Sujet: rainy stupid day – pv gabriel Sam 31 Déc - 19:48
– I saw the mirror staring back at me.
A la Wammy's House, il avait une chose que Stereo aimait faire, les jours de pluie.
C'était s'asseoir par terre, quelque part, et regarder les gens passer. Elle ne pouvait pas voir les têtes des personnes, gardait ses yeux rivés sur le sol. Mais peu importait. Elle passait le temps comme ça. Il y en avait qui aimaient sortir pour voir s'ils arriveraient à éviter les gouttes d'eau, d'autres qui préféraient s'enfermer dans une chambre pour fumer un joint. Libre à eux. Stereo n'aimait pas l'eau. Et n'aimait pas non plus fumer. Triste fille, triste vie pourraient dire certains. Bref.
Lorsqu'elle se réveilla ce matin-là, la pluie battait donc contre la fenêtre, faisant presque trembler la vitre. Son corps frêle était parfaitement immobile sous les couvertures, comme si elle attendait quelque chose. En réalité, elle était tout simplement perdue dans ses pensée. Elle avait froid, la chambre était vide, et elle se demandait quel endroit elle allait bien pouvoir squatter par la suite. Elle n'avait pas vraiment d'idée, l'esprit encore embrumé par le sommeil. Ses pensées voguèrent d'une salle à une autre, allant du réfectoire à la salle de musique sans transition et sans coup de cœur. Bon. Elle n'aurait qu'à marcher au hasard. Elle trouverait bien quelques centimètres carrés de carrelage où s'installer. Alors elle se mit en mouvement. Ses pieds nus allèrent frôler le sol, lui tirant un vague frisson, avant qu'elle ne démarre la mission matinale habituelle, soit, en trois étapes : choisir ses habits, trouver une teinture encore plus bizarre que celle de la journée précédente, se préparer.
Deux heures plus tard, elle était prête. Des cheveux rouges vifs, des collants bariolés, une robe qu'elle avait commandé sur internet. Plus une chemise. Et un pull. Et trois paires de chaussettes. Et des bottes. Et une écharpe. Le tout formait un mélange étrange et bizarrement assorti, comme d'habitude. Stereo avait le don pour accorder ses vêtements en dépit de leur nombre et de leurs aspects originaux. Le pire c'est qu'elle ne faisait même pas exprès. Elle se contentait de piocher des habits dans son armoire, au petit bonheur la chance. Magique. Prenant son Ipod sur une pile de vêtements à côté de son lit, elle partit donc.
Elle avança un moment, la tête dans les étoiles, se posant des questions idiotes. « Est-ce qu'il pleut toujours ? », « Et si le toit s'envolait et laissait voir toutes les pièces de l'orphelinat, qu'est-ce qu'on y verrait ? », « J'ai mis des chaussettes vertes aujourd'hui ? », « Si je devais me réincarner, est-ce que je pourrais choisir d'être un loir pour dormir toute la journée ? », « Playmobil mange vraiment les enfants ? ». Finalement, après une dizaine de minutes passées ainsi, elle se rendit compte d'un bruit qui la suivait depuis un moment. Un drôle de bruit. Comme un crissement, persistant, de plus en plus fort. La jeune fille s'arrêta net, un peu surprise. Silence. Bizarre. Détective Stereo en action. Lentement, elle se remit en marche. Le bruit l'accompagna. Elle se retourna, pour vérifier que personne la suivait, mais visiblement personne ne faisait attention à elle. Lentement, elle observa les détails du plafond, comme si la solution pouvait se trouver là. Enfin, elle baissa les yeux. Ses chaussures neuves chuintaient sur le sol. Juste la chose la plus bête au monde. C'est là qu'on pouvait se rendre compte à quel point elle était stupide, la pauvre petite. Enquête close. Youhou. Un peu déprimée par son idiotie, elle se laissa tomber là où elle se trouvait. Dans un banal couloir, donc. Enfonçant ses écouteurs dans ses oreilles, elle se mit à ruminer un peu. Elle se demanda ce qu'elle fichait dans cet orphelinat pour jeune surdoué, avec le Q.I. de moule qu'elle devait avoir. Augmentant progressivement le son de sa musique, elle tenta comme elle pouvait d'oublier sa bêtise. Elle avait envie de déconnecter petit à petit chaque neurone de son cerveau. Ainsi elle se retrouverait complètement amorphe – ou dans le meilleur des cas débile profonde – et pourrait se barrer d'ici où elle ne se sentait pas spécialement à se place. On l'enverrait dans un endroit spécialisé où elle pourrait dormir sans interruption et regarder des programmes en français à la télévision. Dommage que l'on ait pas encore découvert cette vertu magnifique (à savoir la déconnexion des neurones) à la musique. En fait, elle était plus en train de se bousiller les tympans qu'autre chose.
Et puis il y eut un mouvement. Quelque chose qui tira sur son écharpe, cette chose blanche traînant vaguement par terre. Doucement, l'adolescente baissa les yeux. Il y avait un pied sur son écharpe. Alors elle redressa la tête. Pour apercevoir la personne à qui appartenait ce pied. (C'était déjà ça, le pied ne se trimbalait pas tout seul.) Elle découvrit un homme, l'assistant bibliothécaire, ou quelque chose du genre, juste au-dessus d'elle. Il ne la regardait pas, comme s'il n'avait pas remarqué sa présence. En même temps, elle devait juste ressembler à une énorme boule de vêtements vu d'en haut. Mais bon, là n'était pas le problème. Le problème, c'était qu'il marchait sur l'écharpe de Stereo. Et qu'elle aimait bien son écharpe. Alors, avant que le jeune homme ait pu s'enfuir, elle empoigna le bas de son pantalon, puis fixa son regard sur sa cible, en silence. Non, elle ne parla pas. Il n'y avait que ses yeux qui criaient. Ils criaient quelque chose de stupide. Tu as fais mal à mon écharpe.