«- Et qu’est-ce qui se passe si tu tombes amoureuse ?
- Oh... Me dis pas que tu croies à ces trucs-là.
- J’te parle d’amour là, pas du Père Noël. »
Une virevolte. Un joli sourire. Un regard courroucé et une bouche prête à s’ouvrir pour dispenser ses sermons. Et voici la sainte de l’orphelinat qui débarque dans toute sa splendeur, dans toute sa
miséricorde. Derrière elle, elle traîne un passé pieux et religieux, uniquement basé sur la réflexion intérieure et l’amour de son prochain. Alors elle donne sans compter, sans réfléchir, croyant naïvement à tout ce qu’on lui raconte parce que son QI légèrement au-dessus de la moyenne a jugé inutile de la doter ne serait-ce que d’une once de bon sens. Parce que Linda, elle est incroyablement gentille. Elle aide quiconque se retrouve en difficulté au risque de s’y brûler les doigts et ne demande jamais rien en retour… Hormis le droit divin qu’elle s’est accordée elle-même de, dès lors, vous assommer sous des reproches rébarbatifs et inutiles pour tenter de vous amener vers le
droit chemin dont elle s’est fait une définition très précise. Si la Terre ne pouvait abriter que paix et amour, Linda en serait heureuse. Alors elle se dépense pour tenter de calmer les querelles, de rallier tout le monde à sa cause. En fait, oui, adopter le ‘concept Linda’ c’est comme s’inscrire dans une secte : on n’en ressort pas vivant. Une fois qu’elle vous tient entre ses griffes, elle ne vous lâche plus. Vous aurez beau la trouver soulante, agaçante, chiante au possible, lui jeter la pierre (au sens propre comme au figuré), elle continuera de vous suivre avec acharnement. Une sangsue n’aurait pas mieux fait.
Linda s’est persuadée toute seule (ou peut-être est-ce les sœurs qui lui ont monté le bourrichon) qu’il était de son devoir de sauver tout le monde. De la peau de banane tristement abandonnée dans un couloir au forcené tout droit venu de prison et prêt à récidiver à la moindre occasion. Parce qu’en plus d’être naïve, la demoiselle est totalement inconsciente. Elle n’a aucune notion du danger et n’a pour vision du bien et du mal qu’une masse informe qui se mélange et qui envoie de temps à autre de faibles signaux électriques
via ses dendrites, mais ceux-ci n’atteignent jamais le péricaryon et encore moins le nerf. Et c’est pour ça qu’elle prend un malin plaisir à se renseigner sur la vie de tous. Pourquoi sont-ils ainsi ? Qui ? Quoi ? Comment ? A quel instant ? Tout l’intéresse. Elle ressent le besoin de tout savoir pour tout maîtriser. La plupart des rumeurs parviennent jusqu’à elle et elle a su se confectionner un large réseau d’amis qui se charge de lui transmettre les informations nécessaires à sa ‘survie’ dans ce milieu hostile qu’est l’orphelinat.
Elle est donc passablement indiscrète et peut même se montrer indélicate si ses investigations la poussent encore plus loin.
Malgré tout, Linda a beaucoup d’amis, il ne faut pas le cacher. Elle attire les gens autour d’elle et on lui pardonne bien facilement son côté moralisateur et légèrement pimbêche quand elle veut. La demoiselle est d’un naturel très franc et elle a tendance à dire tout ce qui lui passe par la tête. Ça lui évite d’être hypocrite, mais, bien souvent, il aurait mieux valu qu’elle se taise.
Les rares choses capables de calmer son appétit vorace pour les cancans sont la peinture et Near. La première parce que Linda voue un véritable culte à l’art, n’hésitant pas à faire partager sa passion (même à ceux qui n’ont aucune envie de la découvrir, voire même qui s’en contre-foutent totalement). Pour elle, la peinture représente toute sa vie. Sa raison d’espérer. Elle lui permet de graver éternellement ses sentiments. Et, grâce à ça, on peut affirmer sans aucune hésitation que Linda a un côté romantique très (trop) poussé. Elle rêve au prince charmant, se voyant princesse et imagine l’histoire d’amour parfaite avec l’homme parfait.
Et dans le monde merveilleux de Lily Burrows, l’étiquette ‘prince charmant’ a malheureusement été attribuée au pauvre Near qui n’avait rien demandé. Near représente donc son idéal et son imagination folklorique vagabonde sans cesse dans ses fantasmes où elle voit se mariée à lui à la sortie des études, ayant une ribambelle d’enfants et vivant heureux jusqu’à la fin des temps dans un merveilleux château blanc avec des serviteurs prêts à se mettre en quatre pour satisfaire leurs besoins.
Oui, décidément, ce rôle lui sied comme un gant.