Il faisait froid. Il faisait même terriblement froid. Les étudiants avaient ressorti leurs gros pulls, leurs écharpes, et leurs bonnets. Certains avaient opté pour la prudence en visant gros : ils avaient ressorti de leurs tiroirs et dépoussiéré les moufles et parfois même, les bottes en caoutchouc ! Et Eponine souriait niaisement à sa vitre en nageant dans cet océan de bonnets de toutes les couleurs, de toutes les formes et de tous les motifs. Des bonnets avec pompons, des bonnets rouges, des bonnets à paillettes, des petits bonnets ou même de grands bonnets. Elle rêvait d'écharpes assorties ou même dépareillées. Elle voyait le monde comme un océan de couleurs. Elle trouvait ça plutôt joli. En même temps, Eponine avait le chic pour tout trouver joli. Ou même mignon. Elle voyait la vie comme la verrait une enfant. Elle ne voyait que les guirlandes lumineuses qu'on accrochait aux bâtiments. Elle ne sentait que l'odeur des biscuits au gingembre encore chauds ou celle plus fraîche des branches de sapin. Elle ne percevait dans les musiques que les mots « christmas », « snow » ou même « happiness ». Et partout, elle ne distinguait que du rouge ou du vert. Avec du blanc et un bruit de clochettes perpétuel. Eponine avait été touchée par le virus très contagieux du D25.
Elle était tellement malade, tellement atteinte qu'elle avait harcelé sa colocataire pour que celle-ci cède à l'installation de décorations de Noël. Du plafond pendaient alors des boules aux couleurs de Noël et sur les murs s'illuminent les éternelles guirlandes de lumière qu'Eponine avait installé dès sa première semaine ici. Elle avait toujours eu un sens de la décoration intérieure assez... Particulier. En réalité, elle s'inspirait plus des images qu'elle trouvait sur le net que celles qui figuraient dans les magazines. C'était tellement simple et peu personnel. En fait, si elle avait pu, elle aurait repeint ses murs toutes les semaines. Elle aurait bougé tous les meubles. Elle aurait changé de lit avec celui de sa colocataire. Eponine avait besoin de rester en mouvement.
Et pour se faire, elle avait décidé de sortir. Sortir prendre l'air, sortir dans le froid et dans la neige. Elle n'avait jamais eu peur de la neige tout comme elle n'avait jamais craint le froid. Elle avait toujours trouvé les joues et les nez rouges adorables. Elle aimait mettre ses mains gelées sur une tasse de cacao fumant tout comme elle adorait se remémorer sa journée sous ses couettes, dans son pyjama. Elle aimait les histoires et avaler les flocons de neige. Elle aimait les rennes du Père Noël et les petits biscuits en forme humaine. Elle rejette quelques mèches blondes et bouclées derrière son oreille avant d'enfiler son bonnet rouge à pompon. Elle s'emmitoufle correctement dans son écharpe. Parée au décollage.
Et quand elle atterrit, c'est dans les jardins du pensionnat. C'est là qu'elle voulait le plus aller. Là, dans la neige. Et soudain, elle devient une enfant. Elle redevient l'enfant qu'elle était, l'hiver de ses neuf ans, quand elle allait au parc pour jouer dans la neige avec son tendre papa. Dans le parc blanc, à se lancer des boules, à attraper les flocons avec la langue ou même à faire des anges sur le sol. Ils étaient revenus trempés. Elle s'en souvient comme si c'était hier.
Un éclair argenté, pas loin d'elle, l'interrompt dans ses souvenirs. Elle regarde. C'est Romeo, elle le reconnaîtrait entre mille. Alors, elle sourit. Elle sourit encore encore en se mettant à courir. Et elle court, elle court, comme la maladie d'amour. Elle court et elle bondit, comme un chat fou, un chien heureux. Elle atterrit sur le dos de Romeo, en rigolant comme une dingue.
Et ils s'écroulent tous les deux dans la neige.
Dernière édition par Eponine le Dim 26 Jan - 18:59, édité 1 fois
Romeo
Sujet: Re: « life is rosy ▲ Romeo Sam 11 Jan - 22:07
Romeo n'avait jamais vraiment pris la peine de vieillir. Grandir, ça, il savait. Il savait mener un groupe, il savait reconnaître le bien et du mal et obtenir ce qu'il désirait autrement qu'en tapant du pied et criant et pleurant. Il savait qu'il fallait parfois sacrifier certaines choses. De manière générale, Romeo faisait peut-être partie de ces rares orphelins à réellement utiliser son intelligence pour quelque chose. Certes ses lubies n'étaient pas vraiment utiles à la communauté, mais au point elles étaient ordonnées.
Grandir, Romeo savait, il approchait d'ailleurs du mètre quatre-vingt dix... bon encore six centimètres certes, mais ça s'en rapprochait non ? Grandir oui. Vieillir jamais. Il faisait partie de ces orphelins idiots qui parlaient encore de leurs noëls en famille comme si c'était hier. Celui qui pouvait parler des heures et des heures à des gamins qui croyaient encore au Père Noël en leur racontant bobard sur bobard, juste pour voir leurs visages extatiques en entendant ses histoires merveilleuses de familles et de cadeaux et de sapins de dix mètres de haut. Il était celui qui se ruinait à offrir des cadeaux aux autres juste pour faire plaisir, mais qui s'en gardait quand même pour dépenser la fin dans des trucs inutiles. Il avait gardé cette passion de la neige, celle qui ne devient jamais boueuse, celle qui ne glisse pas, celle qui ne fait pas tomber quand on va au travail. Dans l'esprit de Romeo, la neige était toujours blanche, toujours pure, et toujours bénéfique.
Romeo, avec la majorité des petits de l'orphelinat, se trouvait donc dehors quand il se mit à neiger. Pendant ce temps, les adolescents désabusés et snobinards le regardaient s'ébattre idiotement dans la neige avec un air compatissant. Ils ne savaient pas ce qu'ils rataient. Rah ces saletés d'orphelins qui oubliaient de s'amuser pour quelques vieux morts avant l'heure.
Soudain, un poids sur le dos de Romeo. Le dos de Romeo, ou le dos pâle et mince d'un garçon qui ne fait jamais de sport. Le dos de Romeo face à la poitrine opulente d'Eponine, on voit tout de suite qui est vainqueur. Plus que s'écrouler, Romeo s'étala sur le sol comme une crêpe. Une crêpe pas cuite.
Le nez dans la neige, gloussant, marmonnant quelques insanités châtiées avec la bouche plein de neige, il finit par réussir à se redresser pour relever un visage couvert de neige qu'il libéra vite avant de s'écrier dans un rire :
« Qui donc a pu avoir l'idée saugrenue d'effectuer un attentat contre mon humble personne ? Car cette personne mérite.... la mooooort. »
Et il tourne la tête, dents découvertes, nez retroussé, regard qui louche, un air d'idiot complet, comme à son habitude. Quant à la fin de sa phrase, il a bizarrement trouvé judicieux de la faire monter dans les aigus. Le rendant encore plus gay, en fait.
Sujet: Re: « life is rosy ▲ Romeo Dim 26 Jan - 19:01
i really can't stay
Et ils s'écroulent tous les deux dans la neige.
Elle en a partout. Ses cheveux sont remplis de petites étoiles blanches et scientillantes. Son nez a pris une couleur rouge de lutine, en accord parfait avec ses joues. Elle a froid, sa peau pique. Mais qu'est-ce qu'elle aime cette sensation. Elle attendrait l'hiver chaque année pour cette sensation de chaleur irradiant du froid. Elle tuerait pour cette sensation. Ca la remplit encore plus de bonheur, elle a envie de rire. Alors, elle rit. Elle rit parce qu'elle entend Romeo gronder dans la neige, sous elle, contre elle. Elle rit parce qu'elle imagine ce qu'il est en train de se dire. Romeo est adorable, il ne lui ferait pas de mal. S'il grogne, s'il râle, ce n'est pas par méchanceté. Romeo, elle a l'impression qu'il serait incapable d'être méchant. Elle, elle n'est pas comme ça. Elle peut être méchante. Une chance pour les autres que ça n'arrive pas très souvent.
Il se redresse, elle s'accroche. Elle s'accroche en mode koala, ses petites mains gelées. Et quand elle ne tient plus, elle lâche, elle retombe dans la neige, fesses en premier. Elle s'en fout. Elle aime ça. C'est la sensation de son enfance. Et quand elle rentrera, elle courra vers les douches, elle laissera tomber ses épaisseurs et elle soupirera de bonheur sous le jet chaud de la douche. Oh mon dieu. C'est le pied. Romeo la menace de mort mais à la manière dont il le dit, elle sait que c'est faux. Comme si ! Comme s'il allait la tuer ! Elle, une créature aussi mignonne qu'adorable ! Alors, elle rigole, comme une enfant. Une enfant devant son papa qui la menace de chatouilles. C'est toute l'impression qu'elle a. Elle rigole parce que Romeo a une tête absolument bizarre. Absolument hideuse. Absolument mignonne. Elle en mourrait de rire.
Eponine – Oh, Romeo !
Elle est incapable d'aligner une phrase. Elle rigole trop. Il faut qu'elle s'y reprenne à deux fois avant de pouvoir continuer la suite de sa phrase.
Eponine – Romeo, que tu es bête !
Elle tire sur ses bras pour glisser vers l'arrière, pour s'éloigner de ce monstre étrange qu'elle a juste envie de serrer dans ses bras. Elle le serrera plus tard. Elle recule sur les fesses, en s'éloignant. En rigolant, surtout. Elle ne peut plus s'arrêter. Elle est lancée dans un fou rire, elle ne s'arrêtera plus. Elle hoquète. Elle a un rire de lutins. Quand elle juge qu'elle est assez loin, elle s'arrête, elle forme une boule de neige, derrière son dos. Elle attend un moment d'inattention et quand Romeo ne s'y attend plus, elle lui lance la boule sur la poitrine. Touché, en plein dans le mille. Elle sourit.
Eponine – Tiens, prends ça, monstre !
Elle en prépare une deuxième, elle la relance, un peu plus bas, dans l'estomac. C'est de la bonne neige, de la neige qui ne fait pas mal.
Eponine – Cainaille ! Canaille ! Moi vivante, personne ne me tuera !