Coucher sur papier la psychologie d’Aniello est ce qu’on peut appeler quelque chose de « tellement plus simple que mettre un bonnet rouge à pompon, un manteau rouge et blanc, des bottes, et puis de porter une barbe et des sourcils aussi vieux que les poils de cul de Lucy en paraissant cool »… c’est du moins ce que le principal concerné prétend, car même s’il ne se considère pas comme simple à proprement parler – son égo ne le permettrait pas –, force est de constater que sa psychologie est plus profonde qu’au premier abord.
On se dit d’emblée, en se permettant une petite conversation avec ce blondin, qu’un petit cours de savoir-vivre serait le bienvenu. Non que ses manières choqueraient un couple de paysan à l’époque des Grandes Pestes, mais dans son aisance de langage est surexposé sa… richesse de vocabulaire. Hum. Soyons francs. Ce « petit génie » se laisse aller, plutôt trop souvent, à user de mots peu appropriés. Certes, ce n’est pas ainsi qu’il cachera son intelligence – car il semble que cela fasse partie d’une série de réflexes le poussant à se dérober – puisque ses exclamations ne sont pas dénuées d’élégance…. Enfin, il faut le comprendre, ce petit père Noël.
Le comprendre…hm. Ce n’est pas la personne la plus secrète au monde… on peut même dire que parler de sa vie est une chose qu’il ferait volontiers, sans oublier bien sûr de paraître naïf alors qu’il ne l’est pas. Peut-être légèrement manipulateur…ça, oui, on peut l’appréhender, et même trouver ça évident, quand on sait que Santa a beau ne pas être stupide, il n’est presque rien par rapport à beaucoup d’autres enfants de la Wammy’s house. Autant ce fait est avéré, autant un penchant très prononcé pour l’auto-vendage paraît inconvenu. Il sait pourtant bien faire sa pub, le petit italien. C’est ce qu’il sait faire de mieux, d’ailleurs : parler. Et plus précisément, parler de lui. Sa capacité à manier les mots lui permet de donner une image de lui plus reluisante qu’elle n’est réellement, cela étant tout à fait bien pour le satisfaire.
Si l’on s’attardait sur sa satisfaction ? Car avide, il l’est, le petit génie en mal de son pays. Et satisfait, il ne l’est pas toujours. Attention ; lors de ses états de recherche de satisfaction, évitez à tout prix de le croiser, sous peine de….oh, je ne vous conseille pas de l’entendre ! Sachez juste qu’une des qualités les plus controversées en ce monde est présente dans ce petit corps d’1m et demi : Aniello a le dérangeant « défaut » d’être têtu. Oui, c’est un conseil sûr et sage que d’éviter la route du petit Santa Claus lorsqu’une de ses idées se promenant allègrement dans son cerveau est contre votre vue d’esprit… ou en général contre vous… parce que vous risqueriez d’être tenu en laisse un sacré petit bout de temps ; on dirait presque un chien enragé tant il refuse de lâcher le morceau. C’est là la chose qui tient trait de résumé si l’on voudrait transformer le préadolescent en un seul mot.
Bien évidemment, ce trait de caractère en lui-même tire vite à l’agaçant, ce que Santa assume tout à fait, ce qui montre qu’il est au moins compréhensif. En fait, il semblerait bien que sa tendance à parler à outrance de lui, celle d’être outrageusement imbu de lui-même, cacherait sans trop d’efficacité une nature très généreuse. Il a beau « penser sans cesse à lui », rares sont les occasions d’aider les autres qu’il laisse échapper.
Il dirait simplement que c’est un petit coup de pouce, de la part du père Noël ~.

Acqua torpida non fa specchio. " En eau trouble, on ne peut se mirer. "

« This is the story o’ my lif’ »

Un petit agneau perdu au nom d’Aniello fredonne le refrain d’une chanson aux allures de résumé. Il se dit, merci SHK PNK de faire de l’histoire d’une vie un morceau de rock entraînant. Parce que, lui-même, il ne veut pas se rappeler de sa propre histoire… car évidemment, tout a un sens, et rien ne semble être laissé au hasard – en somme, tout est tel que cela doit être pour un orphelin de la Wammy’s House. Tandis qu’il mime le rythme de ses doigts claquant dans le vide, il soupire. Et allez, voilà qu’il vient de se rappeler. Est-ce un souffle qui s’échappe de ses lèvres ? Ah, l’époque heureuse….

Il était une fois la vie à peine romancée d’un petit enfant italien. L’enfant portait pour patronyme le non moins prestigieux « Sante Maria » et, il fallait bien avouer que cela fut évident, il vivait dans une famille aussi prestigieuse que son nom et très impliquée dans le culte catholique de la belle cité Rome. À vrai dire, ce n’était pas exactement ça. Le petit dernier des trois enfants Sante Maria connaissait bien la ville de Jules César, car dès son plus jeune âge il prit habitude de s’y promener ; promenade pouvant être remplacée par un très juste « parcours d’électron libre » ; mais cependant il n’en était pas exactement originaire. Oui, Aniello était né et avait foyer dans ce qu’on appelle Vatican, cet état à l’intérieur d’un état.

« Heal me, heal me… »

La voix mélodieuse du désormais pré-adolescent résonnait de plus en plus lentement. Emanait de ce timbre légèrement grave une teinte prononcée de mélancolie… oh oui, il se souvenait de cette époque. Jamais sa mémoire ne pourrait être floue, tant sa vie lui semblait unique. Surtout à Noël…

L’enfant, cela va de soi, vivait dans une famille très croyante, même si, personnellement, il fut vite réduit à mimer cette dévoue à Dieu. La cérémonie du 25 décembre, cependant, oui, celle de Noël, lui plaisait tant qu’il serait tombé en enfer pour pouvoir continuer à la vivre. Cheveux blonds et yeux étincelants, voix cristalline… lors de ces fois où il chantait, on aurait dit un ange ; un ange qui ne croyait plus en ce qu’il disait, et qui gardait son secret enfoui dans son âme et sa trop grande intelligence. On le distinguerait presque nettement disloqué, juché sur « la Croix du Messie », son regard vert libellule fixé vers le ciel, chantant ses cantiques encore et encore. C’était quelque chose qu’il aimait, c’était quelque chose qu’il aurait pu faire jusqu’à en perdre la capacité de parler. On aurait presque pu le croire possédé par le démon de minuit.
Mais ce qu’il préférait, c’était…

Clignant des yeux, il devint muet lors qu’il découvrit que, tout à ses divagations, l’endroit où il s’était retrouvé ne correspondait pas du tout au plan de la Wammy’s qui circulait en permanence dans sa tête. Décidément, il était incorrigible. Et frôlait même le ridicule, à l’instant même où le mur faillit se faire prendre d’assault par un crâne perdu et presque esseulé. Ah là là, heureusement que personne ne l’avait vu, il était vraiment, vraiment incorrigible lorsqu’il se concentrait sur quelque chose. Le prochain soupir, imminent, explosa comme une fleur. En plus de tout, un sens de l’orientation perdu lui faisait parfois cruellement défaut. Haah, mais comment faisait le Père Noël…

…cet homme surhumain, l’incarnation du juste et de l’ami des enfants… il l’adorait. Ça n’avait pas de rapport direct avec le Noël de la naissance du petit Jésus, mais cela, on pourrait dire qu’il s’en fichait. Il avait appris l’existence de ce Père de ses amis vivant de ce qu’il appelait « la plus belle ville du monde », et le moins qu’on puisse dire, c’est que cette découverte le bouleversa. Celui qui apportait des cadeaux aux enfants sages, pourquoi ne venait-il jamais le voir ? C’était dommage. Vraiment dommage. Il était plus que sage, pourtant. Et tellement triste, lorsqu’on lui refusa d’aller chanter chez un de ses amis qui avait cette chance. C’était dommage… vraiment dommage… il se surprenait même à penser parfois « si je n’avais pas de famille, ça ne serait jamais arrivé… ». L’on savait depuis longtemps que son intelligence surpassait la moyenne…. Mais l’on ne le savait pas devin.

Aniello tiqua. Se rappeler de ça ne servait à rien mis à part provoquer des réactions insensées dans son cerveau. à cause de ça tellement de choses…. Tellement de choses étaient arrivées, tellement qu’il se demandait encore si c’était bien sous son impulsion que tout était parti en vrille… il n’osait prier Dieu, après tout, peut-être que tout n’était que blâme. Il fallait qu’il retourne dans sa chambre. La tête lui tournait… il s’y dirigea lentement. La tête lui lançait… ce n’était pas ainsi qu’il réussirait à réviser. Il atteint donc finalement sa pièce et s’écroula sur le lit. Ah, si seulement….

Apparemment, ses excursions avaient une fois de plus suscité l’agacement de ses parents. Lui, traçant, silencieusement – pour une fois – des petites croix sur sa joue, l’ongle râpant délicatement sa peau, il ne répondait rien. Il n’était pas rare qu’il réponde à ses géniteurs, mais en cette veille de Noël il sentait que ce n’était pas la meilleure chose à faire. De toute façon, leur « rage » se calmerait bien vite, et de toute façon, il l’avait décidé, demain, il serait chez son ami. Ou peut-être même ce soir. Maintenant, tout de suite ?

Il commençait à s’endormir. Déjà cinq ans qu’il était ici. Même tout petit il avait compris qu’il ne serait jamais le successeur de L. Mais il avait ses habitudes ici. Plutôt mourir que de perdre une deuxième fois un foyer…

Il se demandait, derrière ses larmes, si l’on comprenait que lui avait tout compris. Sa famille avait disparu, désormais. Elle avait été « tuée ». Sûrement parce qu’elle était « très catholique ». Il ne l’avait jamais voulu. Il aurait préféré « mourir » avec eux. L’enfer ? Peu importait. Il ne le voulait pas. Il ne voulait pas ça. Il ne voulait pas ça…. Seulement, ne restait que lui.

…se réveilla à la Wammy’s House.