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 I'm playing for you... [PV]

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Sujet: I'm playing for you... [PV] I'm playing for you... [PV] EmptyVen 30 Mai - 22:23


Découvrez Kawai Kenji!


C’était une journée de printemps pluvieuse, les nuages bas assombrissant les couloirs au point que l’on se crut à la fin du jour. Pourtant, on était encore au milieu de l’après-midi à la Wammy’s House. Les couloirs du premier étage étaient bondés de petits êtres surdoués qui sortaient des salles de classe. Le train-train habituel dictait à tous ces enfants de parler si fort que le brouhaha en était douloureux pour bon nombre d’oreilles. Pourtant, on entendait le bruit significatif du bout d’un bois ciré contre le sol. Au milieu des enfants marchait une fillette des plus petites, la tignasse gris-clair et abîmée se détachant des autres chevelure lustrées et brillantes. La petite tenait une canne de sa main droite et s’y appuyait de sa manière souple, serrant dans sa main gauche un petit domino de bois peint en noir qu’elle ne pouvait malheureusement pas faire tourner de ses doigts, risquant de le perdre en se faisant bousculer par la foule. Finalement, les élèves finirent par se disperser et l’enfant se retrouva entourée d’un groupe d’élèves peu conséquent ayant pris la décision de s’enfermer dans leur chambre. L’enfant arriva devant la sienne, sortit une clef de la poche unique de sa robe en dentelle et l’inséra dans la serrure de la porte qu’elle ouvrit ensuite. Après être entrée, elle la verrouilla avant de remettre la clef dans sa petite poche. Jetant négligemment son sac sur son lit qui ne comportait qu’un drap défait et froissé, elle s’approcha de son bureau et s’y installa souplement. Après avoir sorti son cahier à la couverture de cuir noir, elle déposa sa canne contre les tiroirs du meuble. Elle ouvrit son trésor, se saisit de son précieux stylo plume qui devait valoir une fortune et commença à tracer quelques mots.
My sky has dead. His blue has dead. Father has dead.
Elle repensa, nostalgique, à tous ses regards affectueux et ses paroles apaisantes qui l’avaient guidée sans qu’elle s’en rendît réellement compte. Les images s’installèrent derrière ses yeux, les sons se cachèrent contre ses tympans.

My sky has dead.
My sky has dead.
My sky has dead.
Ecrivant nerveusement les mêmes mots, la fillette se rappela les dernières phrases qu’il lui avait dites avant la séparation physique, trois ans avant son décès.
-Tu hais beaucoup, ma fille… Mais n’oublie pas les bienfaits de l’amour.
-Je suis fier de toi, mon enfant. Tu comprendras l’utilité de cet objet lorsque je serai mort.

Si elle avait su qu’il mourrait, elle serait au moins allée le voir auparavant… Si seulement elle avait su…

Excuse-me.
Excuse-me.
Excuse-me.
Le visage de l’homme laissa place à un autre visage moins pâle, aux yeux plus vifs, plus sournois. Harry Hadley. Il n’avait communiqué aucune information sur lui et avait montré qu’il se fichait éperdument des sentiments de sa cousine. Celle-ci avait fait ses recherches, il y avait déjà longtemps, principalement sur l’ordinateur. Parmi toutes les familles Hadley qui existaient, elle avait trouvé la bonne. Les données sur son cousin étaient claires. Mais… Peut-être l’enfant aurait-elle préféré ne pas les connaître. Harry Hadley s’était joué d’elle, l’avait sadiquement plongée dans le doute lorsque son physique avait montré des faiblesses.
Mais c’était un artiste.
Un peintre !
La fillette cessa d’écrire et ferma les yeux. Comment un tel homme pouvait-il manier l’art au point d’être un minimum connu ? Comment ? Le temps n’avait pu faire son travail : même à présent, l’enfant restait outrée. Elle haïssait cet homme. Elle le coincerait.
Cette conclusion, qui la traversait chaque fois qu’elle pensait à son ennemi, la consola au point qu’elle se sentit s’envoler dans un ailleurs qu’elle connaissait bien. S’aidant de sa canne, elle se leva pour se diriger vers son armoire vide sans faire attention aux dizaines de sac plastiques où se tenaient pliés et triés des vêtements qui n’attendaient qu’à être rangés, chose qui n’arriverait sûrement jamais. L’enfant ouvrit son armoire et y pénétra, déposant sa canne dans un ange intérieur avant de s’enfermer dans son meuble où elle tenait sans peine debout. Elle leva une petite main vers la lampe qu’elle avait accrochée en haut de son armoire et, sur la pointe des pieds, parvint à l’allumer, diffusant une faible lumière dans sa caverne de bois exiguë. Elle s’assit au fond de son armoire sur une couverture installée pour et plia vers elle ses genoux joints pour y déposer son cahier qu’elle avait emporté avec elle. Après avoir sorti son stylo qu’elle y avait coincé, elle reprit son écriture, cessant enfin de répéter des groupes de mots pour rédiger des vers plus construits. Elle laissa ses pensées vagabonder librement ailleurs, de plus en plus loin dans cet ailleurs, les images se déversant en flots dans son esprit. La main échappait à tout contrôle, les yeux suivant la pointe de la plume sans la voir vraiment.


Ce sera dans le cœur noir d’autrui
Que naîtra déjà pourri le fruit
Si sombre pour votre regard sage,
Si malsain pour votre regard mage.

Ce sera dans l’esprit noir d’un autre
Que naîtra ce si horrible traître
Si chaotique pour vos yeux juge,
Si infernal pour vos yeux rouges.

Ce sera dans l’âme du prochain
Que naîtra l’immanquable destin
Si terrifiant pour votre âme noire ;
Ce sera votre mort, mon pouvoir.


Une lumière jaunâtre essayait vainement de s’infiltrer entre les paupières closes de la jeune fille endormie dans une position fœtale sur son épaisse couverture. Sa petite main droite était déposée sur son cahier ouvert mais retourné où luisaient les lettres argentées sur la couverture de cuir noir. La petite sommeillait en respirant doucement, faisant penser à la princesse disparue que certains avaient pu contempler plus de cinq ans auparavant. Pourtant, ses cheveux abîmés tombant raides sur son visage pâle et ses jambes minces traversées de fines veines et coupures juraient avec la situation pourtant belle et enfantine. Et quand la fillette ouvrit ses grands yeux, la beauté fut réduite à néant par ses deux profonds iris où l’on pouvait sombrer comme dans un gouffre. La petite bougea les doigts fins de sa main droite et caressa un instant le cuir noir du cahier retourné. Puis, lentement, baillant, s’étirant, elle se dressa jusqu’à être en position assise. Elle se saisit de son cahier et le retourna afin de jeter un coup d’œil à l’intérieur. Son sonnet était bien présent, l’encre avait séché correctement pour qu’aucune tache n’eût apparu lorsque la jeune fille s’était assoupie. Celle-ci se saisit de son stylo – apparemment, elle l’avait fermé avant de s’endormir – et le déposa au creux du cahier qu’elle ferma. Elle se leva en s’aidant des parois qui l’entouraient et se saisit de sa canne. Poussant la porte d’une épaule, elle sortit de son armoire. Elle rangea son cahier dans un tiroir avant de se tourner vers les stores fermés de sa fenêtre. La lumière qui tentait de s’infiltrer avait perdu de son pauvre éclat… Il devait être entre vingt et vingt-et-une heures. Elle sortit de sa chambre, sans oublier de la verrouiller, et se dirigea vers le réfectoire.
Elle fut une des dernières à passer les cuisines. Le personnel guettait l’heure et l’entrée, visiblement impatient de fermer. Le regard courroucé d’une femme lui apprit qu’il était presque l’heure de fermer. Elle se servit un repas léger qui en avait surpris quelques-uns à ses débuts. On lui avait reproché de ne pas assez manger. Sa seule réaction avait été de rendre un long regard à celui qui lui avait adressé la parole. Ce dernier avait compris et, depuis, se taisait en lui servant une assiette plus pleine que les autres dans un vain espoir que l’orpheline la terminât. Un homme s’approcha d’elle lorsqu’elle eut fini de préparer le plateau et le saisit lui-même. La fillette ayant besoin d’une canne pour tenir debout, plusieurs membres de cuisine se dévouaient pour lui porter le plateau matin, midi et soir. Ce soir-là, c’était l’homme chaleureux qui essayait toujours de tirer un sourire de la fillette. Il étira ses lèvres à son adresse et lui demanda quelle table elle choisirait pour son dîner. Il était sympathique. Car certains la déposaient à la première table vide qui venait et la laissaient choir. Lui non. Il avait apparemment compris qu’elle aimait choisir sa place, celle du fond près de la première fenêtre après l’angle de droite.

« Ah, tu vas devoir en choisir une autre… »
Déçue. Un groupe de pipelettes occupait SA table. La table qui lui offrait le meilleur, peut-être le seul, moyen de s’évader de ce réfectoire. Abyss regarda toutes les tables les plus proches des fenêtres du fond. Toutes étaient occupées. Parfois par un groupe de garçons à l’air dur, d’autres fois par un solitaire au regard rivé sur son assiette, ou encore par un ou deux rêveurs qui fixaient la fenêtre d’un air absent… Pourquoi, pourquoi avait-on pris ses tables préférées ? Dépitée, elle finit par s’approcher de la première table du mur de droite. Elle était placée près d’une fenêtre aussi, mais tout ce qu’on voyait était le large tronc d’un arbre noueux. L’homme la suivit et déposa son plateau sur la table choisie. Il s’éclipsa après avoir souhaité un bon appétit à la jeune fille.
Celle-ci avança vers la fenêtre et en ferma le store. Cet orphelinat possédait des stores dans toutes les salles, c’était tout simplement merveilleux, malgré le bon quart qui semblait avoir été maltraité par de violentes mains. S’asseyant sur sa chaise, elle déposa sa canne luisante contre la table à quelques centimètres de l’angle et se saisit de son domino noir. De sa main droite, elle le tourna entre son pouce, son index et son majeur, de sa main gauche elle se saisit de la fourchette et commença à manger les légumes. Déposant de temps à autre son domino pour se trancher quelques bouts de viande, elle délaissa ensuite rapidement le contenu de son assiette pour se pencher vers la crème en chocolat qui l’attendait. Elle mangeait certes peu mais adorait les déserts, en particulier ceux en chocolat (gâteau, yaourt, crème, éclair, tout était bon à manger tant qu’il y avait du chocolat au moins en arôme). La petite gourmande termina rapidement son désert et croqua un biscuit sablé. Elle se tourna vers le tronc d’arbre. Des centaines de fourmis rouges devaient grouiller dans ce tronc semi-pourri. La fillette en était sûre, cet arbre arrivait à la fin de sa vie. Il devait lui rester quelques années au plus à vivre, à moins qu’une tempête l’abattît plus tôt. L’orpheline ne parvint pas à s’évader. Ce tronc était comme une barrière, ou une chaîne lui tiraillant les poignets et chevilles. Elle n’avait qu’une envie : sortir de cette grande salle et s’enfermer dans sa chambre. Elle se saisissait de sa canne de sa main droite et tournait son domino de la gauche lorsqu’un membre de la cuisine entra dans le réfectoire et clama aux derniers de se dépêcher : il restait deux minutes avant la fermeture. Ils étaient plutôt ponctuels et n’aimaient pas vraiment que des élèves leur obligeassent à travailler ne serait-ce cinq minutes supplémentaires. Abyss se leva vivement et marcha, d’un pas souple jurant avec le claquement sec de son appui, vers la sortie, abandonnant son plateau que, de toute façon, on apporterait jusqu’à la vaisselle comme on l’avait porté le temps qu’elle choisît sa place.


Dernière édition par Abyss le Mar 8 Juil - 19:16, édité 2 fois
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Sujet: Re: I'm playing for you... [PV] I'm playing for you... [PV] EmptyVen 30 Mai - 22:23

A présent qu’elle était dans le couloir, elle sentit la légèreté l’envahir. Elle inspira une grande goulée d’air, le besoin de s’enfermer dans sa chambre diminua en même temps que naquit le désir de la musique. Elle vit Damase lui demander de lui faire écouter un air de piano.
*Je te demande pardon, Damase… Je ne veux pas te faire attendre, je ne veux pas t’irriter… Mais le piano n’est pas juste à côté de nous, il est beaucoup plus loin et je dois marcher…*
Accélérant l’allure autant qu’elle le pouvait, elle traversa un dédale de couloirs, croisa quelques élèves sans importance – tant qu’ils passaient sans faire obstacle, ils n’étaient plus source de regards – et arriva enfin devant la porte de la si précieuse salle de musique. Il était juste dommage que le QG des Seven Deadly Sins se trouvât à la salle juste à côté… Mais tant qu’on ne la dérangeait pas, tant qu’on ne la sortait pas de ses rêves, il n’y avait pas à s’en soucier. La jeune fille poussa la porte et constata ravie que personne n’était dans la pièce. Le battant se referma derrière elle avec bruit. Elle était seule, à présent. Seule avec Damase. D’un claquement presque sinistre dans la pièce silencieuse dont les murs étaient pourtant faits pour donner au son une qualité optimale.
Clac. Clac. Clac.
Le piano approchait, Damase allait à nouveau entendre la mélodie. A nouveau, il allait pouvoir profiter de cette beauté comme en profitait la fillette à chaque fois qu’elle jouait. Le piano était si merveilleux.
Clac. Clac. Clac.
La silhouette presque maigre de la fillette approchait lentement du majestueux instrument reflétant la lumière du crépuscule. La pureté était telle que les reflets étaient d’une admirable harmonie.
Clac. Clac. Clac.
Dans la pénombre, on ne voyait plus les veines ni les fines traces de griffes sur les mollets de la fillette. Sa chevelure gris-clair était plus obscure que d’habitude, pourtant on puvait imaginer qu’elle était éclatante de lumière durant la journée.
Clac. Clac. Clac.

*Viens, auguste piano. Viens à moi, offre-moi tes touches nacrées, offre-moi le rayonnement de ton son mélodieux, offre-moi tout ton corps et ton âme. Plonge avec moi dans la musique, perds-toi avec moi.*
Clac. Clac. Clac.
Elle s’arrêta devant le tabouret sombre qui n’attendait qu’elle et le caressa de sa main avant de l’effleurer de son domino pour lui faire découvrir le contact d’un outil artiste. Elle s’assit sur le tabouret et déposa tout en délicatesse sa canne contre le piano, veillant à n’abîmer ni l’un ni l’autre. De deux claquements, un pour chaque extrémité, elle déposa son domino sur le piano, en face d’elle, à la petite place qui lui était, semblait-il, réservée. Elle tendit ensuite les doigts au-dessus des touches.

*Damase… Je joue pour toi. Ecoute et profite.*
Ecoute et profite…
Et les doigts qui manient les touches l’une après l’autre, dans un ordre décidé à la première note. Les touches qui s’inclinent sous la poussée puis qui reviennent à leur place pour s’incliner plus tard. Les notes qui s’alignent les unes après les autres en un ensemble harmonieux empli de beauté et de nuances sombres. C’est une magie qui se déploie dans toute la pièce, offrant son obscur éclat aux murs entiers, réduisant en poussière les instruments silencieux. Une magie qui emporte loin, loin, si loin que personne n’a jamais fait ce voyage, le voyage du gouffre profond où l’on sombre continuellement sans espérer revoir la lumière, le voyage d’un abîme sans larme ni sourire, le voyage d’Abyss.
La jeune fille aperçut une lueur briller dans les yeux de Damase, une lueur qui passa lentement par-dessus ses cils noirs inférieurs pour rouler lentement sur sa joue légèrement hâlée et mourir au coin de ses lèvres. Elle entendit sa voix murmurer avec émoi :

« C’est si beau… »
Si beau… La tête droite, le regard absent, la fillette continuait sa mélodie. Elle ne voulait cesser de jouer, elle voulait continuer de procurer la beauté de la musique à Damase. Pourtant, la musique prit fin, la dernière note laissa un vide dans la pièce. Le silence ne fut que de courte durée ; les touches s’inclinèrent à nouveau sous la poussée de la jeune fille. Les notes se rangèrent d’une façon différente : la mélodie n’était plus la même. C’était une autre mélodie, plus profonde que la première, où se mêlaient dans l’obscurité des centaines nuances de sentiments noirs et profonds.
Comme l’angoisse… Cette angoisse qui vient sans jamais prévenir… Le cœur qui accélère, le froid qui fait trembler l’échine, les mains qui se crispent au-dessus des touches martyrisées de l’instrument. Des images qui se succèdent par milliers, des horreurs, la douleur…
Abyss ferma les yeux pour tenter de chasser l’angoisse, mais celle-ci se répandit en elle. Prisonnière de son mal, elle jouait presque inconsciemment une improvisation totale, les notes s’enchaînant avec l’angoisse.

*Damase ! Aide-moi !*
L’éclat soudain d’une poignée qu’on actionne. Les doigts cessent leur danse agitée. Le silence de la musique. Tout ce qu’on entend est le cœur qui bat follement, la respiration qui souffle nerveusement. Calme-toi, petite fille… Calme-toi, c’est fini… Damase est là, derrière cette porte qui s’ouvre ; il est venu t’aider…
L’orpheline reprit le contrôle de sa respiration. Oui, c’était fini… Damase ayant senti sa souffrance, il était venu à son secours. L’angoisse était terminée. La fillette saisit son domino et se força à le tourner calmement dans sa main droite. Là… Elle allait mieux. Elle tourna les yeux vers la porte, le regard luisant d’impatience à l’idée d’enfin retrouver Damase.
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Sujet: Re: I'm playing for you... [PV] I'm playing for you... [PV] EmptyDim 6 Juil - 1:30

    { HJ : Voici, et désolée du retard. Je suis désolée que mon post fasse si médiocre à coté du tien T__T. En plus c'est que du remplissage quoi x.x Ecrit sous l'influence de "El Tango de Roxanne", du film Moulin Rouge ^__^ }

    La jeune fille courait dans un long couloir sombre. Des milliers de flocons de neige l’entouraient, tourbillonnant autour d’elle. Immense tempête immaculée. Elle, dans son petit uniforme noire courait toujours, ne trouvant pas de sorti à ce paysage lugubre et répétitif. Elle ne savait pas où elle était, elle ne savait pas pourquoi son cœur battait la chamade et ne voulait se calmer. Elle ne savait pas non ce qu’elle fuyait, mais elle avait compris qu’elle tentait d’échapper à quelque chose d’inconnu. Dans la pièce infinie et ténébreuse se dessinait des ombres encore plus effrayantes que le reste. Des yeux blancs la fixaient, l’observant courir vers une échappatoire inexistant. Puis un ballon rouge vif. Un grand sourire carnassier et un homme. Le visage recouvert de blanc, l’air gentil et doux… Qui pourtant la terrifiait. Un clown. Comme lui. Non, pas comme lui. Un clown qui était lui. Cette créature difforme qui l’avait il y a maintenant six ans. La petite fille fit demi-tour, mais pourtant, même si jambes ne cessait de taper le sol dans une course effrénée, elle ne parvenait pas a bouger. La main puissante la saisit par les cheveux. Et elle tomba sur le sol, les larmes coulant d’elle-même. Elle ne se débâtit pas, elle savait que c’était inutile. C’était un homme adulte de forte carrure. Que pourrait-elle faire contre lui, pauvre petite chose fragile d’à peine treize ans ? Alors elle se rendait à son destin, tristement, fatalement. Comme toujours. Elle ne faisait rien pour changer les choses, alors qu’il lui suffirait d’un peu de volonté… Mais elle en était dénuée. L’homme l’attacha à quelque chose d’invisible et froid. Il lui arracha ses vêtement et l’observa un instant, son sourire de voyeur s’agrandissant. Ce clown pervers qui allait la détruire intérieurement, la marquant à jamais.

    *Réveille-toi Erin !*

    La petite fille se releva, quelque goutte de sueurs sur son front, un peu de fièvre aussi probablement. Quelque chose de mouillé au niveau de son entre-jambe. Erin soupira et se releva immédiatement, aussi froide et impassible que d’habitude. Elle observa la tache jaunâtre sur son drap blanc. C’était pitoyable. Faire pipi au lit à son âge. N’avait-elle donc jamais grandit ? Probablement pas. Mais de toute manière, qu’importe ? Personne n’était là pour constater l’étendue des dégâts et on ne pouvait pas lui en vouloir. Eris était une petite fille qui souffrait de terreur nocturne. Cette capacité de mémoire fabuleuse ne lui avait apporté que des ennuis depuis le début. Car l’hypermnesie s’accompagnait bien trop souvent d’anxiété, de trouble du comportement et du sommeil. De migraines impossibles à calmer, d’une santé fragile. Et tout ce qu’une orpheline de treize ans avait vécu, abandonnée par tous ses proches, c’était des souvenirs bien trop intenses et douloureux pour un petit corps comme le sien. Eris observa sa montre : vingt-et-une heures trois, heure de New york. Ce qui faisait quatre heures trois, heure de Londres. Il était donc considérablement tôt et Eris le savait, il lui était désormais impossible de se rendormir. Elle retira la couette et le drap sale et le mit en boule près de la porte. A six heures elle les descendrait à la laverie pour les nettoyer. Comme à chaque fois. Elleleva les yeux au ciel. Si seulement elle pouvait trouver quelqu’un qui lui tiendrait la main et lui sourirait pour s’neodrmir. Une personen douce et aimante pour pouvoir maîtriser ses terreurs nocturnes. Mais il n’y avait personne. Oh si bien sûr il y avait Athéna… Enfin ici elle se faisait appeler Near et apparaissait sous les traits d’un petit garçon albinos et frêle. Mais même si Athéna consentait à s’occupait un tant soit peu d’elle, il ne fallait pas trop en demander au petit génie qui était presque autiste après tout. Elle se contentera donc de se calmer toute seule et puis elle avait faillit oublier…

    *Je suis là. Je suis là ma petite. Je suis faible et je ne peux rien faire pour t’aider, mais n’oublis jamais que je suis en toi. Erin, m’aurais-tu oublié ? ! Je refuse de le croire !*

    « Non Eris, je n’ai pas oublié. »

    Murmura sa voix lente et laconique, placide et endormie. Mais elle n’était pas endormie, c’était sa voix qui était ainsi. Mais personne ne pouvait le juger de toute manière, puisque personne n’avait réellement entendu le son de sa voix. Elle arrêta soudainement de penser. C’était faux, quelqu’un avait bel et bien entendu sa voix. Athéna tout d’abord, mais aussi Adonis et quelque autre… Mais les autres n’étaient pas importants. Seul Near avait eu le réel privilège d’avoir une discussion avec la jeune fille. Elle se souvenait même d’un soir de Noël. Il lui offert un petit dé… Eris se dirigea vers son bureau. Il n’y avait qu’un cahier noir et un stylo à encre dont le corps était rouge posé à coté de lui. Il y avait aussi un petit lecteur CD, qui ne cessait répéter la même piste en boucle depuis trois jours : El tango de Roxanne. Et sur le coin droit une petite boîte à bijoux de couleur vert foncé. Sur le couvercle, un petit nounours blanc. « Rose… » Murmura Eris pour elle-même. C’était Rose qui lui avait offert cette petite boîte à bijoux. Elle l’ouvrit et saisit entre ses doigts un petit dé blanc dont les points étaient fait de noir. Seul le un différait : un crane rouge. Le cadeau de Near. Son cadeau. A Noël Eris lui avait fait don de sa voix, mais une voix comme personne ne l’avait jamais entendu. Elle s’était installé au piano et avait commencé doucement sa berceuse. C’était tout ce qu’Eris pouvait offrir à son échelle de toute manière. Elle rangea le dé et s’assit face au cahier. Elle descendit son t-shirt trop grand et commença à écrire une suite de mot d’une logique implacable. Musique. Note. Chant. Piano. Mélodie. Berceuse… Et ainsi de suite. Pour une personne qui ne la connaissait pas – c'est-à-dire beaucoup – cette suite de mot n’avait pas de sens concret, pas de but. C’était faux. Elle se vidait l’esprit. Tout ce qu’il y avait à faire pour faire le tri de ses souvenirs.

    Si on observait les pages précédentes du cahier on pouvait y voir tout autant de mot, des pages remplies de mots suivant une logique précise et imparable. Du gaspillage pour certain. Pourtant ca détendait l’ancienne Erin et lui permettait de faire un tri parfait dans sa mémoire trop vive. Ce terme fait penser un petit peu à un ordinateur, je vous l’accorde. C’est comme cela que vivait Eris pourtant. Comme un ordinateur. Analysant toute les situations et sélectionnant la meilleure réaction dans des expressions toutes préparées. Une suite de calculs continus pour savoir comment faire, bien qu’Eris eut l’air toujours indifférente et ailleurs, elle était constamment en ébullition. Son cerveau créant un imaginaire trop débordant qui identifiait les autres orphelins à des dieux grecs… Elle écrivit enfin « Athéna » et referma son cahier. Je n’écrirais pas ici la liste de mot, celle-ci étant bien trop longue – Eris ayant écrit pendant environs deux heures. Il était donc six heures et demie quand la jeune fille se leva définitivement de sa chaise. Elle prit une serviette blanche, son uniforme habituel et des petits mocassins noirs pour se diriger vers la salle de bain de l’orphelinat. Elle n’oublia pas au passage les draps sales et sortit non sans fermer la porte à double tour et mettre son petit piège en place. Une fois assurée que sa chambre était suffisamment sécurisée elle se rendit à la salle de bain. A son grand bonheur Lust avait terminé et probablement Mello, ainsi qu’Heretic qui était avec elle, les plus matinaux de l’orphelinat. Mais personne ne pouvait nier que c’était Eris qui détenait le record des lève-tôt. L’orpheline avait un avantage certains puisqu’elle ne dormait que trois heures par nuit et pas plus. Elle entra dans la salle de bain et commença à se doucher. Lorsqu’elle eut terminé elle enfila ses petits sous-vêtements et son uniforme. Elle récupéra ses draps et sortit une fois prête. Un léger parfum de lys se dégageant de ses cheveux et accompagnait ses pas. Elle descendit jusqu’au sous-sol et mit l’une des machines en route. Elle les récupérerait ce soir.

    Eris esquiva comme à son habitude le petit déjeuner et passa une matinée de cours au premier rang, enfermée dans son mutisme constant. Elle indiqua au responsable de la cantine de lui monter son repas à treize heures. Eris n’allait jamais dans le réfectoire, question de survit. Elle ne supportait pas le bruit et lorsqu’il y avait trop de monde autour d’elle, elle surchauffait et s’évanouissait. Roger avait donc pris l’initiative de proposer à ce qu’on lui apporte le repas dans sa chambre. Le sujet avait fait polémique, mais finalement on abdiqua et consentit à se plier à cette règle pour la survie mentale de la fillette. Elle déjeuna donc seule et redescendis le plateau vers quatorze heures, heure où le réfectoire était vide. Elle alla ensuite vers la Common Room, espérant y croiser Near, mais ne tomba que sur des grands. Elle s’enfuit rapidement de l’endroit trop illuminé et bruyant et se réfugia dans une cage d’escalier. Un instant il lui prit l’envie de monter sur les toits mais la perspective de glisser et mourir la dissuada rapidement. Elle chercha donc une activité qui pourrait lui convenir, vu que la classe une était dispensée de cours cet après-midi. Elle se releva et arpenta les couloirs, âme errante cherchant un but quelconque. Coquille vide sans désir réel… Elle croisa la bande de Mello qui se chamaillait une nouvelle foisavec la bande de Lust. Elle haussa les épaules. Les enfantillages bien connus d’Arès et Aphrodite ne l’avait jamais intéressée et de toute manière, elle détestait ces divinités trop importantes et criardes pour elle. Elle avait besoin de calme… Alors elle décida d’aller dans la salle de musique, généralement vide et oubliée de tous. Quelle ne fut pas surprise d’entendre quelque note intense et effrénée derrière la porte de bois. Elle tourna la poignée et remarqua que la mélodie s’était tue. Elle ouvrit doucement la porte et entra. Elle fut surprise de se trouver nez à nez avec Perséphone. Elle n’avait d’ailleurs jamais adressé la parole à cette dernière, se contentant d’observer la jeune fille de loin… Elle fit un pas prudent à l’intérieur de la salle et resta silencieuse, jugeant la situation. Elle referma la porte derrière elle.

    *Tu peux lui parler ma petite Erin, elle ne te veut aucun mal…*

    Eris resta cependant impassible et silencieuse. Elle ne parlerait que si Abyss le faisait avant elle. Mais elle n’avait pas envie de parler. Elle voulait encore entendre des merveilleuses mélodies jouées au piano. Comme avec Near… Elle s’avança prudemment de la sixième prédisposée à L et lui fit un signe de tête significatif : « s’il te plait, continue de jouer… »


Dernière édition par Eris le Dim 27 Juil - 1:26, édité 1 fois
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Invité
Sujet: Re: I'm playing for you... [PV] I'm playing for you... [PV] EmptyMer 9 Juil - 1:06


Découvrez Shiro Sato!


A scream of the despair.

Froid, si froid... Dans les notes emplies de cette angoisse aussi acérée que la glace s’entendait un cri déchirant qui ne parvint qu’aux oreilles de la fillette affolée. Elle ne contrôlait plus ses doigts et martelait les touches. Elle avait mal, mal, si mal ! Crispant les paupières, fronçant les sourcils, elle tenta de la chasser mais n’obtint que la résultat inverse. Le sentiment se répandit dans tout son être qui hurla sa douleur dans les notes. A chaque martèlement, un peu de souffrance s’échappait, laissant un vide sitôt comblé par une nouvelle douleur, toujours celle de cette angoisse qui la maltraitait. Elle appela mentalement Damase à l’aide, allant jusqu’à remuer les lèvres dans un cri inaudible en articulant son nom. Elle voulait que tout s’arrête, la douleur était insupportable. Elle articula une fois, deux fois, trois fois.
Un claquement sec.
La mélodie cessa aussi brusquement que l’était l’angoisse qui resta en faisant battant son cœur dans sa folle danse. Une main, dont les doigts étaient libérés de la prison de l’angoisse, se posa contre sa poitrine afin de tenter de modérer ce muscle idiot. L’enfant ne tourna pas les yeux vers la porte pour savoir que la poignée avait été actionnée. Etait-ce Damase ? Etait-il venu à son secours ? Elle le pria de toute son âme tout en se forçant à se calmer. Il était là, derrière cette porte, il était la raison du calme qui devait revenir. Chut… La respiration se fit moins bruyante. Fini… La jeune fille retira sa main de sa poitrine afin de se saisir de son domino et de le tourner le moins nerveusement possible. Damase… Une impatience naquit peu à peu en elle, l’impatience de le revoir enfin. Elle vint jusqu’à luire dans ses yeux qu’elle fixa sur le battant tandis qu’on le poussait pendant ce qui lui parut d’interminables secondes. Qu’il se dépêchât, cette impatience commençait à lui picoter le cœur. Ce fut comme un avant-goût de la joie des retrouvailles qui monta en elle. Elle allait sauter de son petit tabouret, courir vers celui qui, pour la taquiner, s’amusait à ouvrir la porte doucement pour ensuite donner plus de valeur à cette rencontre tant attendue. Ils allaient se serrer l’un contre l’autre et se dire à tel point ils étaient si heureux de se rencontrer.
Comme il est bon de rêver, quelquefois.

Mais le retour à la réalité est si brutal, ensuite !
Amère déception à l’aperçue d’une silhouette complètement différente de celle de son souvenir. De longs cheveux d’ébène, un visage blafard, deux iris aussi sombres et froids que du sang que l’on aurait conservé dans un réfrigérateur. Ce n’était pas Damase. C’était la jeune adolescente de la classe 1 qui ne parlait jamais, même en cours, et passait dans les couloirs entourée de cette aura obscure qui n’avait cessé d’attirer l’attention dans les couloirs fréquentés. L’enfant elle-même se plaisait à la sentir lorsqu’elle passait près de Near qui semblait l’unique compagnon de l’adolescente. Quand les yeux écarlates de la sombre Eris se posèrent sur ceux profonds et froids d’Abyss, ces derniers s’étaient vidés de toute lueur afin de se montrer comme ils étaient d’habitude : vides. L’enfant garda sa déception pour elle, l’enterrant au plus profond de son âme afin que rien ne se vît, et fixa la nouvelle venue qui avança prudemment d’un pas, comme pour juger le danger qu’était la présence d’une personne dans une salle de musique en théorie peu fréquentée. L’adolescente, après un instant de silence, ferma la porte derrière elle. Alors que la poignée avait produit un bruit éclatant la première fois, celui qui retentit à cet instant parut dérisoire comparé à ce poids qui régnait dans cette pièce tandis que chacune attendait sans doute de l’autre un message, ne serait un signe ou un regard significatif. Et la fillette n’était pas décidée à communiquer quoi que ce fût à sa camarade de classe qui, toujours avec cette prudence dans ses pas, avançait lentement vers elle. C’était peut-être la première fois que les deux orphelines se rencontraient seule à seule dans cette salle de musique qui était probablement un univers bien connu aussi bien à l’une qu’à l’autre. En effet, quand la fillette regardait les mains de l’adolescente en tournant d’un calme retrouvé son domino dans sa droite, elle voyait de par des doigts fins qu’ils pouvaient très bien jouer du piano ou un instrument à vent. Mais cette finesse pouvait tout simplement être due à cette manie de régler sa montre toutes les demi-heures. Pourtant, la petite se plaisait à imaginer en sa camarade une sombre musicienne jouant des morceaux plus obscurs encore que les siens. La fille à la chevelure de jais s’approchait toujours prudemment, ce qui éveilla quelque part dans les profondeurs de l’enfant une bien légère crainte due à la distance les séparant qui, tout lentement, diminuait. La petite n’avait autorisé aucune relation, imposant entre elle et les autre un mur de pierres terne et infranchissable. Elle resterait seule dans sa solitude aussi longtemps qu’elle le pourrait. Donc très longtemps… Eris – mais pourquoi donc l’avait-on appelée ainsi ? Loin de semer la discorde, cette adolescente était muette et aussi discrète que lui permettait son aura – communiqua la première, se contentant d’un signe de tête très simple mais tellement plus significatif. La fillette ne réagit pas, mi-étonnée par le message reçu, mi-satisfaite que sa camarade de classe ait agi la première. L’enfant, en effet, ne communiquait que lorsqu’on le lui demandait ou que lorsque l’extrême nécessité s’en présentait. Et aucun des deux cas n’était encore valable dans cette situation, puisque la demande qu’on lui avait exposée consistait à continuer de jouer du piano. D’abord statufiée, ne présentant pas la moindre réaction durant une ou deux secondes, la petite choisit d’accéder au désir de cette adolescente. Si elle fit ce choix, ce ne fut pas dans le but de faire plaisir, puisqu’elle faisait souvent en sorte de bien montrer qu’elle ne recherchait aucun contact, mais peut-être pour se faire plaisir à elle-même. Jouer sans se sentir dérangée par la présence d’une tierce personne, comme elle en avait été capable à chaque cours de musique, sauf au premier où par un pur miracle elle avait pu se tenir invisible et échapper, avec quelques autres orphelins réservés, à l’attention du professeur. Jouer aussi pour, peut-être, ne pas faire fuir cette timide fierté d’un solide égoïsme qu’avait fait naître ce simple signe de tête venant de l’adolescente. Jouer car, plus simplement, c’était pour cela que l’enfant était ici, et que continuer de fixer la fille aux iris rougeoyants était complètement dénué d’intérêt. Et il lui vint en tête un air qui pourrait peut-être plaire à la situation sans pour autant trop dévoiler la joueuse. Celle-ci, remarquant qu’elle s’était détournée quelque peu du piano afin de fixer la porte, pivota face au piano et dévia ses yeux vers sa main droite qui se tendait vers l’espace réservé à son domino. Clac-clac. Deux de claquements distincts, un pour chaque extrémité, elle déposa son trésor de bois à la place qui lui était désignée, non loin des touches. La fillette tendit les mains au-dessus des touches, les maintint suspendus quelques instants comme si elle hésitait sur la musique à jouer. Ou peut-être tentait-elle juste d’instaurer l’ambiance dans la position de ses longs doigts aux articulations saillantes, chose bien inutile car l’atmosphère correspondait déjà à celle de la mélodie qui allait suivre. Un air un peu lourd, qui plante ses épines dans les cœurs fragiles.

T he brittless of a heart.

Des yeux bleus comme le ciel à la lueur sardonique comme l’enfer. Disparais.
Des yeux bleus comme le ciel à la lueur indescriptible. Reviens.
Deux paires d’yeux à l’apparence identique, mais en réalité opposés. On lit tout dans l’une, et on voit ce sadisme quand elle fixe la douleur d’autrui. On ne lit rien dans l’autre, on ignore ce qui se cache, on doute de l’attitude à tenir.
Mais elles sont liés. Et une troisième paire d’yeux les observe depuis toujours, car l’abîme toujours existe, près à plonger dans des yeux trop affaiblis.

« Quand je serai mort… »
Pourquoi ? Pourquoi une telle certitude dans ces mots terribles ?
Et pourquoi on n’a jamais avoué la vérité ? Parce qu’elle était trop jeune ? Qu’elle pourrait en être détruite ?
Mais elle le sait déjà. Bien avant de mourir, il lui avait déjà dit. Bien avant de mourir, il savait tout.
Reste à savoir comment.

Cette haine qui revient, cette envie d’être comme lui, et de venger sadiquement. De prendre des lames, des aiguilles, de le torturer avec délicatesse. Qui répand l’enfer mérite l’enfer. Cette envie si noire qui terrifie, qu’elle renferme dans ses craintes les plus profondes, qu’elle tente d’oublier. Mais quand ce désir revient, il la torture.
Mais finalement, côtoyer le cauchemar permet de comprendre qui répand le cauchemar. Côtoyer l’enfer permet de comprendre qui répand l’enfer. Et de supporter cette envie et cette haine infernales.

W hen the end sounds.

Trois notes accrochées, la dernière résonna comme un écho dans la pièce, écho qui ne dura qu’une seconde au plus puis fut suivi d’autres notes qui venaient d’un rythme lent, à la fois calme et angoissant, doux et acéré, toujours froid. Comme des gouttes d’eau qui tombent régulièrement d’un robinet mal fermé ou qui fuit dans une grande maison ou tout résonne, jusqu’au battement d’ailes du papillon noir qui vole dans la chambre où l’on tente de se cacher, sous les couvertures encore froides d’un lit jusqu’à longtemps inutilisé. Ce fut cette ambiance qui se répandit en l’enfant qui, par ses notes, l’infiltrait dans le cœur de l’adolescente aux iris rougeoyants tels deux rubis qui auraient trempé dans le sang durant un siècle avant de luire dans ces orbites. La fillette se demanda un instant quelle image naquit donc dans l’esprit de la taciturne orpheline aux cheveux de jais comme l’étaient les ailes du papillon dans cette maison effrayante.
Ce froid permanent dans chacune des notes n’était le même que celle qui envahissait l’enfant quand l’angoisse se réveillait. L’angoisse n’est jamais calme, jamais douce. Elle agresse comme transgresse un couteau quand il caresse la peau et laisse sa marque rouge couler librement. Elle agresse comme une bombe qui menace d’exploser dans la poitrine, débris d’os et d’organe garantis. Elle agresse comme la morsure du froid de la glace ou du vent d’hiver.
La froideur dans les notes de la mélodie était différente. C’était celle de la neige, avec sa morsure et sa beauté, son blanc éblouissant et si paisible. Une neige qui tombe d’un ciel grisâtre afin de peser sur les arbres, ornant leurs branches d’une pure blancheur, de couvrir les toits, leur offrant le plus épais et le plus froid des manteaux, de plonger dans l’âme de chacun, les tirant de l’obscurité de la mélancolie en leur procurant le bonheur d’être triste.*
Soucieuse de ne commettre aucune bêtise, l’enfant d’aristocrates avait bien fait de ne glisser aucune pensée dans sa musique, l’emplissant de cette ambiance qui donnait libre court à l’imagination de son auditrice. Pourtant, elle ne put s’empêcher de plonger elle-même dans ses notes, de faire un de ses si nombreux voyages vers ses obscurs rêves, miroirs de ses cauchemars. Pourtant, ils la berçaient tant et si bien qu’elle s’y sentait en entière sécurité. A défaut d’y être totalement sereine, elle y était rassurée. Chaque fois, c’était pareil à un sommeil où tout son corps se détendait, son esprit seul et ses yeux gardant leur intense activité. Mille fantastiques voyages dans l’ombre du merveilleux. A la différence près que les yeux restaient fixes, tantôt vides et absents, tantôt emplis d’émotion – c’était au choix, et à cet instant, l’enfant avait choisi le premier cas – et que c’étaient ses mains qui s’agitaient, lentes ou rapides, calmes ou nerveuses.
Par sa lenteur, la chanson était simple à reproduire encore et encore par des milliers de paires de mains. L’enfant s’imagina un instant Eris en train de s’asseoir sur ce tabouret et faire ployer les mêmes touches dans l’ordre qu’elle avait observé. En cas de défaillance des yeux, les oreilles se chargeraient de corriger les erreurs. Une musique qu’on aime ne s’oublie pas. Pour un surdoué, elle ne s’oublie jamais. La fillette se prie à rêver que ce n’était pas ses doigts qui appuyaient sur les touches de cette angoissante lenteur mais ceux de l’adolescente aux yeux de sang. Cela lui irait bien, non ?


Dernière édition par Abyss le Jeu 17 Juil - 22:48, édité 1 fois
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Sujet: Re: I'm playing for you... [PV] I'm playing for you... [PV] EmptyMer 9 Juil - 1:07

Mais la musique atteignit ses dernières notes. Une petite montée, puis deux notes ultimes qui s’en allèrent vibrer par écho contre les murs. Les instruments déposés dans la pièce semblèrent frémir tandis que la dernière goutte tombait du robinet dans un éclat plus effrayant encore que les autres. Une goutte de sang. Alors que l’écho cessa, la fillette entendit encore cette note étincelante comme une vive lumière qui tel un flash éblouit. L’enfant resta de longues secondes immobiles, craignant presque l’idée de devoir dévier son regard du vide où il s’était plongé, souhaitant ne pas sortir de sa rêverie et entendre encore cet écho qu’elle tentait vainement de retenir de ses doigts encore pressant les touches. Mais il fallait les retirer, plus aucun son ne parvenait à aucune oreille. L’écho lui-même était en réalité disparu depuis bien longtemps déjà. Mais elle l’entendait, elle le sentait. Et cette ambiance obscure qui persisterait tant qu’elle n’aurait pas de nouveau fixé la fille à la chevelure d’ébène. Ambiance qui persisterait même quand elle l’aurait fixée. Elle finit par retirer ses mains des touches enfoncées. A son grand plaisir, l’écho n’en profita pas pour s’éclipser tout à coup. Il continua son chemin sur les murs, comme s’il tournait en rond, mais tout en se répandant de plus en plus loin à chaque tour, diminuant peu à peu. Lorsqu’il fut complètement disparu, une bonne dizaine de secondes après que l’enfant ait rompu le contact avec les touches du piano, celle-ci se saisit de son domino de sa main gauche cette fois-ci et le fit tourner avec son pouce, son index et son majeur d’un rythme habituel. Alors seulement, sans un instant douter du temps qu’elle laissait passer – elle avait toute une nuit devant elle, une nuit à jouer du piano, à marcher dans les couloirs en jouant éventuellement à ne pas se faire repérer par les adultes alentours, à sortir dehors afin d’échanger avec la forêt, à ériger de nouvelles créations, à écrire de nouvelles poésies – elle dévia les yeux du vide si rassurant et les déposa, aussi vides que le vide quitté, sur les iris écarlates d’Eris. Ils lui faisaient vraiment penser à deux rubis magnifiques. Les contempler n’était pas si désagréable, au contraire. Qui n’a donc jamais aimé observer en silence des pierres précieuses à la couleur envoûtante ?

A n echo in the abyss.
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Sujet: Re: I'm playing for you... [PV] I'm playing for you... [PV] EmptyMer 16 Juil - 0:48

    Eris l’avait vu. La déception d’Abyss lorsqu’elle était entrée. Oh bien sûr, son expression faciale n’avait pas changée. Son regard saphir se contentant de pénétrer les insondables rubis d’Eris. Mais Proserpine semblait déçue. Son regard était triste et elle semblait blessée dans sa fierté. C’était en ça qu’Eris avait vu la déception d’Abyss, comme toujours d’ailleurs. Les humains mentent bien souvent, mais les dieux sont criants de vérité. C’était un peu comme si elle lisait dans les pensées des gens en voyant ça… Mais bien évidement, ces images n’étaient rien. Du vide, une illusion enfantine à laquelle la petite Eris croyait dur comme fer. C’était tellement plus beau de se dire qu’au final l’être humain n’était pas si mauvais, qu’il y avait une part de divinité en lui… Et le jour où Eris retournerait sur terre ? Le jour où ces hallucinations disparaitront, que se passerait-il ? Que deviendrait-elle ? Une coquille vide probablement. La souffrance l’accablerait et elle sombrerait dans la folie ou les abysses de la dépression…

    Mais Eris était convaincue que le monde était peuplé de dieu. Elle voyait en chacun une divinité plus ou moins douce et c’était ce qui comptait. Pourquoi penser à cet affreux futur qui l’attendait ? Il fallait plutôt voir le présent… Mais il n’était hélas pas plus glorieux que ce qui l’attendait. Eris était submergée par la douleur. Perdue dans des vagues d’émotion puissantes ; tsunami dévastant sa raison. Mais personne ne le savait, personne n’avait été capable de voir la détresse dans laquelle la petite immolée était plongée. Seul Near le savait. Il le savait parce qu’elle lui avait dit. Mais sinon rien ne laissait croire qu’elle était en proie à cette angoisse constante. Cette souffrance qui lui hurlait dans les oreilles. Qui refusait de se taire malgré tout ses efforts. Cette souffrance atroce qui lui déchirait les viscères et broyait son esprit. Le seul moyen qu’elle avait trouvé pour faire taire cette horrible voix qui était celle de la douleur était la musique. Les écouteurs enfoncés dans ses oreilles, le volume trop puissant pour ses petits tympans, elle se perdait dans son monde. Grâce à ça, elle couvrait le bruit de la foule qui l’effrayait tant, grâce à ca, elle n’entendait pas le hurlement lancinant de Souffrance…

    Mais cette nuit là, elle n’avait pas les écouteurs sur ses oreilles. Il était vingt-et-une heure passée. Le couvre-feu était levé, et pourtant elle le transgressait. Pourquoi ? Pour pouvoir écouter la musique que la petite Proserpine jouait… Elle lui avait demandé, sans aucun mot, de jouer une nouvelle fois. Pour elle. Juste pour elle et pour faire taire cette voix définitivement. C’était une demande égoïste. Elle le savait. Mais l’être humain est par nature égoïste, et bien qu’elle tentait de son mieux pour ne pas l’être – sans tomber dans l’altruisme non plus – elle ne pouvait s’empêcher de vouloir se sentir mieux. Et les mélodies délicieuses et nacrées du piano étaient les meilleures pour lui procurer cette sensation. Alors, le sang qui coulait dans ses yeux sembla un instant s’embrasser d’une lueur de joie lorsque les mains blafardes d’Abyss se mirent à parcourir le clavier blanc et noir.

    Une mélodie lente et vide. Qui se répétait inlassablement, dans un rythme à la fois fastidieux et prenant. Une mélodie qu’elle aurait pu aisément recopier, si elle voulait. Une mélodie simple, mais qui se voulait angoissante. Une mélodie qui semblait être les pas lourds de ces sorciers, résonnant dans la grande église de son enfance. Une musique qui semblait être le battement d’aile du corbeau qui s’était posé à sa fenêtre lorsqu’elle avait huit ans. Elle s’en souvenait parfaitement parce qu’elle avait voulu lui arracher les ailes. Les lui prendre et se les greffer pour s’envoler dans le ciel nocturne… Une musique qui ne l’effrayait pas, qui ne lui donnait aucun frisson d’angoisse ou de douleur cela dit. C’était même l’inverse, la mélodie sembla l’apaiser. Elle écouta. Cette douce litanie, ça pouvait être la sienne. Ses pas lourds et hésitants pouvaient être accompagnés de ce morceau. Oui. La petite chanson semblait aller en tout point à l’adolescente. Comme si elle avait été créée pour elle, pour son aura sombre et mystique… C’est pour cela qu’elle se sentait apaisée : c’était sa mélodie.

    Elle ne pouvait aller à personne d’autre qu’a elle, et elle se complaisait dans ce climat ésotérique qu’elle entretenait… Simplement, l’ambiance lugubre prit fin. Les dernières notes résonnèrent dans la salle, d’abord poussée par la pédale du piano, qui fit faire aux dernières notes un écho terrible pour le cœur d’Eris. Quand la musique cessa, le hurlement reprit. Plus violent qu’avant, plus terrifiant encore. Oh comme elle aurait aimé se réfugier sous les couvertures froides de sa chambre … Vite, vite ! Il fallait que ca cesse avant qu’elle ne craque. Elle vacilla légèrement et s’assit sur le tabouret, aux côtés d’Abyss, prenant bien soin de ne pas toucher sa nouvelle compagne nocturne. Son index effleura doucement la touche do. Un piano. C’était comme un orgue. En plus simple et plus doux. Elle devrait être capable d’en jouer non ? Et si c’était à elle de jouer ? Elle sembla réfléchir, pesant le pour et le contre.

    Jouer la Toccata de Bach semblait inutile. C’était un morceau puissant et stressant. Qui maintenait une ambiance plus glauque encore que les mélodies les plus ténébreuses et sataniques. Ca semblait inutile de le jouer au piano, il n’aurait pas la même ampleur que sur un orgue. Eris décida donc de laisser ce morceau merveilleux de côté. Jouer en valait-il réellement la peine… Et d’abord serait-elle capable de jouer un morceau sur un piano ? L’orgue et le piano, c’était deux univers totalement différents… Mais elle jugea bon que oui, lorsqu’elle entendit la souffrance hurler une nouvelle fois en comprimant son cœur. C’était à elle de jouer pour la petite fille. Et elle savait quelle mélodie allait couvrir les gémissements continus de son cœur. Ses mains, rapides et légères se mirent à parcourir le clavier. La mélodie semblait rapide et désordonnée. Pressée et hâtive.

    Comme si les notes elles-mêmes avaient hâte que le morceau se finisse enfin. Elle frappait les touches avec minutie et violence. Un étrange geste alors que son visage semblait impassible, ne représentant aucune émotion, autre que la concentration extrême que nécessitait ce morceau. Eris la guidait, lui dictait les notes à venir. Et elle jouait, se perdant dans ses spéculations. C’était le hurlement de sa souffrance. C’était la peur qu’elle tentait de fuir… C’était le rythme de sa course lors de son cauchemar. C’était ses terreurs nocturnes et toute son angoisse qui transparaissait dans cette mélodie trop intense pour quelqu’un qui semble ne rien ressentir. C’était ce jour fatidique où Lucrez lui avait dit qu’elle était l’enfant du démon. Oui, elle était bien l’enfant de Satan ou du moins d’un quelconque hérétique. Elle était bien une erreur de la nature, qu’elle soit l’antéchrist ou pas…

    Qui d’autre que l’enfant du diable pouvait avoir les yeux aussi rouges que le sang que les hommes versait ? Si Eris ne se perdait pas dans un monde de croyances perdues, elle aurait su qu’elle souffrait d’une anomalie génétique nommée albinisme… Enfin à moitié uniquement, puisque ses cheveux au lieu de prendre cette teinte lune avait gardé la froide couleur de la nuit. Encore une fois, elle se démarquait. Encore une fois elle n’était pas fichue de choisir entre le monde des humains et le monde des autres… C’était comme si elle marchait sur un fil. Et qu’elle attendait un coup de vent pour la faire basculer d’un côté ou d’un autre, sans qu’hélas rien ne se produise… Si elle avait été capable de choisir, souffrirait-elle plus ou moins ? Elle ne savait pas…

    L’ambiance se dissipa peu à peu, les touches étaient toujours frappées avec autant de haine et de violence… Pourtant, le morceau s’acheva. Fin brutale et inattendue. Les mains s’élevèrent au-dessus du piano puis plus rien. Un silence de mort régna dans la salle. Les deux jeunes filles restaient assisses, côte à côte sans rien se dire. Et il était évident qu’Eris n’allait pas encore engager la conversation. Elle semblait réfléchir. Qu’est-ce qui l’avait poussé à jouer ainsi ? Etait-ce réellement la peur du cri de la Souffrance qu’elle supportait depuis petite pourtant ? Ou alors peut-être une fierté mal placée, qui lui disait d’aller impressionner la petite successeuse de L.

    Elle trouvait pas de réponse, et semblait agacée de ne pas comprendre ses propres actes… D’habitude il était tellement simple d’ignorer les autres… Alors pourquoi cette petite fille la troublait autant. De quel droit Perséphone osait-elle troubler son esprit ? Eris était venue dans la salle de musique trouver le réconfort du silence pour sombrer dans ses souvenirs et chanter une petite berceuse. Et la voici, assisse devant un piano, à supplier intérieurement Abyss de la libérer de ses démons… Elle se sentait pathétique. Minable et faible. Elle n’avait pas le droit de se laisser aller ainsi… Sauf avec Athéna, qui était la seule digne de confiance.

    Elle ne connaissait pas Abyss. Eris avait beau lui dire qu’elle ne craignait rien, cette gamine l’avait poussé à jouer d’un instrument, à se dévoiler en partie musicienne près d’une inconnue. C’était intolérable ! Il fallait rester méfiante à l’égard de la jeune fille. Son regard ne quitta pas celui d’Abyss, ses pupilles ne décrochant pas des iris azurés et vides de sa compagne nocturne… Aussi vides que les siennes. Elle les fixa longuement avant de reporter son regard sur sa petite montre d’argent… Elle la dérégla nerveusement, se basant sur le fuseau horaire de Moscou cette fois-ci. Eris semblait tout connaître des créneaux. Elle ne semblait même pas avoir besoin de calculer dans sa tête l’heure qu’il devait être dans la ville glacée.

    Son geste était rapide et assuré. Après avoir rapidement consulté l’heure, elle se dit que finalement, ça ne lui ferait pas de mal de se laisser aller. Elle n’avait rien à perdre, rien à gagner si ce n’est quelques heures avant le retour fatidique de ses crises d’angoisses qui refusaient de la quitter. Elle fouilla dans sa poche pour trouver un petit iPod noir nacré. Elle l’alluma et fouilla dans ses artistes. Alyssa Sears. Bach. Clint Mansell. Craig Armstrong. Ludwig von Bethoveen. Mozart. Et c’était tout… Elle savait ce dont elle avait envie. Alors, très lentement elle plaça les écouteurs dans les oreilles de la petite génie, prenant encore une fois bien soin de ne pas toucher sa peau. Il ne fallait surtout pas toucher Eris, et elle ne devait surtout pas toucher les gens.

    Cette adolescente avait développé au cours du temps une phobie…Et si jamais on osait l’effleurer, Eris suffoquait et faisait une incroyable crise d’angoisse pour sombrer dans les abîmes du coma… La jeune fille appuya sur le petit bouton play et laissa la mélodie s’introduire dans le corps d’Abyss. Le message était simple et clair. Très facilement compréhensible pour Abyss, qui elle aussi semblait avoir l’habitude des rapports muets : « Joue ce morceau-ci. S’il te plait »… Et dans les yeux d’Eris, cela se transformait en supplication. Car la voix de Souffrance était revenue… et elle lui faisait plus mal que jamais. Plus que quelque temps et elle sombrerait une nouvelle fois dans l’angoisse…


Découvrez Craig Armstrong!


Dernière édition par Eris le Dim 27 Juil - 0:35, édité 3 fois
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Sujet: Re: I'm playing for you... [PV] I'm playing for you... [PV] EmptyVen 18 Juil - 20:30

Sick with the snow.

Elle détestait l’été pour sa chaleur du jour et sa lumière éblouissante qui inondait les couloirs et les salles de classe. Elle avait beau fermer le store près d’elle, les autres restaient grands ouverts et la lumière de jour rentrait avec violence. Dès qu’elle le pouvait, elle se réfugiait dans l’obscurité de sa chambre qu’elle prenait soin d’aérer au mieux sans faire rentrer la lumière. C’était finalement grâce aux stores fermés qu’il y faisait plus frais qu'à la plupart des pièces du bâtiment. Mais les nuits étaient d’une douceur presque trop présente qui lui permettait de rester longtemps dehors en observant les fleurs fermées et contemplant la lune bienveillante et ses enfants sans risquer de revenir malade dans sa chambre. L’hiver passé à la Wammy’s house lui avait attiré des regards curieux, parfois inquiets des professeurs lorsqu’ils la voyaient les yeux gonflés et le teint plus pâle que d’habitude. Lorsqu’un enseignant attentionné lui avait demandé une fois si elle allait bien, seul le silence lui avait répondu. Pas même un regard ne lui avait été adressé.
Car il n’y avait personne pour lui répondre.
La fillette avait fui la douleur de la fièvre mais celle-ci l’avait suivie dans ses rêves, la plongeant dans un chaos vif en souffrance et en haine. En ce temps-là, l’enfant se mettait à haïr le monde entier plus puissamment encore qu’elle le haïssait en temps normal. On l’avait amenée à l’infirmerie, c’était à peine si elle s’en était souvenu. Elle avait repris ses esprits quand la fièvre était tombée après de longues heures de souffrance au plus profond de ses cauchemars.
Pourtant, une semaine plus tard, elle ressortait dehors après le couvre-feu. Une seule chose avait changé : elle avait abandonné sa robe de dentelle, insuffisante malgré les bottines, les collants et le gilet noir, afin de la remplacer par un ensemble pull, sous-pull, jupe chaude quoique courte, collants, bottines, manteau et gants neufs. Le plaisir de la forêt avait considérablement diminué à cause du vacarne qu'elle y faisait à cause de tous ses vêtements, mais la neige restait la même, avec le même crissement des semelles, les mêmes bonhommes. Et Damase revenait encore malgré la tristesse dans laquelle était immergée la nature, plongeant la majorité de la forêt dans la léthargie ou la mort. Y avait-il des loups de l’autre côté des solides grilles ? L’enfant rejoignait parfois un de ces puissants canidés et cherchait désespérément avec lui de quoi se nourrir. Mais ce n’était pas dans cette forêt, même si le hurlement de ces puissances sauvages confiant leur peine à la lune parvenait jusqu’à ses oreilles.
En été, les nuits étaient d’une douceur complète mais les journées insupportables. Quant au printemps et à l’automne, les journées étaient assez agréables car la température ne montait pas, les nuits supportables car la température n’y chutait pas. C’était, côté pratique, les meilleures saisons, car elles diminuaient quelque peu la fréquence de souffrance physique.

Mais l’angoisse ne s’en allait pas.
Il suffisait parfois qu’elle y pensât pour que ce poison l’envahît toute entière, surgissant même quand elle s’y attendait le moins. Il transformait le regard chaleureux de Damase en flammes gelées qui la léchaient, profitant de la souffrance qu’elles procuraient sur sa peau, des épines de glaces passant les brûlures givrées pour s’enfoncer dans son cœur affolé qui ne demandait qu’à exploser sa cage et s’enfuir loin de tout ce martyr, quitte à abandonner sa vie.
L’enfant avait espéré de toutes ses forces que Damase vint la sauver mais quelqu’un d’autre était venu, lui procurant une profonde déception au goût amère sous la langue. Son regard s’était terni, vidé. Elle allait mieux, de toute façon. L’idée même de la venue de son sauveur l’avait sortie de l’angoisse malgré l’amertume qui s’était ensuivie. L’enfant avait attendu, fixant la nouvelle venue de son regard profond. Peut-être quelque part lui en voulait-elle d’être venue à la place de Damase. Oui, elle lui en voulait de l’avoir déçue de la sorte, cette Eris. Elle avait beau être intrigante et d’une compagnie agréable par son aura, la fillette lui en voulait. Elle n’était pas en colère. Mais elle lui en voulait. Et elle était décidée à ne pas changer ces habitudes, restant fermée jusqu’à ses yeux et attendant que les yeux rubis ou les mains aux longs doigts, ou la tête au visage blafard, ou une toute autre partie de l’adolescente fît le premier pas, envoyât le premier message, le premier mot ou même la première lettre. Même sans son amertume, elle aurait agi ainsi. Et cela ne plongea pas la pièce entière dans le vide. Car Eris envoya bel et bien un message qui ne contenait pas une lettre, ni un mot même une phrase complète. Elle voulait réentendre le piano. Et l’enfant, après une brève réflexion, s’était retournée face au piano, y avait déposé son domino. Puis elle avait joué. Pas parce qu’on lui avait demandé. Elle en avait envie. Peut-être en avait-elle besoin. C’était pour cela qu’elle était venue près de ce piano. Pour jouer. Alors elle s’était remise à jouer malgré la présence d’une autre personne. Elle s’était fiée à l’air qu’elle avait senti et avait joué un air qui s’y accordait. Une mélodie simple car infiniment lente, aux notes répétitives, profondes, froides. La petite s’était remise à rêver, imaginant une maison semblable à celles qu’hantaient les fantômes. Peut-être serait-ce la maison qu’elle hanterait lorsqu’elle serait morte si elle devenait spectre sans destin fini. Peut-être y aurait-il bel et bien ce pont entre la vie chaotique et la mort vide. Et qu’avait vu Eris ? Avait-elle discerné ce pont elle aussi ? Ce pont aussi poignant que la vie et terne que la mort, l’avait-elle perçu ? L’enfant en était sûre, une étincelle avait brillé dans les yeux rubis qu’elle voyait avec peine au coin de son champ de vision. Pourtant, elle avait discerné comme une flamme qui, l’espace d’une infime fraction de seconde, s’était élevée avant de se cacher aussitôt. Elle avait perçu un très faible réchauffement causé par cette flamme. Et ses doigts continuaient leur lente danse sur les touches nacrées du piano, ajoutant dans leurs pas une finesse semblable à celle des cristaux délicats. Un long ruban basané qui s’envole au-dessus des âmes errantes pour disparaître dans le ciel de la nuit qui tombait lentement dans la salle de musique. Puis les dernières notes qui résonnaient dans la pièce en un écho qui peinait à s’éloigner car l’enfant le retenait avec ses doigts pressant les touches. Elle refusait de le laisser partir, de sortir elle-même du vide dans lequel elle s’était réfugiée durant cette mélodie. Elle aimait ce ruban qui, lorsqu’elle le suivait, la guidait loin jusqu’à cette ténébreuse maison au lavabo maculé de sang. Mais quand elle se résigna à retirer ses mains, l’écho ne s’enfuit pas, s’éloignant tout en douceur afin de ne pas brusquer la jeune fille qui le suivit jusqu’à ce qu’il fût hors de sa portée. Alors elle tourna la tête vers Eris et, à nouveau, son regard profond fixé sur les rubis de l’adolescente, attendit une lettre, un mot ou une phrase de sa part. Que ce fût par un signe de tête, un mouvement de main, ou une lueur dans ses rubis.

Quelle fut sa surprise lorsqu’elle remarqua un vacillement de la part de l’orpheline aux cheveux d’ébène alors qu’elle s’approchait de la fillette qui se décalait au bord de son tabouret dans l’espoir de rajouter quelques décimètres dans cette distance considérablement réduite pour ensuite se demander si elle avait bien fait ou pas car Eris s’asseyait à ses côtés. Si elle n’avait pas bougé, peut-être n’y aurait-il pas eu la place pour elle et serait-elle restée debout ? Mais, d’un autre côté, peut-être y aurait-il eu un contact physique ? A cette idée, l’enfant remercia son instinct qui lui avait dicté de se déplacer. Cet instinct provenant de cette peur des contacts. Elle se rappela la violence avec laquelle on l’avait tirée ou poussée pour la forcer à avancer. Elle réentendit ses propres hurlements hystériques qui lui emplirent les oreilles. Une horreur la submergea toute entière. Alors qu’elle allait sombrer dans un nouveau cauchemar, des notes la retinrent dans la salle de musique. L’enfant fixa les longs doigts d’Eris qui jouait. Le semblant de victoire ne parvint pas à se faire ressentir même si elle s’était aperçue qu’elle avait deviné juste et que l’adolescente jouait bel et bien du piano. La danse de ses doigts habiles était plus rapide que celle de la petite, plus désordonnée aussi. Une danse effrénée nettement moins sombre que la mélodie précédente. Ce n’était pas une froide angoisse qui, tel un loup tapi dans un buisson, attendait un moment précis pour attaquer. Ce n’était pas non plus une profonde tristesse, cette morosité qui tient prisonnier alors qu’on s’isole quelque part durant toute la journée, sans rien faire, sans avoir le moindre désir. C’était plutôt un mélange d’émotions si complexe qu’elles ne pouvaient provenir que de la joueuse. Terreur violente quand la malheur s’écrase sur soi, trouble profond qui plonge dans un tissu d’angoisses aiguës qui reviennent constamment sans jamais laisser un seul instant de paix. Une course poursuite avec ses démons haïssables qui restent constamment immortels, attaquant inlassablement. Aucune paix. Sauf quand le tissu se rompt brusquement dans un déchirement douloureux. Le répit est là, enfin. Mais sa violence ne peut que faciliter le retour de la souffrance. On connaît la suite : les tourments reprennent tel un cercle vicieux de flammes encerclées par la glace et ses vapeurs.
Cette mélodie valait plus que la plus complexe des phrases, alors que l’enfant avait veillé à ne rien laisser transcrire, se calquant à l’air ambiant. Celle-ci fut d’abord surprise par ce constat. Surprise que quelqu’un créât un contact avec elle. Certes, ce n’était pas la première fois. Quelques jeunes filles avaient déjà essayé de se lier avec elle, par exemple en s’asseyant à sa table au réfectoire malgré l’ignorance totale qu’elles recevaient quand elles se présentaient et demandaient par la suite :
« Et toi, tu t’appelles comment ? »
Oui, car ce n’étaient pas des filles de la classe 1 qui tentaient. Les élèves de la classe 1 avaient parfaitement compris que la fillette à la canne ne voulait pas d’eux, trop renfermée pour qu’ils eussent envie de lui parler. Quant à ceux qui étaient aussi solitaires qu’elle, ils restaient seuls tout simplement. Et les filles qui essayaient de tenir une conversation avec cette enfant taciturne n’étaient pas même encouragées par le moindre mot, si bien qu’elles abandonnaient. Seule une ou deux lui accordaient une attention suffisante pour lui sourire en la croisant dans les couloirs. Sourire sans réponse, toujours.
Mais à cet instant, c’était différent. D’abord parce que c’était Eris qui s’approchait. Solitaire, sombre, rejetant toute relation sauf avec Near. Pourtant, elle était venue, elle avait joué, elle s’était confiée. Confiée à une gamine à qui elle n’avait au préalable rien communiqué. C’était également pour cela que c’était différent.

Notes who touche.

Cela faisait un moment que les doigts de l’orpheline aux rubis avaient cessé leur violente danse sur une fin brutale, s’immobilisant au-dessus des touches. Alors que les doigts fins de l’enfant étaient longtemps restés appuyés, ceux de l’adolescente s’étaient élevés brusquement. Quelque peu troublée mais toujours impassible, la petite les regarda un instant avant de lever les yeux vers Eris qui la fixait de ces iris de sang. Elles s’observèrent longuement de leurs regards vides et profonds. Des yeux de couleurs opposées mais aux regards semblables. La petite orpheline se posa alors une question qui la troubla légèrement davantage. Que voulait Eris ? Celle-ci dévia alors ses yeux pour les reporter vers sa montre où elle porta les doigts. Elle en tira puis tourna la petit couronne de droite afin de tourner les aiguilles. Lorsqu’elle pressa la petite couronne afin de remettre les aiguilles en marche, la plus petite d’entre elle se situait entre le onze et le douze. En visualisant une carte géographique qui indiquait les fuseaux horaires, l’enfant compta deux lignes verticales et arriva à l’ouest de la Russie. Mais ce détail n’était pas important. Car la fillette se demanda pourquoi sa camarade avait changé de fuseau horaire, pourquoi avait-elle manifesté sa manie à cet instant ? S’était-elle interrogée sur quelque chose en rapport avec la scène à laquelle elle participait ? En était-elle troublée, que ce soit par un petit étonnement, un agacement, ou même une incompréhension totale ? Ou n’était-ce qu’une manie qui se reproduisait sans la moindre raison ?


Dernière édition par Abyss le Ven 18 Juil - 21:12, édité 2 fois
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Sujet: Re: I'm playing for you... [PV] I'm playing for you... [PV] EmptyVen 18 Juil - 20:31

L’adolescente jeta un dernier coup d’œil à sa montre avant de plonger une main dans sa poche. Après avoir fouillé un instant, elle la ressortit, serrant un objet d’où partaient des fils. Une oreillette émergea de la poche. Suivie de l’autre. L’objet sortit arborait une couleur noire parfaitement opaque scindée de discrets reflets. De forme parallélépipédique, plat, il était composé d’un petit écran et de petites touches tactiles. Une fois allumé défilait une liste de noms dont quelques uns familiers puisqu’ils appartenaient à des artistes encore célèbres malgré l’âge avancé de leur mort. Des artistes musiciens. L’objet était un lecteur de musique, plus précisément un iPod. Une de ces technologies de pointe que l’enfant n’avait pas eu le loisir de côtoyer, se contentant d’instruments de musique, de la nature et de son imagination pour écouter des mélodies. Les noms cessèrent de défiler. Celui que choisit Eris ne rappela rien à la fillette qui ne connaissait pas cet artiste. Elle observait les mains de la fille aux rubis tapoter discrètement la flèche de droite pour passer les musiques jusqu’à celle qu’elle cherchait. Et ensuite, que ferait-elle ? Insèrerait-elle les écouteurs dans ses oreilles afin de profiter de la mélodie voire la jouer ? Alors que l’enfant s’était surprise de constater à tel point sa camarade s’était confiée, elle se sentit à présent écartée, presque exclue. Ces écouteurs isoleraient l’orpheline loin d’elle et le piano lui appartiendrait. La petite n’aurait qu’à observer la danse des doigts puis dévier son regard afin de plonger seule dans la musique, dans son monde, ailleurs. A quoi bon être en compagnie si ce n’était pas utile ? De toute façon, un piano l’attendait toujours dans la commom room. Certes, elle multipliait ses chances de se faire prendre puisque les surveillants avaient tendance à passer un peu plus souvent de ce côté-là – elle les avait observés – mais cela lui était égal. Les heures de retenue non plus ne l’inquiétaient pas, même si elle préférait passer le moins de temps possible hors des endroits habituellement fréquentés par elle.
A nouveau, elle en voulut à Eris. Elle lui en voulut de l’écarter ainsi avec son iPod. Elle n’arrêtait pas de reprocher à quiconque ces faits et gestes, l’orpheline aux rubis étant la seule personne présente avec elle, c’était vers elle que penchaient à présent ses reproches. Elle n’arrêtait pas d’en vouloir aux gens de faire ce qu’ils avaient toujours fait et d’être ce qu’ils avaient toujours été. Elle en voulait au monde entier d’être ce qu’il était. Et elle le haïssait pour le cela. C’était cette haine qui lui dictait de toujours en vouloir à quelqu’un. Mais c’était aussi cette haine qui lui facilitait la tâche qu’elle s’était donnée, celle de rejeter les gens. Elle n’arrêtait pas de rejeter, refusant toute relation, et elle en voulait à Eris pour la rejeter elle, même pour l’instant de la courte manipulation d’un lecteur de musique. Ce serait paradoxal si la fillette n’était pas égoïste. Ce serait paradoxal si la fillette était prête à se remettre en question. Mais, peut-être à cause de sa jeunesse, elle n’en était pas encore à ce stade. Et elle ne comprenait pas que la haine que le monde lui manifestait était légitime face à la sienne. Car c’était parce qu’il la méprisait qu’elle le méprisait, pas l’inverse se disait-elle.
Les titres cessèrent de défiler. L’adolescente avait trouvé ce qu’elle cherchait. La fillette jeta un coup d’œil sur son choix et voulut lire le titre, par curiosité sans doute. Mais le iPod ne resta pas en place entre les mains d’Eris. Il ne se réfugia même pas contre elle. Il s’approcha de l’enfant. Celle-ci eut un mouvement de recul qu’elle écourta par volonté. Une main de l’adolescente passa devant son visage et s’arrêta près de l’oreille afin d’y insérer un écouteur. La petite se raidit. S’il n’en tenait qu’à elle, elle se serait dégagée brutalement et se serait dressée brusquement pour s’éloigner de l’orpheline aux rubis, mais elle n’en fit rien car elle remarqua que celle-ci prit soin de ne pas la toucher. L’autre écouteur fut inséré dans l’autre oreille avec la même vigilance. Pourquoi tant d’attention dans ces gestes ? La jeune adolescente connaissait-elle la peur des contacts de sa camarade ? Cela n’expliquait toutefois pas forcément son application. L’enfant voulut débattre sur la question mais elle n’en eut pas l’occasion car des oreillettes émana une pluie de notes jouées au piano. D’abord la surprise, ensuite le reproche qu’elle se faisait à elle-même pour ne pas avoir prêté plus d’attention à l’action même de lui insérer les écouteurs. Trop inquiète sur cette approche dangereuse, l’idée qu’Eris lui fît écouter une mélodie ne lui avait même pas effleuré l’esprit alors qu’elle était évidente. La pluie commença aiguë, puis descendit peu à peu malgré les petites retours, avant de s’arrêter au bout d’une trentaine de secondes. La mélodie s’emplit de calme, même si l’on sentait toujours des petites gouttelettes de temps à autre. La fillette fixa ses iris sur les rubis de sa camarade où brûlait le désir presque désespéré d’entendre la mélodie jouée au piano. Elle l’observa alors un long moment, laissant les secondes s’écouler. Plus elles s’accumulaient, plus le désir augmentait, une impatience se dévoilant de plus en plus. L’enfant attendit encore même si elle était consciente de la douleur que l’attente provoquait en Eris, elle voyait cette douleur dans son regard. Une petit mélodie mélancolique s’entama au milieu du morceau. Puis de nouvelles gouttelettes qui se multiplièrent, s’amoncelèrent, se transformèrent en flots sur des vitres de cristal. Torrent de pluie sur les toits, dans les gouttières, sur les fenêtres. Enfin le déluge se calma lentement jusqu’à ne plus se faire entendre. La mélodie était terminée et l’enfant n’avait toujours pas joué. Y avait-il une lueur de déception dans les yeux de sang de l’orpheline ? Pas seulement une lueur. Eris voulait avec force de désespoir que la petite jouât.

Et le regard d’Abyss s’emplit d’une expression : « Rassure-toi, je vais jouer ce morceau. »
Elle dévia alors ses yeux afin de les poser sur les touches juste le temps de tendre ses doigts au-dessus de celles de droite. Alors que son regard s’absentait, la musique reprit. Peu importait si le iPod était programmé pour lire cette musique en boucle ou si c’était Eris qui avait passé son doigt sur les touches. Car, dès que la mélodie débuta pour la seconde fois, les doigts de l’enfant s’agitèrent frénétiquement. La pluie qui résonnait dans ses oreilles fut fidèlement reproduite, et ce grâce à l’écoute précédente. La pluie éclatait sur des carreaux de verres puis s’en écoulait. Une pluie fraîche à grosses gouttes qui se calma peu à peu pour un calme précaire. Un rythme grave tranquille, quelques gouttelettes irrégulières. Et les doigts de l’enfant qui dansaient harmonieusement avec cette irrégularité. Les notes graves s’accentuèrent avant de se faire discrètes quand débuta la petite mélodie mélancolique. A partir de cet instant, la fillette ne se contenta pas de reproduire les notes qu’elle entendait. Elle les emplit de son absence de joie. Pas de tristesse pure, juste cette absence, ce vide prenant qui l’avait peu à peu transformée à ce qu’elle ressemblait aujourd’hui.

« Toi ! Je t’ai déjà dit de ne plus t’approcher de ma fille ! »
« Nous partons en ville. »
Définitivement. Les larmes, le jeun. Puis les paysages qui défilent alors que le village s’éloigne, alors que Damase s’éloigne. Définitivement. Les arbres aux nouvelles feuilles qui se montrent ternes au bord de cette route qui sinue entre les collines. Définitivement. Puis cette maison de la ville, cette maison qu’elle ne veut pas connaître. Et ces visages inconnus, ces visages qui l’observent, méprisables. Définitivement.
Ce ne sont que des monstres dans un monde d’êtres qu’ils ne voient pas ou mal.
Et Abyss ? La petite fée à qui on a coupé les ailes. Et les ailes des fées ne repoussent pas.

A nouveau les gouttes de pluie. Petites et peu nombreuses au début, mais de plus en plus grosses et nombreuses. C’était un véritable déluge loin duquel tentaient de se réfugier les petits êtres qui n’aimaient pas la pluie. Mais la terre avait avalé trop d’eau, des marres se formèrent très vite, noyant les moins rapides et les plus fragiles. Si la petite fée s’était trouvée sous une telle averse, elle n’aurait eu d’autre choix que d’attendre. Attendre que les gouttes se fissent moins nombreuses, attendre que le démon du ciel cessât de pleurer. Les doigts de l’enfant inclinaient les touches en une vitesse extrême, donnant aux notes toute la puissance de ses émotions. La pluie tombe plus drue, plus dure : la grêle. Une grêle qui attaque, assomme, tue. Une grêle plongeant dans le désespoir, loin de tout abri. Un grêlon s’écrase sur le crâne, on s’affale mais reste conscient. Inondé, les yeux mi-clos, on se reçoit des grêlons sur tout le corps. Un autre sur la tête. Et un troisième. La douleur cède lentement à la léthargie. Les membres se détendent, les flots s’éloignent. Les paupières se closent. Les gouttes semblent moins lourdes, les grêlons moins douloureux. Les sons se baissent, s’étouffent, s’éteignent. Trois dernières gouttes. Et c’est fini.

Never to trust.
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