« My Dear Panzer »

Tout avait commencé à cause de quelques échanges de regard. En cherchant une table où s'asseoir pour manger, Meine avait vu Artémis regarder Panzer qui la regardait, elle. Puis Artémis l'avait remarquée le regarder. Elle lui avait sourit, instinctivement, tout en se souvenant de cet atroce moment qu'il lui avait fait passer dans les toilettes, de ses menaces, de sa violence, de sa faiblesse. Il semblait connaître son secret et cela, elle ne pouvait le supporter. En vérité, elle avait envie de se cacher quelque part avec Screen et de se faire oublier de cet horrible personnage. Mais en même temps, elle ne pouvait s'empêcher de vouloir lui prouver sa puissance. Elle voulait le faire souffrir. Elle détestait regarder dans ses yeux et y voir son reflet, y voir ce qu'elle aurait pu être. Elle ne pouvait oublier l'arrogance, la fierté avec laquelle il l'avait regardée, l'audace avec laquelle il l'avait défiée, la morgue avec laquelle il l'avait insultée.
C'était son tour à présent.

Elle était à deux pas de la table de Color et Summer lorsqu'elle changea définitivement d'avis. Elle changea de direction, le pas léger, un doux sourire aux lèvres, avant de s'arrêter devant la table presque vide de Panzer. Là, la jeune allemande si bien maquillée, si bien habillée, au regard vert si prenant et aux manières si distinguées prit la parole. Elle parla juste un tout petit peu plus fort qu'à son habitude, en allemand sa langue natale. Elle voulait être sûre que l'on sache ce qu'il se passait actuellement : Meine, la plus gentille, la plus douce de toute, s'adressait gentiment à Panzer, ce nazi fou furieux à la réputation de pervers qui semblait à des années lumières de l'univers de cette fille de bonne famille.
« Gunten Tag Panzer. »
Là, elle jeta un simple regard derrière Panzer pour vérifier qu'Artémis était bien en train de les fixer, avant de plonger de nouveau son regard dans celui du petit brun. Elle se sentait, en cet instant, infiniment puissante. Elle ajouta donc avec toute l'amabilité du monde et toujours dans la langue germanique : « Je peux manger avec toi ? » Et en disant cela, elle avait posé le bout de son plateau sur l'emplacement en face de Panzer. « Je n'ai pas très bien compris le cours de spécialité aujourd'hui, je me suis dit que tu pourrais m'aider. » Oh qu'elle minaudait bien, qu'elle complimentait bien les autres avec ses petits yeux innocents et son air de petite simplette, on en oublierait presque ses cent soixante-sept points de QI et cette scène si étrange où elle avait fuit en courant un pauvre Panzer tout chamboulé au beau milieu de la Chapelle. En vérité, on serait même prêt à oublier la manière discrète qu'elle avait eu de l'éviter et d'éviter un contact trop prononcé durant les mois qui avaient précédé.
Et puis soudain, prendre un petit air inquiet, se pencher juste un peu, parler plus doucement, presque un murmure. « Enfin si ça ne te dérange pas bien sûr je... je sais que je ne me suis pas toujours comporté de manière très polie mais je... » Un léger rose colora ses joues juste avant qu'elle ne continue sa phrase en parlant encore plus bas : « Pour la dernière fois... » Encore un silence, un regard entendu pour lui faire comprendre qu'elle parlait de la chapelle, de ses larmes, de sa fuite. « Je ne sais pas ce qui m'a pris... c'était une dure journée pour moi, des souvenirs me sont revenus, je... » Elle ravale ce qu'elle s'apprêtait à dire, comme si quelques mots de plus allait déclencher de nouveau les larmes. Elle ferme les yeux un instant pour reprendre le contrôle d'elle-même avant de les rouvrir, lentement et de plonger son regard d'un vert pure dans les yeux de Panzer et avec l'air le plus affligé du monde, susurrer : « Je suis désolée. »

La voilà, la pauvre petite Meine, suppliante de pardon, prête à se racheter de ses fautes, prête à partager son repas avec un être qui lui causé tant, tant de torts. Quelle grandeur d'âme. Quelle générosité. Que d'émotions dans ces quelques mots. Quelle magnifique expression elle allait pouvoir admirer sur le visage d'Artémis lorsqu'elle relèverai le regard !