Les mots peuvent être douloureux, avoir l'effet d'un coup de poing ou d'une caresse. Les mots, il faut savoir les dompter, les sélectionner, les manier avec précaution. Paraît-il que j'ai bien su les dompter, ce qui me donne un certain pouvoir dont j'ai pris conscience au fil du temps. Pouvoir que j'apprécie à sa juste valeur. Du coup, je manipule ces mots comme il m'en prend l'envie ; je blesse comme je flatte, je console comme j'enfonce, je trouve toujours les mots parfaits pour exprimer ce que je veux. C'est très avantageux pour me permettre de contrôler les autres, les manipuler.

Bien sûr, je reste franc la plupart du temps. Je ne suis pas ce genre d'hypocrite qui fait croire qu'il aime le monde si ce n'est pas le cas, qui fait croire que tout va bien si ce n'est pas le cas, qui fait tout cela juste pour être populaire. De toute façon, je le suis déjà. Beaucoup me connaissent, de près ou de loin, et il n'est pas rare que des inconnus à la Wammy's House me saluent alors que je n'ai pas conscience de leur existence une minute auparavant. Ça pourrait en gêner certains mais moi, cette notoriété me plaît. Du coup, je n'ai pas à faire beaucoup d'efforts pour obtenir ce que je veux auprès d'autrui, je ne manipule que lorsque les choses se compliquent pour moi. Comme pour soustraire des informations à des personnes scrupuleuses ou réticentes, ou avoir les résultats lors d'un devoir, par exemple. Mais dans le deuxième cas, je dois avouer que ça ne m'est jamais vraiment arrivé. Après tout, c'est bien pour mon intelligence supérieure qu'on m'a amené ici quand j'étais encore enfant.

Vous l'aurez remarqué, j'ai une certaine estime de ma personne. Je crois en moi, et j'ai confiance en mes capacités. Certains n'hésitent pas à me critiquer en me disant égocentrique ou hautain, mais je pense surtout qu'ils sont jaloux. Jaloux de ma renommée, de mon intelligence, ou que ne sais-je encore ? D'ailleurs, ce n'est pas rare que les filles me courent après. Certes, c'est un critère de popularité, une des évidentess conséquences mais... si vous saviez combien ça me fait chier de devoir supporter ces groupies à longueur de journée. Toujours une pour hurler votre prénom, une autre pour s'évanouir car vous lui avez fait un signe de la main, ou une troisième s'effrondrer en larmes parce que vous avez négligé de lui adresser un regard. Oui, ça fait du bien à l'égo, et on m'admire d'attirer autant de minettes que ça, mais franchement, il y a des moments où je m'en passerai volontiers. Les filles, toujours là à piailler, faire circuler des rumeurs, pleurnicher parce qu'elles ont sali leur petite robe ou glousser comme des dindes en vous regardant. Non, franchement, ça ne m'existe pas. Et dire qu'à cause d'elles, ce n'est pas rare que je me batte avec un mec. Parce que forcément, soit elles m'aiment, soit elles me veulent, mais en tout cas, ça joue en la défaveur des autres. Du coup, ils me provoquent. Je ne suis pas contre, ça me permet de me défouler, mais ça ne leur ferait vraiment pas de mal de penser un peu plus à leurs études qu'à leurs hormones.

Donc effectivement, je me bats souvent. Souvent parce qu'on me cherche, parfois parce qu'on estime qu'il faut mettre au carreau le chef de la Wammy's House pour le détrôner, mais quasiment toujours parce que j'ai besoin de frapper. Petit, on m'avait fait changé d'orphelinat pour cette raison : je suis très violent. Charismatique, mais impulsif. Je pratique un sport pour éviter d'avoir des ennuis avec la direction, mais c'est parfois plus fort que moi. Et puis, au bout de douze ans, on s'est fait une raison à la Wammy's House, c'est toujours les mêmes discours, les mêmes réprimandes, j'en ai plus rien à faire maintenant. Comme ils me considèrent comme un élément très important ici, je ne pense pas qu'ils envisagent de me virer un jour. Donc je me bats toujours. Ça permet aux autres de comprendre qui est le chef. Tant qu'ils me craignent, respecte mon autorité, ça me va. Je tolère leur présence ici. Mais si l'un d'entre eux à le malheur de s'attirer autre chose que ma sympathie ou mon indifférence, il peut s'attendre à tout sauf à m'échapper. Cela vaut pour Near comme pour tous ceux qui tenteraient de m'être supérieur.

Tout le monde, en théorie, me connaît donc ici pour ma réputation de "mauvais garçon", comme disent les bonnes personnes. Orgueilleux, violent, désagréable, impulsif, peu recommandable, et j'en passe et des meilleures. Mais ça serait trop facile si j'étais constamment le grand méchant de toutes les histoires. En effet, ne vous en déplaise, il m'arrive quelques fois de faire ressortir quelques-uns de mes bons côtés. Il en faut pour atteindre ce petit cœur tout chaud qui bat dans ma poitrine. Non, il n'est pas en pierre, et je ne suis pas romantique. Juste réaliste. Tout être humain à un palpitant après tout, je ne peux pas le nier. Et autant je peux être insupportable ou brutal, autant je peux me révéler loyal et courageux. Dit comme ça, ça peut être marrant pour vous. Mais c'est vrai. Je n'ai que très peu d'amis - entre les groupies, les hypocrites, ceux qui me collent pour se sentir plus fort, il faut bien faire un tri - et j'en prends soin. Je ne leur dirai pas que je les aime, mais je le pense. Du coup, gare à celui qui me trahit. Pour les rares amis donc, comme Matt, je suis proche d'eux, et loyal. Ils sont beaucoup pour moi, et je le leur rends bien, quitte à me mettre en fâcheuse situation pour leur sauver la mise. Il en faut du courage pour ça, non ? Il arrive aussi quelques fois que j'aide des personnes de l'orphelinat, lorsqu'ils se font injustement malmenés ou qu'ils risquent gros, cependant je me débrouille toujours pour que rien ne filtre à ce sujet. On me prend pour un connard et on me respecte pour ça, alors ne brisons pas la belle image qu'on a de moi.

« Ma mère est une pute. Mon père est un connard. »

C'est ce que je dis à chaque fois qu'on me demande si je connais mes parents. Je ne l'ai pas su enfant tout ça, mais il y a quatre ou cinq ans, quand ça m'a trop rongé de savoir qui étaient les auteurs de mes jours. Donc j'ai fait mes recherches, et j'ai su. Dans un sens, c'est bien, je sais d'où je viens. Dans un autre, j'aurais peut-être préféré éviter de devoir me dire que je suis issu d'un monde pourri. Remarque, des bourgeois qui me lâchent parce que je leur conviens pas, je pense pas que ça ait été une meilleure histoire. Le fait est que j'ai atterri dans un orphelinat. Et le passé d'un orphelin, normalement, c'est jamais heureux. Le mien ne l'était pas plus qu'un autre, c'est tout.

Ma mère était donc prostituée. Il paraît qu'elle était junkie aussi, je dois avoir de la chance de ne pas avoir de problèmes depuis ma naissance à cause de ses shoots.

[EN COURS]