elle sort de son lit, tellement sûre d'elle,
la seine, la seine, la seine.
je ne sais, ne sais, ne sais pas pourquoi,
c'est comme ça, la scène et moi.

« C’est drôle, je ne me souvenais pas qu’il y avait un hublot ici. » La nuée de chirurgiens jaunes s’évapora quand elle approcha son nez de la vitre. Elle releva la tête et, serviette sur l’épaule, alla ouvrir son casier. Elle tapa le un, le deux, le cinq et à nouveau le un. Elle enfila ses dessous avec la promptitude qui ne sied guère aux exhibitionnistes. En effet, il allait être huit heures trois quart et deux minutes. Comme chacun le sait, c’est l’heure à laquelle on monte la scène.
Un coq avec des écailles sonna six coup et demis derrière une dalle en forme de coquillage du plafond carrelé. Le mur où se tenait auparavant son casier se mit à pivoter, révélant une estrade de petite salle parisienne. Lula vit une dizaine de tables de café-concert livrée avec clients déjà prêts et servis. « Ils sont rapides, ce soir », pensa-t-elle tandis que d’autres fleurissaient déjà. Elle en repéra parmi les attablés qui étaient encore en maillots et bonnet de bain à fleur, et jugea bon de finir de s’habiller dans le fond de la pièce, ou plutôt le seul seizième qui était encore le vestiaire d’une piscine.

Quand elle fut habillée de ses habits les plus rafraichissants, sa tenue de lumière et de perles et ses souliers gris à la main, elle se précipita à l’intérieur alors que le banc et les derniers casiers disparaissaient dans l’ombre. Elle bouscula ce qui ressemblait à un garçon de café.
▬ Excusez-moi, ça commence à quelle heure ?
▬ Ah je ne sais pas du tout, moi je suis serveur à la péniche-opéra comique, je ne peux pas vous aider. D’ailleurs je suis en retard.
Elle en trouva finalement un autre, affairé, un plateau de fruit de mers à la main.
▬ Écoutez ma petite demoiselle, vous n’avez pas l’air d’être une habituée so let me break this to you : le chanteur, well you know, il a ses humeurs, enfin bref en un mot comme en cent il est ménopausé. Mais si il décide de venir ce soir, ce sera à neuf heures moins soixante-dix-huit secondes.

Et tandis que le serveur (qui portait très beau) s’en allait en filant sur ses rollers vers la cuisine, elle mit ses chaussures. C’était en effet la deuxième fois qu’elle venait à la piscine-concert. La première fois, c’était par un parfait hasard, ayant fini ses quatre-vingt longueurs quatre nages un peu plus tard que prévu, et très fortuitement un mardi. Vous savez ce qu’on dit, des soirées tardives dans les piscines le mardi. (Vous ne savez pas ? Et bien, il se dit dans les communautés bien informées qu’elles se déroulent en général dans des salles d’eaux ou leurs attenances, dans les dernières heures du soir et le plus fréquemment le deuxième jour de la semaine.) Elle n’avait pas eu l’occasion d’assister à un concert, malheureusement, le chanteur étant parti au cinéma. On lui avait généreusement offert du poulpe bouilli aux pruneaux. Ce soir, même si concert il n’y avait pas, elle préférait se promener sur les quais de seine uniquement vêtue d’un étendard « Chasse, pêche, nature et tradition » que d’en reprendre, là merci.

Soudain, les lumières se tamisèrent et sur l’air de Somewhere beyond the sea, le chanteur surgit, habillé en blanc avec un masque crème et un chapeau écru (NON, JE DÉCONNE, ILS ÉTAIENT TOUS LES DEUX BLANCS). Un guitariste bodybuildé arborant sur son torse nu un tatouage the sky is the limit (sûrement un grand penseur) démarra quelques accords. Le chanteur fit quelques pirouettes et entama d’une voix de fausset. Lula le reconnu uniquement après quelques couplet grâce à une mèche rouge tepu de pop-star coréenne habilement dissimulée derrière une teinture noire. Leurs regards se croisèrent. Il ne se passa rien.
Le penseur sans t-shirt lui adressa un sourire aguicheur (ou peut-être qu’il pensait à une concept biodégradable du plus bel effet). Le sang d’attention whore de Lula ne fit qu’un tour. « So it has come to this. » Elle jaillit sur la scène à la fois comme un ouragan et comme Stéphanie de Monaco, et eu un mouvement L’Oréal digne d’un dieu nordique. On ne se refait pas. Par un hasard des plus pratiques, il y avait deux micros.

▬ Sur le pont des arts, mon cœur vacille, entre deux eaux…

Pour des raisons de bon goût et de maintient des nerfs de lecteurs, conjugué d’arguments à deux balles like il veut se marier pour les papiers méfie-toi" alors que moi je sais très bien qu'il m'aime, on coupera le reste de le chanson. En attendant je peux vous diffuser le lipdub de l’UMP. Ou on peut aussi aller directement aux applaudissements.

▬ Merci Paris, it’s such un honneur to be there with you tonight on the scene of the Seine. On me dit « dans cette ville il y a piscine-concert », je dis « wonderful, je vais faire vocalises and rock the casbah ». Maintenant, prepare yourself le France !

Lula a envoyé POISSIRÈNE ! La foule est de plus en plus enthousiaste ! Les voltages de Denis, Karine et Germain augmentent.
Car oui *ressort dramatique* le café-concert était également un haut lieu des concours pokémons. (Et le premier qui me dit que les coordinateurs sont des tapettes qui sont incapable d’entrainer leurs pokémons jusqu’au combat, je les raccompagne à la frontière.)

tu n'es pas saoûl, paris est sous
la seine, la seine, la seine.