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 Se perdre, se trouver [Libre]

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Sujet: Se perdre, se trouver [Libre] Se perdre, se trouver [Libre] EmptyDim 24 Aoû - 2:30

    Dimanche. Jour de paix, de loisirs, jour divin. C'était le jour où Madame Hitler sortait Dolfie au parc, la journée où le Seigneur avait branché son répondeur et s'était accordé une bière ainsi qu'une sieste, le moment trop rare où les étudiants se dédouanent de leurs responsabilité mais, en songeant au lendemain, dépriment déjà. Le jour où même les orphelins de la Wammy's House jouissaient d'un congé.

    La bibliothèque était encore fermée. Le réfectoire demeurait silencieux. Même la chambre de Lawrence et Graham était calme. Le soleil, encore orangé, ne fournissait même pas assez de lumière pour éclairer son travail. Fidèle aux habitudes, le jeune garçon étudiait dans un ordre et une symétrie parfaits : son programme de révisions et plus encore, d'études, avait été soigneusement pré établi, organisé et adapté à ses journées de dures labeurs. Quelques sons. Les oiseaux. Le crissement de la plume parcourant le papier. Les pages tournées, retournées, dans une danse pas toujours régulière mais si familière et apaisante pour le garçon. C'était bon, reposant de tout contrôler ainsi. Son bureau était ordonné, ses études, ses lectures, ses mouvements méticuleusement orchestrés, tout lui obéissait et nul ne pourrait troubler la perfection que Grin semblait enfin avoir atteint.

    Dans cette étrange et inhabituelle solitude matinale, le pré adolescent à la cravate parfaitement nouée veillait à optimiser son temps qu'il jugeait trop restreint pour rattraper ses rivaux dont la plupart ignoraient jusqu'à son existence. Parce qu'il n'était que le chien chien de Lawless, le petit, le grimaçant, il n'avait aucune existence dans ce monde impitoyable ,régulé par une intelligence quantifiée par de ridicules points de QI, sujet de vantardises et rivalités. Grin percevait le ridicule de cette lutte pour un pouvoir tout aussi illusoire et factice, il ne voyait aucun intérêt à être le meilleur pour être le meilleur ou même contrôler un orphelinat. Car Grin avait compris que le but de l'établissement était de faire de ces jeunes un atout pour créer une société meilleure, devenir L n'était même pas le but principal, néanmoins si ces enfants si intelligents, inventifs et malins s'alliaient, tout en respectant des valeurs et morales communes à tous, le monde n'en serait-il pas amélioré ? Une seule place pour devenir le meilleur ? Foutaises. Le monde ne se résume pas à un podium.

    Il l'avait compris mais était si jeune encore. Son objectif principal n'était pas loin de celui de la plupart de ses camarades : surpasser les autres pour un jour espérer prendre la place du meilleur : L. À la différence qu'il ne souhaitait remplacer personne derrière un pseudonyme pré fabriqué, mais désirait se forger un nom bien à lui.

    Sa chambre était bâtie et aménagée sur le même modèle que les autres : large, lumineuse, mais encombrée par des lits jumeaux, agrémentés de deux tables de nuit, et un long bureau commun sous la haute fenêtre où deux lampes à pied permettait un éclairage convenable. Le plafonnier dispensait une lumière douce néanmoins vive, bienvenue pendant les journées d'hiver anglais où la grisaille déprimait, il était bien souvent allumé par Grin qui ne supportait pas l'obscurité qu'il considérait comme nocive car sa vue baissait, abîmée par ses révisions tardives, et l'inquiétait énormément. Deux armoires pareilles en tout point avaient été placées de chaque côté de la pièce, au pied des lits et offraient à leurs propriétaires rangements et cachettes étroites heureusement hautes jusqu'au plafond. Vides, les chambres étaient totalement impersonnelles et ils semblaient aux nouveaux arrivants qu'un miroir avait été installé sur tout un mur pour refléter une chambre simple, tellement la symétrie était parfaite avec, comme détail ultime, les mêmes chaises et verres à eau disposés à l'identique.

    Le jeune garçon qui occupait l'une de ces chaises, Grin, avait été un enfant adorable, était un joli jeune garçon et serait sûrement un beau jeune homme, puis un bel homme. Il n'y prêtait pas grande attention, surtout à cet instant. Sa cravate, indicateur de son humeur, tranchait son torse et sa personnalité en deux parties pas toujours égales car l'accessoire penchait régulièrement vers la droite et il était plus souvent sérieux et austère qu'il ne pouvait être souriant et joueur. Ce n'était pas de la schizophrénie qui s'ajoutait à ses troubles psychiques mais un enfant a parfois besoin de repères physiques, d'objets rassurants : un doudou, un geste. Pour Grin qui avait la peur phobique de perdre le contrôle de ses actions ou plus simplement de son corps, il s'agissait d'un rictus, soulevant abominablement sa lèvre vers le haut, découvrant ses dents dans un sourire malade et carnassier totalement involontaire, ainsi que d'une passion exagérée pour l'ordre et la propreté. Grin ne supportait pas non plus voir sa tenue altérée. C'était arrivé, par la faute de Lawless qui lui avait versé le contenu d'une boisson alcoolisée sur le sommet du crâne. Le grimaçant était alors paru encore plus stupide et fou qu'à l'ordinaire.

    Expliquons donc : la seule chose qu'il pensait être capable de contrôler de façon entière était son univers direct : sa chambre, son sac, son bureau, ses lieux, ses choses, son corps. Ils étaient toujours rangés, presque maladivement et souvent dans un état de frénésie. Grin avait été enlevé à une étrange famille aimante contre son gré. Trop jeune, il n'avait aucune opinion à livrer, aucun veto à apposer. Aucun contrôle sur sa vie.

    En ce jour, le pensionnaire n'y pensait pas car il faisait, enfin re faisait, des exercices particulièrement fastidieux de mathématiques. Graham avait toujours eu un goût immodéré pour cette matière abstraite et artificielle où tout s'ensuivait parfaitement dans une mécanique immuable et prévisible. Il avait un contrôle à condition d'avoir à l'esprit les bonnes formules. Et le garçon les apprenait, les connaissait avec un plaisir évident, admirant avec quelle exactitude tout s'enchaînait dans une rythmique inébranlable, dans un langage universel qui resterait longtemps inchangé et inchageable. C'était un véritable plaisir. Pour cela le garçon avait jugulé sa passion en s'imposant le schéma suivant : un exercice de mathématiques, si plaisant soit-il, entraînait alors un exercice d'anglais ou deux exercices de français ou trois de japonnais ou encore un nombre équivalent de leçons d'histoires etc. Car en fonction de leur coefficient, établi par ses soins, de leur facilité pour sa personne ou même du bon temps qu'elles pouvaient parfois procurer, les matières étaient classées par importance et couleur. Le bleu pour les maths, le rouge pour le français et ainsi de suite et il allait de même pour le sport, difficile à suivre avec un professeur aussi exigeant que Silence, mais qui en revanche n'avait aucun crédit mais agissait comme remontant et calmant, indispensable pour le bon fonctionnement de son programme d'études. Ces couleurs servaient exclusivement au classement, autant sur son bureau que dans son sac de cours.

    Ses horaires étaient eux aussi arbitrairement préparés : le lever, la toilette, les repas, les heures de cours, les récréations (transformées en séances de révisons), les courtes périodes de repos... tout était chronométré, prévu et routinier. Cela lui convenait car, tout cela, il le contrôlait. En ce dimanche, encore jeune, Grin devait accomplir trois choses : ses devoirs, révisions, études autodidactes, son entraînement physique et enfin se rendre au centre de Winchester pour un court répit avant une nouvelle période de travail acharné visant à le préparer pour une semaine d'apprentissage durant lequel il apprendrait de nouvelles choses qu'il se devrait de revoir le week-end suivant afin de les assimiler complètement.

    Dimanche. Jour de paix, de loisirs, jour divin. Se fit alors percevoir un son. Lent et constant, régulier et lancinant. Lancinant parce qu'il troublait Grin dans sa concentration presque surnaturelle. Terrifiante rumeur qui allait en s'amplifiant, d'abord imperceptiblement puis de plus en plus dérangeante. Cela grinçait, frottait, tapait. Puis ces bruits furent rejoints par d'autres, plus atroces encore : des voix, des conversations, des rires, des cris : l'orphelinat se réveillait. Il était temps d'aller petit-déjeuner.

    ***


    Il avait petit-déjeuné, accompli son rite de musculation après étirements, et s'était, comme à son habitude, allié à un couple d'ami pour obtenir sa permission de sortie : les orphelins n'ayant pas l'âge requis pour sortir dans Winchester non accompagnés devaient obligatoirement rester en groupe de minimum trois personnes. Mais une fois arrivés à destination, Grin et les autres se séparaient, simplement unis pour raison technique. Et il errait sans réel but au travers de petites rues pavées et désertes en ce jour de congés où aucun magasin, ou presque, n'ouvrait ses portes. Et il errait sans but réel, et cela lui convenait tout à fait.

    Vêtu comme à son habitude d'un jean, noir aujourd'hui, et d'une chemise à manches courtes de même couleur (cravatée bien entendu), le garçon semblait bien sombre et quelque peu vieilli, cela étant aussi dû aux cernes qui soulignaient ses yeux de charbon. Ces yeux semblaient être l'un des seuls attributs paternels dont il était pourvu. Son père, un méditerranéen lui avait-il paru. Il n'avait pas cherché bien loin, il n'avait eu nul besoin d'une figure paternelle, avec sept mamans il avait déjà de quoi faire. Ce fût donc seul qu'il s'aventura dans une petite librairie, dissimulée en bonne partie par du lierre et si étroite qu'elle en paraissait irréelle.

    Ce n'était qu'un long vestibule, un couloir au plafond haut et neutre dont les murs usés devenaient invisibles, dissimulés par de gargantuesques étagères qui atteignaient presque le sommet de la salle. Graham resta un instant interdit devant ce royaume de silence et de poussière, subjugué par l'aura de quiétude et de savoir régnant. Un vague sourire. Il s'avança, rêveur. Le sol de linoléum répétant ses pas dans un crissement léger qui montait dans l'air tel une mélodie improvisé par le pré adolescent, le gérant de la boutique se redressa sur sa misérable chaise de jardin, en plastique vulgaire, posée bien en évidence au milieu de piles de livres en attente d'un quelconque triage.

    Jonathan Ferguson était né en Irlande Il en conservait la nationalité, l'accent, une forte personnalité et un tatouage de l'IRA sur l'avant-bras droit. Monsieur Ferguson avait quitté son pays pour celui des envahisseurs par amour, amour qui l'avait abandonné pour une place au paradis. Il ne lui en voulait pas, après tout, il la rejoindrait bientôt. Avec ses cheveux blancs comme neige, sa cambrure élégante et fine, sa grande taille et son air noble, il était plus aisé de le dire ancien danseur que Irlandais pure souche.

    « Je n'ai pas de mangas, bandes dessinées et autres œuvres, Ô combien conséquentes littérairement parlant. » fit-il d'une voix lente et douce, comme repentie par on ne sait quelle culpabilité.

    « Ce n'est pas ce que je recherche, Monsieur.

    Et qu'est-ce que tu veux alors ? »

    Grin lui adressa un large sourire et déclara avec candeur :

    « Si je pouvais je dirais : tout ! Mais mes moyens sont limités. »

    Il y eut un silence et une réponse souriante. Le voyage de Grin débuta, rien ne semblait être prévisible en ce lieu mystique : il n'y avait aucun classement, qu'il soit alphabétique, numérique chronologique ou thématique. Les ouvrages semblaient être rangés par hauteur, les bibliothèques n'étaient qu'un terrain de Tetris où le libraire s'efforcer de caser de plus en plus de volume tout en évitant l'éclatement ou l'effondrement des étagères de bois. Le jeune garçon fut alors condamné à escalader de hautes et périlleuses échelles et escabeau, à presque ramper au sol à déplacer une trentaine de livres ne serait-ce que pour en atteindre un qui lui semblait si ancien qu'il s'étonnât de ne pas le voir tomber en poussière. Malheureusement, le grimaçant n'avait que de basses connaissances latines. En effet, l'anglais n'étais pas la seul langue écrite proposée, il y avait même un livre sur la botanique rédigé en Espéranto. Terrifiant, fascinant.

    ° Cooooool ° fut le seul qualificatif qui lui vint à l'esprit lorsqu'il dégota un manuel d'apprentissage à la guitare sèche.

    Assis à même le sol, Grin ressemblait à ces enfants de boutiquiers qui élisent rapidement domicile sur le lieu de travail de leur parent : en tailleur, escorté de livres divers formas amas tantôt poussiéreux tantôt flambant neuf, il suscitait la curiosité amusé des rares clients flânant, totalement désœuvrés en ce jour de congé. Alors que le vendeur allumait une pipe, calé dans sa chaise et l'air bien heureux et que le temps promettait une belle averse, un résidant de la Wammy's House tapota sur l'épaule de Grin qui, dans sa fascination pour des reproductions des gravures de Gustave Doré, sursauta et se retourna, un air presque coupable sur son mignon visage.


Dernière édition par Grin le Mer 27 Aoû - 20:07, édité 1 fois
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Sujet: Re: Se perdre, se trouver [Libre] Se perdre, se trouver [Libre] EmptyLun 25 Aoû - 18:25

Crux fut aussi surpris que Grin. Il ne s’attendait pas à le voir ici et il ne sut que dire.
« …Je cherche un livre, ici. »
C’était la vérité. Crux cherchait tout ce qui pouvait être en rapport avec Gustave Doré depuis sa découverte de son travail sur son conte préféré, La Belle Au Bois Dormant. Les traits en étaient si délicieusement fantastiques et éthérés qu’il avait réussi à faire abstraction de l’horrible version écrite par Perrault, et il se trouvait que Grin était justement en train de regarder la scène représentant la vieille au fuseau. Quel chef-d’œuvre

Grin regardait Crux, son visage le théâtre d’une adorable perplexité. Presque enfantine. Il avait lui-même quelque chose d’éthéré, une aura fantomatique et mélancolique, et Crux eut la brutale impression de saisir toute l’étendue du mystère de ce jeune garçon. Et l’impression que certains de ses secrets ne pourraient jamais être dévoilés. Pendant quelques instants, aucun d’eux n’osa dire mot jusqu’à ce que Crux, si surpris de rencontrer une personne de l’orphelinat ici, prenne le livre des contes illustrés des mains de Grin.
« Cette édition est mauvaise. La plupart des détails des gravures échappent au regard. En cherchant mieux tu devrais trouver un recueil exclusivement consacré à Doré. J’imagine que nous sommes d’accord sur le point que les contes écrits par Perrault sont une insulte à la fantaisie et aux merveilles ? »
Crux n’eut pas peur de passer pour un infini crétin ou un incommensurable pédant. Il lui avait toujours été égal d’être jugé ou méprisé, parce qu’il savait depuis longtemps qui il était. Il ne pouvait se laisser perturber par des jugements hâtifs alors que les siens, à son propre égard, étaient mûrement réfléchis.

Il ne lut cependant aucun jugement désagréable dans l’immense regard de Grin. Le garçon se contentait de le regarder, sans rien dire, timide. Dans ces situations, dans le silence et le mésaise, Crux se sentait souvent contraint de meubler par la parole, ce qu’il détestait singulièrement – fort heureusement, il y avait un grand nombre de bavards à la Wammy’s House, ce qui le dispensait de s’y résoudre.
Il ne connaissait rien de Grin. Ils n’étaient ni amis ni ennemis. Ils n’avaient rien à se dire, et à cette pensée, Crux se renfrogna passablement, déserté de toute envie de faire des efforts. Pauvre Grin ! Ce n’était pas de sa faute, il s’était retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment…et avec la mauvaise personne ! Et comme une situation banale peut se révéler gênante !

Crux était conscient de tout cela mais fit malgré tout un pas en arrière. Il se rendait compte qu’il n’attendait même plus la réponse de Grin à sa question sur la qualité des contes de Perrault, il remit le livre dans les mains toujours tendues du jeune garçon paralysé et fit mine de chercher autre chose dans un autre rayon.

Bientôt, il oublia le petit incident et se mit à chercher une édition intéressante d’un livre de Joseph Conrad qu’il avait lu jadis et qui lui avait laissé les bribes d’un souvenir épique et noir.

Mère, chuchotez-moi le secret des ténèbres,
Père, révélez-moi ce qui ne doit être dit,
Tous ces sentiments oubliés
Vous deux, transmettez-moi la jouissance de votre non-existence

Faites couler sur moi le sang des chairs blessées par les épines d’une rose…


…Et Crux sentit une main se poser sur son épaule pour le retenir, tandis qu’il s’éloignait.
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Sujet: Re: Se perdre, se trouver [Libre] Se perdre, se trouver [Libre] EmptyVen 24 Oct - 0:39

    Il y eut un moment de blanc total. Du moins du côté de Graham : l’irruption d’un orphelin dans un cadre où, habituellement du moins, Grin n’en croisait jamais le perturbait au plus au point. C’est pourquoi le jeune garçon se mis maladivement à caresser chacun des boutons de sa chemise, entourant le concerné du pouce et de l’index puis, tout en exerçant une légère pression, détaillant son contour.

    « Cette édition est mauvaise. La plupart des détails des gravures échappent au regard. En cherchant mieux tu devrais trouver un recueil exclusivement consacré à Doré. J’imagine que nous sommes d’accord sur le point que les contes écrits par Perrault sont une insulte à la fantaisie et aux merveilles ? »

    Le regard qu’il adressa à son camarade aurait pu être traduis par un : « hein ? », puis celui-ci se posa sur le recueil qui, il l’aurait parié, était une seconde plus tôt en sa possession. Il passa du premier au second. Ses capacités d’adaptation étant moindre, celle du dialogue d’agrément était totalement inexistant, Grin avait pour habitude de répéter sept fois dans son esprit tourmenté la phrase qu’il avait l’intention de prononcer mais, bien entendu, car même un génie ne peut arrêter le temps, ce décalage le faisait passer pour un débile profond. Il passait désormais au cinquième fermoir de plastique blanc.

    Pour Grin, Crux était né à la mauvaise époque. Sa beauté distante, anachronique, échappait encore au grimaçant mais il en ressentait tout de même l’aura, mur invisible qui le rendait timide et hésitant.

    Le débile profond dont il était question remarqua alors son manque de politesse (si Francesca l’avait su !), de courtoisie (que Yukono puisse lui pardonner) et de répondant (Charlie l’aurait mordu pour moins que ça) lorsque Crux, excentrique et sublime jeune homme qu’il croisait au moins deux fois par jour sans que cela ne l’émut plus qu’autre chose, s’éloigna aussi neutre que s’il avait contemplé une tombe. Ce qui d’ailleurs n’aurait pas du laisser impassible, mais rappelons que notre sujet est Crux.

    Ce dernier s’éloigna, Grin cru mourir sur place.

    « Les contes paraissent peut-être monstrueux mais c’était, à l’époque, une excellente façon d’inculquer morale et prudence tout en respectant les tabous. Et puis… je trouve que si on qualifie les contes d’insulte à la fantaisie, il en va de même pour les illustrations de Doré, il présenta l’image de ce dernier qui illustrait La Belle au bois dormant à l’instant où le vaillant prince pénétrait dans le château. Oui, pénétrer était le mot juste. Je ne tiens pas… vraiment à entrer dans les détails mais en réalité… Il désigna l’entrée du château d’un geste circulaire de l’index, le faisant glisser sur le papier, Ceci représente un… enfin l’entrée d’un vagin. Et le prince est le seul à pouvoir y… enfin voilà quoi. »

    Il y était parvenu ! Il s’était approché, il avait parlé. Bémol : il avait fait tout ceci sans même jeter un regard à son interlocuteur, il lui faisait face de trois-quarts, donc pratiquement pas. La tête rentrée dans ses épaules trop larges, il semblait petit, presque terrifié malgré la politesse affichée sur son regard enfantin. Mais en réalité, il s’agissait de l’un de ses TOCs : à l’extérieur de la Wammy’s House il ne pouvait dévisager personne appartenant à celle-ci. Il y avait tellement d’explications à ceci… Grin s’en rendait compte avec désespoir mais n’avait pas encore volonté ou force de caractère pour se maîtriser totalement. Le préadolescent fit un effort, lui lança un regard charbon toutefois il détourna les yeux.

    « Je préfère le Petit Chaperon Rouge. On dirait une scène de séduction, même la fillette semble se prendre au jeu… »

    Il blêmît tout en cherchant la bonne gravure, se mordit la lèvre inférieur et lui tendit en lui tournant pratiquement le dos, tordant son bras de façon improbable.

    Gravure

    Cette courbe caressante et ombrée qui suit la silhouette du Loup. Ce regard réciproque. Cette aura malsaine mais fascinante.
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