Ceci est un mini flashback se déroulant quelque mois avant "Préparatifs :evil inside:" (octobre) nous sommes donc ici en aout.

Se promenant dans les bois à pas de course, pour la forme, les nerfs, et la classe, Tears faisait son petit footing en jean, t-shirt violet sur t-shirt crème. Il respirait à rythme régulier, courait à rythme régulier en slalomant parfois entre les arbres, essayant de n’écraser ni fleurs, ni champignons. L’air était pur, ça sentait la terre et la nature (sans blague) et le surveillant profitait enfin de tous ses bienfaits, comblant ses sens de choses exquises.
C’est alors qu’il arriva au niveau d’une clairière, clairière qu’il pouvait reconnaître entre mille. C’était là ou se situer le grand chêne, la cabane et donc, le quartier général des Chocolate Rangers, lieu craint par les orphelins… et le surveillant, un peu quand même. Il se plaisait pourtant à venir voir la bâtisse, impressionné par l’architecture que les orphelins avait su développer. La cabane avait bien changé en 6ans et le blondinet s’y rendait parfois, juste pour voir que tout allait bien, juste pour la convention, mais aussi pour admirer ce chêne gigantesque aménagé de façon grandiose. Stoppant sa course, il tourna autour de l’immense arbre un instant. Le directeur lui avait conseillé d’entrer parfois, juste pour vérifier qu’il n’y avait rien d’interdit, d’illégal ou illicite à l’intérieur. Tears le faisait donc parfois, la trouille au ventre qu’il se fasse découvrir par les membres des CR. Cependant, il essayait toujours de se réconforter avec des pensées conçues pour ça.

Enfin, ce jour d’aout faisait partie de ces jours où il devait inspecter. L’oreille collé aux parois pendant près de dix minutes, le surveillant en déduis que la zone était totalement libre et décida d’y entrer avec le double des clefs qu’il avait réussi à obtenir de part de quelques orphelins talentueux. Le pas craintif et la moue inquiète, Tears grimaça en entendant la porte grincer comme pas possible. Une fois à l’intérieur, il balaya le tout du regard, des tablettes de chocolats partout, des clopes écrasés dans les endroits les plus insolites, quelques pellicules photo de Cain, une console… eh bêh, c’était pas une petit cabounette de rien du tout hein. Enfin, il le savait ça, mais à chaque fois qu’il venait, environ deux fois dans l’année, ça l’impressionnait toujours. Il était curieux, mais n’aimait pas l’être, alors il se contenta de faire le tour de la pièce principal, le pas léger et anxieux. Bon, pas de truc choquant à signaler, il pouvait rentrer. Ah mais, il n’avait pas bien cherché, et agir ainsi était agir en lâche. Réunissant tout son courage, il ouvrit quelques tiroirs, y jeta un coup d’œil, les referma et se promena encore un peu, puis, il passa devant une armoire récupérée dont ne sait où. Tears l’ouvrit avec précaution et tomba sur une demi douzaine de bouteilles, des vides, les pleines, et des à moitiés vides et des à moitiés pleines. Toutes contenaient de l’alcool, des durs, des forts, des doux et des sucrées. Le surveillant écarquilla les yeux, jamais il n’avait vu autant d’alcool. Sauf, peut être, pendant le mariage de sa sœur. Soudain, il entendit des bruits de pas, et ces sons affreux, quoique légers, se heurtaient à ses oreilles comme la plus stressante des mélodies. Paniqué, stressé et affolé comme jamais, il resta un instant paralysé, et finit par décamper furtivement, se carapatant derrière un vieux et petit canapé construit main avec des cousins. La sueur perlait en abondance sur son front alors qu’il se roulait en boule derrière la masse de tissu et d’oreillers, les yeux fermés comme s’il attendait une explosion.

Planqué derrière le canapé, il tendait l’oreille, craintif. La porte s’ouvrit, il tressaillit, s’arrêtant de respirer. Merde merde merde, que devait-il faire ? Ouvrant un œil, Tears distingua une bouteille vide qui trainait et l’idée d’assommer l’intrus avec lui bouscula la cervelle. C’est vrai qu’il s’était sentit observé depuis ce matin, ça pouvait être un stalker, ça devait être un stalker. Un méchant qui s’en prenait aux orphelins et qui voulait tuer le surveillant pour se débarrasser des obstacles. Oui, bon, Tears n’avait rien d’un obstacle, mais sait-on jamais, la cruauté gratuite, ça existe. Tremblant, prêt à péter une durite, il se compressait tant bien que mal, n’osant cligner ses yeux maintenant ouverts. Sait-on jamais, un battement de cil, ça s’entend. Chaque bruit de pas sonnait comme une menace des plus angoissantes. Monsieur, me tuait pas… j’ai rien fait… bon, j’ai peut être prit un joli trombone coloré sur le bureau de Roger mais… mais après je lui ai dis, et et et il m’a pardonné.

-"Teaaaaaaaaaaaaaaaarsss chounnnetttt"

Les entrailles en bouilli, il se mourrait d’avance. On l’avait remarqué, plus aucun issu n’était possible. Préparant un testament mental, il fut terrifié à l’idée d’avoir raison. L’intrus connaissait son nom, il l’avait donc suivit, c’est donc un stalker. La voix de ce dernier lui rappelait vaguement quelque chose, mais il était tellement stressé qu’il n’en fit rien.

-"Bon sang, tu me fais de la peine, allez sort de ta planque, je vais pas te mordre. C'est Jal, pas de risque de te faire tabasser. Mais bon sang, soit un homme quoi, t'as peur des mômes que tu surveilles, tu m'épateras toujours ! Allez, bouge, j'ai pas tout mon temps non plus."

Jal ? Jalender ? Earley Queen ? Ce gentilhomme qui assistait l’infirmière ? Ah oui, ça devait être lui. Il était gentil. Il avait mangé avec lui au réfectoire une fois. La table réservé aux adultes étant bombé de monde ce jour là, Tears s’était installé en face de lui. C’était quelqu’un qui pouvait se révéler embarrassant de part cette intimité qu’il proposait si tôt. Mais si le surveillant se sentait apprécié alors, peut importait. Bizarrement, Earley Queen, ne se moquait de lui… il se contentait de l’enfoncer encore plus et de lui faire la moral. Pas étonnant vu le ridicule de la situation. Alors que faire pour rattraper la honte qui colorait les joues du blondinet ? Fallait-il rester caché, sortir en souriant comme si de rien n’était ou trouver une excuse bidon pour camoufler sa paranoïa ridicule ? La lèvre rouge à force de mordillements excessifs, il finit par se déplier lentement et se tourner, laissant juste ses yeux dépasser du canapé. Ah oui, c’était bien lui, c’était bien Earley Queen. Après s’être remit sur pieds avec une lenteur exacerbée, il hésita encore le "Je refaisais mes lacets" ou "Il y avait une coccinelle par terre." Finalement, il se dit que s’il cherchait à se justifier, ça en deviendrait douteux. Alors, légèrement tremblant, sa respiration encore un peu saccadé, il enfouit ses mains à l’intérieur de ses manches longues et tira dessus avant de dire, la moue quelque peu boudeuse :

-"… Ah…Bonjour… Earley Queen… et… je… heu… je… n’avais pas peur…"

Balançant ses bras d’avant en arrière, il tenta un sourire quelque peu tristounet. Il avait le don pour se fourrer dans les situations les plus honteuses.

-"… Heu… qu’est ce que…"

… tu fais là ? … je peux faire pour toi ? Tears ne cacha pas la lueur interrogative de ses yeux qui s’accordait avec ses joues rouges. Jal n’avait rien d’un "Chocolate Rangers", alors que faisait-il là ? Il n’était pas surveillant non plus… alors quoi ? Peut être bien que Roger l’avait embauché pour vérifier que Tears fasse son travail correctement… oh, quel affreuse idée. On ne lui faisait donc pas confiance… ? Cette pensée dépita le blondinet au plus haut point, alors il soupira faiblement.

-"Qu'est-ce que quoi, Tears chéri ? Fini donc tes phrases, déjà qu'elles sont toujours entre coupées par vingt milliard – rien que ça – d'hésitations."

Le surveillant ouvrit la bouche, la referma, réfléchit. Il allait essayer de faire une phrase sans hésitations, eh oui, l’exploit. Mais avant, il fallait qu’il réfléchisse bien à se qu’il allait dire, qu’il se répète une vingtaine de fois la réplique dans la tête, qu’il tourne sept fois la langue dans la bouche. Pendant ce temps, les tournures de langues j’entends, il fixait le jeune homme qui semblait boire une bouteille d’alcool on ne peut plus alcoolique. La mine toujours interrogative, Tears se demanda quel gout cela pouvait bien avoir. Eh non, le blondinet n’avait pas souvent l’habitude de boir de l’alcool, et pour tout dire, il s’était étouffé avec le fond d’une coupe de champagne lors du mariage de sa sœur. Non que ça avait été foncièrement déguelasse, mais le gout l’avait surprit. Et depuis, il n’avait plus rien bu, pas que ça le dégoutait tant que ça, mais il n’en avait jamais eut l’occasion. Sans compter tout les avertissements contre l’alcool qu’il y avait ici, en Angleterre.
Ah, oui, sa réplique, il fallait qu’il la dise. Tears ouvrit la bouche, mais il n’eut le temps de dévoiler la finesse de son éloquence oratoire car Jal prit la parole.

-"Bon, qu'esse tu fous là..? c'est pas ton genre de traîner dans ce genre d'endroit incongru et bizarre. Tu t'es perdu ou quoi."

Ah, une deuxième réponse à préparer, ça commençait à faire beaucoup. Jal but et rit un instant, ce qui ne manqua pas de déconcerter quelque peu le pauvre petit blondinet.

-"… Je disais que, enfin, je demandais… ce que vous faisiez là, vous aussi…"

Oui, bon, il y avait quelques hésitation, mais, ne chipotons pas, c’est mieux que d’habitude. Voyant la jeune brunette lui quémander de s’asseoir d’un geste que Tears était capable de comprendre, il obéit et se posa à ses cotés, le dos callé sur les coussins, torturant ses manches avec cruauté. Bon, juste que là, ça allait… non ? Jal était un adulte, donc responsable, il pouvait bien lui faire confiance. Enfin, de tout façon, le blondinet faisait confiance à tout et n’importe de quoi, donc passons. Encore un peu inquiet, il adoptait la tronche d’un élève lors de l’oral de bac et entreprit de dévoiler son autre réplique en exclusivité live.

-"… Moi, je, comme je suis surveillant… je dois vérifier qu’il n’y ait pas de choses interdites ici…"

Déglutissant difficilement, il n’avait absolument aucune raison d’être anxieux comme ça, mais que voulez vous. Il y avait des choses qui le prenaient aux trippes et il ne savait jamais pourquoi, et vous non plus d’ailleurs. Peut être parce qu’Earley Queen était impressionnant dans sa manière d’être, de parler ou de poser. Peut être parce qu’il avait l’air extraverti, aimé et pouvait se faire respecter. Peut être parce qu’il était tout ce que Tears souhait être.

C’est alors que l’assistant infirmier secoua quelque peu sa bouteille remplit d’un liquide que le surveillant ne saurait identifier, enfin, c’était de l’alcool certes, mais niveau nom, date ou je ne sais quoi, ne lui demandait même pas. Oui, donc, Jal faisait un geste bizarre. Il voulait quoi ? Tears pencha quelque peu la tête sur le coté, interrogatif, et en déduit que, peut être que, le jeune adulte lui demandait d’aller la ranger. Alors il prit la bouteille et se leva mollement, se dirigeant vers l’armoire qu’il savait remplit de choses de la même espèce. En ouvrant la porte du meuble, une bouteille s’apprêta à tomber sur le sol mais le blondinet la rattrapa sans mal, avec un reflexe inouïe (faut bien lui trouver une qualité)
Les deux bouteilles en main, il les rentra dans l’armoire et se tourna vers la brunette d’un air de "C’est bon ? Je peux faire quelques choses d’autre pour toi ?" Au fond, peut être bien qu’il avait compris le geste de Jal, surement même. Il n’était pas con à ce point, il en avait juste l’air, parce que certaines vérités lui faisaient peur alors il préférait se les cacher. Peut être bien qu’il avait peu envie de boire, pas soif, pas envie, peur de la nouveauté.

Alors qu’il s’apprêtait à refermer le deuxième battant de l’armoire, Jal apparut dans son champ de vision, en appuis sur le côté fermé du meuble. Aussitôt Tears se sentit fixé avec le genre de regard qui vous ferez baisser le votre. Cependant, beat, le surveillant n’eut même pas la force de faire rouler ses orbites vers le sol et se contenta de cligner les yeux, le visage quelque peu apeuré. Apeuré oui, parce que le charisme du jeune homme l’étouffait de toute part, le torturait et le forçait à se soumettre face à son autorité silencieuse, lui faisant comprendre qu’il n’était rien, absolument rien, à côté de lui. C’était le cas effectivement. Rabaissé plus bas que terre, le blondinet tremblait de soumission tandis qu’il affichait une moue fautive. Et Jal ne parlait pas, et Tears ne savait que dire. Et ce silence lui lacérait les oreilles. Quel ne fut pas son soulagement quand l’assistant entreprit d’ouvrir la bouche :

-"Qu'est-ce que tu fais, là ?"

Ah, il le savait, il ne faisait jamais rien comme il fallait. Du coup, il baissa les yeux, infligeant à ses manches quelques douleurs dont elles se souviendraient, quoique ce n’était pas leurs fautes mais étirer du tissu était un antistress efficace pour lui. Il sentait ces yeux qui, brûlant son front de leurs lueurs impitoyables quelques secondes plus tôt, décidèrent de se désintéresser de lui. Un tintement de bouteille résonna et Tears osa lever un œil.

-"Hé, si tu n'as pas envie de boire, c'est une chose, mais ne me pique pas ma petite joie."

Automatiquement, les lèvres du surveillant bégayèrent des excuses avant même que son cerveau en ait donné l’ordre, ce qui le surprit lui-même.

-"… Pardon… je… pardon…"

Les doigts suspendus à la poignée du battant encore ouvert, il se sentit inutile et quelque peu pitoyable. Comme d’hab quoi. Les yeux fuyant de honte, il fixait tout et n’importe quoi, la langue toujours occupée à chuchoter des excuses bidon. C’est alors que quelque chose de dur et froid prit appuis sur son buste et son attention revient sur la jeune brune sortit tout droit de Gala ou je ne sais quel magazine fashion. Ce dernier souriait. Eh bien… ?
Tears s’était excusé, qu’est qu’il attendait de lui maintenant ? Oui, bon, le surveillant arrêta de faire son attardé mental et admit l’idée qu’il avait rejeté jusqu'à présent. Jal l’invitait à boire un verre. Sûrement par politesse. Enfin, à quoi bon, puisqu’il avait deviné que le blond ne voulait pas boire… ? La politesse d’insistance probablement.

-" … Je… eh ben… alors… fais comme tu veux… mais… mais rapporte une nouvelle bouteille après… sinon les enfants remarqueront… qu’il en manque une…"

Il essaya d’afficher une sourire qui se voulait complice, comme un "T’inquiète, je dirais pas que t’es une vieux alcolo qui pique dans la réserve d’alcool des enfants." et se recula pour échapper au contact de la bouteille.

-"Alors… heu… ben… je… je vais continuer mon travail alors…"

D’un air navré, il sortit un petit bloc note et un bic de l’immense poche de son jean, et de là, il nota quelques noms d’alcool qui pouvait lire sur les étiquettes. A Roger de juger si cela était vraiment illicite ou pas, en tout cas, Tears ne voulait rien qui puisse endommager la santé de ces pauvres petits orphelins chéris. C’est pour votre bien les enfants.

Les yeux écarquillés, Tears regardait son carnet voltiger dans les airs. Pourquoi tant de violence ? En sentant un bras sur son épaule, il tourna vivement la tête vers le coupable, la moue intimidée et embarrassée. Bon, c’était une geste… sympathique. Rien de méchant, c’était comme si Jal considérait Tears comme étant une espère de connaissance sympathique maintenant, non ? Avant d’avoir le temps de se sentir un peu flatté, un visage s’approcha de lui. Trop près trop près. Gah, le bout du nez de la brunette dépassait de la ligne de délimitation du territoire intime de notre chaste surveillant. Autant l’épaule, c’était "t’es grave mon pote mec" autant, zout, pas plus monsieur.

-"Ah, mon très cher, n'en as tu donc jamais marre d'être si bien rangé ? Allez quoi, il faut se lâcher, un jour tu vas finir par péter une durite à force de toujours te conduire si bien. Et trouves tu qu'il soit juste de balancer ces pauvres petits ados qui s'amusent un peu comme ils peuvent."

Tears cligna des yeux. A l’écouter, on avait l’impression que le surveillant était un coincé du cul totalement endimanché tous les jours de la semaine et qui faisait le bénédicité à chaque fois qu’il mangeait une miette. Or, ce n’était pas le cas. Il ne faisait le bénédicité que pour le repas du matin et dans sa tête. Et puis, il ne s’était jamais senti si enfermé que ça, jamais le besoin de se défouler, de se lâcher ne lui vint à l’esprit. Quand un adolescent passe de 17 à 18ans, il en profite souvent pour se lâcher, faire des choses inédites. La seule chose que le blondinet avait fait ce jour là, c’était manger ses pommes de terre sourire avec les doigts. Remarquez, il le faisait toujours. Ou les pommes noisettes, il les décortiquait pour retirer la boule de purée de la croûte, mettait la purée dans une autre croûte, faisait une grooosse boule de purée. Ben oui, c’est super rebelle, parce que dès qu’il le faisait, y avait toujours un gogol pour lui siffler "On ne joue pas avec la nourriture." Bref, le fait est que Tears n’avait jamais eu l’impression de devoir un jour faire ce qu’il veut avec ses cheveux ou quoi. Ce qui le gênait davantage dans la réplique d’Earley Queen, c’était à propos des orphelins. … Ah… oui… ce n’était pas juste, mais il y avait plein d’autre façon de s’amuser non ? Quand il était petit, il se contentait de bricoler des maisons de lego avec des boites d’œufs, et ça lui suffisait. Jamais il n’avait eut l’envie d’avoir plus ou mieux. Mais le monde évolue mon petit Tears, et tout le monde n’est pas comme toi. Heureusement d’ailleurs. Le regard désolé et coupable, il affichait une mine fautive. Jal avait le don d’attiser en lui quelques remords vicieux et culpabilisation inutile.

-"D'ailleurs mon ami, je pense que tu devrais suivre leur modèle."

Ca, il le savait. Il le savait, il avait toujours envié les orphelins, il avait toujours voulu être comme eux. Ils étaient exemples de perfection, de confiance en eux et d’assurance. Lui, à coté, il n’osait même pas se comparer à eux, par respect sûrement. On ne compare pas un ver de terre à une étoile, ça ne se fait pas. Quelque peu dépité, il se laissa mollement entrainer sur le canapé et rougis légèrement en sentant cette main dans son dos. Ca le gênait et le réconfortait en même temps. Une fois assis, il regarda d’un œil vide le jeune homme faire ses travaux d’intérieur, une fois fait, celui-ci revint à ses côté et bu à nouveau dans l’odieuse bouteille. Pendant ce temps, eh ben pendant ce temps, Tears réfléchissait, essayait de mettre en place toutes ses pensées brouillonnes qui lui apparaissaient dans un bric brac bordélique. Si les orphelins étaient aussi parfaits, ce n’était sûrement pas parce qu’ils buvaient de l’alcool, non, ils étaient juste différents de Tears, au dessus de lui, et ce, dès la naissance. Ce que l’adulte enviait le plus aux enfants, c’était ce don innocent qu’ils avaient de se faire plaisir sans culpabiliser. Chez certain, cela passe pour de l’égoïste, mais pour le surveillant c’était une vertu parce que les orphelins pouvaient se le permettre, et pas lui. Il avait cependant trop peur de la nouveauté pour oser faire quoique ce soit.
Jal lui tendit la bouteille avec un sourire.

-"Vraiment, Tears. Tu devrais décompresser, tu es toujours sur les nerfs à force d'avoir tout le temps peur de tout le monde. Regarde, on est pas tranquilles là ? Y a personne pour nous déranger, tu viens de te crever à faire un jogging et à flipper comme un fou à cause de moi, allez, relaxing time Tears. Tu devrais essayer la vie de débauche, avec modération, c'est une jolie expérience !"

ah, Jal était serieux, il n'y avait pas de "chounet" derrière son nom. C’était vrai, il n’y avait personne pour les déranger, mais qui sait, hein, qui sait ! Désespéré de sa paranoïa ridicule, Tears loucha avec la bouteille tendue. Ce n’était qu’un liquide, non ? Ce n’était qu’une fois non ? Il fallait bien qu’il voit ce que buvaient les orphelins, au cas où c’était dangereux pour eux. Et puis… Earley Queen se montrait si aimable, il se sentait bien avec lui, quelque peu inférieur, mais bien quand même. L’idée de remonter dans l’estime du jeune homme lui vint alors à l’esprit. Comme ça, il ne se sentira pas seul. Comme ça, il sera comme son « complice » non ? C’était amusant. Le blondinet aimait bien avoir des secrets avec des gens. Alors ce sera leur secret, rien qu’à eux deux. Soupirant mollement, Tears se pencha sur la table pour prendre un verre d’une main tremblante. De là, il saisit la bouteille que lui tendait Jal et remplit un fond de verre, vraiment un petit fond. Il renifla, il examina, posa la lèvre inférieure sur le matériau transparent et le leva pour faire glisser le liquide dans sa bouche et tout le long de sa gorge. Cul sec, sinon ça n’impressionnait pas et le surveillant voulait gagner de la valeur aux yeux d’EQ. Aussitôt le tout au fond de sa gorge, Tears se contracta et toussa à n’en plus pouvoir, le liquide lui brûlant la gorge. Après une minute d’étouffement, le surveillant se calma, essayant de respirer normalement. Ca avait mauvais goût, mais la chaleur qui apparaissait dans son organisme après coup était relativement agréable. Bon, on avait dit un verre, voilà qui était fait. La moue grimaçante, il lâcha un petit :

-"… Je… je préfère le lait…"

Et reposa le verre maintenant vide sur la table.

-"… Comment vous savez… que j’ai fais un footing… ?"

-"Ah, le lait, c'est pas tout à fait pareil, hé hé hé, mais aussi, tu y es allé un peu fort, c'est de la Vodka... c'est russe... c'est fait pour qu'ils aient chaud même en hiver, ce qui tombe bien, vu que c'est l'hiver 8 mois sur 12 là-bas, ha ha ha !"

Ah ? Vodka ? Tears, une boule chaude dans le ventre, se sentit presque fier. La gorge encore un peu irrité, il réprima un fin sourire satisfait. Il était capable d’être courageux, ça le soulageait. Bon, s’il avait pu ne pas tousser comme un chat dont la bouche était remplie de poils, ça l’aurait mieux fait. On ne peut pas tout avoir dans la vie hein. Alors alors, comment Jal le considérait-il maintenant ? Le voyait-il comme un homme ? Pas encore, fallait pas exagérer. Une main sur l’épaule le consolait quelque peu. Il devait plutôt le voir comme un enfant qui voulait faire la fierté de ses parents, quelque chose dans le genre. Ca ne le dérangeait pas plus que ça d’être choyé en enfant chéri, ça lui faisait plaisir et l’attendrissait. Ce besoin constant de tendresse et de douceur l’empêchait de développer la virilité dont il avait besoin. A choisir, eh ben, il ne savait pas. Toujours indécis. Tant qu’à faire, il voulait un peu des deux. Oui, vraiment, si EQ avait été dur avec lui, s’il l’avait obligé à s’enfiler 30 verres d’affilé, il aurait eu peur. Au contraire, s’il avait été trop tendre, s’il l’avait traité comme un gamin en éloignant les bouteilles de lui comme quoi il était encore trop candide pour boire, ça l’aurait vexé. Alors il était content là, il était content qu’on s’occupe un peu de lui.
Tears fixa la bouteille. Alors… c’était russe ça ? Automatiquement, ce pays lui rappela la nationalité de... heu… ça vous regarde pas, bande d’indiscrets. Ainsi donc, ce liquide prit une tout autre valeur à ses yeux, celle qui le rendait moins ignorant et qui pouvait le rapprocher, même très légèrement, de son aimé. Oui, c’était bidon, mais n’est ce pas ça, être amoureux ? Associer tout et n’importe quoi à la personne chérie, s’attacher à tout ce qui pouvait être lié à lui d’une façon ou d’une autre.

-"Alors, comment c'était, cette gorgée de Vodka ? Ça t'a plu ? Déplu ? Tes impressions, mon cher, j'ai hâte de les entendre."

Tears tourna un visage serein, dénua de tout stress, vers le jeune homme. Il se sentait relativement calme, paisible, comme si tous les tracas de la terre avaient enfin quitté ses épaules. Ca faisait du bien.

-"… Ben… c’est bizarre…"

Il déglutit lentement, les traits détendus et fixait Jal puis laissa ses yeux se balader dans la pièce, lentement. Il s’enfonça ensuite dans les coussins du canapé, les petits tracas de sa vie prenaient une proportion ridicules et il en extirpa un soupire de soulagement. Jetant la tête en arrière dans une lenteur exacerbée, il sentit un truc sur le haut du canapé. Un bras. Le "dossier" du tas de coussins aménagé n’étant pas très haut, il laissa le derrière de son crane reposer sur le membre.

-"Comment tu, comment tu. On s'était mis d'accord pour que tu ne me vouvoies pas. Non pas que ce soit un honneur que je ne mérite pas, mais simplement qu'il n'est pas lieu que tu ais tant d'égards pour moi ! "Tu" suffit !"

L’esprit encore plus lent que d’habitude, il hocha la tête. Espèce de stalkeur. M’enfin, s’il ne voulait pas l’avouer, ce n’est pas lui que ça dérangeait, mais bon. C’était par principe, chose que les gens détestaient mais lesquels avaient une vraie importance aux yeux de Tears. Et s’il ne disait rien, ce serait accepter de se laisser duper, roh le défi. Or, il voulait prouver à Jal qu’il n’était pas si crétin qu’il en avait l’air.

-"…Si vous… tu… ne veux pas me répondre... il suffit de me le dire… je comprendrais…"

Les yeux au plafond, la pomme d’Adam vers le ciel, il afficha un sourire plus large qu’à son habitude. Il devait le tutoyer…. Ils étaient amis alors ? Hum… c’était cool. Ouais.

-"Fu fu. Eh bien, la réponse est évidente, comment je le sais, c'est parce que je t'ai observé, mon ami ! Comment voudrais-tu que je le sache autrement, je ne suis pas encore medium !"

Ah, ben voilà. En temps normal, ça l’aurait surpris qu’on l’observe, enfin, ça l’aurait surpris physiquement. Il aurait écarquillé les yeux, quelques choses comme ça. Mais là, il ne fit rien. Le plafond était en bois, il y avait des toiles d’araignes ici et là. Aah, l’araignée mangeait un insecte. La moue maussade, Tears pria pour que la victime se plaise au paradis des insectes et il maudit l’araignée avec fougue. Ainsi, il écouta Earley Queen parler d’alcool. Woah, il s’y connaissait. Et et et même qu’il avait bu de la Vodka tout seul… waiiiiiiii. Il sentit l’adulte se pencher quelque peu, et l’œil discret, il le regarda avec négligence. Il s’était rempli un verre à ras bord et se l’était gobé comme on gobe un flamby. Oh, il avait l’air quelque peu… différent en buvant. Et bizarrement, il redevint tout normal après. C’était quoi le truc ? C’était un tour de magie ?
L’œil quelque peu interrogatif, il l’écoutait parler, ou plutôt l’entendait. Larve qu’il était, il écoutait sans écouter. Une pensée agréable ? On ne boit pas aussi brusquement pour une pensée agréable… si ? Rah, Tears, osef, t’y connais rien. Totalement scotché au canapé, il redressa un peu la tête pour reluquer le verre que Jal lui tendait. Sucrée ? Délicieux ?
… un ami était censé donner des bons conseils. Il saisit le verre de ces deux mains, comme un enfant qui saisit un grand verre de lait chaud et le renifla un peu. Il tira ensuite la langue et la trempa dans le verre un instant. C’était drôle, ça n’avait pas du tout le même goût que la Vodka. Réfléchissant un instant, il éloigna soudainement le verre de lui, comme s’il avait la peste. Gah, Jal avait déjà bu dedans, et si, lui aussi, il posait ses lèvres sur le matériau transparent, il aura fait un bisou indirect à la brunette ! Oh mon dieu, heureusement qu’il était encore temps ! Se décollant légèrement du canapé, il prit un autre verre qui était déjà à moitié plein d’un autre liquide. Ah, dans le monologue de Jal, il n’avait pas parlé de mélange ? Pris d’une pulsion imbécile, il versa le verre de vin dans le second et touilla un peu avec le doigt. Après avoir essayé les contours du nouveau verre, juste au cas où, il le porta à ses lèvres et le bu. Mouaf mouaf, c’était…. degueulasse. Il s’étouffa à nouveau et lâcha son verre dont le fond se déversa sur son t-shirt. Gniiii gogolo, ah que coucou ! Bref, l’air blasé, il se contenta de faire l’éventail avec sa main pour espérer le faire sécher. Boudu, il se sentait si… détendu, tout avait si peu d’importance à présent. L’œil vitreux, et s’avachit à nouveau sur le tas de coussins, tout au fond, la tête sur le bras du jeune assistant.

-"… Pourquoi tu m’a observé… ? C’était quoi la pensée agréable ? … Et puis… puis… pourquoi l’insecte il est mort ?"

La moue tristounette, il pointa la toile d’araignée du menton. Ah, son esprit compliqué et hésitant devenait plat et calme. Tears avait l’impression que réfléchir lui était devenu totalement inutile, alors il ne le faisait pas. Finalement, il loucha sur une agrafeuse qui trainait par là. Il l’a saisi et se pencha sur ses chaussures. Après avoir à moitié défait ses lacets, il commença à les agrafer entre eux. Ne cherchez pas à comprendre, vous perdez votre temps.

Toujours concentré sur ces lacets, il souriait à chaque clic crak de la machine et regardait son œuvre d’un air satisfait. Avec ses deux de tensions, il n’avait même pas assimilé le fait que Jal lui ait retiré un de ses t-shirt comme on enlève un gros pull à un môme sans qu’il soit forcement consentant. Un des faits incontestables qui avait poussé Tears à boire, ça pouvait paraître pathétique, mais il avait soif. Il avait oublié de boire à midi et le footing avait fini de lui assécher la bouche. C’était pour cela qu’il n’avait pas résisté tant que ça à l’attrait d’un liquide. Ajoutez à cela le fait qu’il voulait prouver sa virilité à la brunette. Bref, il aurait pu couper un cactus en lamelles si celui là pouvait bien contenir quelconque liquide, mais pour l’instant, l’alcool était sa seule source de rassasiement, même si cela lui donnait encore plus soif au lieu de l’abreuver. Et il avait le mauvais gout de cet infect mélange dans la bouche dont il voulait à tout prix se débarrasser alors, se redressant quelque peu, il fixa le verre d’un œil vitreux.

-"Je t'ai observé parce que je voulais saisir la bonne occasion de te parler de quelque chose qui me tient à cœur."

Ah ? Cela sonnait comme une flatterie dans l’oreille du surveillant et c’était surement fait exprès. Rendez vous compte, "te" = Tears, était dans la même phrase que "quelque chose qui me tient à cœur". Il y avait de quoi sourire gentiment, surtout quand on était un peu pompette. C’était comme une confidence… non ? A l’idée que Jal puisse faire de lui son confident, il en était tout émoustillé. D’un geste mou, il trempa un doigt dans le vin et le lécha. C’était tout rigolo sur la langue… awww. Les deux mains autour du verre, il le sirota longuement, à toutes petites gorgés, donnant quelques coups de langues dans le liquide.

-"Pour la pensée agréable, j'avais en tête l'image d'une tendre personne."

Une tendre personne ? Aussitôt, Tears leva la tête de son verre, un large sourire béat affiché sur les lèvres, les joues légèrement rosies :

-"Moi… moi aussi… !"

Ahaha… bouffon. A croire qu’il voulait que tout le monde le sache, mais réfléchir le fatiguait en ce moment alors quand quelque chose passait dans sa tête, le quart de seconde après, elle franchissait aussi ses lèvres. Et c’est là qu’on a envie de lui dire "… Non… Tears… ta gueule… tu te fais du mal…" Mais il ne s’en rendait pas compte et les conséquences, chose qui en temps normal le préoccupaient beaucoup, ne traversait même pas son esprit embrumé.

-"Quant à l'insecte... eh bien, cela fait partie des choses de la vie. Mais ne sois pas trop triste mon chéri, il est parti au paradis des bestiaux, c'est mon petit doigt qui me l'a dit."

L’œil mort, il fixait le petit doigt d’Earley, imperturbable dans sa contemplation. Elle est où la bouche ? Et il fixait, il buvait en même temps alors que son regard était scotché sur le doigt de l’assistant. Bon, on va dire que la bouche était cachée sous l’ongle hein, ne faisons pas les compliqués.

-"… J’suis pas ton… ché…ri…"

Wesh wesh, zy va kesta ?! Tu m’ cherch’ ? J’vais d’foncer les pneus de ta caisse, t’vas pas comprendre ta douleur. Non, c’était surtout que son cœur était dédié à quelqu’un maintenant, et il ne souhaitait absolument aucune ambigüité avec quiconque. Ca pouvait paraître franchement ridicul, mais c’était ainsi. Il n’était le chéri que d’une personne, et il ne chérissait qu’elle. Il voulait appartenir à Octave, et pi c’est tout. Mais bon, il ne l'avait pas dis sur un ton agressif, c'était juste un peu troublé et embarrassé. Ce qui faisait peur, c’était qu’il avait contredit Jal sur les ornements de sa phrase, mais "le paradis des bestiaux"… ça passait comme sur des roulettes et même plus.

-"Et j’suis pas… triste…"

Ou l’esprit de contradiction, niveau 2. Maintenant énervé que Jal le considère en gosse, Tears s’enfila le reste du verre d’une traite. Tche. Posant le verre par terre, il s’enfonça ensuite dans les entrailles de coussins, amenant ses pieds joints sur le canapé, il enlaça ses genoux de ses bras.
Cependant, à la simple pensée que le jeune homme ait quelque chose qui « lui tenait à cœur » à lui dévoiler, le surveillant afficha un sourire attentif, comme un môme qui attendait son histoire du soir.

-"Et et et… sinon… c’est quoi… ce que tu veux me parler ?"

Oui, c’était pas très français. Et on s’en fout, il était hollandais de toute façon.

Pendant le petit silence qui s’était instauré, Tears se balançait légèrement d’avant en arrière, s’enfonçait dans les coussins, se détachait un peu d’eux, se renfonçait. Passionnant en somme.

-"Je veux te parler de quelque chose qui est très important pour moi."

Woah. Important pour lui ? Le surveillant arrêtait subitement de jouer à la balançoire et fixa Jal avec un intérêt tout nouveau. Il avait l’air si sérieux. Ca contrastait tellement de d’habitude que c’en était totalement épatant. On aurait dit une autre personne et le blondinet se sentait flatté d’avoir droit à autant de sérieux de sa part, de pouvoir voir une autre facette de lui. Et sa voix, si troublante d’un coup… et ses yeux qui passaient d’une simple couleur menthe à une forêt mystérieuse et sombre. Oulala, ça devenait gênant. L’assistant était droit comme un piquet et parlait calmement, comme si le moindre son brusque risquait de faire mourir Tears d’une crise cardiaque.

-"Alors voilà écoute, je veux monter une association, vois-tu, mais quelque chose de secret, ça ne peut pas être officiel. Comme les Parasits, tu vois ? Et j'ai besoin de personnes, de membres, pour cette association, c'est logique..."

Ebahi, Tears buvait littéralement ses paroles, essayant nullement de réfléchir plus loin que ça. En temps normal, son cerveau aurait fait "Alerte. Alerte. Il y a quelque chance pour que "ne peut pas être officiel" signifie que ce soit illégal." Noon, que nenni là. Il avait l’impression qu’on se confessait à lui, rien qu’à lui, qu’il était important, unique. Cependant, les neurones toujours faiblards, il ne voyait nullement où le jeune homme voulait en venir.

-"Alors, qu'en dis-tu, ça ne tente pas, de faire partie d'une assoc' super secrète ? C'est chouette, non ? Et puis, tu me serais vraiment indispensable... pour le moment je n'ai personne pour m'épauler, mais j'ai pensé que tu serais la parfaite personne à aller voir... j'ai pensé que... que voilà, toi au moins tu saurais m'écouter."

Awwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwww. C’était pire que la fin de Titanic ça. "La parfaite personne" il y avait de quoi être émoustillé aussi. Mais surtout, ce genre de ton lui charcutait littéralement les entrailles et lui donnait toujours envie lui faire un gros calinou de la mort qui tue. Un calinou… un calinou ça n’avait rien d’ambiguë, c’était juste un calinou. Alors il défit l’étreinte de ses bras autour de ses genoux et enlaça le jeune homme quelques secondes avec cette fragilité qui lui était propre. Puis il revint à sa place et ébouriffa quelque peu les beaux cheveux avec un grand sourire.

-"Tu… oui… alors… d’accord, je veuuux bien… et toi, tu seras mon grand chef…"

La dernière phrase servait à remonter le morale de Jal, lui dire "Je me plie déjà à tes ordres grand manitou." Même si, dans son subconscient brumeux, "épauler" et "indispensable" signifiait qu’il aurait une belle place dans cette association. Oh, il sera peut-être le bras droit de jeune assistant ! Ou alors, quelqu’un de supeeer important que tout le monde respecterait. La classe. Alors comme ça... oh, la brunette était bien le seul à voir sa valeur. Etant petit, Tears n'était guère accepter dans les groupes de jeu des autres gamins. Donc rien que de faire partie d’une association super secrète, ça lui faisait chaud au cœur. Puis ça lui rappelait les jeux de rôle qu’il faisait avec sa sœur, étant petit. Les trucs d’espions où ils se cachaient entre les oliviers et parlaient dans des gobelets reliés à des longs fils de laine. Que de bons souvenirs. Et là, ce n’était pas un jeu, c’était pour de vrai mais il ne l’assimilait pas encore.

-"Et on fera quoi ? C’est quoi… le but du jeu ?"

Ils auraient de super gadgets ? Gadget au poing ? Elastico gadget ? Des étoiles plein ses yeux brumeux, il souriait niaisement et remit ses mains à leurs places initiales, autour de ses genoux. Cependant, il s’était un peu décalé, se tournant face à Jal pour le regarder attentivement. C'était vraiment un super pote.

-"Hé hé, on peut voir ça comme un jeu si tu veux. Comme certains te dirait que la vie est un jeu... chacun sa vision des choses, hein ? Enfin bref, peu importe, il faut que tu sache le plus important. Ce qu'on va faire ? Ça dépendra, mais j'ai déjà pensé à un rôle parfait pour toi."

Ciel, Tears allait servir à quelque chose. Tears était capable de servir à quelque chose ! Oh, un feu d’artifice éclata dans sa poitrine émue. Il ne pouvait rêver mieux. Ca voulait dire que Jal le considérait comme un homme, hein ? S’il le laissait entrer dans son groupe, c’était qu’il était fier de lui, hein ? Alors alors alors, quel donc était ce rôle ? Voyons, qu’est ce qu’il y avait dans une association digne de ce nom… un secrétaire, un trésorier, un organisateur… oh, il se voyait bien secrétaire. Tout le monde passerait par lui, et il serait un peu plus apprécier s’il faisait bien sa tâche… et son grand chef sera encore plus fier de lui.

-"Et donc, j'ai pensé que tu serais l'homme idéal pour être..."

Idéal ? Oh. Arrêtez… vous allez me faire rougir… voilà ce que Tears aurait dit s’il avait une langue. Enfin, s’il savait s’en servir, j’entends. Les yeux paralysés sur les lèvres de la brunette, il attendait que les mots saigne sortir de sa bouche. Allé…

-"Ma bonne à tout faire <3 !"

……… ah…. ? En temps normal, un "HEIIIIN ?" aurait percé la tête du surveillant. Mais là, il cligna des yeux. Bonne ? Ben oui, après tout, il n’était bon qu’à ça. Il fallait s’y attendre. Plus désappointé que choqué, la bouche de travers (like this :/) il se contenta de quémander quelques questions dans les yeux de Jal. Puis son cerveau enfumé fit son apparition. "A tout faire" ah, mais oui, ça voulait dire qu’il faisait tout (sans blague) Et quel rôle super important de tout faire ! Il allait une capacité de multi-pensées inouïe, être un poulpe cérébral et ça demandait beaucoup de travail, de patience et de force. C’était pas un truc pour n’importe qui heiiiiin, bac +9 minimum, surtout que les gens qui font tout sont souvent ceux qui connaissent le plus de monde. Ben oui, dans les films d’espions, méfiez vous toujours de la bonne qui vide les poubelles. Surtout dans X-Men ou en fait, c’est une dame qui change d’apparence et qui te découpe avec ses ongles qu’elle oublie de poncer. Bref, s’il fait tout, tout le monde voudra passer par lui, et ils seront reconnaissants et éblouie devant l’altruisme de Tears et ils le respecteront. Evidence évidence. Et voici comment, en quelque seconde, le surveillant se persuada qu’il s’agissait là du plus beau métier du monde ! C’est vrai quoi, secrétaire, assit derrière un bureau mais mais mais qu’est ce qu’on s’emmerde.

-"Tout faire… ? Faire quoi ? … Moi je veux bien tout faire si c’est pour aider les gens… si c’est pour tuer ou quoi, j’veux pas…"

Ah ben oui hein, y a des limites. Tuer say mal. Et ça, vous pouvez le saouler autant que vous voulez, ne comptez pas sur lui pour faire le mal. Sur ce, il lançait un regard vil à Jal, fronçant les sourcils comme pour le dénoncer d’être à la tête d’un réseau de prostitution (ce qui, sait on jamais, sera peut être le cas)

Wah wah wah, tout plein de mots dans sa tête. Et Jal parlait, et Jal parlait, et ce qu’il disait mettait Tears en extase. Hanwai, missions. Comme quand lui et sa sœur devaient opérer un papillon qui avait une aile déchirée. Au final, ils avaient déchiré l’autre. Mais il avait eu une belle tombe, donc il se la ramène pas, le papillon.
Ainsi donc, tous les champs lexicaux de la bienveillance, de l’utilité et tout ce qu’il y avait de meilleur dans le meilleur des mondes étaient ici retranscrits en paroles divines. C’est vrai quoi, les orphelins avaient de droit de s’amuser, d’être comme tout le monde. Il était donc tout à fait normal de créer quelque chose capable de les détendre et de leur faire sentir pleinement leurs adolescences libertines. Tears avaient parfois de peine pour eux, être enfermer dans une bulle, ne pas être "comme les autres" parce que t’as gratté des points en plus sur ton QI dans le ticket à gratter de ta naissance. Entre les lèvres de l’assistant, l’idée semblait si bonne et reluisante et le surveillant en était tout ému. Et cette histoire de fête là… une fête ? Ah, Tears n’avait pas l’habitude des fêtes, mais dans l’état actuel où il était, chaque expérience nouvelle l’enthousiasmait vivement. Peut être même que… wai, s’il va à une fête et qu’il aide les gens, c’est sûr qu’on le trouvera « in » et gentil. Son grand rêve entre autre. Et en plus, faire partie d’une groupe de gens, la plupart du peuple trouve ça cool, un attrait pour les ados qui se baladent en troupeaux peut être. Et si tu fais partie d’aucun groupe, alors personne ne t’aime, alors t’es de la merde mon coco. Ah mais ouais, mais si t’as pas de basket Nike, on t’accepte pas mon gars.

-"Donc, il faudra que tu fasses en sorte qu’ils se sentent le mieux possible tu vois ? Les aider, les servir, être physiquement agréable, porter de jolis costumes, s’assurer qu’ils n’ont besoin de rien, répondre à leurs attentes, tout ça. Tu crois que tu peux le faire ?"

Quelle question inutile, et oratoire en somme. Jal devrait faire commercial, il déballait tous les bonnes facettes avec une assurance inouïe et concluait par la question piège. Genre qu’on va faire "Ouais mec, t’as dis que des trucs trop bien, mais, lol, non."
Aider, oui, évidemment qu’il voulait aider, il ne voulait que ça. C’était quasiment le but fanatique qui le maintenait en vie. Servir… ah, servir. Quelle question, il n’était né que pour ça. Son être n’avait nulle autre importance que de servir. "Aime ton prochain comme toi-même" ouais, pour Tears, se serait plutôt "Aime et sers ton prochain mieux que toi-même" et il faisait, et il s’attardait à cette tâche épique. Ensuite, parlons du "physiquement agréable"… le surveillant se dit qu’il s’agissait là d’une manière de dire qu’il faut sourire tout le temps. Bon, si les orphelins savent se contenter d’un sourire timide et hésitant, pas de problème. Mmm… "jolis costumes"… ah, il se voyait déjà avec un beau costard qui le rendrait d’une maturité sans faille. Oh, on allait le prendre au sérieux comme ça, ça allait faire bizarre.

-"Moi je sais que tu peux le faire."

Alors là… là, c’était pire que se retrouver devant le chat bottée qui vous regarde d’un air si….. peu descriptible. Quelqu’un avait confiance en lui, quelqu’un connaissait sa juste valeur. Il en pleura presque, mais ne le fit point. Enfin, juste une larme, toute fine et transparente qui descendait discrètement sur sa joue. La voix quelque peu tremblante d’émotion, il répliqua :

-"… Je… je vais le faire… et…compte sur moi… d’accord ? Heiiin ?"

Oh, il allait faire ce qu’il avait toujours rêvé, oui car il n’avait jamais voulu être surveillant pour le plaisir de mettre des heureux de colle. Non, là, il allait pouvoir chouchouter ses élèves adorés. Il les voyait déjà tous autour d’un Monopoli, et lui, leur apporter du jus d’orange avec… un costard ? Oh, ça fait bizarre un costard pour une soirée Monopoli. Enfin, Tears se pencha vers la table et saisie un stylo d’un air conquérant. Que personne ne pique son poste ! C’est à luiiii !

-"… Je signe où ?"

L’œil vitreux, Tears regardait Jal fouiller partout et souriait à cette vue. Ah, il avait trouvé, son papier. En regardant le jeune assistant se mettre à quatre pattes, l’alcool donna assez d’imagination au surveillant pour que celui-ci ait comme une envie de lui donner la fessé. Mais il n’en fit rien. La brunette était trop loin de toute façon, alors il se contenta d’imaginer. Et il se mit à rire. Quand Jal revint, il continuait, les yeux aussi rieurs que sa bouche, à glousser comme un gosse qui venait de coller un chewing-gum dans le dos de son prof. Hilarant quoi.
Louchant par-dessus l’épaule d’EQ, Tears essayait de déchiffrer les pattes de mouches qu’écrivait son grand chef. Mon dieu, qu’est ce qu’il écrivait mal ! Ou alors, c’était parce qu’il avait la vue totalement trouble et n’arrivait à se concentrer deux secondes pour lire quoique ce soit.

-"Tiens, signe ici, date, lieu et nom."

Comment ça sonnait trop officiel. Comment c’était trop bien comme jeu. Tout émoustillé, la larme de rire à l’œil, il saisit le stylo d’une main et le papier dans l’autre, le tout avec une maladresse à peine imaginable. Approchant le bout de chiffon de ses yeux, moins de deux centimètres, il essaya de lire. Ma… ma… jesté ? Ha, c’était rigolo ça. Emu tel un chômeur devant son contrat, il posa enfin la feuille sur la table et commença à gribouiller les infos demandées. La date… 19/08/0888… c’est drôle à écrire les 8. Si si, je vous assure. Puis sa signature qu’il inscrivit grossièrement, sans application aucune. Il repassa cependant plusieurs fois dessus, parce que c’était son nom, c’était officiel, fallait que ça flash. Ainsi, il prit du recul pour admirer son chef d’œuvre. Il était fier. Il avait presque envie de demander à Jal de photocopier le papier pour qu’il puisse l’encadrer dans sa chambre.



-"Vualaaaa…"

Content comme un gamin devant ses immondes gribouillis, qu’il trouvait merveilleux, il tendit le papier à son grand manitou. Puis, il lui prit d’humeur de se lever pour faire quelques pas, mais il avait oublié que ses lacets étaient agrafés entre eux. La chute fut belle à voir, vraiment, tout en finesse. Il s’étala par terre comme un énorme pudding et… était littéralement mort de rire. L’aphrodisiaque du contrat sans doute. Oh, le monde était tellement beau. Tout le monde était tellement gentil et les poissons dans l’étang devaient être en train de se reproduire. Tout allait pour le mieux. Rampant sous la table, il apparut de l’autre côté, tout joyeux. Se redressant aussitôt, il se remplit un bon gros verre de Vodka et le tendis à Jal avec enthousiasme.

-"A… à … à mon grand chef !"

Après lui avoir dédié ce verre, il le but, chaque gorgés passant bruyamment dans son gosier. Et, comme on pouvait s’y attendre, il s’étouffa et s’allongea par terre comme un animal mort, gesticulant sans grâce aucune tel un lézard sur une poêle brulante. Le visage rouge et la gorge enflammée, il se mourrait bruyamment. Au bout d'un certain temps, finit par se calmer, imitant un mort. Les yeux fermés, son pouls prit peu à peu une cadence normale et son ventre se levait et descendait à rythme régulier. Il ne souriait plus, il était juste là, calme et serein. Et pendant ce temps, les poissons de l’étang faisaient leurs parades nuptiales avec une grâce détonante, se mouvant avec délicatesse et amour.