Alors que tu errais dans les couloirs, regardant les portes défiler au rythme de tes pas, à gauche, à droite, assez rapidement. Une seule t'intéresse, c'est elle que tu cherches, celle que tu ouvres régulièrement, rituel de fin de journée, pour te retrouver. Le calme est maître, peu de bruits s'aventureraient ici, quand beaucoup profitent du soleil dehors. Ils se font rares et sourds.
Enfin, elle arrive, ta porte. Vérifiant furtivement que personne ne projette de te suivre, tu saisis la poignée et pénètre les lieux en un grincement de gonds. C'est cette odeur familière qui vient titiller tes narines, elle frémissent à cette senteur spécifique mêlant subtilement vieux bois, livres anciens et craie. La saleté volatile recouvre tout en une fine pellicule que le temps à déposé, à l'exception du premier bureau, le plus proche de l'entrée, incroyablement propre. Distraits, tes yeux se baladent, ils observent vaguement les chaises bancales, les bureaux mal alignés, le tableau devenu gris de poussière portant les séquelles des pulsions artistiques amputées de talent d'autres visiteurs des lieux.
Tu aurais aimé t'asseoir à même le plancher, dos contre le mur mais ce dernier est couvert d'écailles de peinture, cuirasse hérissée que le temps lui a fait revêtir. Passant négligemment ta main sur le bureau déjà propre, tu sors de ta sacoche quelques consoles portables d'un autre temps. Elles t'accompagnent systématiquement occupant tes quelques instants de liberté. Tu choisis la portable de Sega et range précautionneusement les autres à leur place. Enfin, tu t'assieds sur ce bureau, dos à l'entrée et allume une cigarette, comme d'habitude. C'est ainsi que tu te laisses happer par le temps, les pixels défilent, tes poumons se gorgent régulièrement de nicotine, il n'y a que toi, la fumée et les grincements des boutons de la Game Gear et enfin, tu te détends. Le virtuel... tu t'y perds un peu parfois mais le réel revient toujours s'imposer et te frapper durement, te contraignant à supporter des heures durant les autres, petits génies, leur odeur, la moiteur de leur corps, leur présence, leurs bruits incessants et leurs regards bovins et flasques.
A cette heure ci, c'est ton instant, toi, ta nicotine et ton électronique et rien ne peut t'enlever ça, personne ne peut briser ça...

Une curieuse sensation te prend, comme si l'on t'observait, qu'on t'épiait d'un regard malsain, qu'on allait t'attaquer, quelque chose d’oppressant qui te contraint à mettre ta partie sur pause mais sans te retourner. Il s'agissait peut être d'un coup de paranoïa comme tu en connais souvent depuis que tu as perdu tes parents, depuis la vigilance permanente que t'imposait la rue. Tu continuais de te droguer de fumée grise, ta cigarette était presque entièrement consumée mais il te restait un peu de plaisir en bâton pour jouer quelques dizaines de minutes supplémentaires. Tu n'arrives pas à enlever la pause, à te re-concentrer, tu as vraiment une mauvaise impression, tu n'es pas transie de peur ou paralysée comme le serait une de ces loques qui peuplent l'orphelinat, ton sang bout, tu arbores un sourire légèrement sadique, c'est sur, il y a quelqu'un, tu entends sa respiration; tu ne bouges pas, tu réfléchis brièvement, que pourrait-il advenir de cet intrus?
Un tabassage en règle? Un coup de table dans la tête? Un coup de tête dans la table serait plus aisé... Coupage de doigt? Lacérations? Coup de tête histoire de briser le nez? Fufufu. Laissant ton sadisme se libérer durant ces quelques secondes, l'intrus est juste derrière, on ne te berne pas si facilement, affronter les mafieux, ça aiguise les sens. Cet abrutis doit penser pouvoir te surprendre mais tu es la plus forte des deux sur ce coup là. Tu savais, de par une respiration assez grave qu'il s'agissait d'un mâle, du fait qu'elle provenait d'un lieu assez haut que ledit mâle était assez grand. Cet abruti respire aussi fort qu'un bulldog essoufflé (et c'est dire le bruit de ventilation que produit ces steaks sur patte), il ne doit plus se sentir tant sa vanne doit lui sembler originale...
Sur ton cou viennent se poser deux mains, elles te semblaient sales, moites, infâmes à t'en donner la nausée. Tu ne bouges pas d'un cil. Une voix tout aussi repoussante que les mains vient démolir ton précieux silence.

"Bouh. Moi, c'est Lust. A quoi t'joue? Et aboule une clope, au fait."

Fantastique... Un spirituel... Tu inspira une dernière bouffée de nicotine, l'expira lentement en ôtant la cigarette de ta bouche de la main droite. Soupir.

"Je suis Gun. Je joue à Sonic the Hedgehog et pour la clope..."

Tu écrasa violemment la cigarette encore brûlante sur la main droite de Lust.

"Crétin..."

Ça sent la douleur et le brûlé. Tu jubiles intérieurement de lui laisser, probablement de manière permanente, la trace de cette petite punition pour t'avoir touchée. Tu as
envie de lui refaire le portrait, d'érafler son visage sur les écailles du mur, de lui éclater les bijoux de famille, de lui coller une balle entre les deux yeux, de lui arracher les dents avec une pince rouillée... Mais il fait bien 10cm de plus que toi et toi... Tu es frêle, chétive. La nature injuste te laisse en bouche un goût amer. Tu lui tourne toujours le dos. Ta satisfaction s'estompe, tu es petite et fragile par rapport à lui et ce n'est pas une brûlure qui suffira à te défouler pleinement. Tu sens encore la chaleur moite de ses mains sur ton cou. Ça te dégoûte. C'est comme si il te touchaitIl te prend la cigarette des mains et l'écrase sur ta main gauche, tentant mollement de gribouiller une sorte de croix. La douleur est minime, elle n'est plus aussi incandescente qu'avant qu'elle ne recontre sa main. Tu ne dis rien, tu observes consternée cette pseudo-croix noirâtre sur ta main. Tu aurais pu réagir, lui faire lacher ton poignet paret par une clé de bras basique mais nan, le voir s'agiter vainement en tentative d'intimidation morte-née. Et cette croix, signe ostentatoire ridicule, elle te fait rire intérieurement, c'est juste ridicule. Tu es tombée sur un clown, un clown qui parle beaucoup pour ne rien dire, un être stupide qui se donne de grands airs.

"Je ne suis pas con."
Ah vraiment...?
"Tu avais deviné que j'étais la, hé ?"
Évidemment, tu t'es entendu respirer, on dirait un cancereux en phase terminale...
"C'est ce que je voulais."
Bah tiens... Tu es assez intelligent pour faire des plans basés sur du vent, bravo, Einstein.
"Merci, t'a égayé ma journée."

Tu te contentes de penser, il ne mérite même pas que tu lui réponde, il est puéril, lamentable, c'est un minable. Minable et prétentieux, tout a fait le genre de raclures que tu ne peux pas supporter. Il t'énerve, ses manières ses grands airs supérieurs, il t'irrite au plus haut point. Ça te prend les tripes, ca te serre le ventre, c'est dans tes fibres, tu ne peux pas le voir. Tu ne bouges pas, toujours dos à lui et tu sais que ses prochaines paroles seront décisives.

Il ajoute:

"Tu dois me prendre pour un malade, n'est-ce pas ? On me fait souvent le coup. Pour faire simple : ton plaisir, c'est tes pixels et ta clope. Moi, c'est énerver les gens, les rendre fous de rage. Vraiment, j'adore ça. J'en ai jamais croisé des filles comme toi, pour la plupart c'est : et vas-y que je te fait des coups de le dos, ouai, je suis lâche ! Je déteste les gens pas directs. C'est énervant. Je t'ai fait mal, tu m'a fait mal, mais on y va pas par quatre chemins. Tu piges ce que j'veux dire ? Bref, de prime abord, t'es une proie intéressante. Allez, tu va m'insulter je suppose, fait toi plaisir. FRAPPE MOI !"

Il parle trop, tu n'écoutes qu'a moitié, il est fatigant, en plein dans son trip masochiste mais c'est tentant. Tu n'as retenu que la fin de ce qu'il a raconté. Tu as envie de le démolir, il le propose... Pourquoi pas. On te tend une boite pleine de cookie en te disant de te servir autant que tu veux, pourquoi refuser? D'un coup, il se dresse et plante son regard dans le tien, déterminé. Tu comprends, il te sonde, il te teste, il veut savoir tes limites. Sans cette étincelle de volonté, ce defi du regard, tu n'aurais pas répondu favorable parce que ça n'en valait pas la peine, parce que ça l'aurait satisfait... Mais là, il te défie, te provoque. Il veut que tu donnes tout. Tu te fous qu'il soit malade, qu'il soit prétentieux, tu le sens, ca te brûle, tu veux répondre favorable juste pour le plaisir de le détruire, de lui faire mal, qu'il souffre comme jamais.

"J'me fous que tu sois malade. Je me fous de tes motivations, de ce que tu cherches, que je t'intéresse ou pas. J'ai une furieuse envie de te frapper, de me défouler sur ta gueule de prétentieux. Ça me démange tu vois Si c'est ce que tu veux, tu as frappé à la bonne porte. Amène toi."

Tu ne tiens plus, tu jettes de toutes tes forces ton poing dans son ventre, puis dans sa sale face, dans son sourire narquois, ça fait mal mais c'est pas important, tu détruis, tu frappes encore et encore, partout, du sang sur tes phalanges, tu t'en fous, tu continues, rien ne t'arrête, tu sors toute cette violence accumulée depuis des années. Le visage, le ventre, le crâne, tu n'épargnes rien et tu souris, oui, un grand sourire de satisfaction parce que putain, ça fait du bien de boxer ce crétin venu de nulle part. Tu arrêtes quelques secondes, saisis une chaise, la lève à bout de bras au dessus de ta tête et tu le toises, tu le fixe avec ce même regard qu'il arborait quelques minutes plus tôt. Tu veux le défier aussi, le tester, est ce qu'il est vraiment motivé à endurer tout ce que tu as?

"Alors Lust, on continue?"

Et sans lui laisser le temps de répondre, tu lui projette en plein visage un crachat plein de mépris.

Tu attends le résultat de ton numéro, Lust essuie d'un revers de main le crachat sur son visage tuméfié. Est ce qu'il a compris? Son regard a perdu son étincelle, cette lueur qui t'intéressait, ce défi, cette volonté de provoquer, toi qu'on évite systématiquement. Tu espérais secrètement qu'il saisisse l'implicite que tu lui avais donné à voir, tu espérais vraiment être tombé sur quelqu'un de spécial, différent de tous ceux que tu avais passé à tabac comme lui. Avait-il lu entre les lignes?

"T'es pitoyable."

Tu ressens une certaine déception, il ne semble pas être différent de la masse banale occupant cet orphelinat... Tu attends la suite, tu veux vraiment qu'il voit les choses, qu'il ne se contente pas du maigre aperçu en surface, qu'il gratte pour cherche la "substantifique moelle" de Rabelais car oui, abruti, il y a quelque chose à voir, tu n'est pas qu'un animal violent, tu sondes les gens comme il le fait mais dans un but autre... Tu veux trouver celui capable de voir à travers les gestes, de comprendre les intentions réelles et tu as peur que ce ne soit pas Lust, ce prétentieux arrogant. Tu finis par poser la chaise derrière toi et t'asseoir dessus, le fixant toujours, tu veux comprendre si il a saisi le message, s'il a percé à jour ton numéro qui dure depuis trois ans déjà mais il se dérobe par des insultes faciles et du mépris gratuit.

"Tu sais quoi ? Tu me donnes envie de gerber."

... Dommage. Il aurait pu être celui que tu cherchais, enfin un être fin, ce n'est pas le cas. Il fuit, tentant de faire croire qu'il a toujours le dessus comme le font les imbéciles, il se voile la face, pensant pouvoir prendre de haut quiconque ne jouant pas à son tour de passe-passe aux ficelles trop évidentes. Le bluff, il est tellement aisé de le voir, évidemment qu'il cherchait autre chose que de la violence mais il ne sait pas que être passant sous tes yeux t'énerve comme il t'a énervé et que chaque jour tu te contiens. Il était tellement simple de voir qu'il cherchait de la résistance qu'il y mettait de l'espoir, il était ainsi tellement jouissif de ne pas se prendre au jeu et de le voir s'énerver par tant de déception. Tu n'es pas qu'un animal et Lust ne l'a pas vu, tu sens qu'il va surenchérir pour tenter d'affirmer qu'il connait tout sur tout, qu'il te connait, qu'il l'a fait exprès.
Il s'approche de toi assez vivement et plante son regard dans le tien. Qu'est ce qu'il cherche? Est-ce que vous vous entre-sondez sans comprendre ce que l'autre veut vraiment? Est ce qu'il a compris? Tu ne détournes pas le regard, tu veux ta réponse, tu veux savoir si il en vaut la peine ou pas.

"T'a des problèmes dans la vie ? C'est dur d’être orphelin ? Non ? T'est frustrée hein ? T'a envie de violence ? Bordel, j'attendais juste que tu sois plus intelligente que la moyenne, mais tout ce que tu fait, c'est frapper. C'est pas que je te méprise, j'ai juste pitié de toi. Et ça aussi ça te fout la haine, hein ? Ou non, je pense que tu t'en fout. Ouai, tu t'en fout. T'es qu'une petite conne sans cervelle pas foutue de réfléchir cinq secondes, qui frappe pour laisser ressortir la haine accumulée.
C'est bon, t'es calmée ?
T'en veux encore ? Vas-y, montre moi a quel point t'es conne."

Nan, nan, nan, insultes faciles, psychologie de comptoir, déception à peine masquée. Il est passé à côté, il n'a pas saisi que tu pouvais te contenter de l'ignorer comme tu le fais pour les autres parce que les provocations puériles ne fonctionnent pas avec toi, il n'a pas compris que tu te fous de ce qu'il pense de toi, que tu le dégoûtes, qu'il t'insulte. Tu cherches juste une personne différente des autres, pas un clown comme lui qui se contente de ce qui est évident pour prétendre tout connaitre du monde et des gens. Il y a quelque chose d'autre à voir sous les coups, sous le sang et ton regard noir. Le monde est une mascarade et seuls les meilleurs le savent. Lust avait trop vite dévoilé son jeu, trop vite montré le truc derrière le grand numéro de magie. Tu t'attendais à un affrontement haletant d'arts martiaux et tu te retrouves avec une piètre démonstration de cassage de briques en mousse prédécoupée... Toi, tu lui as offert la plus belle des illusions et il n'y a vu que du feu, il n'a pas vu la qualité de la prestation. Il n'est donc qu'un abruti prétendant maîtriser les autres en les amenant où il le désire mais sans savoir que ça ne marche pas comme ça, qu'il est dans le faux. Tu es déçue, tu le caches sans le cacher. Tu retrouves ta place dos à la porte, sur le bureau et enlève la pause.

"Sors d'ici, tu ne comprends pas, tu ne lis pas entre les lignes..."

Et les pixels dansent, ils sont à la fois simples et complexes, au moins, ils sont logiques, pas comme les humains.

Tu ne bouges pas, tu as arrêté ta partie, tu n'arrives pas à te concentrer. Il te regarde, tu le sens, ça te gène. Pars s'il te plait. Pars d'ici.

"Non. Tu.. M'a déstabilisé. Gun, tu m'a frappé uniquement pour.. Hm.. Voir ma réaction, je suppose. Tu dois être déçue. Désolé.. J'ai pris l'habitude de tomber sur des gens sans aucune subtilité, je fais mon petit numéro et puis voila. Tu as réagi plus intelligemment, on peut dire que tu m'as eu a mon propre jeu, et je l'admets. C'est tellement rare que ça ne me fait même pas mal."

Toi même tu ne sais pas trop quoi répondre, tu n'as pas d'explication claire. Tu es un peu perdue, il a fini par comprendre finalement. Son propos te semble un peu trop élogieux, après tout, est-ce que l'on peut dire qu'un passage à tabac est une preuve d'intelligence? Probablement pas. Tu es sans voix, il t'a aussi déstabilisée. Tu n'es pas habituée à ce genre de réaction, il s'ouvre à toi là où les autres t'évitent et te méprisent. Il est sincère, il arbore un grand sourire, tu es gênée, gauche. Que dire? Il ajoute:

"..Heureux de voir qu'il y a encore des gens dignes d’intérêts en ce monde. Je sais, je sais. Je suis un peu long a la détente, mais j'en pouvais vraiment plus. Encore une déception, ça me saoulait. Donc oui, je t'ai gueulé dessus, le speech habituel de quand on me frappe. Hm.. Donc, je pars ? Hein ? Je pars d'ici ? Sure ? ... J'veux dire, moi j'ai pas envie. Pour une fois que je trouve quelqu'un d'intéressant.. Bof, je vois bien ta déception. En fait, je me suis douté qu'il y avait quelque chose derrière tes coups, mais j'étais trop aveugle pour le voir. Je me suis laissé emporté par ma propre rage, en fait. C'est ironique."

Il n'est pas si lamentable que ça, tu dois l'admettre. Il a fini par saisir que tu l'avais eu à son propre jeu. Il t’intéresse à nouveau mais tu es mal à l'aise de l'admettre, il n'est pas comme les autres, il te ressemble un peu, vous recherchez tous les deux la même chose avec des méthodes discutables qui vous isolent plus qu'autre chose au final. Tu te rends compte que Lust cherche farouchement des gens différents, qu'il s'y prend p-e mal mais qu'au fond, ça te plait. Prendre des coups ne lui fait rien, remarquable. Peut-être qu'il pourrait te servir quand tu as les nerfs à vif. Tu caches ton amusement à cette idée.Tu voudrais lui dire "Non, pars pas" mais ta gorge se serre, tu ne sais pas dire ça, tu ne l'as jamais fait. Il admet ses erreurs mais toi, tu n'es pas irréprochable non plus, est-ce qu'il attend que tu le reconnaisse? Tu voudrais qu'il reste, le connaître un peu plus, peut être même t'ouvrir à lui, ne serait-ce qu'un peu mais tu ne sais pas comment faire, tu n'y arrives pas, jamais tu n'as souhaité être accompagnée, partager un peu de ton temps avec quelqu'un depuis que tu es arrivée ici.
Lust se met à rire, un rire communicatif, sincère, quelque chose de vrai. Ça te perturbe, lui qui était si différent il y à de ça quelques minutes. Tu constates ce changement sans vraiment savoir comment réagir.

"Dooonc.. Me voir m'énerver t'a amusé ? J'espère que t'a apprécié, c'est rare. Je pense que t'es vraiment pas conne. Et merci pour la jolie marque, quand je la regarderais ça me rappellera que certaines personnes sont plus subtiles que la moyenne. Et toi que certaines personnes sont plus connes, nan ?"

Tu ne pouvais pas le nier, c'était assez jouissif d'énerver celui venu pour énerver. Tu aurais pu lui épargner ça... Alors qu'il l'évoque, tu regarde la petite brûlure sur ta main gauche et esquisse un sourire discret. Vous vous êtes connus dans des circonstances bien spéciales et vous vous en souviendrez probablement longtemps. Tu ne réponds toujours pas, tu aimerais mais tu sens qu'il n'a pas fini, qu'il a d'autres choses à ajouter, tu le laisse faire, fuyant pudiquement son regard.

"Tu joues bien la comédie, au fait. J'y ai vu que du feu. Sérieux, a combien de personnes tu as fait le coup de la violence ? Personne a jamais compris que tu faisais ça pour.. Tester la personne ? Si c'est ça, je me trompe peut-être hein ..
Donc ouai, t'a gagné sur ce coup. Cela me donne une défaite pour.. Heu.. Un nombre incalculable de victoires ? J'exagère, oui.
Et tu peux pas savoir la satisfaction que je ressens, encore plus que si tu ne m'avais pas déçu lors de la première étape de mon truc."

Tu ne comprends pas vraiment pourquoi il est plus satisfait alors qu'il est plein de bleus, tu essuies les petites traces rouge de ton poing droit. Tu es un peu embêtée, après tout, il cherchait juste une personne spéciale, différente des autres. Toi, tu n'as pas cherché à lui montrer que tu l'avais compris, tu avais décidé de n'en faire qu'à ta tête en te faisant donneuse de leçon, tu aurais pu te contenir mais le fait qu'il te provoque t'a fait craquer, tu t'es laissée aller à la violence qui te ronge et te brûle en permanence, ton dégoût des autres t'a fait le considérer comme ces autres. Tu es tellement déçue de ces génies, ils sont tous d'un banal désolant. Lust s'approche de toi, il attend quelque chose. Il te regarde, tu veux lui expliquer, qu'il reste.

"Lust?"

Il faut, il faut que tu lui dises, qu'il sache qu'il n'a pas à partir. Il faut que tu ravales ton ego quelques instants.

"Tu es quelqu'un de spécial, prétentieux mais spécial. Je ne regrette pas de t'avoir brûlé. Désolée de t'avoir frappé, je résiste mal quand on me considère comme un animal."

Tu fouilles dans ta sacoche et sors ta GBA, tu la lui tends en souriant légèrement.

"Reste un peu si tu veux"

Tu te sens un peu ridicule, pas habituée à être aimable, même si c'est sincère. Tu as l'impression d'avoir dit n'importe quoi... Tant pis, c'est fait. Lust semble un peu décontenancé. Mais il attrape néanmoins la console. Tu te demandes si tu as bien fait, tu ne prête jamais tes affaires. Il n'a pas intérêt à l'érafler, il risquerait de le regretter. Il s'assied et allume la console, tu reprends ta partie.

"Merci, mais, pas de jeu dedans la.."

Eh meeerde... Ridicule, tu te sens définitivement ridicule... Tu regarde l'écran freezé qu'il te montre, désabusée. Tu sais pourtant que tu gardes toujours tes consoles nues histoire de pouvoir choisir le jeu sans devoir chercher une cartouche déjà dans le slot. Lust attend un instant avant de te réveiller.

"T'en as, je suppose. Tu veux bien m'en passer un ?"

Complètement consternée par ta stupidité, tu fouine à nouveau ta sacoche et dispose sur la table une quinzaine de cartouches, crème des jeux de la GBA. Action, baston, réflexion, tetris-like, aventure, rpg, tout y est. Les meilleures licences alignées les unes à côté des autres. Tu l'invite à choisir du regard.

"C'est clair que sans cartouche c'est moins marrant... J'espère qu'il y en a au moins un qui te plait, j'ai pas tout emporté avec moi, juste les meilleurs. Sers toi."

Il crache un peu de sang, s'essuie dans sa manche, il est salement amoché, tu n'y es pas vraiment allée de main morte, tu te sens un peu coupable, ce qui te dérange, tu ne te sens JAMAIS coupable... Enfin bon, c'est comme ça, il t'a cherché, il t'a trouvée et s'il s'y prend souvent comme ça avec les autres, ça ne doit pas être son baptême...

"Joli sourire, au fait. Je te le rends ?"

Qu...QUOI? C'est quoi ça? De la gentillesse futile? De la drague made in china? Une blague? Tu espère qu'il n'est pas sérieux, ce serait d'un ennui d'en venir à parler météo et à se faire des compliments à coucher par terre. Tu le regarde dans les yeux, un regard qui se veut signifier "mec, tu déconnes là?". Tu as presque envie de rire tant la blague serait bonne. Si il est là, ce n'est pas pour parler joli sourire. ... Mais en fait, qu'est ce que vous allez faire maintenant...? Jouer et puis quoi? Les gens normaux feraient quoi? Et merde, tu veux pas faire comme les gens normaux, tu improvisera.
Il fait un peu pitié quand même avec son sang maculant ses vêtements et la commissure de ses lèvres, son visage bleuté. N'en tenant plus d'avoir une loque assise près de toi, tu fouines une troisième fois dans ta sacoche, à croire que tu y as mis toutes tes affaires. Tu cherches, tu cherches... Rien, tu trouves des consoles, des jeux à la pelle, des câbles, des piles, un chargeur de pile, une bouteille d'eau fraîche, un briquet, mais pas ce que tu cherches.

"Rha, c'est où bordel?"

Tu fouines plus intensément encore, sortant tout au fur et à mesure et tu finis par le trouver, tout au fond. Tu lui jette doucement ce paquet de mouchoirs et ta bouteille d'eau.

"Imbibe les mouchoir d'eau, tu aura l'air plus présentable déjà, t'en as plein la tronche... Fin je dis ça, c'est ton problème..."

Tu vois ton paquet de clope sur la table, tu t'en saisis et en extirpe une. Tu la lui tends.

"Et je sais pas si tu en veux toujours une...

Tu attends donc que le jeune homme torse nu que tu as laissé parler tout seul pendant sa "toilette" et tout de bleus recouvert se saisisse de la cigarette qu'il a réclamé précédemment. Tu ne sais pas si tu as bien fait, vu le prix que ça coute ces conneries. Enfin bref, c'est fait, c'est fait, tu ne peux pas faire mine de n'avoir rien dit et ranger ton paquet... Lust saisit la fameuse cigarette avec un air étrange que tu ne saurais interpréter. A croire qu'il n'en a jamais saisi une de sa vie. Tu reprends ta partie, bien décidée à éclater ton High Score personnel. Tu te demandes pourquoi il t'a fait sortir tous ces jeux que tu as religieusement aligné afin de partager alors qu'il n'en a pris aucun, privilégiant l'eau et les mouchoirs. A croire que c'était juste pour le plaisir de t'empêcher de jouer, petite vengeance pour tous les bleus qu'il exhibe d'ailleurs sans pudeur.

"Et.. J'ai toujours pas de jeu, au fait."

C'est une blague. En tout cas tu l'espères sincèrement. Tu as tout sorti, tout disposé, tu l'as invité à en choisir un et il arrive encore à l'oublier, à prétexter que tu ne lui as rien proposé? Quelle blague. Et ça se prétend génie au QI supérieur. Pitié, il doit blaguer. Si c'est le cas, ce n'est pas amusant. Tu le regardes d'un air assez sérieux.

"Faut arrêter de te faire frapper, ça doit te faire des commotions cérébrales, tu dois avoir des séquelles..."

Tu désignes du doigt les jeux que tu avais posé sur la table.

"J'ai immédiatement tout sorti et je t'ai invité à te servir. T'es pas schizo j'espère, je l'ai dit intelligiblement..."

Tu laisses passer quelques secondes, dubitative. Tu es certaine à 100% d'avoir dit à Lust de prendre un jeu. Ce mec doit avoir un grain, il n'y a pas d'explication plus probable. En plus il ricane, il doit être sérieux. Tu es un peu perdue, tu te souviens de ta phrase mot pour mot: "C'est clair que sans cartouche c'est moins marrant... J'espère qu'il y en a au moins un qui te plait, j'ai pas tout emporté avec moi, juste les meilleurs. Sers toi.". Il n'a pas du écouter...
Tu replonges ton regard sur ton écran et ajoute:

"T'es flippant comme mec."

Tu ne sais pas quelle heure il est, tes pièces de technologie, si nombreuses soient elles, sont trop obsolètes pour afficher l'heure. Tu te demandes si le temps est passé vite depuis que ce garçon est arrivé. Tu n'as pas vraiment envie que l'instant se termine bien que tu sois assez déstabilisée par cette sociabilité très récente et plutôt inconfortable. Tu ne sais jamais comment agir, ce que feraient les autres à ta place. Ce qui est acceptable en société, ce que l'on ne doit pas dire, ce qu'il faut faire, tu as l'impression d'avoir tout oublié, si seulement tu l'as jamais su un jour.
Est-ce qu'il est fréquent en société de se déshabiller comme ça? Tu ne sais pas; c'est perturbant, tu ne sais pas si tu dois faire comme si de rien n'était ou non. En soi, tu t'en fous, il pourrait être nu que ça ne te ferait ni chaud ni froid. Mais comme vous avez commencé à discuter sans rapport de force, tu es paumée...

"Au fait, si tu veux la fumer cette clope, ne compte pas sur moi pour te courir après avec un briquet, tu te déplaces, point barre."

C'était peut être un peu sec... Tant pis, on ne se refait pas en 15 minutes, il s'y fera...

"J'en veux pas, de clope. M'en fout en fait.."

Tant pis pour lui, en même temps, il a peut être eu sa dose avec la brûlure qu'il a reçu tout à l'heure... Qu'importe, tu poses ta console mise sur pause et allume une cigarette fraîchement tirée de ton paquet. Tu la portes à tes lèvres, inspire lentement une grande bouffée de fumée. Putain, c'est bon, ça monte, enfume ton cerveau. Tu fermes les yeux, ton corps se relâche un peu, tes poings sont encore douloureux de leur rencontre avec le corps de ton curieux gêneur. Tant pis, tu n'y peux rien, tu n'avais rien demandé.

"Comme tu voudras."

Tu ne sais pas trop quoi faire, la cohabitation t'es inconnue, tu ne sais pas si tu veux vraiment qu'il reste en fait. En tout cas, si il fait une seule éraflure à ta console, tu le lamines jusqu'à ce qu'il pleure. Mais bon, il n'y a pas de raisons... Tu ne peux pas t'empêcher de le lorgner sans discrétion histoire d'être bien sure qu'il ne la trafique pas. Tu regrettes un peu d'avoir décidé de prêter tes affaires, tu ne le fais pas alors pourquoi le faire maintenant? Il est trop tard pour reculer alors tu te résignes et retourne à ta partie.

"T'inquiètes, j'abimerais pas... Nan, j'te jure, c'est pas dans mes intentions."

Tu espères bien qu'il a raison, qu'il n'est pas resté pour continuer à te pousser a bout, tester à nouveau tes limites. Tu n'apprécierais pas vraiment son ton que tu ne saurais pas interpréter. Est-ce que tu peux vraiment faire confiance à ce type? Peut-être, peut-être pas. Que cherche-t'il? Il serait peut-être judicieux d'entamer une conversation. En même temps parler ne t’intéresse pas vraiment et en savoir plus sur ce Lust non plus... Tout ce que tu sais c'est qu'il a des tendances maso et qu'il aime bien foutre la merde. Rien de fascinant quoi. Tu ne sais toujours pas quoi faire, le silence c'est agréable mais quand on est seul surtout. Bon autant tenter le coup, tu réfléchis brièvement à une question.

"Et sinon, pourquoi tu es venu ici en sachant que tu n'y serais pas seul?"

Bon... la question est moyenne mais c'est toujours ça et si Lust n'a pas envie de parler, au moins, tu seras fixée, ce ne sera pas faute d'avoir tenté le coup quoi. Et s'il répond alors vous parlerez, il faudrait que tu te sociabilise parait-il, une belle connerie selon toi mais bon, autant tenter le coup si tu en as l'occasion... Tu attends une réponse tout en t'excitant sur les touches, les pixels dansent et tu t'énerves un peu sur ce stage que tu n'arrives pas a passer. Damn, tu foires encore et perds une vie.

"Putain! C'est un vrai tétraplégique ce mec!"

Calme, reste calme, n'éclate pas ta console, ce serait un peu con. Tu réalises que tu n'as pas simplement hurlé dans ta tête et tu tournes la tête en direction de Lust pour voir sa réaction, un peu gênée. En temps normal tu t'en serais un peu foutu mais pas cette fois... Tu es intriguée par ce sentiment mais tu te reprends et n'ajoute rien. Tu reprends ta partie en silence. Le son des boutons frénétiquement pressés résonnant dans la pièce ou règne la poussière et l'obscurité.

Décidément, ce Sonic est franchement un blaireau, pas moyen de négocier un saut, ça va trop vite, tu n'y arrives pas, tu perds, ça t'énerves et plus tu t'énerves, plus tu perds. Il tombe dans les gouffres, il se fait zigouiller pas la première bestiole venue, sa dégaine t'agace, tout t'agace. Maintenant tu te souviens pourquoi tu ne joues plus a Sonic depuis des années... Tu éjecte la cartouche de ta Game Gear et fouine dans ton sac à la recherche de l'excellent Street of Rage. Seulement, dans la masse de cartouches qui s'y trouve, pas moyen de le repérer. Tu fouilles mais tu es tellement concentrée que tu n'écoutes pas vraiment la réponse de ton interlocuteur.


"Pourquoi je suis venu ? Ah ! L'ennui, tu vois. L'ennui le plus total. Alors je cherche, je rencontre des gens, ou plutôt des proies, que je "chasse", autrement dit, je les pousse a bout. Ce qui est amusant c'est que tout le monde sait que c'est ce que je veux, alors ils flippent encore plus. T'es genre dans un couloir et t'a un mec qui s'écarte a mort sur ton passage, limite s'il détale pas tsé.
Toi, non. Je dirais pas que je te respecte, j'ai des putains de principes tu vois, stupides si tu veux, tfaçon on m'a déjà fait la remarque. Et j'en ai strictement rien a foutre. Hm, a toi, tu fout quoi ici ? Tu fuit les abrutis de l'orphelinat, ou tu t'isoles par envie, éventuellement pour fumer tes clopes en paix ?
Ou autre chose ?"

Tu continues tes recherches, ignorant totalement les questions de Lust sans vraiment le vouloir, tu n'as même pas remarqué qu'il te parlait, tu as comme oublié que tu l'avais questionné et que tu attendais une réponse, trop prise par tes cartouches. Tu es comme ça, sans le vouloir tu te déconnectes et plus rien n'existe autour de toi pour peu qu'une chose attire toute ton attention. D'habitude, ça ne te pause aucun problème vu que tu es seule mais là, Lust attend une réponse et toi, tu n'y penses même plus.
Enfin, tu trouves la fameuse cartouche, tu la tire de ton sac, l'insère dans ta console et lance le jeu. La musique se fait doucement entendre dans la pièce silencieuse. ...Eh merde, tu as zappé Lust. Doucement, tu tournes la tête dans sa direction en gardant une expression neutre histoire de ne pas avoir l'air conne. Eh fuck, il te regarde, il a du dire un truc, il attend certainement ta réponse et évidemment, tu n'as aucune idée de ce qu'il a dit. Tu es coincée, bonjour la crédibilité... Tu te bricoles mentalement un plan B en deux secondes. Tu conserves ton air neutre, le regarde, hausse un sourcil a la fois interrogateur et légèrement blasé et lances calmement:

"Hm? T'as dit quelque chose?"

Bon, c'est un peu naze et ça craint mais au moins il ne tiltera pas que ton cerveau a fait un blue screen of death quelques instants et puis il y a une part de spontanéité... On ne se refait pas.

"Gun... Je vais te dire : tu pourrais être franche. T'a juste l'air d'une débile la. Tu sais aussi bien que moi que je parlais, mais que t'étais trop absorbée par ton jouet pour m'écouter, n'est-ce pas ?"

Eh m... Cramée. Comment il a su? Ce n'est pas comme si tu n'avais pas vraiment cherché à être crédible. Tu ne comprends pas d'où il tire cette lucidité. Il t'as en quelques sorte percée à jour et tu n'aimes pas vraiment ça, surtout avec son air de moralisateur, il te parle comme un adulte à une gamine, ça ne te plait pas, mais alors, pas du tout. "tu as l'air d'une débile", est-ce que toi tu lui dis qu'il à l'air con à venir chercher les gens pour les pousser à bout? ... Et puis c'est pas un jouet... C'est une console, ignare.

".. T'a pas a te donner un genre devant moi, ça ne changera rien.
Je.."

Mais bordel, qu'il finisse ses phrases au moins, on dirait un ado abruti qui va se déclarer à sa pétasse. Ça ne changera rien à quoi? Accouche! Tu as presque envie de sortir un violon et de jouer un air dramatique digne des plus mauvais films romantiques. Néanmoins, tu le laisses poursuivre sans l'interrompre, ce qu'il dit t'intéresse, il a changé d'attitude assez soudainement, ça pique ta curiosité.

"Je veux juste te dire que, bah, ça fait rien. Je m'en fout tu vois, que t'écoutes pas une fois, même deux..
Nan, sérieux, je m'en.. Bref, t'a pigé."

Allez le constipé verbal, dis ce que tu as à dire, sois un homme bordel et puis sois clair aussi, ça veut rien dire ta daube!
Il tourne autour du pot et ça t'énerve, tu n'aimes pas ceux qui traînent, qui mettent trois plombes à sortir une phrase comme s'ils avouaient un meurtre ou tout autre secret inavouable. C'est bon, ce n'est pas comme si il allait subir la peine capitale non plus. Surtout que non, tu n'as pas vraiment pigé où il veut en venir... Si ça se trouve, il va vraiment faire une déclaration d'amour. ... Naaan, pas possible, pas un type comme lui.

"Je... Jt'aime bien. Jt'assure. Okay, toi tu m'aimes pas je suppose, mais franchement, qui m'aime bien ?"

Gros bug... Tu n'es pas sure d'avoir entendu ce que tu as entendu... Il... t'aime bien? Toi? Gael? Celle qui lui a éclaté la tête ya pas 15 minutes? Il est maso? Il blague? Alors que tu fais en sorte que personne ne t'apprécie, lui se pointe, se fait tabasser pour ensuite affirmer qu'il t'aime bien...? Quelque chose t'échappe. Certes tu ne l'as as joué 100% bad mais quand même, à part deux ou trois personnes, pas un seul des orphelin vivant ici ne t'a dit qu'il t'apprécie.
Tu es un peu paumée, tu savais qu'il allait le dire, inconsciemment parce que tu ne voulais certainement pas l'admettre mais quand même, ça te fait une sorte de choc. Tu comprends que Lust à du faire un bel effort pour admettre ça et en plus, te le dire en face là ou toi tu te planques derrière tes artifices de violence et d'insultes faciles.

"En fait... Même si tu t'en fiches.. Saches juste que.. Je suis pas vraim.. Tu vois, j'ai bien la plupart des.. Défauts, qu'on pourrait me deviner.
Mais même si je déteste les gens, il y en a que.. Je supporte ? T'en fais parti, que je le veuille ou non.
J'ai pas envie de t'énerver, de t'obliger a me montrer une facette de ta personnalité bien ignoble, la plus violente.
Je vais pas cacher que j'aime foutre la haine aux gens, les faire changer de ce qu'ils sont d'habitude..
C'est mon occupation préférée, qui m'offre un plaisir indéfinissable. Mais je sais que t'énerver ne me donnera aucun plaisir, franchement. C'est pas grand chose, mais pour moi c'est énorme d'admettre que.. J'appré.. Je supporte quelqu'un.
Fout toi de moi si tu veux, ouai ouai. Bah va te faire foutre d'avance, si c'est ce a quoi tu songes."

Lust semble presque souffrir d'admettre tout ça, il n'est probablement pas du genre à faire ça d'habitude... Alors comme ça il te supporte... C'est plutôt sympa de le dire, il faut bien l'admettre. Tu ne le montres pas mais ça te fait plaisir, surtout avec cette façon un peu détachée de le dire. au fond, il est plutôt cool ce Lust. Bon ok, tu ne le supporterais pas h24 mais c'est quand même assez sympa de passer un peu de temps avec lui, même en silence. Tu l'observes du coin de l'oeil, tu n'oses pas vraiment le regarder, tu es gênée faute de savoir quoi répondre à cet inhabituel élan de "gentillesse". Il a l'air soulagé, toi, tu as l'air con... Tu mordilles compulsivement l'ongle de ton pouce droit, tu sais que tu devrais répondre mais ton orgueil t'en empêche... En même temps il l'a bien mis de coté lui, son orgueil.

"Toi va te faire foutre..."

Putain mais quelle handicapée de la vie bordel! Pas foutu de dire un truc sympa sans avoir l'impression de mourir? Allez! On se reprend! Inspire, expire et crache le morceau!

"Euh... Nan je te... déteste pas."

Fuck, c'est vrai que c'est dur en fait... Tu prends vraiment sur toi, tu ne peux quand même pas l'envoyer paître après ça.

"Et euhm, moi aussi je... 'fin tu vois..."

Allez, encore un effort, c'est pas comme si tu t'auto-amputais d'un bras...

"Fin je t'aime bien quoi. T'es pas si con que ça et euh... Bah c'est plutôt sympa quand tu es là et... voila quoi. T'es assez cool comme mec au fond j'imagine... Et c'est je m'en fiche pas, ça fait... plaisir. 'Fin je crois."

Tu regarde la petite brûlure qui trône sur ton poignet et tu esquisse un discret sourire. C'est clair, tu te souviendras longtemps de cette soirée.

Quel beau tableau... Deux amputés du coeur qui jouent aux humains.

Mais c'est beaucoup d'un coup pour toi, être appréciée, partager tes affaires, t'essayer à la sympathie pour ensuite t'ouvrir, te confier, à un homme en plus... Et si il parlait à tout le monde de ta naissance "gentillesse", toute ta réputation s'effondrerait, te laissant à la risée de tout le monde. Toi, Gun, celle qui tabasse pour rien, qui insulte tout le monde et crache sur les gens, c'est trop d'un coup, tu es déstabilisée, le stresse te gagne laissant rapidement place à la panique que tu dissimules tant bien que mal... Il faut que tu sortes, prendre l'air, fuir en fait. Pourquoi? Tu ne le sais pas trop mais ton corps, ton cerveau, te hurle de quitter les lieux. Tu n'assumes pas et sous le regard de Lust, tu te lèves rapidement et t'empresses de regagner la porte. Tu poses la main sur la poignée et sans te retourner, dans un souffle anarchique, tu t'adresses au jeune homme tout en fixant la porte.

"Je... J'ai zappé un truc... Que je dois faire. Salut."

Et sans lui laisser le temps de répondre quoi que ce soit, tu quitte les lieux sans même te retourner, courant dans les couloirs vides et sombres en direction de ta chambre afin de t'y réfugier et retrouver ton calme. Il fait déjà nuit, le temps avec Lust a filé à toute allure. Enfin, tu regagnes ta chambre et sans bruit, tu te glisses dans ton lit. Il faut dormir pour effacer le temps, se réveiller dans un jour nouveau ou le passé n'est plus. Fuir et oublier.