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 Il était une fois, des conjectures. [Rhat]

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Sujet: Il était une fois, des conjectures. [Rhat] Il était une fois, des conjectures. [Rhat] EmptySam 7 Jan - 19:38

Il était une fois, des conjectures. [Rhat] Pour_l10

-« Bonjour, je pourrais parler à Blumen, s’il-vous-plaît ? »
-« Bien sûr. Qui annoncé-je ? »
-« Son frère. »
Il pleut. Il pleut toujours dans ce genre de moment. D’un autre côté, il n’aurait pas eu l’idée de l’appeler s’il avait fait beau. Parce qu’elle lui rappelait la pluie. Après tout, une fleur, ça a besoin d’eau pour grandir, non ? Panzer est debout, face à la fenêtre. Au travers du combiné, il entend des voix, des appels, des bruits de pas, une respiration, et enfin.

-« Friedrich ? »
-« Da bin ich. » répond-il d’une voix morne, dans un parfait allemand qu’il ne risquait pas d’oublier.
Il perçoit le souffle de sa sœur qui s’accélère. Elle va encore se mettre à pleurer. C’était agaçant qu’elle pleure, parce que dans ces moments-là, il ne savait pas quoi dire, ni quoi faire. Toutefois, elle semble se ressaisir à temps et continue :

-« Mein Bruder, wie geht es bei dir ? »
-« Naja, les enfants sont méchants avec moi. »
Soupir décontenancé mal dissimulé. Mais Blumen ne lâche pas prise.
-« Est-ce que tu continues de parler dans le magnétophone, comme le médecin l’a dit ? »
Soupir cette fois-ci, de la part de Panzer. Regard oblique et diabolique vers ledit magnétophone. Machine du démon.
-« Oui, mais il ne me répond jamais, ce n’est pas intéressant. »
Si elle avait pris le risque de froisser son doux visage, elle aurait froncé les sourcils, blasée. Il avait beau être bien plus âgé qu’elle, elle avait réellement l’impression de le materner. Elle attendit donc qu’il poursuive, prenant sagement place dans le fauteuil qui jouxtait le combiné, prenant conscience que ça allait encore durer un bon moment. Après tout, c’était lui qui payait.

-« Tu te souviens des conjectures ? »
-« Des peuples qui se font la guerre, oui je me rappelle. Tu n’avais pas l’air très inspiré, d’ailleurs. »
-« C’est normal, il n’y avait personne encore, derrière ces conjectures. »
Blumen haussa un sourcil qu’elle avait aussi noir que ceux de son frère. Elle s’avérait toujours autant intéressée par ces histoires. Vraiment. Elle s’était jusque là sentie privilégiée, du fait qu’il s’inspire toujours de son environnement. Néanmoins, ces dernières années, avec leur séparation, ça avait été la fin des belles histoires. Enfin, elles étaient toujours aussi mystérieuses, mais ne lui rappelaient plus rien. Et ça l’attristait, Blumen. Ça l’attristait, de ne plus faire partie du théâtre de la vie de son aîné. La conjecture, ça n’était pas elle. Et Dieu seul sait à quel point ce rôle tenait à cœur au garçon. Néanmoins, il lui en parla longuement. Elle constata bien vite que deux noms se répétaient. Deux noms qui ne lui disaient absolument rien. Ses doigts fins se resserrèrent autour du combiné, tant elle tremblait. Elle n’avait à présent plus qu’une envie : qu’il raccroche, et lui fiche la paix avec sa nouvelle existence. Rien dans sa voix pourtant, ne trahissait ce sentiment. Elle patienta, s’excusa, prétextant qu’on l’appelait et manqua de briser le téléphone tant elle le plaqua violemment contre la petite table.

De son côté, Panzer ne s’est douté de rien. Il préfère définitivement parler à sa sœur, plutôt qu’au magnétophone ; c’est beaucoup moins risqué. Si jamais l’un des orphelins avait à tomber sur lui, on le prendrait définitivement pour un fou, encore bien plus qu’on ne le considérait déjà. S’il avait su que sa sœur n’était plus ce qu’elle était. S’il avait su qu’il était on ne peut plus seul, à partir du moment où ils avaient été séparés. Non, en aucun cas, il ne devait s’en rendre compte. Plus rien ne l’aurait alors retenu. Ici. Heureusement, il avait d’autres idées en tête. Comme s’il ne lui avait jamais téléphonée. Tout se passait si vite dans son crane. Comme si un vent malsain soufflait dans les branches de l’arbre qui lui perçait le crâne.

Il ne pleut plus. Ou juste un peu. Il a un peu de mal à le distinguer. Panzer est envahi par cette désagréable impression de ne pas savoir quoi faire. Il y avait tellement de choses de prévu. Il jeta un coup d’œil désintéressé à la liste de programmes qu’il avait rédigée de la main gauche, et qui s’étalait sur son matelas froissé. Par où commencer ? Il distingua quelques mots. Sortir. Dehors, il y avait de la boue. S’il la diluait suffisamment, elle formerait un projectile parfait pour lancer dans les cheveux des filles. Il se changea, se cogna volontairement la tête contre les murs, faisant tomber quelques citation au passage. Toutes ces choses qu’il devait faire, étaient obstruées, mises à l’ombre par un autre élément bien plus étincelant. Un élément qui s’était immiscé dans son esprit, comme un virus ronge les sens. Il n’en voulait pas, car ça n’était pas prévu dans son programme. Il ne pouvait pas avancer, si cette silhouette digne d’un soleil s’évertuait à carboniser les branches de son arbre. Cette présence ne lui faisait pas du mal, ou du moins, ça n’était pas un mal douloureux. Mais il ignorait ce que c’était, et cela prenait bien trop de place. Il devait sortir.

Lorsque Panzer éprouve le besoin de mettre un pied dehors, c’est qu’il y a vraiment quelque chose qui cloche. Mais il s’en fiche, car les autres s’en fichent aussi. Les autres se fichent de savoir si tout va bien pour lui, ou non. Tant mieux, dans un sens ; comme ça, il n’avait pas à se soucier d’eux en retour. Il allait donc sortir, conscient que ça n’était pas normal. Mais il allait le faire quand même. Allez vous faire foutre, si je deviens définitivement fou, c’est à vous que je m’en prendrai en premier ! Il enfile des épaisses chaussures à semelles renforcées, qui lui conféraient une taille davantage convenable pour un jeune homme de dix-sept ans. Le passage piéton qui ornait son crâne n’avait pas subi de retouches, il ne ressemblait plus à rien, si ce n’était un amas de mèches blanchâtres éparses. T’as facilement une sale tête, Friedrich, si ta sœur te voyait, elle te renierait définitivement. Laissant en plan toutes ses affaires, quand bien même elles piétinaient sur le territoire de ses voisins de chambre, il quitta la pièce. La tête nue, il s’aventura dans la cour de l’orphelinat, encore vide de tout orphelin. La pluie finissait de s’écouler sur ses cheveux noirs. On aurait dit un corbeau au sortir d’une marée noire. Il laissa échapper un juron en allemand, se rendant compte qu’il avait oublié son canon à eau vidé pour l’expérience.

Ses yeux se perdirent dans la contemplation de la boue. L’autre jour, il s’était essayé à lire un texte de philosophie, à propos de la définition du terme de « boue ». Rien de bien palpitant, il l’avait bien vite délaissé, pour se replonger dans la lecture d’une page de Mein Kampf. Il ne dénombrait plus le nombre de fois qu’il les avait lues. Depuis qu’un certain personnage lui avait appris qu’il l’avait lui aussi lu, il s’était mis en tête de l’apprendre par cœur. Oui, défi stupide, je le conçois. Mais y avait-il seulement une chose de censée dans tout ce qu’entreprenait Panzer ? L’opinion publique aurait aussitôt répondu « certainement pas ». Panzer est donc dehors, campé sur ses jambes enveloppées d’un jean noir. Les mains dans les poches, il observe sans grand intérêt cette boue maussade qui lui mord les pieds. Il tente d’imaginer le visage des pensionnaires peinturluré ainsi. C’en serait presque jouissif si le virus lumineux ne s’était pas inscrit sur sa cornée. Il grogne, un peu comme Slave, mais en moins impressionnant. Beaucoup moins. Il est toujours moins que les autres. C’est pour compenser. Quand il sera plus grand, il sera plus. Toujours plus que les autres. Plus que cette entité qui s’entête à lui bousiller la vision.

Retourne-toi Panzer. Mais genre, maintenant. Là, tout de suite.
Avec un peu de chance, il aurait pu éviter. Avec un peu de chance, il aurait pu avoir l’audace de se baisser, pour ramasser un peu de boue et l’écraser entre ses doigts. Ainsi, il serait peut-être passé inaperçu. Inaperçu aux yeux céruléens de lui. De cette silhouette qui s’abattit sur lui comme un jet de lumière divine s’abat sur le prophète. Mais Panzer n’a rien d’un prophète. Et il n’y a pas de place pour Dame Chance dans cette histoire. Une histoire de conjectures. La blanche arrive, la noire ne le sait pas. Elle entend un bruit, et se retourne. Elle va avoir mal, comme d’habitude. On se fait toujours mal, à la guerre. Surtout toi, Panzer. Tu tombes toujours dans la boue.

-« … »

Il aurait pu dire plein de choses. Tous ces genres de mots qui franchissent les lèvres, lors des moments de suspens, de tension. Il aurait pu murmurer le nom de celui qui s’était glissé derrière lui. Il aurait pu sortir une citation du Führer. Il aurait pu faire référence aux conjectures. Il aurait pu jurer en allemand. Il aurait pu parler, discourir, comme il le fait tout le temps. Mais là, il n’avait rien trouvé à dire. Il voulait juste voir. Convoiter une conjecture blanche, en conjecture noire qu’il était.


Dernière édition par Panzer le Dim 26 Aoû - 16:33, édité 1 fois
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Morphee Morphee
Il était une fois, des conjectures. [Rhat] 363332Expert3
Sujet: Re: Il était une fois, des conjectures. [Rhat] Il était une fois, des conjectures. [Rhat] EmptyMer 18 Jan - 21:28

Il était une fois, des conjectures. [Rhat] Tumblr_lxr3s9D2Vu1qacqpfo1_500_large

    «  Il pleut Artemis. »
    «  Et alors ? »
    «  Tu n'aimes pas la pluie ? »
    «  C'est de l'eau. Je déteste l'eau. »

    « C'est pourtant beau. »



Il paraît que ressasser le passé, ça peut aider des fois. Rimbaud déteste ça. Comme le temps de Winchester. Les gouttes qui s'écrasent sur la vitre de sa chambre, une à une et qui se rejoignent pour tomber sur le sol. La pluie est moche. Ce temps n'est pas fait pour exister. Arthur le disait pourtant, que la pluie était belle parce qu'elle était nécessaire. Artemis ne voulait le contredire, trouvant une ruse pour changer de sujet. Arthur était de ce genre de personnage que l'on ne pouvait clairement pas contrarier parce que trop supérieur à nous. Ainsi Arthur était supérieur à Rimbaud. Et Rimbaud admirait Arthur pour cet esprit, rongeant une jalousie étrange en fusillant les gouttes d'eau sur la fenêtre.

Un an presque jour pour jour et l'eau semble la même sur les énormes vitres de l'orphelinat. Le blond baille, s'étirant dans son lit en se redressant. Passant lascivement une main dans ses cheveux, il fixe son réveil. Dix heures moins seize. Une minute et cela sera parfait. Il se recouche, fixant le petit cadran rouge en baillant. Ses tics sont devenus habitudes et fixant les chiffres, il sourit en voyant le quarante quatre se changer en quarante cinq. Voilà, maintenant que l'heure est bonne, il décide enfin de parfaitement ouvrir les yeux.

La chambre est comme il l'a laissé hier : froide. Artemis soupire, son regard fuyant ses draps, montant ses jambes contre son torse, passant une main dans sa nuque. Le vent cogne contre la vitre. Il fait froid dans la chambre et s'étirant enfin, il se lève. Un gilet jaune passe entre ses mains, comme un jean qu'il enfile sans vraiment y faire attention. Le temps dehors le blase déjà, mais il doit faire un tour au café. Histoire de pouvoir parler avec l'autre doué d'un minimum de connaissance littéraire. Pas qu’Artémis méprise les autres parce que inapte à converser plus de trente seconde avec que le blond ne s’ennuie mais il y avait un peu de ça. C'était pourquoi ils avaient leur rendez-vous régulier avec le bibliothécaire – enfin, l'aide- bibliothécaire, Artemis n'ayant jamais vu le bibliothécaire -. Alors il passe une écharpe autour de son coup, se rendant compte soudainement qu'il est le dernier de la chambre à s'être levé.

Le lit rangé de Panzer le fait presque rire. Presque. Là, il jette juste un regard froid sur les draps blancs et noirs de l'allemand, arquant un sourcil quand à la quasi inexistence d'espace entre leur deux lits. Depuis quand son lit est si proche du sien ? Il soupire, prenant ses cigarettes françaises qu'il met négligemment dans ses poches. Au pire, s'il voit le passage piéton, il lui fera cracher le morceau sur ce mystère absolu des lits autant rapprochés. Oui Artemis, ta vie est tellement passionnante que tu trouves des ennuis partout. En même temps, c'était Panzer. Pas n'importe qui.
Ouvrant la porte du couloir, il s'y engouffre . Un dimanche matin, peu d'orphelin sortent de leur chambre, et pour une fois, Artemis n'aura pas à lancer des regards assassins sur des nouveaux parce qu'ils font trop de bruit. Tant mieux. Sortant à l'avance une cigarette de son paquet, il passe la porte principale, la portant à ses lèvres.

Dehors, il pleut averse. Le temps est noir. Le vent souffle comme jamais et Rimbaud en écarquille les yeux. Une tempête. Un truc sur-humain passe en ce moment sur l'orphelinat. Les feuilles et les branches luttent contre le vent. Rimbaud n'ose s'avancer plus loin sur les marches. Restant sur le porche de l'orphelinat, Rimbaud s'allume une cigarette, protégé du vent.
« Temps pitoyable. Ce n'est pas vrai Arthur que la pluie est belle. »

Mots murmurés dans le vent, enfouissant sa tête dans son écharpe alors que son regard se perd sur le gazon. Sa fumée monte au ciel, il ferme les yeux. Brins de conversation avec Arthur qui lui reviennent en tête alors que ses lèvres aspirent une autre fois la nicotine.

« Tu sais Arty, ce n'est pas parce que les autres ne pensent pas pareil qu'ils ont forcément tort » lui revient en tête, Arthur posé à son bureau, une main soutenant sa tête. Lui, devait être en train de fixer le plafond, ses bras derrière sa tête. « Je veux bien concevoir que nous n'ayons pas la même vision des choses, mais au fond, tout est essence non ? » Rire discret d'Arthur. «  Artemis, Platon ne résoudra pas les guerres tu sais ? » Regard hautain. «  Socrate est mort pitoyablement, s'il nous regardait à cet instant, il ne comprendrai même pas pourquoi les gens confondent le beau et l'agréable.  Un peu de Platon pourrait bien résoudre les guerres. Après tout, au fond, on croit tous aux mêmes choses non ?»

« Tu es débile Artemis » qu'il s'était répété, recrachant une dernière fois toute la fumée contenue dans ses poumons avant de jeter sa cigarette au sol, l'écrasant. Si tout le monde croyait aux mêmes choses, Arty, le monde irait pour le mieux. Mais rien ne va, les gens sont loin de savoir comme toi, ce qu'est l’essence d'une chose. Ce qui manque dans ce monde, c'est des gens cultivés. C'est parce que l'on sait certaines choses que l'on ne fait pas le mal.
Une silhouette se dessine au loin. Une cape d'un noir absolu avance vers lui et se prend la pluie. Il sourit, s'avançant lui aussi à sa rencontre.

Savoir où non si il avait oui ou non reconnu la silhouette de Panzer au loin, on le sait pas. Sans doute. Peut être qu'il ne pensait que cela ne pouvait être que lui. Un temps pareil était peut être propice à son ennemi allemand. Et son sourire se tendait sur ses joues, caché par son écharpe. Rancunier Rimbaud , ou est-ce juste le temps qui te met dans cet état là ? Depuis quand tu perds tes moyens aussi facilement devant l'aspect ou la silhouette de quelqu'un ? Il ne se pose même pas la question, avançant fièrement dans le froid et le vent. Ses pas sont discrets dans la bourrasque qui ballait la cour. Panzer ne peut pas l'entendre. Panzer ne peut pas le sentir venir. Rimbaud se sent tellement puissant en cet instant.

Pardon Conjecture, mais au début de notre histoire, la haine était la seule à clairement me guider vers toi. . Comme il y avait mon sourire derrière mes coups. On aurait dit que le Rimbaud de l'époque était plus stupide encore que celui de maintenant. Alors excuses ce Rimbaud pitoyable qui de nombreuses fois te poussa plus bas que terre. Excuse cet être brouillon qui, se prenant pour le symbole même de l'intelligence suprême, marqua ton corps de bleus et de blessures. Notre histoire, si tu t'en rappelles, commence dans le plus sale des éléments, comme pour réduire à jamais l’existence d'un commencement parfait. Panzer, notre histoire commença dans la boue.

Pardonne cet Artemis qui d'un coup, plia ton dos par l'effort de son pied et te fis tomber dans la boue.

Le vent a soufflé plus vite, ébouriffant ses cheveux alors que son regard émeraude fusillait ce dos qui se pliait contre la terre. Et portes le poids de tes fautes, Panzer alors qu'il se rallume une cigarette, la portant à ses lèvres pour recracher sa fumée contre le ciel, fermant les yeux. La pluie tombe sur son visage, mais elle n'est pas importante pour l'instant. Non, le plus important, c'est ce silence qui suit son action, lui fermant les yeux dans un sourire moqueur.

«  Tu te confondrais presque avec la boue, allemand. »

Il se baisse, arrivant à sa hauteur, lui crachant la fumée au visage. Lui souriant. Son regard est vide, il n'y a rien derrière ses yeux à y voir qu'un profond ennui et une profonde frustration. Il lève la main pour la passer dans les cheveux de l'allemand, tournant une de ses mèches brunes entre ses doigts. Il joue avec lui, enlevant un peu de boue de ses cheveux.

«  Alors, retour aux sources Panzer ? C'est comment les tranchées ? »

Et il reste ainsi, une de ses mains soutenant sa tête à lui sourire comme le dernier débile finit qui lui aurait sortit la plus parfaite des blagues. Tu es débile Rimbaud. La pluie trempe son visage, le vent redouble de force.

Conjecture, notre histoire, c'était celle d'un petit allemand et d'un petit russe.

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Invité
Sujet: Re: Il était une fois, des conjectures. [Rhat] Il était une fois, des conjectures. [Rhat] EmptyMer 23 Mai - 18:54

Il était une fois, des conjectures. [Rhat] Sans_t25

Dans les films et autres théâtres de la vie, les batailles se déroulent toujours sous la pluie. On en vient à deviner quand la guerre sera déclenchée. Pour prouver à quel point elle est inévitable. A quoi bon ? A moins que la pluie ne soit là pour noyer le sang. Pour désinfecter quelques plaies béantes. Il était arrivé à Panzer de s’isoler par temps brumeux, après être passé sous les poings et les pieds de ses réticents camarades. Il n’aime pas l’odeur de l’infirmerie, quand bien même elle lui colle à la peau et aux pansements qu’il porte. Il a toujours été sensible au parfum. A certaines fragrances en particulier. Il aurait pu sentir sa présence, au sens propre du terme. Mais ses chaussures ne sont pas propres, et ses sens un peu malmenés par le vent et la pluie. Un peu comme si ses muscles ne répondaient plus. D’ailleurs, il a l’impression de tomber au ralenti.

Il crut tout d’abord qu’il était en train de dormir debout. Cette impression de chute aurait été alors un signe de sommeil perturbé et de fatigue. Malheureusement, il était parfaitement réveillé, et connaissait sur le bout des doigts la définition du mot « chute » tant il le redoutait. Il l’aurait préféré plus grandiloquente. Cerné d’ennemis, alors que ses alliés sont tous tombés les uns après les autres. Car, quand bien même il connaît celle de la chute, la définition du principe des alliés lui échappe encore ; pour lui, ils servent seulement à passer l’arme à gauche avant lui, histoire de retarder de quelques instants son rendez-vous avec la faucheuse. Il avait d’ailleurs dans l’idée que ladite faucheuse était blonde. Evidemment.

Les méchants dans les histoires sont toujours férus de richesses et de trésors. Ça voulait toujours que l’argent coule à flots, que les pièces remplissent leurs poches. Panzer convoitait aussi de l’or. Mais pas de vulgaires bouts de métal que n’importe quel malandrin pouvait trouver dans la terre. Ce n’était pas le métal aurifère qu’il recherchait. Mais bien la teinte cuivrée des cheveux de certains. On pouvait dire tout ce qu’on voulait, cette quête-ci était bien plus périlleuse qu’une vulgaire chasse au trésor. La preuve, il en était réduit, non pas à creuser la terre, mais à ramper dans la boue.

Panzer n’a pas eu le réflexe de se réceptionner sur les mains. Il est tombé à genoux, en avant, la joue dans une flaque d’eau trouble. Il a serré les dents, au contact visqueux de la tourbe contre lui. A fermé un œil. Bleu. Sur une silhouette noire. Une tache de peinture sur un dessin à l’encre de Chine. Non, lui, il vient d’Allemagne. Et cette voix, de Russie. Pas besoin de visser ses pupilles céruléennes sur lui pour le savoir. Un timbre de voix reconnaissable entre mille. Même sur un champ de bataille, au milieu des rafales de mitraillettes et du grondement des chars, il l’aurait entendu. Car il se taisait. Leur première rencontre avait aussi joué sur ça. Ils s’étaient cachés. Avaient dû murmurer pour mieux se cracher dessus. Et la morsure de leurs insultes avaient glissé sous leurs épidermes respectives. Sous celle de Panzer, en tout cas. Il avait encore un peu plus pâli. A cause des paroles de la Conjecture Blanche. Qui aurait pu vouloir la rendre Grise, juste pour qu’elle se fasse pourchasser de tous. Et qu’il ne reste plus que ses ailes pour le griffer. Rimbaud aimait se sentir puissant face à lui.

Alors il riposterait. Déploierait son armée. Des hommes avec des casques à pointe. Ou simplement d’autres Conjectures Noires. Venues de lui. Qu’il abattra sur Rimbaud, en sachant pertinemment que ça ne l’atteindra pas. Ou du moins, qu’il trouvera quelque chose d’encore plus affreux à lui dire. Car les Conjectures sont obligés de se faire la guerre. De la même manière, l’Allemagne et la Russie auraient pu rester alliés. Mais on avait déclenché les hostilités, dans la logique des Conjectures. Car Panzer s’était contenté de remettre au goût du jour cet ancien mythe méconnu. Si peu …

-« Fiche-moi la paix, Rimbaud. »

Ordre totalement absurde. Surtout en temps de guerre. Surtout à son intention. Et puis, il n’avait manifesté aucune autre résistance. Pour le moment. Parce qu’il lui touche les cheveux. Et que tout le monde sait que Panzer a les cheveux les plus invraisemblables de l’orphelinat, après ceux du professeur d’éducation physique. Il ne résiste pas quand on touche ses cheveux. Parce qu’on ne les touche pas souvent. Comme si on avait peur de les abîmer, malgré toute la haine qu’on peut lui porter. Ensuite, il lui touche le visage, et Panzer rétorque aussitôt :

-« Non, en fait, tu ne me fiches pas la paix. Ça sonne comme ficher quelque chose. Je n’aime pas les traités. Fais-moi la guerre. Mais mieux que ça. Pas cette guerre-là. Elle est un peu stupide. Tu ne m’attaques pas dans le dos. Ou alors, ne m’éloigne pas. On dirait que tu me méprises. Haïs-moi si tu veux. Mais ne me méprise pas. Il n’y a que moi qui aie droit de te faire la guerre. »

Ses mains sont pleines de boue. Il en plaque une sur le menton de Rimbaud, toujours sans le regarder, pour s’assurer que c’est toujours sa voix qu’il entend. Elle glisse sur sa mâchoire, le salit un peu. Met un peu d’ombre sur la lumière. Et n’atteint pas encore la pointe de ses cheveux. Le repousse un peu pour se redresser, comme s’il priait. Un dieu soleil. Mais il pleut. Il pourrait presque distinguer la figure de Rimbaud. Elle apparaît étrangement nette derrière ses pupilles aquatiques. La pression contre sa joue se fait plus forte. Il regarde du côté opposé. Et soudain, il le pousse vraiment, d’un coup d’épaule, comme s’il s’affaissait sur lui. Ça se fait un peu plus violent. Il aurait pu tomber sur lui, en l’accompagnant. Mais il s’est abstenu. Vraiment. Il est resté à genoux, comme s’il pleurait sa mère.

Il a résisté. Parce que sinon, il n’aurait pas pu lui faire la guerre plus longtemps. Il aurait été à sa merci. Allongé sous la pluie.


Dernière édition par Panzer le Dim 26 Aoû - 16:37, édité 2 fois
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Morphee Morphee
Il était une fois, des conjectures. [Rhat] 363332Expert3
Sujet: Re: Il était une fois, des conjectures. [Rhat] Il était une fois, des conjectures. [Rhat] EmptyJeu 24 Mai - 16:44

Il était une fois, des conjectures. [Rhat] Tumblr_m3kw7uuvlb1r2coboo1_500

C'était un masque à gaz qu'il portait contre son visage, ce sourire qui encrait ses lèvres sur ces joues, cette fierté qu'il éprouvait à la simple énonciation de la défaite allemande. Peut être qu'il aurait pu lui réciter son cours, lui balancer quelques mots allemands pour détruire encore plus le mythe du plus petit. Lui ordonner de ramper à même la terre et l'eau, de s'y noyer peut être, dans les plaques qui se formaient avec ce foutu temps. C'était si simple, vraiment, avec ce masque à gaz qui cachait son ressentiment et son putain d’inconscient qui lui envoyaient des signes d'autant évident qu'il n'en contrôlait pas son propre corps. Il aurait pu, certainement prendre l'avantage. Après tout, une guerre est une guerre, même sous un temps de pluie. Il n'aurait pas du se mettre dos à lui, il aurait juste du le regarder dans les yeux et le craindre comme il le faisait une année auparavant avec des gamins plus costaux que l'allemand qui lui faisait face, le visage boueux, les vêtements sales et la carrure frêle.

Mais sa carrure, il avait beau l'observé, dans toute l'immensité de la cour du célèbre mais inconnu orphelinat de Winchester, elle avait pas ce quelque chose de différent des autres, non ? Depuis quand c'était le jeu du chat et de la souris entre ses chasses ? Depuis Panzer. En fait, sans s'en rendre compte, il n'y avait même plus d'autre victime sur tableau de chasse, plus aucune proie à étouffer que le brun et sa peau pâle. Panzer. Deux syllabes, six lettres. Ce n'était même pas un symbole de perfection, ce n'était même pas un multiple de cinq, alors pourquoi ce changement ? Pourquoi ce jeu débile et cette fascination qu'il cachait derrière son épiderme claire de gamin en mal de bagarre ?

La paix n'existait pas, Allemand.

« Rêve. Chimère. Te « ficher la paix », c'est un abandon ? »


Mais il savait dans le fond de ses trips que cela aurait trop facile, qu'il n'était pas si débile pour avoir choisit une proie si faible. Le brun était le plus fort de ses ennemis, tomber aux premières horreurs, ce n'était même pas honorifique pour ses idéaux. Peut être des mensonges alors ? Visage boueux que le blond ne peut s’empêcher de toucher du bout des doigts. Aller, Conjecture, relèves-toi. Ce n'est pas marrant si tu faiblis déjà. Je fais quoi moi, si je n'ai plus rien à conserver ? Sainte pensée, un peu trop gamine peut être pour lui redonner la niaque, le courage et l'envie de continuer.

Et puis le laisser tomber maintenant, cela ne lui attirerait rien de bon. Non mais, regardez le, à croupis, épiant le brun comme un gamin devant un jouet. S'il cessait soudainement de fonctionner, qu'est-ce que vous penseriez qu'il ferait ?
Il le frapperai. Sans hésiter. Martèlerait son corps de ses poings, essayant en toute façon de lui ré-inculquer un soupçon de vie. Aller, fonctionne encore Panzer. Aller, joue, joue avec moi ! Que lui crie presque ses yeux. Cela ne sert à rien de construire un mythe dans ce cas si tu crèves aux trois premiers mois.

« Non, en fait, tu ne me fiches pas la paix. Ça sonne comme ficher quelque chose. Je n’aime pas les traités. Fais-moi la guerre. Mais mieux que ça. Pas cette guerre-là. Elle est un peu stupide. Tu ne m’attaques pas dans le dos. Ou alors, ne m’éloigne pas. On dirait que tu me méprises. Haïs-moi si tu veux. Mais ne me méprise pas. Il n’y a que moi qui aie droit de te faire la guerre. »

Et il tombe, bousculé, déstabilisé, se retenant par ses coudes qui viennent s'écorcher contre un sol trop râpeux. Grincement de ses canines, le visage sale. Bien sur que c'est déstabilisant ces gestes qui ne devraient pas avoir lieu d'être. Même dans une guerre, même comme châtiment suprême. Sa clope chute sur le sol, s'éteignant dans une flaque non loin de là. Trempé, de la tête au pied, crade jusqu'à son sourire qui se fait sévère. Cet pointe de joie ne se voit pas, ce sourire n'a rien d’inhabituel et pourtant. Et pourtant il y aurait presque un «  Merci » caché, enfouit dans sa désinvolture et ses cheveux plaqués contre ses tempes.

Il se fait chien l'espace de trois secondes, de quoi essayer de redonner du volume à ses cheveux, sa vision obscurcie sans bouger de son parterre de boue. Il pourrait bouger, oui. Il pourrait se lever, frapper le gamin de son âge et lui crier qu'il fait ce qu'il veut de toute façon, que personne n'est Arthur pour lui donner des ordres ici. Mais on va dire que pendant quelques secondes étranges, il fait l'impasse sur son passé, qu'il oublie le psychologue, qu'il oublie sa fierté et que pendant deux micro secondes, il lui sorte un sourire amical. Il lui sourit, comme un gamin. Heureux ou non, Panzer jugera de lui-même. Toujours est-il que ça lui fait plaisir cette possession, même de la part de l'allemand. Il veut rayer la pensée stupide du «  parce que c'est l'allemand » qu'il vient d'avoir. Et puis soyons fou, imaginons qu'il se redresse légèrement et qu'il vient enlever le reste de boue que Panzer a sur sa joue.

«  Très bien. »

Conjecture Blanche accepte, qu'il fasse ce qu'il veut, la Vraie guerre commence maintenant. Retirant sa main du visage pale, il l'essuie sur son propre vêtement, cherchant du même geste son paquet de cigarette qu'il retrouve trempé. Connerie de pluie. Il grogne devant le paquet foutu et le balance derrière lui. Il y avait pas dix minutes, il était tranquille dans son lit douiller et là, il venait de faire un pacte suspect avec son voisin de chambre avec un temps merdique en prime. Journée ensoleillée, vous lui manquez énormément, vous savez ?

«  Mais dans ce cas, je veux définir mieux que ça les droits de cette guerre. »

Parce que lui aussi avait droit à ses coups bas, pas question de laisser l’ersatz d'Hitler s'attirer les meilleures positions. Alors baissant les yeux vers la boue, il se met à penser.

«  Premièrement, si tu me fais la guerre, tu ne me la fais qu'à moi seul. Je t'interdis tout autre ennemi, je deviens ton cauchemars, je deviens l'homme qui te fait écarquiller les yeux la nuit. Deuxièmement, on ne rentre personne d'autre dans cette guerre. Tu lâcheras tes alliés, je lâcherai mes sbires. Et troisièmement.... »

Il soupire, levant les yeux au ciel.

« ...Tu me parles de ces gamins qui te cherchent des noises que je les extermine. C'est chiant de me battre contre un corps courbaturé par d'autres coups que les miens. »


Mais tout ça, c'est tellement loin de Moscou. Tellement loin de lui, de faire des contrats comme s'il s'improvisait adulte réfléchi. De se retrouver seul face au monde, seul face à un gamin qu'il devrait considérer comme son égal. Parce qu'égal est maintenant un adjectif qu'il va devoir penser, dire, réfléchir. Plus de coups bas, plus d'enfermement dans le placard s'il a lui la possibilité de voir dans la nuit. Une guerre juste, une guerre droite. Une guerre de personnes qui établissent des règles et des principes avant de s'entre-tuer. Une guerre idéologique qui aurait pu se passer soixante ans en arrière mais qu'ils ne trouvent mieux de rien à faire que de ressasser le passé que beaucoup cherchent à enterrer.

Depuis quand Artemis, tu as décidé de changer pour ce gamin au visage pâle et au regard malade ? Tu le regardes, tu n'attends pas de réponse, tu n'attends même pas une réponse de ta part. Tu le fixes sans vraiment le voir, un peu perdu par la suite étrange des événements. Tu ne voulais pas aller dans la douleur à la base ? Tu ne voulais pas l’écarteler à l'en faire hurler ?

On signa des contrats sur des murs et des feuilles jaunis pour se faire moins mal ou pour concrétiser le fait qu'on était vraiment seuls dans notre monde, Conjecture ?

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Invité
Sujet: Re: Il était une fois, des conjectures. [Rhat] Il était une fois, des conjectures. [Rhat] EmptyVen 31 Aoû - 17:48

Il était une fois, des conjectures. [Rhat] Rimber10

Il y a une flaque de boue un peu plus profonde juste sous ses yeux. Elle s’est imprimée sur son manteau, quand Rimbaud l’a mis à terre. Elle tremble, un peu, comme les mains de l’allemand. Et elle reflète son visage. L’intérieur est aussi trouble que l’extérieur. Il se demande, quand est-ce que tout cela à commencer. Ça ne fait pas si longtemps, il a l’impression. Il a aussi l’impression, que le temps ne tourne pas normalement, quand il est en présence du soviétique. Il s’étirerait presque. Ce n’est pas aussi désagréable que l’ennui. A chacune de leur altercation, ce ne sont qu’insultes et coups fourbes. Pourtant, les deux garçons mettaient une telle passion et une telle sincérité dans leurs actes que ça finissait par les toucher, aussi physiquement que mentalement. Parce que, derrière ce conflit, il y avait des idées. Il y avait une histoire. Et, en ce qui concernait Panzer, il y avait des envies. Dont jamais il ne parlerait, sans doute. Car il les sentait, aussi troubles que la flaque de boue.

Ce qui fut très clair, en revanche, fut le sourire de Rimbaud. Il avait tourné la tête, par mégarde, et était tombé sur cette véritable apparition, comme la vierge éplorée devant la sainte. Il aurait été prêt à croire, absurde, que ce tendre rictus ne lui était pas adressé. Que Rimbaud souriait au ciel, à l’arbre dans la cour, au mur d’enceinte, à personne, à tout le monde sauf lui. Et pourtant, comme hypnotisé, son regard bleuâtre s’attarda un peu trop sur ses lèvres étirées avec élégance, malgré la pluie. Puis il tombe, sur sa silhouette, fière, même quand elle est allongée par terre. Le pouvoir des Conjectures blanches. Dans ses rêves les plus fous, Panzer aurait imaginé qu’il s’offrait à lui. Cependant, loin de sa personne l’idée de l’amour. C’est encore au-dessus de ça. Et était l’objet de moins de préjugés, puisque personne n’en connaissait l’existence. L’amour, ça tombe un jour. Eux, il en était certain, sans même être sujet à la superstition, c’était depuis. Le début. Depuis la naissance des Conjectures Et Dieu seul sait à quel point elles étaient antiques.

Rimbaud pose sa main sur son visage. Sans le frapper. Sans une insulte. Panzer était sur le point de se défiler, comme une anguille. Cette fois-ci, il peut sentir le contact de chacun de ses doigts, même si c’est furtif. Ça s’imprime dans sa peau comme le plus violent des coups de poing. Il ressemblerait presque à un animal, à suivre chacun des gestes de Rimbaud. Ce dernier prend finalement la parole. On revient au conseil de guerre. Mais les pupilles de Panzer restent dans le vague, à fondre contre la peau claire et les cheveux de soleil de son camarade. Il hoche la tête, comme si ces trois règles eussent été évidentes. Ce fut certainement la première fois qu’ils se mettaient d’accord. Et certainement la première fois aussi, depuis longtemps, que Panzer n’était plus aveuglé par cette étrange tache lumineuse dans son esprit. Comme s’il avait été exorcisé. L’étoile était sortie de sa tête, et reposait maintenant sur la gorge de Rimbaud qui provoquait le ciel.

Alors, il se redresse. Comme un jeune chiot, s’approche de lui. Se remet à genoux, juste devant, comme une éclipse. Et tend la main. Elle est fébrile, au départ, mais il raffermit son geste, belligérant. Il fait tourner les paroles de Rimbaud dans sa mémoire, et ne saisit pas encore ce qui lui serre la gorge. Il vient chercher sa main à lui. La porte à son visage, la retient d’un mouvement de l’épaule. Et pose sa joue dessus. Les paupières closes, il a le faciès triste.

-« Fais-le encore, Conjecture. »

Ses lèvres, en remuant, rencontre une phalange. Elle glisse dans sa bouche, il la mordille. Les Conjectures ne savent pas parler. Et on ne leur devine pas d’yeux. Le contact s’impose donc de lui-même. Il dépose une marque, sur le bout de son doigt, y plantant les dents. L’humidifie aussi, comme s’il le purifiait. Ou au contraire.

-« Il manque une étape, dans le pacte que nous venons de passer. Les Conjectures le scellent ainsi : en se lavant l’un l’autre. Les Conjectures noires sont ainsi débarrassées de la boue et des plumes qu’elles ont essayées de voler. Les Conjectures blanches, elles, ont toujours besoin de se laver, pour briller. »

Il était parvenu à ne pas faire trembler sa voix. Afin que Rimbaud ne le remette pas en cause. Parce qu’ils sont deux garçons. Et que ça n’est pas normal. Qu’on allait les regarder de travers. Que Rimbaud allait le regarder de travers, s’il tremblait encore. La première fois ne comptait pas. C’était tout nouveau pour lui. C’est en suivant cette réflexion que Panzer découvrit ce qui lui serrait la gorge, dans le discours de l’autre garçon. Ici, « faire la guerre » sonnait un peu trop comme « faire l’amour ». Ce qu’ils vivaient avaient beau être au-dessus de ça, ce sentiment bien humain était parvenu à s’immiscer en Panzer, comme la boue entre ses doigts. Il voulait toujours être au-dessus des autres, à tel point, qu’il ne savait plus rien discerner, à force de tout inventer.

Il garde sa main contre lui, puis remonte, longeant son bras, le visage bientôt juste en face du sien. L’un brille, l’autre est terne. Mais leurs silhouettes semblent prêtes à se compléter. Ses pupilles le dévisagent.

-« Tu me feras … la guerre, hein, Rimbaud ? »
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Morphee Morphee
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Sujet: Re: Il était une fois, des conjectures. [Rhat] Il était une fois, des conjectures. [Rhat] EmptySam 1 Sep - 20:38

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« On signa des contrats sur des murs et des feuilles jaunies
pour se faire moins mal ou pour concrétiser le fait qu'on était vraiment seuls dans notre monde,
Conjecture ? 
»



La guerre idéologique, les conneries qu'il s'imaginait souvent, les traités, les contrats, toutes ces dates qu'ils avaient emmagasinées au fil des années, des leçons, d'Arthur, n'avaient ici aucune importance. Il oubliait, souvent, que le passé, n'avait pas réellement d'impact, surtout en sa présence. Que même sous les dialogues propagandistes de ce qu'il appelait une « véritable fierté », ça n'était que du vent.
Rimbaud n'était pas sérieux. Il était à la limite du réel, ce gamin qu'on ne connaissait pas, qu'on observait et qui pour les plus aventureux, dont on parlait. Personne n'entrait dans sa tête. C'était le deal, on ne « concevait » pas Rimbaud. On ne lui « demandait » pas d'explication. Qui s'approcherait d'un bâtard, d'un rustre gamin à la voix rocque, à l’allure de géant, aux idées ancestrales ? Rimbaud bâtard, Rimbaud qui se brûlait les ailes. Les conjectures blanches ne savent pas toutes voler convenablement. Il n'était pas ce qu'on lui laissait paraître. Loin de là l'idée qui ne pouvait appartenir à la grande famille des intellectuels binoclards que représentait l'orphelinat. Il était intelligent, c'était sûr, mais...il était différent.

Il jouait, sous ses airs d'adulte taciturne, à se brûler les mains dans le jeu de l'allemand. Bien sûr qu'il y avait eu un point de départ, qu'il était peut être un peu ce soviet' qu'on pouvait deviner. Mais le gamin, qui quelque année avant, perdu dans les livres, les jeux de sang et de délie, celui qui lisait l'avenir dans les lignes, qu'on admirait pour son adaptation et sa perspicacité à emmagasiner un stock d'information, qu'importe la langue, se trouvait-il toujours sous l’épiderme rendue sale de la boue de Winchester ?

Il jouait, et sous ses yeux, son adversaire avait des allures d'allié. Celui devant lequel il se voulait fort, droit, résolu, tournait le dos à ses obligations, à ses droits, devançant ses attentes. Il lui prit la main. Acte banal en soit. Il lui prit la main et Rimbaud s'était senti faible à ce moment. Il ne le repoussa pas. Il était faible, le laissant faire, ne pouvant se détacher de lui. Rimbaud tombait, Artemis qui derrière sa forteresse prenait pour la première fois une balle en plein cœur, s'agenouilla. Il ne réagit pas, il se laissa faire. Le moment était divin ? Parfait ? Quelque chose traînait dans l'air, et ce n'était pas de la mélancolie. Il regardait le parcours de sa main guidée, suivant ses propres doigts du regard, comme dépossédé. Qu'est-ce qui se passe Rimbaud ? Qu'est-ce que tu fais Rimbaud, à le fixer sans bouger ! Il savait qu'il ne contrôlait plus rien. Que l'armure était fendue et qu'une brèche s'ouvrait. Il saignait, il le sentait, comme une frisson qui parcourait son équine, remontant à la vitesse de l'éclair sa colonne vertébrale.

Il n'y avait pas de mot pour décrire. Un moment ineffable ? Un moment humain ? Et il n'était plus qu'un petit garçon, Rimbaud, quand il le mordait, avec ce regard qu'il ne voulait pas comprendre. Pourquoi tu lui sors un tel regard ? Artemis, réagis ! Tu vas te faire écraser parce ce sentiment.

Tu as dis toi-même que l'amour n’existait pas.

Il respira profondément, bombant le torse, sortant de sa stupeur par une inspiration saccadée, comme lorsqu'on reprenait son souffle après un choc. Il restait muet dans la minute, gardant les mots du brun, voulant les inscrire dans sa tête, en se les répétant. Il essaya tant bien que mal à reprendre le dessus, à ressortir le monstre derrière l'humain, mais rien n'y faisait. Panzer avait les clefs, lui il suivait. Il l'aurait suivit jusqu'à la fin, dans ce décor, dans cet instant. Dans la boue qui tachait leur vêtement. Dans le silence saccadé par les inspirations et les frissons.

Il s'approcha, Rimbaud avait mal. Ce n'était pas de la joie, ce n'était pas de la douleur. C'était comme un trop plein, cette distance, ce magnétisme qu'exerçait leur corps. Il prenait conscience de ça en cet instant.
Il y avait toujours eu quelque chose. Toujours. C'était écrit, c'était dans son sang qui courrait trop vite, dans ses yeux incompris. Il se rapprochait, et lui ne pouvait pas reculer. Il était statue de pierre, embourbée dans la boue. C'était de sa faute, c'était son élément ! Il l'avait piège, englué dans la boue, et lui ne pouvait pas s'enfuir. Il ne se pensait même pas faible. Il ne pensait pas, il n'y arrivait pas, attendant la fin de sa phrase. Chaque mot l’assassinant de plus en plus.

Faire la guerre. Faire la guerre. Il y pensa. Faire la guerre. Faire la guerre.

Les mots ne lui venaient pas en anglais. Il n'y arrivait pas. Il avait beau essayer de penser, il n'y avait qu'un méli-mélo de russe-allemand. Comment pouvait-il lui répondre s'il le déstabilisait à se point ? Sa propre langue ne l'aidait pas, où diable était-il donc tombé ? Il avait toujours les yeux rivés sur lui, son pouls incontrôlable, des anciens textes écrits qui tournaient dans sa tête. Ataraxie.
Personne ne pouvait l'aider sur le coup. Il était seul face au brun.
Pour la première fois de sa vie, il aurait voulu comprendre la situation.

Il y avait deux personnes, Artemis et Rimbaud. Il y avait deux choix.

Il descendit sa main, frôlant son visage. Il le regardait toujours. Il ne comprenait absolument pas ce qu'il faisait, n'avait aucun plan quand à la suite. Il suivait l'une des deux personnes. Il le fixait toujours, s'autorisa un sourire en coin en remarquant la morsure sur son index maintenant posé contre le cou du brun. La morsure était petite, fine. Il n'y fit pas attention très longtemps.
Il remonta son pouce en dessous de sa gorge, obligeant sa conjecture à relever la tête légèrement.

« Tu es quand même assez lunatique, dans ton genre. »

Et il l'embrassa.
Artemis 1 – Rimbaud 0.

La guerre commença à l'instant.


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