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 Take that knife and jab me in the neck with it ▬ néron.

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Invité
Sujet: Take that knife and jab me in the neck with it ▬ néron. Take that knife and jab me in the neck with it ▬ néron. EmptyMer 20 Juil - 4:21


Stop checking for monsters under your bed,
just realize they're inside you.

Spoiler:


Take that knife and jab me in the neck with it ▬ néron. 5872370801_413f1bd314_z_large

L'invité silencieux
qui s'est installé chez moi ;
chaque jour plus vicieux,
chaque jour un peu plus bas.

Il y avait du sang partout. Partout dans ses veines, partout dans sa bouche, partout dans sa gorge, partout dans ses poumons, partout dans ses yeux, partout dans sa tête. Du sang partout. Partout.

Il y a du sang partout dans sa tête, ou dans la tienne, peut être bien les deux, à force tu ne sais plus trop. Il n'y a d'ailleurs plus grand-chose que tu es certain de connaître, presque plus rien dont la réalité t'est assurée. A part lui, bien sûr. Lui, tu sais qu'il est là, qu'il est toujours là, comme une ombre à chacun de tes pas, comme ton ombre. Pendu à tes basques tel la corde qui ceindra bientôt ton cou. Lui ne t'abandonnera pas, oh non, il sera toujours là pour veiller à ce que tu t'enfonces chaque jour un peu plus, pour admirer le chef d'œuvre qu'est ta noyade dans ces eaux acides ; son chef d'œuvre, évidemment. Il est là, insolemment installé sur son trône fantôme, à contempler ton ascension et se délecter de ta chute, à redéfinir cette sotte grandeur et sa chère décadence rien que pour en faire ton empire, pour te couronner despote des fous, tyran des damnés. Alors, non, quoi qu'il arrive il ne te laissera pas, il ne lâchera jamais ta main, et pèsera dessus de tout son poids de chimère macabre pour t'entraîner au fond des abysses. Tu ne pourras jamais lui échapper, fais-toi une raison. En supposant que tu en es encore une.
Ce qui n'est malheureusement pas le cas.

Il y a du sang partout dans vos têtes mais ça ne lui suffit pas, ça ne lui suffit plus. Il en veut plus, il veut en voir recouvrir tes mains, il veut te voir l'étaler sur les murs, il veut te regarder le faire gicler à la face puante du monde. Il veut du rouge pour supplanter le vert qui t'obnubile, du carmin hémoglobine pour se mêler au poison absinthe qu'il distille dans ton esprit détraqué, dans ton âme dévastée. Ton âme ? Mais tu n'as plus d'âme. Il ne te l'a pas volée, c'est bien trop commun, bien trop rudimentaire à son goût — le Diable a toujours eu des méthodes primitives, terriblement efficaces mais ridiculement primitives, très peu pour lui. Non, il te l'a arrachée puis recousue à l'envers, l'a déchiquetée pour ensuite la raccommoder à sa guise, anarchiquement, l'a lentement déchirée en se délectant des fêlures qui froissèrent alors ton être. Mais il ne s'est pas arrêté là, ç'aurait été mal le connaître, ç'aurait été s'avouer crédule que de le croire capable de si peu, capable d'une indulgence qu'il ne daignait posséder, ç'aurait le prendre pour ce qu'il n'était pas, pour quelqu'un qu'il ne serait jamais. Alors il avait continué dans l'impalpable ; après l'âme, l'esprit.

Il s'y était immiscé à la manière des serpents, froidement et sournoisement, sans que tu ne devines encore rien, juste un frôlement là-haut à l'intérieur, juste un courant d'air et des portes inexistantes qui claquent. Et il a investi le labyrinthe glacé avec la même application vicieuse, a glissé le long des parois immenses sa lame enduite de poison pour mieux en effondrer ça et là tandis qu'il ouvrait grand les culs-de-sacs, a chamboulé quelques orientations primordiales pour le simple plaisir. Elle n'était pas très solide ta forteresse, tu sais, il aurait eu tôt fait de la changer en ruines, elle et ses méandres — tes méandres — qu'il avait appris par cœur, s'il l'avait voulu. Pour sûr qu'il le voulait, qu'il le veut, seulement il préfère te laisser saper seul tes propres fondations, c'est tellement plus réjouissant. Oh il a bien fragilisé un ou deux murs porteurs, cogné ici et là-bas jusqu'à dessiner un charmant réseau de fissures divinement affolantes mais rien de plus, il tenait à faire dans la sobriété cette fois-ci. Comme les prémices, juste un avant-goût. Après ça, il s'était contenté de dédaigner la recherche d'une quelconque logique — il savait très bien qu'elle s'était évanouie d'elle-même, fanée, il y a bien longtemps de cela — pour aller s'enfoncer dans quelques recoins plus tortueux que les autres jusqu'à dénicher cet architecte raté que tu appelais curieusement raison. Il a esquissé une courbette ironique qui n'a fait qu'étaler le rictus bien connu qu'il arborait et s'est avancé. Sais-tu ce qu'il en a fait, de ta raison ? Sais-tu ce qui s'est passé ensuite ? Tu devrais. Tu devrais te souvenir de l'avoir senti — ou vu peut être, qu'en sais-je ? — taillader ta raison encore et encore, carcasse aux membres amputés, aux flancs déchiquetés, si atrocement égorgée qu'on aurait sans doute préféré qu'elle soit seulement décapitée, agonisante éventrée, évidée comme une stupide volaille, sans la moindre parcelle de peau intacte, sans le moindre petit fragment d'os qui ne soit pas réduit en poussière. Et lui debout en pleine tempête, plongé jusqu'aux genoux dans ce marais sanglant, lui ravi, presque serein, lui et sa saloperie de lame immaculée, lui et son putain de sourire extasié. Lui qui riait à s'en briser la voix, à s'en brûler la gorge, qui continuait de piétiner allègrement ta psyché en deuil sans toutefois la tuer ni même la blesser à mort, tu le ferais toi-même bien assez tôt. Et puis il est revenu à tes côtés, du sang plein la tête. Plein la tienne aussi.


    « Tu es d'un ennui, c'est pathétique. »

Ou l'inverse, et l'inverse, c'est un peu pareil au fond.
Tout est tellement binaire avec toi, c'est lassant. Le rythme qui balance ta chaise est lassant, ton équilibre faussement précaire est lassant, ton mutisme apathique est lassant, ta routine médicale est lassante, même ta psychose est lassante, anesthésiée comme elle l'est. Alors lui il fait flamber le métronome, lui déblatère les pires blasphèmes — comme pour s'assurer que le diable vous entende avanceront les ignorants, s'il y a bien quelqu'un qui a la ligne directe du Malin c'est bien lui —, lui dévaste tout autour de toi à coups de poings, à coups de crocs, lui fait sauter les entraves et fondre les fers, attise l'incendie glacé et réserve ta place au cimetière. Il brouille le binaire, instaure une interférence dans le rythme. Clac, le clapet se renverse en arrière et la flamme monte. La chaise oscille toujours, frôle le sol par deux fois, immuable. Clac, la danseuse flamboyante s'efface, de nouveau captive. Ne reste que son éternel rictus et le grondement sourd de l'orage à venir qui plane au dessus de vos crânes fracassés.

Fredonnement entrecoupé de jeux de flammes, sa voix résonne entre les murs, sa voix résonne dans ta tête, sa voix résonne à droite, ou bien à gauche, tu n'arrives pas à savoir. C'est parce qu'il est partout. Il est adossé contre ce mur là-bas, regarde. Il est ici devant toi à presque coller sa flamme à tes rétines. Et puis enfoncé dans ce fauteuil délabré à reprendre plus haut. Et juste derrière toi, échine contre échine, à soudain éclater de rire à te voir ainsi tenter de suivre ses déplacements fantomatiques. Il est partout et nulle part à la fois, il s'efface selon son bon vouloir, toujours en traître, jamais vraiment. Et le retour n'en est que plus brutal. Et là devant le miroir presque aussi fêlé que toi, est-ce que tu le vois ? Accroché aux parois froides et blanches de l'évier comme à la dernière rambarde de sécurité avant l'ultime saut de l'ange — quel nom mal choisi, vraiment, le vieux barbu interdit le paradis aux suicidaires —, dis-moi, est-ce que tu le vois ? Il n'a pas de reflet, il n'y a que ton image que la glace renvoie, les autres te le diraient, mais toi tu le vois quand même. Toi tu le vois toujours, tu le vois tout le temps, pour un peu tu ne verrais que lui. Que ce vert, que cette odeur de sang, que ce rire, que- Un nouveau plissement de lèvres sournois derrière ton épaule, et le miroir explose.

    « C'est ça que tu cherches ? Il secoue la boîte de plastique blanc qu'il tient, aucun bruit. Vide. Le fourbe se mue en vicieux. Ce n'est pas comme si elles avaient un quelconque effet sur mes allées et venues de toute façon. Elles ne servent qu'à te réduire au même niveau que tous ces bons à riens, tes foutues pilules. »

Tu lui arraches le flacon des mains — à moins qu'il n'était dans les tiennes depuis le départ ? —, et voilà que l'ampoule solitaire qui pendait au plafond éclate elle aussi. Il ne fait pas vraiment sombre, juste un peu plus noir. Tout juste pour que vos contours se troublent et le décor s'étiole, mais pas encore assez pour vos silhouettes se confondent dans l'obscurité-mère. La nuit n'est pas encore là, tu ne te souviens pas pourquoi tu avais allumé, tu ne te souviens pas l'avoir fait. Le claquement familier du briquet retentit, un froissement métallique et l'ardente rousse vient dessiner des ombres tremblantes sur le sourire-étendard. Un battement de paupières, trop lent, il est toujours là, il n'a pas bougé.

    « Finalement ça te plaît d'être redevenu un de ces insectes incapables, une larve inapte à tout acte de destruction. Il a un silence scrutateur, comme une énième incursion dans ta tête, un énième plongeon dans ta âme. Affligeant. »

Le rictus est toujours là, moins marqué mais plus tranchant, ça ne colle pas. La flamme est toujours là elle aussi mais elle s'éclipse, s'envole, elle s'écrase par terre et rampe au sol, s'abreuve d'un combustible que tu avais ignoré jusque là, trace des sillons aveuglants autour de toi, autour de lui, et sur les murs, le long des rideaux. L'incendie n'attend pas, il y a déjà des flammes partout.

Il y a des flammes partout. Partout sous son regard, partout sous ses pieds, partout dans ses veines, partout dans sa tête, partout dans ses yeux. Des flammes partout, partout sauf sur eux. Sauf sur lui.
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