Elle est la muse décadente qui pousse l'art jusqu'au seuil de la déraison.

Ailee, elle repeint le monde au gré de ses envie. Ailee est une artiste, une rêveuse égocentrée de qui on ne se méfie pas assez. Ailee est une passionnée, une adolescente un peu trop délurée qui dépeint des paysages aux courbes épurés et des protagonistes aux tons édulcorés. Mademoiselle est tendre, mademoiselle est caressante. Mademoiselle porte un masque, mademoiselle aborde mille visages. Madame est pleine de promesse, madame vous conte monts et merveilles. Ailee chérie aime jouer avec vous, envers et contre tout. Voir votre volonté ployer sous le poids de son regard et vos nerfs s'amoindrir sous la justesse de ses répliques. Ailee est une demoiselle, une dame du monde aux mœurs discutables et aux passe-temps inavouables. Princesse aime les jeux. Ceux qui font battre vos cœurs et mettent à mal votre pudeur. Les vulgaires et les raffinés. Les audacieux et les scandaleux. Elle aime vous déstabiliser, vous sentir gênés. S'inspirer de vous, prendre ces petits bouts, ce tout. Ce morceau d'âme qui lui est dû, qu'elle s'autoproclame à votre insu.

Ailee est une manipulatrice. Une vraie, une pure. De celles qui parviennent toujours à faire preuve d'une imagination florissante et à surprendre son auditoire par la finesse de son art. Mademoiselle Scott, la détestable, la garce. La salope. Celle qui s'approprie votre existence et vous extorque tout ce qu'elle peut obtenir de votre personne. La fausse sage, la blonde au sourire d'angelot tombé de son balcon.
La Vénus. L'énigme.
Celle qui parfois tend la main aux pauvres innocents. L'incompréhensible courant d'air qui oscille entre méchanceté gratuite et compassion toute humaniste.

Ailee, fascinante Ailee. Jeune muse d'exception aux hobbies qui tiennent plus d'Adès qu'Aphrodite.

'cause they'll be a day when you're standing in the hall of fame

▬ Tu t'improvises réalisateur Seth?

Alice marque une pause, le temps de refermer son carnet rouge.
Un geste sec.
Coutumier.
Elle sourit en coin, à peine, réalise qu'il n'y a pratiquement que ça dans ses cartons, des carnets rouges. Lorsqu'ils ont emménagés deux ans plus tôt dans leur grand appartement londonien, son père a construit une bibliothèque spécialement pour eux. Malgré ses projets d'architectes. Ravie, Alice s'était fait un devoir de la remplir, arguant qu'elle n'était bonne qu'à ça, de toute façon: Si tu dormais moins en cours aussi, avait marmonnée sa mère, en agitant son bulletin trimestriel, et Alice s'était empressée de quittée la pièce, son rire résonnant malicieusement dans la cage d'escalier.

▬ Ne te fais pas prié Scott, parles moi de toi.

Pas de réponse, juste un regard pensif de la concernée. Seth, Seth et ses courts cheveux bruns, Seth et son sourire moqueur, Seth et sa foutue manie de filmé tout ce qui peu lui passé sous la main. Seth, juste Seth. Ami, amant, confident, défouloir. Seth était tout ce que vous vouliez qu'il soit, tant que vous étiez en mesure de satisfaire sa curiosité morbide. Il s'accrochait à Alice parce qu'il ne la comprenait pas, parce qu'elle était tout ce que les autres détestaient, parce qu'elle le vivait bien. Elle, la sorcière du bâtiment C.
Seth aimait le mystère, le culte de l'excès et de l'insensé.

▬ Allez princesse, ne me fais pas te suppliée. Racontes moi tout.

Elle rejette sa tête en arrière, les yeux mi-clos, un sourire moqueur peint sur son jolis minois. Alice, délicieuse Alice, elle aimait le voir aussi dépendant de son attention.

▬ Huum, d'aussi loin que je m'en souvienne, j'ai toujours vécue à Londres. Mes parents étaient des citadins, des bourgeois capitalistes adeptes du pouvoir et du matérialisme. Mais je crois que tout ça ne me dérangeait pas, tant que la livre sterling se portait bien. Maintenir un train de vie confortable, allée à l'école dans une Bugatti, partir à Venise pendant nos vacances... C'était nos principales préoccupations. Parce qu'on aimait ça, le paraitre. On s'en nourrissait comme d'autre s'enivre d'alcool.
▬ Comme quoi t'as toujours été une enfant pourrie gâtée.

Il fronce les sourcils, mordille sa lèvre inférieur.

▬ T'as jamais eu à forcée pour avoir quoi que ce soit.
▬ Détrompes toi chéri. L'argent, tu peux l'avoir avec un nom, le respect lui, tu le gagnes en faisant tes preuves. Et on rit de ces petites farces, à cet âge là.
▬ Genre... t'as déjà fait ça toi? Intimidée quelqu'un je veux dire.
▬ Moui. Non. Peut-être. Tout est relatif.

L'adolescent grimace, insatisfait. La jauge du regard.

▬ Soit, mais encore?
▬ En bref, j'ai eu une enfance heureuse et sans histoire. Ce n'est qu'à l'adolescence, que j'ai expérimentée mon premier drame.
▬ La mort des tes parents?
▬ Hey, mais c'est qu'on devient perspicace.
▬ Bref...

Elle creuse ses reins, s'étirent longuement, les bras tendu vers le haut, les lèvres entre ouverte. Silencieuse. Seth claque sa langue, réprobateur, conscient qu'il est à deux doigts de perdre toute son attention.

▬ Ils sont mort comment tes parents?
▬ Ils ont explosés.

C'est sec et indécent. Alice sourit en coin avant de faire pivoté la chaise de son bureau, le buste légèrement incliné vers l'avant, ses yeux trop bleus animés d'un éclat tout particulier.

▬ La chambre d'hôtel a explosé. Comme ça. Soudainement. Dans un grand badaboum, sous les regards horrifiés des passants. Moi j'étais dans le bistro en face de la rue. Sortie après un énième sermon maternelle. Comme quoi je n'exploitais pas mes capacités. Qui lui a demandé de me faire passée un foutu test de QI déjà?
▬ Parce que t'as fais un test de QI?
▬ Mouais, 180 à mon actif, classe n'est-ce pas?

Il la regarde, de haut en bas, dubitatif. Certes, la jeune fille avait toujours eu quelque facilités dans le domaine scolaire, mais il ne lui aurait jamais prêté un coefficient aussi important.

▬ Merde, t'es un putain de génie en fait.
▬ C'est ce qu'ils m'ont dit. Et c'est aussi pour ça que ces mecs veulent m'emmener là bas.
▬ T'emmener?

Le ton est brusque et excité, indéniablement curieux. Les yeux bleus le sondent, le décortique, sourit. Joueurs.
Elle ne répond pas tous de suite, Alice. Elle quitte son siège et grimpe sur le lit, belle dans son maintient, belle dans son faciès. Elle s'allonge près de lui, si proche que l'objectif ne doit plus capté que le doux mouvement de ses lèvres.

▬ Des un joli orphelinat pas très loin de Londres. Un endroit spécial, qu'ils ont dit. Pour les gens comme moi.
▬ Un orphelinat pour les cracks?
▬ En gros.
▬ T'as déjà visité?
▬ Oui et non, j'ai eu droit à tout le topo récapitulatif. Mais j'y ai jamais mis les pieds.
▬ Tu vas gardé le contact une fois partie là bas?
▬ Non.
▬ Pas même avec moi?
▬ Surtout pas avec toi.

Pas de pourquoi, pas d'interrogation. Juste un sourire en coin, un petit étirement de ses lèvres qui montre qu'il la connait d'hors et déjà. Alice, elle n'était pas quelqu'un de gentil. Ca, il l'avait bien comprit. Alice, elle avait vécue parmi les grands, elle avait été la terreur des bacs à sable et le petit monstre du cours préparatoire. Alice, Alice, Alice, elle était apparut dans sa vie comme un bulldozer et y avait foutu un beau bordel.
Alice, qui attrape son caméscope et efface l'enregistrement. Insensible Alice, qui pose ses lèvres sur son front avant de quitter l'appartement.