'est-ce qu'il pouvait bien raconter ce livre, pour être plus intéressant qu'elle ? Qu'est-ce qu'il avait de plus passionnant qu'elle, ce foutu bouquin, hein ?
Neither aurait pu s'asseoir en face de son frère et non juste à côté, pour faire bien, pour faire normal, mais non. Elle déboutonna sa veste avant de la poser sur le dossier de la chaise puis s'assit à côté de la royale personne qu'était son frère, chose au passage censée être vivante qui ne montrait toujours aucun signe de vie, ni aucune réaction positive ou négative ; juste du rien, de l'air, de l'air toujours de l'air. Mademoiselle ouvrit son livre pour faire comme si et tenta un début de dialogue.
— Je t'ai manqué ?Dialogue s'annonçant tout à fait stérile donc vu la manière dont il avait débuté. Pauvre princesse, pauvre pétasse, tu aurais bien voulu lui manquer, n'est-ce pas ? Tu peux toujours attendre une réponse.
Narcisa ne jeta aucun regard au livre qui était apparemment plus intéressant qu'elle. Elle ne voulait pas savoir son titre ni de quoi il parlait exactement. Elle ne se serait même pas aventurée à poser à son brun ce genre de questions impertinentes qu'on pose aux lecteurs, du style "Ça raconter quoi, dis ?" ou "C'est bien ?" puisqu'elle s'en foutait éperdument. Elle jalousait juste le livre, c'est tout.
Alors sa main se pose délicatement sur l'avant bras gauche — puisqu'elle était assise de ce côté là, évidemment — de son voisin et elle lance un bref regard sur son livre à elle, qui est forcément mieux. Elle chuchote, mais ses mots se veulent percutants, aiguisés comme des lames de couteaux, audibles comme des alarmes.
— Regarde. Il y a encore quelques siècles, les gens se mariaient entre cousins et cousines, et tout le monde trouvait ça normal. C'est fou comme les habitudes changent. Tu ne trouves pas ?Princesse se rapproche encore un peu, juste de quoi être trop près, juste de quoi être collante et agaçante, comme à son habitude. Il est là, physiquement, il est si proche d'elle, et pourtant son âme semble si loin ; elle semble à des montagnes, des océans, des années lumière de distance. Elle la perd, elle
le perd déjà. Il faut le ramener.
- Spoiler:
Je sais, y a pleins de fautes ; je corrigerai demain (ah mais. on est déjà demain). Je sais, je poste ça à une heure pas très catholique, mais je m'en fous parce que. JE M'AIME HAHA JE SUIS TROP FORTE J'AI POSTÉ JE. Bref. Pas d'icônes pour le moment non plus, la flemme.
Pardonne-moi ♥