Chacun d’entre nous rêve d’une vie comme dans certains films où il y a un anti-héros qui a quand même une super histoire malgré ses problèmes personnels comme sa famille, les relations avec les personnes extérieures… Ou alors le stéréotype de la personne parfaite qui un jour voit passer une étoile filante, fait un vœu et comme par hasard son vœu se réalise mais pas comme elle le voulait. Mais finalement cette personne arrive à trouver une échappatoire et tout rentre dans l’ordre. Bref, une vie enviable parce que tout se termine bien, que tout se passe comme prévu depuis le début du film et que ça y est, tout le monde est heureux. C’est vrai, ça donne envie que tout se passe comme nous l’avons prévu depuis le début. C’est comme dans tous ces livres à l’eau de rose ou fantastiques qui mettent en scène des personnes que tout oppose, comme la classe sociale par conséquent le mode de vie et donc la façon de penser, mais qui tombent malgré tout amoureuses après une rencontre totalement hasardeuse parce que les manières de l’un font sourire l’autre et que c’est plus qu’agréable. Enfin toutes ces histoires où les héros nous jettent leur bonheur et leur perfection à la figure tandis que nous, dans notre réalité nous n’avons aucun rebondissement aussi excitant et qu’après après avoir fini ces histoires tout nous paraît monotone et sans aucun goût. Alors que se passerait-il s’il n’y avait plus cette barrière entre la fiction et la réalité ?
I don't think you trust,
In, my, self righteous suicide,
I, cry, when angels deserve to die
" Étain ! Tu vas avoir seize ans. Vis un peu ! Dis le à ta mère que tu as besoin de vivre. Jusqu'à tes vingt-cinq ans tu vas vivre la meilleure période de ta vie. Il faut que Marie lâche un peu la bride. Regarde-toi, tu es une jeune fille magnifique, intérieurement et extérieurement. Je ne le dis pas à tout le monde ma chérie, ne gâche pas ça en vivant enfermée comme ça. Tu te crée un monde qui va te détruire, tout ça à cause de ta mère et ta grand-mère Hélène. Marie est une de mes meilleures amies mais là elle exagère, il faut que tu te libères. Sérieusement, elle te laisse porter une robe avec des licornes zombies et des morts vivants qui mangent des cervelles mais tu n'as pas le droit de mettre le nez dehors toute seule. C'est incompréhensible.
- Je sais Sylvie. Crois moi, je m'en rends bien compte que je me détruis. Mais comment veux-tu que je fasse ?
- Je ne sais pas... Débrouille-toi pour partir d'Aix le plus rapidement. On est au mois d'août, tu rentres en première cette année. Plus que deux petites années à tenir et vole ensuite de tes propres ailes.
- T'inquiète pas c'était ce que je... Désolée je viens de recevoir un texto.
- A onze heures du soir qui peut bien t'en envoyer hein ?
- Je ne sais pas... Je vais voir. En tous cas merci Sylvie. J'arrête de t'embêter. Je te laisse retourner avec maman et les autres.
- T'inquiète pas ma chérie, je serai toujours là et tu ne me déranges pas. "
Sylvie se redirigea vers le restaurant après avoir écrasé sa cigarette, rejoignant ma marraine en l'enlaçant tendrement dans ses bras et reprenant la discussion avec ma mère et son actuel copain. Je sortis mon portable de la poche de ma robe et ouvrait le message d'un numéro qui ne figurait pas dans mes contacts.
"Coucou toi. On s'est eu au téléphone tout à l'heure, je t'avais appelée pour te passer Jérémy. Je tenais à m'excuser de ne pas t'avoir répondu tout de suite après que tu aies décroché, mais je reconnais que j'étais légèrement intimidé. Jérémy m'a beaucoup parlé de toi, et j'ai déjà l'impression de te connaître, mais je me demande ce que tu as de si spécial pour qu'il ait envie de partir de Lyon venir te voir à Aix. Aurais-je l'honneur de pouvoir discuter avec toi et voir par moi même en quoi tu es si géniale ?"Je restai plantée dehors, les gens mes dévisageaient, se demandant surement pourquoi je ne bougeais pas, ou alors ils avaient juste peur à cause de ma robe. Jérémy était un garçon que j'avais connu un plus tôt dans un centre aéré. Il avait environ trois ans de plus que moi et je m'étais bien entendue avec lui. On avait échangé nos mails mais nous n'avons repris le contact seulement au mois de juin. Je me plaignais avec lui, je lui racontais toute ma vie, toutes mes peines, toutes mes joies. Il était devenu mon confident, et je pense que je lui parlais ainsi simplement grâce au fait que nous n'habitions pas dans la même ville. En fait il était une sorte de journal intime vivant. Je me décidai enfin à répondre à l'expéditeur du message.
"Eh bien moi non plus je ne vois pas ce que je peux avoir de si "spécial" comme tu le dis si bien. Ce qui m'intrigue c'est que Jérémy t'ait parlé de moi. Qu'est-ce qu'il t'a dit sur moi ?"
"T'appeler serait plus simple non ?"
"Je pense"Il s'appelait Alexandre et Jérémy lui avait répété tout ce que je lui avais confié, sans aucune exception. Même mes secrets les plus intimes que j'avais besoin de confier à quelqu'un de confiance comme le fait que mon ex petit ami n'avait voulu qu'une chose de moi, que je perde ma virginité avec lui, qu'il m'avait trompée et que le divorce de mes parents restera à jamais un de mes traumatismes d'enfance dont je n'arriverai pas à me défaire. J'en voulais à Jérémy, mais étrangement je le remerciais un peu parce qu'il m'avait dispensée de quelconque explication avec Alexandre. Nous avons passé une nuit blanche à discuter et plus les heures au téléphone passaient, plus je me sentais attirée par cet inconnu.
" Dis moi Etain, tu as facebook ? Histoire de voir à quoi tu ressembles...
- Cherche moi dans les amis de Jérémy. Je ne crois pas qu'il y ait trente six mille Etain Némésis Frischmann...
- Certes. Alors laisse moi jeter un coup d'œil. Ah voilà ! Je t'ai ajoutée !
- Et moi je t'ai accepté
- Je vois ça. Ah mais je comprends un peu mieux pourquoi Jérémy tient tant à te revoir !
- Comment ça ?
- A ce que je vois tu aimes beaucoup la musique, le métal en particulier. Et ça ne court pas les rues les filles comme toi, surtout les filles aussi belles et gentilles que toi.
- Dis pas de conneries.
- Ah mais je suis sincère ma petite ! Tu es vraiment belle et regarde, si tu n'étais pas aussi gentille, jamais tu n'aurais accepté de me parler. Je me trompe ? Ce que je ne saisis pas c'est pourquoi on t'as donné ces deux noms Etain et Némésis... Un nom de métal et le nom de la déesse de la vengeance je ne trouve pas que ce soit une belle harmonie, surtout que tu n'as rien de violent.
- Eh bien mon cher Alexandre je vais t'apprendre plusieurs choses sur mon prénom et ensuite je vais te laisser, le jour s'est levé, il faudrait que j'aille me préparer parce que je vais partir pour la Corse. Première chose : ici mon nom Etain n'est pas celui du métal, mais celui d'une déesse celte, dont le prénom signifie poésie et qui était la plus belle et la plus gentille fille d'Irlande. Si tu te renseignes, tu pourras constater qu'elle a pas vraiment de chance. Ma mère est passionnée par la mythologie. Donc voilà d'un certain côté quand tu associes mes deux prénoms, tu vois poésie et vengeance. Ma mère voulait que je sois forte tout en étant gracieuse ou quelque chose comme ça.
- Eh bien au moins Etain, ça te va parfaitement bien parce que tu es gentille et belle.
- Mouais... Bon je te laisse, ça a été cool de faire ta connaissance. A la prochaine !
- A la prochaine petite déesse, bisous. "
And the clouds above move closer
Looking so dissatisfied
But the heartless wind kept blowing, blowing
I used to be my own protection, but not now
Cause my path has lost direction, somehow
A black wind took you away, from sight
And now the darkness over day, that night
Pour une nuit de janvier il ne faisait pas si froid que ça. Par contre le quartier était toujours aussi mal éclairé. Je me posais cette question sans cesse : " mais qu'est-ce que tu fais là ? " avec les paroles de mon père qui raisonnaient " si tu veux partir, fais le, je te retiendrai pas ". Je regardais le ciel, le visage baigné de larmes. Pourquoi les lumières gâchaient-elles toujours celle des étoiles... C'est pourtant plus joli les étoiles après tout. Une petite brise soufflait et bizarrement l'air n'était pas glacé mais par réflexe je tirais sur les pans de ma veste Nirvana. Je marchais, sans trop savoir où j'allais, en tentant de me changer les idées. Les rues étaient désertes. En mettant mes main dans mes poches, je senti mon mp3, mon fidèle ami. Les premières notes de guitares saturées du métal commencèrent à m'apaiser, ce qui me fit esquisser un petit sourire. Je me retrouvai devant un banc, sur la place principale. C'était étrange de la voir sans vie la nuit alors que pendant la journée, les gens vont et viennent, marchant rapidement parce qu'ils sont en retard ou se baladant avec leurs enfants ou leur compagnon, avec un sourire béat. A cette pensée, le mien s'effaça, laissant place à un nouveau sanglot, sans retenir mes cris qui donnaient l'impression de déchirer ce silence. Mais pourquoi... Pourquoi je me laissais aller comme cela à ma peine ? Je me roulai en boule, la tête dans mes genoux, tentant d'étouffer mes hoquets hystériques. J'avais beau me raisonner, rien n'y faisait, les larmes coulaient malgré moi, comme si je n'étais plus maîtresse de mon corps. Le mal de crâne commençait à s'installer quand j'entendis une voix.
" Ça te gêne si je m'installe à côté de toi ? "
Je relevai la tête et entre deux sanglots, je lui répondis un petit non en me redressant. Le propriétaire de cette voix était un garçon d'environ vingt ans. Il y avait des centaines de bancs. Pourquoi il a décidé de se mettre à coté de moi.
" Je m'appelle Mark et toi ? "
Tiens... Pourquoi il m'adressait la parole ? J'essayais de me calmer pour lui répondre mais à chaque fois que je voulais faire sortir un son de ma bouche, un hoquet de sanglot venait remplacer la fin de ma phrase. Au bout d'une centaine de tentatives avec des " Et... E... Et... " je réussi par lâcher dans un souffle agacé " Étain ".
" Comme la déesse. C'est beau.
- Comment tu le sais ?
- J'aime bien la mythologie. Tu fais quoi dehors à cette heure-ci dans un état pareil ?
- J'essaye juste d'oublier ma vie.
- Comment ça ?
- J'ai pas vraiment envie d'en parler. Puis c'est une longue histoire. "
Je baissai les yeux, me concentrant sur mes chaussures pour ne pas pleurer. C'était si stupide de ma part de ma laisser aller ainsi. Mais c'était plus fort que moi.
" Je crois qu'à cette heure-ci, dit Mark avec un rapide coup d'œil ver le ciel noir, le temps n'est pas un problème petite déesse.
- Pourquoi tu me parles comme ça ? On se connaît même pas.
- Je n'ai pas le droit d'être gentil avec une inconnue dans la peine ?
- Si mais c'est étrange. Ma famille elle-même n'est pas sympa avec moi donc pourquoi tu le serais avec moi ? Ça n'a pas de sens.
- Allez petite déesse, sèche tes larmes et raconte-moi ce qu'il se passe. "
Je scrutais son visage. Il semblait si paisible que ça pouvait presque me donner envie. Il avait des yeux perçants, dont on pouvait avoir du mal à détacher son regard. Il était beau, mais c'en était presque effrayant. Un visage sans aucun défaut, tout droit sorti d'un livre ou un tableau. Un sourire enjôleur et une musculature ni trop imposante ni inexistante. Un jeune homme peint au pinceau se tenait en face de moi. Un garçon parfaitement beau, qui devait avoir des amis surement comme lui, se tenait sur un banc avec moi, au lieu de les rejoindre. C'était tout droit sorti d'un rêve.
" Tu es sûr que tu veux m'entendre me plaindre ?
- Si jamais je t'arrêterai non ? Ne t'inquiète pas ma belle, vide ton sac.
- Je ne sais pas par quoi commencer. Il y a tellement de choses.
- Déjà explique-moi pourquoi tu es là, toute seule à ton âge dans un état pareil.
- Oh ça ? C'est simplement à cause de mon père. J'ai eu droit à un magnifique " si t'es pas contente tu n'as qu'à aller ailleurs, j'te retiens pas ". Je m'étais un peu disputée avec ma belle mère à propos de ma chambre, qu'elle monopolisait jusqu'à une heure du matin. Il a préféré prendre sa défense à la place de la mienne. Alors quand tout le monde s'est couché, je me suis habillée, je suis partie en silence et je me suis retrouvée sur ce banc. J'avais besoin de pleurer et me vider l'esprit. Puis tu as débarqué et je me retrouve à te raconter ma vie.
- Toi et ta belle-mère c'est pas la joie hein ? Tu sais, ce n'est pas important, il ne faut pas que tu prennes ça en compte. Le plus important c'est que tu vives par toi même. Arrête de faire passer ton bonheur par celui des autres. Arrête de croire qu'en te démenant pour rendre heureux quelqu'un, tu iras mieux. Faut que tu te libères, y aura des moments où les autres ne seront pas heureux. Tu crois que tu vas rester dans cet état toute a vie ? Vis pour toi.
- Attends une seconde... Comment tu sais que je suis comme ça ?
- Une simple intuition. Promets-moi d'être heureuse petite déesse. T'es une fille bien Étain. Arrête un peu tes conneries. Réalises ton rêve. Les autres sont moins importants que toi. Je dois te laisser. Promets-moi d'être heureuse et vraiment heureuse. Pas faire semblant ! Je le saurai de toutes manières si tu fais semblant ou pas.
- Comment ça... ? "
À peine la question posée, je me réveillai en sursaut.
Je regardai, l'esprit encore un peu dans les vapes à cause de mon rêve, mon réveil. Huit heures moins le quart. Je laissai échapper un juron avant de m'éjecter de mon lit et courir dans le cuisine pour avaler à la vitesse éclaire un biscuit au chocolat et un verre de jus d'orange. Je retournai dans ma chambre, tout en enlevant mon pyjama sur le chemin, enfilai les premiers vêtements qui me tombaient sous la main et me maquillai le plus rapidement possible. J'avais battu des records : il était huit heures moins cinq. Une fois sortie de ma chambre, mon manteau au bras et mes affaires de classe et du week-end dans un sac. Je me dirigeais vers la porte d'entrée quand j'entendis mon père :
" Bonjour Etain !
- Depuis quand t'es réveillé toi ?
- Oh une ou deux heures.
- Bordel tu pouvais pas me réveiller ?!! dis-je en ouvrant la porte
- Me parle pas comme ça !!
- Quoi t'es réveillé depuis une ou deux heures, tu sais que je rentre dans une demie heure, je suis à la bourre, faut que je dépose mes vêtements chez maman, j'ai un contrôle d'éco en première heure et je dois pas te parler comme ça ?! Tu déconnes j'espère ! Passe une bonne semaine et à la prochaine ! Tu fais chier papa ! Tu fais chier !"
Une fois arrivée au lycée, quelque peu exaspérée, je commençais à me dire que quelque soit l'endroit, je ne serai jamais vraiment tranquille. Du
Heaven Shall Burn à fond dans les oreilles, je passais en courant devant les élèves de mon lycée qui devaient encore une fois me dévisager en se moquant de moi. Je ne les entendais pas, mais je pouvais savoir parfaitement ce qu'ils se disaient, puisque ce sont des choses qu'ils répètent, comme si le sujet "Etain" ne s'épuisait jamais. "Regardez la avec ses chaussures vernies noires, pfff pathétique." ou "Pourquoi elle s'habille tout le temps en noir, elle est moche, elle se croit importante et nous regarde de haut, mais elle est vraiment conne" (ceci dit, je n'ai jamais vraiment le sens de cette phrase, étant donné qu'il n'y a aucun rapport entre la couleur des vêtements et la façon de regarder les gens, mais passons...) et encore mieux "je suis sûr(e) qu'elle se scarifie, c'est une sale gothique, avec son maquillage de merde, son corset de merde, ses vestes de groupes trop ringardes...". Que d'amour ! Bande de sales cons !
J'entrai dans ma salle de cours et jetai mon sac sur la table pour m'assoir et essayer de continuer un peu ma nuit, quand Soren, le seul élève du lycée avec qui je m'entends bien, vint s'installer à côté de moi.
" Arrête d'écouter de la musique aussi fort, tu vas te rendre sourde Etain.
- Bah tant mieux, j'aurai plus à supporter les salopperies des autres.
- Fais pas attention à eux, ils se rendent pas compte de ce qu'ils perdent. Puis, ils ne sont pas important, et regarde tu as Alex, ok il habite loin, mais il t'aime et toi aussi non ? Vous vous revoyez bientôt, c'est ça qui est important.
- Soren, tu sais très bien que le fait que Alex soit là ou non, ça ne changera rien. Bien-sûr je serai bien mais pas complètement, j'en peux plus d'eux. Puis regarde l'autre con d'Arsène. Déjà qu'on ne m'aimait pas vraiment, mais quand j'ai dit qu'il n'a rien fait pour le travail qu'on avait à faire tous les deux, il a aggravé mon cas. C'est un vrai petit enculé ce type. Il porte bien son nom, et encore... Arsène Lupin était au moins un gentleman.
- Haha ma petite Etain, tu arrives toujours à me faire rire, même quand tu vas mal. C'est vraiment un don chez toi ! T'as passé un bon week-end sinon ?
- Non, mais j'ai pas vraiment envie d'en parler. Et toi ?
- On va dire oui. Juste pas assez dormi cette nuit mais ça roule. Bon ça sonne, j'suis désolé de pas pouvoir être à côté toi, j'aurais essayé de te remonter le moral. A tout à l'heure petite déesse !"
Le contrôle d'économie fut... Comment dire ? Désastreux. Je ne me souvenais plus de rien et je n'arrivais pas à me concentrer. Les questions parlaient de mesure budgétaire keynesienne et libérale... Je ne comprenais même plus le sens de la phrase. Je baillais sans arrêt, je n'avais pas assez dormi la veille, j'avais besoin de fermer les yeux, ne serait-ce qu'une seconde pour me reposer. Je n'arrêtais pas de penser à Alex. J'avais besoin d'être avec lui. C'était seulement grâce à lui que j'arrivais à tenir dans mon lycée, chacun de ses mots de réconfort, chacune de ses paroles chaleureuses arrivaient à me faire aller de l'avant et m'apprenaient à faire la part des choses... Je ne regrettais pas une seconde d'avoir fait sa connaissance grâce à Jérémy. Un jour on a finalement décidé de se voir, c'est à ce moment là qu'il m'a avoué qu'il m'aimait en me serrant dans ses bras. L'un de mes souvenirs les plus doux et les plus agréables.
Plantée devant ma feuille blanche de l'interro, j'avais quand même un large sourire. Les autres devaient me prendre pour une illuminée.
"Mademoiselle Frischmann, voir un sourire sur votre visage pendant mon interrogation, me fait plaisir. Maintenant, si vous le voulez bien, répondez aux questions, cela me ferait encore plus plaisir. Vous avez encore le temps, il vous reste cinq petites minutes"
Je foudroyai du regard mon professeur. Je ne supportais pas son humour de mauvais goût et son manque de compassion. A croire que personne à part Soren était capable de voir que j'étais humaine dans ce lycée. Je sortis de mon sac mon mp3, une lueur de défi dans mon regard destiné au professeur et m'affalai sur la table, la tête dans les bras et les yeux fermés, accompagnée de
Anywhere de Evanescence. Je n'avais besoin de rien d'autre en ce moment à part, peut-être, les bras d'Alex. Je sentis d'ailleurs dans la poche de ma jupe mon portable vibrer. Un texto d'Alex :
Mon étoile, j'espère que tu as bien dormi. Je viens de voir que dans moins d'une semaine nous sommes à nouveau ensemble. J'ai hâte. N'oublie pas ce que je t'ai dit, ceux de ton lycée sont des idiots qui sont incapables de voir que tu es une fille exceptionnelle. Je t'aime mon cœur et passe une bonne journée. On s'appelle ce soir.Le professeur d'économie céda sa place à celle de français. Je pensais que j'allais pouvoir enfin me sentir bien pendant un cours, mais celui-ci était encore plus barbant que d'habitude. Je n'en pouvais plus de parler de Candide qui courait après sa Cunégonde qui n'est en fait qu'une sale hypocrite qui pense qu'à l'argent et qui est plus présentée comme un gros gâteau qu'une femme. La connerie du héros tout au long du conte me donnait envie de jeter le livre à travers la salle de classe. Le temps commençait à devenir long quand la sonnerie de la pause sonna enfin. L'un des débiles de ma classe m'appela, de manière très affectueuse et en me balançant gentiment un stylo à la figure :
" Eh sale merde !
- Va brûler sac à merde.
- Pourquoi tu t'habilles comme une sorcière ?
- Hum je ne sais pas... Dis je vais pas tarder à faire un rituel où je vais sacrifier un bœuf vivant, tu veux pas venir ? Parce qu'un bœuf ça coûte cher et toi tu t'en rapproches.
- Sale merde !
- Bah alors, t'as été bercé trop près du mur ou quoi, que tu répètes toujours la même chose ?
- Espèce de balance !
- Voilà on progresse ! Allez tu vas y arriver ! Je suis sûre que si tu te concentres fort fort tu vas réussir à dire autre.
- Casse-toi.
- Ton sens de la répartie est le parfait exemple de la stéatopygie de ton humour.
- Hein ?
- Pauv'type
- Sale pute.
- Han non arrête c'est trop de gentillesse pour moi ! Vraiment ! Bon allez petzouille, j'te laisse tout seul avec ta connerie"
Nos convenances ont établi que nous avons pour devoir d’être heureux.
Nous combattons de toutes nos forces pour simplement sembler l’être,
parfois jusqu’aux soutiens psychotropes qui n’ont pour unique conclusion
que de devenir une autre addiction,
que de devenir une autre affliction.
Cher Alex,
Qui aurait-cru que cette lettre te serait destinée à toi ? Surtout son contenu ? Je ne m'attendais pas à réécrire de si tôt. La psy qui m'a suivie pendant plus d'un an lors de ma dépression des deux dernières années, a dit que quand c'était comme ça, je devais écrire, que ce soit une lettre ou un texte aussi banal que... Que... Bah les conneries que je sors toutes les cinq minutes quand je suis avec toi. Enfin bref...
Cette lettre n'est pas très facile à écrire et je pense que je vais tourner un petit moment autour du pot avant de te dire ce qui me pèse sur le coeur. Elle va être difficile pour toi à lire. Alors je t'en supplie assieds-toi et prépare toi quelques shots de vodka pure histoire de digéré ce que tu vas lire.Ma mère vient de mourir. Je ne connais pas vraiment la date exacte, j'ai perdu la notion du temps, c'était peut-être la semaine dernière, ou bien hier. Je ne sais plus. Bref. Mon père refuse de s'occuper de moi, c'est pour cela qu'il m'a donné son accord pour m'émanciper. Je suis vraiment toute seule, et toi à Lyon pour tes études, ça ne me facilite pas les choses, et je ne veux pas être un fardeau pour toi, tu as subi assez de choses difficiles, tu n'as pas besoin d'une merdeuse de dix-sept ans à peine, et te parents n'apprécieraient pas que que je m'installe avec toi. Je le comprends.
Quelqu'un est venu me chercher, je ne sais plus quand. Pour les obsèques de maman je crois. Il m'a proposé de venir dans son orphelinat, une sorte d'institut où il y aura des gens comme moi. Je crois que je vais le suivre. Ça soulagera tout le monde... Alors je te rédiges mes dernières lignes avant de partir. Je ne te fuis pas, loin de là. Mais je ne veux pas que tu culpabilises.
Je me replonge dans les souvenirs que j'ai eu avec toi durant cette année que nous avons eue en commun... Je pense que ce qui me transporte le plus c'est Is This Love de Bob Marley. Combien de fois tu as pu me la faire écouter pour me faire comprendre que tu m'aimais avant que nous ne soyions ensemble... C'est stupide, mais je suis en train de pleurer, alors excuse de faire dégouliner l'encre sur la feuille. Je pense qu'il vaut mieux qu'on évite de se revoir avant mon départ, j'ai beaucoup trop peur de ne plus être capable de partir quand tu me parleras, mes sentiments étant assez importants. Tu sais comment je suis en plus. Un vrai coeur d'artichaut !
J'ai peur de te faire un roman, avec des incohérences, mais je ne peux pas m'empêcher de t'écrire. Comme si je voulais que tu gardes un souvenir de moi lus longtemps. Je ne sais pas si nous nous reverrons. Alors je ne te demanderai pas de m'attendre. S'il te plaît refais ta vie mon amour. Rencontre une fille qui sera capable de te combler, mieux que je n'ai pu le faire. Parce qu'après tout, je n'ai pas été une petite amie modèle quand j'étais avec toi. Je sortais de ma dépression, je ne pensais qu'à moi et pas à toi comme j'aurais du le faire. Je ne te parlais que de mes problèmes personnels. Tu en avais pourtant, toi aussi, tu m'en parlais bien sûr, mais je n'arrivais pas vraiment à te consoler. Je te faisais rire, comme une parfaite idiote incapable.
Je te le répète, je ne fuis pas. Je pense que de toutes manières je n'aurais jamais du exister, tout simplement. Ou alors j'aurai du mourir à la place de ma mère, un peu de ménage sur cette planète des fois ça ne fait pas de mal. Je sers vraiment à rien. C'est pour ça que je traîne ma carcasse de maniaco-dépressive jusqu'à cet orphelinat. Je sais pas si je me ferai des amis mas au moins ce sera mieux qu'ici. Jusque là, ce qui m'a empêcher de faire une connerie, c'est toi. Une connerie, oui tu sais très bien ce que je veux dire par là. Ce qui m'emmerdait, c'était que si je mourais, toi, je voulais pas que tu meurs avec moi, comme tu me l'avais promis. De toutes manières je me demandais aussi comment tu aurais été au courant de ma mort.
Je me rends compte que faire semblant, c'est facile tu sais. Mais au bout d'un moment ça fatigue vraiment. J'ai vraiment fait semblant d'aller beaucoup mieux après ma dépression, mais ce n'est pas le cas. Oh ne t'inquiète pas, tu m'as rendue heureuse, et c n'est pas toi le problème, mais bien moi et ma stupide manie de me complaire dans un état de tristesse, presque grisant. Enfin bon... Excuse moi. Excuse moi aussi, parce qu'à cause de moi, tu as abandonné l'armée de l'air, en ayant des projets des projets d'avenir pour nous deux. C'est injuste, désolée.
Oh je t'en supplie, ne pleure pas, hais moi même. Fais tout ce que tu veux, mais pitié, oublie moi. Enfin tu m'as comprise.
Alors je te dis adieu.
Étain, ton étoile.
Regarde maman comme je joue bien à la poupée,
Je vais la coiffer, la maquiller
Et la montrer à ces messieurs
Aux sourires baveux
Un fois le stylo bouché et un bon litre de larmes écoulées, je mis la lettre dans une enveloppe et sortis la poster.
En rentrant, je fus saisie par le vide et le silence dans l'appartement. Ma mère avait toujours pour habitude de courir dans tous les sens, un coup elle courait pour chercher son téléphone, un coup elle se baladait en sous-vêtements pour trouver la tenue qu'elle voulait dans les cinq placards éparpillés dans l'appartement, ou alors elle faisait le ménage en me criant de ranger ma chambre. Elle était peut-être fatigante des fois, mais je me rendis compte qu'elle me manquait atrocement. Mon téléphone sonna, ce qui me fit sursauter. C'était Alex, je décidai de laisser mon répondeur faire son boulot. Puis comme si quelqu'un était là, je lâchai "Allez au boulot Etain ! Va faire ta valise".
Je ne sais pas si vous le savez, mais c'est vraiment dur de faire une valise quand quelqu'un vient de mourir et qu'on est vraiment seule... On a les souvenirs qui remontent, qui viennent nous faire caguer. 'Fin bref, de toute manières c'était mieux pour moi.
Mon portable sonna encore, c'était bien évidemment Alex qui devait s'inquiéter, mais je ne pouvais pas lui répondre, j'en avait pas la force. Je laissai encore une fois le répondeur faire son travail. De toute manière j'allais résilier mon abonnement. A quoi ça allait me servir un portable français en Angleterre où la communication sera surtaxée ?
J'effleurais du bout des doigts chacun de mes vêtements que je mettais dans ma valise, mes peluches qui m'ont suivie pendant mon enfance, les petits objets, tous plus kitchs les uns que les autres que j'ai collectionnés, entassés, poussés, dans un coin pour faire de la place. Puis enfin je me suis arrêtée sur le collier qu'Alex m'avait donné. Je laissai échapper un soupire. J'étais seule. Totalement seule, il fallait que je l'oublie, sinon je n'allais jamais pouvoir partir.
Je réservai mes billets d'avion et un taxi et partis m'acheter des vêtements sur lesquels je bavais depuis longtemps, je n'avais pas à m'en priver, plus personne n'allait contrôler ce que je porte et ça me changeait les idées.
Pour la cent cinquantième fois Alex m'appela, les coups de fils se rapprochaient dans les heures qui s'écoulaient. Je décidai de lui répondre, prenant mon courage à deux mains...
"Allô... ?
- Étain ! Étain ! Mon étoile ! Mon dieu j'étais fou d'inquiétude ! Pourquoi tu ne m'as pas répondu ?!
- Eh ben... J'ai eu des choses à faire aujourd'hui et je suis partie faire du shopping après...
- Ah voui ? Tu t'es acheté quoi ? (on pouvait entendre que le fait que je sois allée m'acheter des vêtements le remplissait de joie...)
- Des robes qui me faisaient rêver et que je n'ai pas eu l'occasion d'acheter jusqu'à maintenant...
- Ah ! Et quand est-ce que je pourrai les voir ces robes mon amour ?
- Je... Je ne sais pas (ma voix se brisa)
- Qu'est-ce qu'il se passe Étain ?
- Je t'ai envoyé une lettre... Tu pourras m'appeler une fois que tu l'auras lue s'il te plait ?
- Étain bordel qu'est-ce qu'il se passe ?!
- RÉPONDS MOI !
- ... D'accord Étain je t'appellerai.
- Merci mon amour. Désolée mais je ne peux pas t'en dire plus, je n'en ai pas la force. Je te laisse, appelle moi demain, sans faute. Je t'aime"
Je raccrochai. Mais quelle idiote ! Pourquoi je lui avais dit ça bordel ?! J'étais conne ! Conne conne conne !! Je me donnais des coups de poings sur le crâne, un peu à la manière de Doby de Harry Potter.
"Qu'est-ce que t'as dans la tête connasse ?! Pourquoi tu lui as dit de te rappeler hein ?! POURQUOI ! T'es vraiment un cas désespéré ma pauv'fille ! Tu m'fais pitié tiens ! Faut qu'tu t'arrêtes, t'es vraiment qu'une putain de conne ! Ressaisis toi bordel de merde ou sinon tu vas te vautrer comme une sale merde que t'es ! Allez ! Coupe les ponts ! Coupe les ponts pauvre folle ! Couilles molles va !"
Notez la finesse des mots quand je m'adresse à moi-même.
Le lendemain il m'a finalement appelée. Il n'était pas content. Pas vraiment. Ou alors désappointé. Peut-être triste. Ou simplement déboussolé, incapable de bien s'exprimer...
"Tu es vraiment capable de ça ?
- Alex... Je n'ai pas le choix.
- On a toujours le choix Étain !
- Non Alex ! Non ! La vie n'est pas un pays peuplé de bisounours qui viennent nous faire des câlins baveux et nous donner des friandises ! Ma mère est morte... MORTE !
- Et alors je prendrai soin de toi !
- Avec quel argent ?! Hein ? Avec quoi tu vas t'occuper de moi ?
- Je travaillerai...
- Non il n'en est pas question, tu en as déjà assez avec les études, tu ne travailleras pas.
- Et toi ? Pourquoi tu ne travaillerais pas ?
- Et me retrouver caissière à Mammouth pour me faire reluquer par des mecs et gagner un salaire de misère ?
- Et ton héritage ?
- Ça... C'est pour les cas d'urgence... D'ailleurs je... Je t'en donne un partie.
- Putain Étain t'es illogique !
- Tu préfères que je devienne quelqu'un d'acariâtre, insupportable. Une fille qui a foiré sa vie à cause de son connard de père qui en a rien foutre d'elle et du décès de sa mère qui ne s'est pas préoccupée de savoir ce que sa fille allait devenir après tout ça ?! Tu veux ça hein ?! Tu crois peut-être au mariage ? Au fait qu'un jour on se mariera et qu'on vivra heureux, qu'on aura plein d'enfants ?
- Mais Étain... Tu es... Tu es l'amour de ma vie. Ne pars pas, je t'en supplie.
- Alex... Je t'aime, c'est une certitude, quelque chose qui ne changera jamais, sois en sûr. Et vraiment, j'aurais voulu pouvoir te dire que je vivrai jusqu'à la fin de me vie avec toi, mais pour l'instant, ça m'a l'air mal barré. Parce que j'en ressortirai, bien sûr, mais dans combien de temps ? Et toi ? Tu m'attendrais combien de temps ? Quelques mois, un an, même pas... Tu verras des jolies filles, et tu oublieras vite que j'ai existé, comme chacun le fait à mon sujet. Mais c'est normal !
- Étain... Tu répètes ça, je te jure que je me jette dans ma voiture pour venir te voir et foutre un claque... Tu crois vraiment que je suis capable d'oublier un fille comme toi ? Regarde toi, tu es une fille magnifique, tu es drôle, sensible, intelligente, gentille... Tu crois vraiment que je peux t'oublier ? Ce n'est pas parce que des connards t'ont fait subir ça que je suis comme eux ! Je te promets, je te jure sur ma vie, que jamais, jamais je ne t'oublierai et je t'attendrai, quoi que tu dises, parce que c'est à toi que mon cœur appartient !
- Alex...
- Étain, tu m'aimes ?
- Oui, bien sûr que oui.
- Alors crois moi, je t'attendrai.
- Gâche pas ta vie pour quelqu'un comme moi...
- ÉCOUTE MOI A LA FIN ! Pourquoi tu ne m'écoutes jamais ?! Je t'attendrai c'est clair ?!
- D'accord... D'accord, eh bien attends moi si c'est ce que tu as décidé.
- Je t'aime Étain.
- Je t'aime Alex."
Puis après m'avoir souhaité un bon voyage et qu'il espérait que je serai heureuse là bas, il raccrocha, pour que je finisse par fondre en larmes.