- Pfff non mais ça m'énerve !!

BAM.

- Laisse tomber c'est trop : im-pro-ba-ble.

REBAM.

-Putain...

Aïe, mon pied gonfle... que foutait cette bordel table de nuit à coté de mon lit, hein. Je souffle en grand coup, aspire l'air humide et suffocant par la fenêtre de ma chambre, et repose mes fesses sur mon lit, non mais. La colère rend mon visage abominable, c'est vrai : j'ai le front plissé, les narines dilatées, les yeux tout pliés... Tout ça pour un stupide bouquin. Je n'ai jamais brillé scolairement parlant, toujours moyenne, dans le milieu de classe. Mes soeurs étaient brillantes, elles, mais moi... Stupide stupide problème de mathématiques, stupide algèbre, marre de bosser enfermée, cloitrée comme dans un couvent pour réussir une bordel équation qui ne sert à rien ! Enfin... Je suis nulle en maths. Méga nulle, pour dire. Les mots me parlent, les crosses me comprennent, mais les chiffres, les nombres et tout le reste.. BASTA. Une heure et demi que je planchais, mon brouillon avait vécu la guerre de cent ans plus celle d'Algérie et se rapprochait de la 3e guerre mondiale. Le souk au Maroc, c'était plus propre, limite. Mon cerveau surchauffait. De rage et de frustration, je balançai mon manuel contre le mur, tapai dans le premier truc qui me tombait sous le pied..La..la..table de nuit. Mal aux orteils, il fallait que je me défoule, mais comment ? Le visage d'Agathe se montra dans mon esprit l'espace de quelques secondes.. Celle là... la détruire, trop tard ? Elle me donnait la motivation, remarque, motivation de buter tout se qui bougeait autour de moi. Cloporte tiens, mon cafard apprivoisé, même lui, avec ses petites antennes, me donnait envie de l'écrabouiller. Pauvre bestiole, il fallait que je parte avant le drame.

La porte claqua, et je démarrai ma marche lente dans les couloirs de la Wammy's house. De déambulation en déambulation, je me trouvais devant une porte. Porte sur laquelle on avait collé un joli panneau doré : Stand de tir - SHAPE.
Envie de hurler ma joie, je n'avais jamais utilisé d'armes auparavant, et l'idée d'appuyer sur la gâchette et de trouer un poster m'excitait et m'attirait fortement. Hm, hm..
Je refermais doucement la clenche, et avançais dans l'obscurité sinistre du lieu, en quête d’interrupteur. Un frisson de plaisir parcourut mon corps, quelle joie de jouer les hors-la-loi ! La sensation était grisante, et les palpitations de mon cœur accéléraient petit à petit. On aurait dit que j'allais faire une découverte surprenante.. L'adrénaline montait en moi comme un serpent le long de son arbre, elle glissait sinueusement tout le long de ma colonne vertébrale... Divin, c'était le mot.

Je repérai une armoire assez massive dans le coin de la pièce, les cibles étaient déjà placées, pas besoin de faire trop de bruit, comme ça. Les portes n'étaient pas verrouillées, grand danger : si l'orphelin qui avait laissé trainer tout ça avait le malheur de se faire prendre, il passerait à coup sur un très, très mauvais quart d'heure. Je m'emparai donc d'un petit revolver, le genre "The Experts" et avançait, fébrile, vers le stand de tir. Le manuel devait être quelque part par là, inutile de réveiller tout l'internat pour une erreur, et les urgences... encore moins. Mettre les balles ici, tirer la gâchette de cette manière, bien faire attention pendant qu'on manie l'arme... Et shot. Un trou dans le poster.

BANG BANG BANG.

Les balles qui tombent sur le sol.

TIK TOK TIK TOK.

Les minutes défilent, la fatigue prend le dessus.

Je baisse mon revolver, la figure noire de l'ennemi a prit assez cher. Pour ce soir. D'un pas mou, et en baillant bruyamment, je referme l'armoire, correctement, et avance en direction de la porte. Cette dernière s'ouvre avant que je n'atteigne la poignée..

- Putain, tu fais peur. T'es qui ?

Ok. Profil de psychopathe se tenait devant moi, là, grand de son 1 m 80 au moins, le regard perçant et surpris. Mais que diable faisait-il ici à une heure pareille ? La chaleur, sans doute.. mais il avait un pull.. Le vrai paradoxe de simplicité quoi. J'avais déjà vu ce type avant, enfin, il me semble, poursuivi par une fillette, je crois, c'était sans grande importance. Me jugeait-il ? Ses yeux gris se posaient sur moi d'une manière hautaine, que pensait-il ? Un ange passa, et personne ne bougea.

- Désolé de t’avoir surpris… Je suis le Doctor, et toi qui es-tu jolie demoiselle ?

Le Doctor. Un vrai médecin ? Mais non. Trop jeune. Le, comme pour se donner un genre.. Et "jolie demoiselle".. Genre moi, jolie demoiselle. Peut être était-ce un tombeur ? C'était dur à croire, son visage était dur et inexpressif, mais on lisait sous cette réserve naturelle une sorte d'agacement, comme s'il disputait un dilemme intérieur, ou je ne sais quoi. Après tout ici, tout le monde garde son secret, son nom, son passé, pourquoi pas lui ? Le Doctor. Une canne et un pas claudiquant s'affichent dans ma mémoire, l'équipe de médecins.. HOUSE ! Doctor house, voilà à qui il me faisait penser. L'air froid, antipathique et songeur, cynique peut être..
Je soupirai un instant, l'étape : je-te-regarde-tu-me-regardes était passée, répondre maintenant, et ne pas avoir l'air godiche.

- Doctor.. Je suis Sophie. Et puis je m'en allais de toutes façons donc ne t'inquiète pas. C'est la première fois que je tire donc.. Ce n'est pas grave, ce n'est pas très intéressant de toutes manières. Je te laisse la salle !

J'avançais un pied, hésitante. Il était toujours dans l'encadrant de la porte, avec ses cheveux gris/verts qui contrastaient avec la lumière. Drôle de couleur.

- Tu débutes en tir ? C’est un assez bon début à en juger ta cible… Si tu veux… je pourrai te filer une ou deux astuces pour tirer avec plus de précision… Je ne t’oblige à rien hein…

Oh.. Un gentil Docteur en fin de compte ! Surprise, je me retournai vers lui et lui adressai un sourire timide. Pourquoi pas, finalement. Et il était trop tard pour remonter dans les dortoirs, avec ma discrétion d'éléphant, j'allais réveiller tout l'étage.
Un bon tireur, alors ? Il n'était pas Shape, enfin pas à ma connaissance..

- Oh, oui c'est sympa de ta part. Je veux bien que tu m'apprennes deux trois trucs si tu te débrouilles bien. Tu sais bien tirer ?

Pas de réponse, pour le moment, l'étrange garçon se déplaça seulement. En direction de l'armoire, d'abord, puis vers le second stand de tir. Son arme.. Ne me demandait pas, je suis nulle en reconnaissance d'armes, je connais le revolver, pour l'avoir pris plus tôt, et le silencieux. C'est tout.
Il avait un casque à la main, bien sur qu'il devait s'y connaître. Je n'avais même pas pensé à en prendre un.

BANG BANG BANG BANG.

Combien de trou sur le poster ? Très peu. Il était très doué.
Son regard se posa sur moi pour la seconde fois, il avait cet air de grande victoire dans les yeux : cette petite étincelle de joie qui traduit notre fierté. Il avait prouvé sa valeur, j'étais époustouflée.
Le bruit des coups de feu résonnait encore dans mes oreilles, les flingues. C'était la première fois de ma vie que je m'en approchais, les flingues. En apprendre un peu plus ? J'étais complétement pour. Je ne refuse jamais de nouvelles expériences, je suis ouvertes pour toutes les découvertes, alors tirer... Écraser l'image fictive d'Agathe, lui transpercer le front, les joues, le nez, le cœur. Ouai.

- A l'évidence, oui. Bravo, joli tir !

Je levai mon pouce pour accompagner mon compliment.

- Sinon, c'est quoi comme arme ?