Dis-moi, si je suis, si ça te va, que je sois comme ça.
Invité
Sujet: Dis-moi, si je suis, si ça te va, que je sois comme ça. Dim 1 Avr - 20:18
identité
there are me and me.
PSEUDONYME: Be NOM : Callaghan PRÉNOM(S) : Bianca, Eleanor QI: 185 DATE DE NAISSANCE : 03 / 08 ÂGE : 16 ans SEXE : ❒ M ✔ F ORIGINE : irlandaise ANCIENNETÉ : deux ans MANIE : tapoter les accoudoirs de son fauteuil avec ses doigts.
physique
the way you look at me.
Couleur des cheveux : roux Couleur de la peau : laiteuse Tatouage/Piercing ? : non
Couleur des yeux : vert Taille en centimètres : 167 cm Corpulence : fine
parfois spleenétique orgueilleuse trop indépendante paresseuse sensible joueuse
Assise devant la fenêtre, Bianca s'ennuie. Ses boucles rousses chatouillent le creux de ses joues, ses yeux verts parcourent le paysage derrière la vitre. Elle ne voit pas bien : la pluie a décidé de brouiller le monde. A peine quelques tâches colorées lui parviennent, vert feuille, brun terre, rouge vif d'un cerf-volant abandonné. Pourtant, elle ne bouge pas. Elle ne peut pas. Clouée à son fauteuil roulant, elle est coincée. Et malgré son caractère optimiste, en entendant les rires des jeunes filles dans son dos, avec leurs longues jambes parfaites, elle ne peut empêcher une immense lassitude de la gagner. Alors elle ferme les yeux. Elle abandonne les quelques couleurs de sa vie pour le noir total. Et elle songe. Elle songe à ce qu'elle aurait pu être; cela va vite. Elle aurait été comme toutes ces filles, à courir, à séduire les garçons, à rire à gorge déployée malgré le mauvais temps. Elle aurait été mobile, avec un sens de la répartie à toute épreuve. Mais elle n'est pas ainsi. Et elle ne tient pas à se démoraliser plus que ce qu'elle n'est déjà en s'inventant une nouvelle vie. Alors elle bifurque sur le chemin de ses pensées, et elle songe plutôt à ce qu'elle est. Ses mains se crispent légèrement sur ses accoudoirs. Elle veut essayer d'être honnête. Il faut qu'elle laisse son brin d'orgueil de côté, et qu'elle soit objective. C'est difficile. Mais elle a besoin de le faire. Elle le sent dans son ventre, c'est comme un tambour incessant lui dictant la marche à suivre. Donc elle se concentre davantage. Et elle commence.
Bianca, elle ne peut pas utiliser ses jambes. Elle n'a jamais pu. Ses muscles refusent de lui obéir. Mais elle ne veut pas qu'on la prenne en pitié, elle ne veut pas qu'on la regarde comme une pauvre petite chose malheureuse. Alors même quand elle a envie de pleurer, même quand elle a envie de hurler, elle garde son masque de fierté. Un petit air qui ne quitte pas souvent son visage. Un petit air qui veut dire clairement « je peux me débrouiller toute seule ». « Ne vous inquiétez pas pour moi ». Oh que non ! Bianca, elle ne veut pas qu'on s'inquiète pour elle. Surtout pas. Mais du coup, elle a tendance à garder un peu trop ses sentiments pour elle. Elle n'a pas envie « d'être celle de trop ». Donc elle reste calme, enjouée. Qu'elle soit au bord de la crise de nerf ou non. Et puis si vraiment elle se sent mal, elle s'isole, tout simplement. Elle roule dans un coin, où elle espère qu'on ne la trouvera pas, jusqu'à ce qu'elle se soit remise. Parce qu'elle ne veut pas qu'on sache. Elle ne veut pas qu'on la voie, cette envie d'être comme tout le monde. Cette envie presque maladive de pouvoir avancer en utilisant ses deux pieds. Et puis, elle est un peu folle, aussi. Pas au sens littéral, bien sûr. Mais elle change très rapidement de statut. Il lui arrive de passer des jours à ne rien faire – absolument rien, à part écouter des conversations par-ci par-là. Et puis un beau matin, d'un seul coup, elle a envie de faire un truc dingue. Qu'on la lâche dans une pente, qu'on l'emmène faire un tour en voiture très loin, qu'on lui fasse voir la vie en rose. Elle est changeante, tantôt lasse, tantôt joueuse, selon les jours. A la fois extrêmement prévisible et indéfinissable. Complexe, paradoxale. Elle-même n'arrive pas vraiment à comprendre ces défauts qui la caractérisent. Elle se cherche, tâtonne, hésite. En attendant de trouver l'équilibre.
Ceci pensé, la jeune fille respire à nouveau normalement. Son souffle court redevient profond. C'est passé, elle a réussi, non ? Elle a comme l'impression de s'être déchargée d'un poids. Et pourtant, elle ne le sait pas, mais elle n'a pas fini. Parce que Bianca, c'est aussi quelqu'un d'autre. Une personne très patiente. Elle sait écouter, être attentive à ce qu'on lui dit. Par son côté curieux, elle va chercher les informations. Si on a envie de lui parler, on parle, sinon on se tait, peu importe. Elle est là, c'est tout. Et si on lui confie quelque chose, elle fera de son mieux pour donner les conseils qui lui sembleront les plus pertinents. Elle ne parle pas à la légère, observe, analyse, cherche parmi l'ensemble des éventualités celles qui pourraient servir au mieux la cause qu'elle représente. Et puis elle sait aimer, aussi. Oui, il y a tellement de choses qu'elle aime, sans vraiment se le dire. Et elle aime bien, correctement. Il n'y a pas de demi-mesure chez elle. Quand elle donne, elle donne en entier. C'est pour ça qu'elle a décidé d'avoir plusieurs cœurs. Un pour chaque chose qu'elle apprécie. En premier, elle en a confié un à la peinture. La peinture qui la calme, quand elle trempe ses mains dans les matières colorées, avant de les étaler sur la toile dans un fouillis seulement compréhensible par sa seule personne. La peinture qui l'aide à représenter le bric-à-brac de son esprit, partant dans tous les sens mais la rassurant. En second, elle en a donné un à ses expériences. A tout ceux qui l'ont aidé à se sentir vivante, à se sentir « être ». Et en troisième, elle en a donné un à Have. A lui et à lui seul, ce garçon si particulier. Mais ça, c'est encore plus complexe que tout, alors mieux vaut ne pas l'aborder tout de suite.
Alors voilà, elle ouvre les yeux. Et quand ses paupières se lèvent, après ce long instant d'inspection intérieur. Le monde lui semble plus beau. Ainsi, Bianca se dit qu'il est comme elle. Incompréhensible.
Et ça la fait sourire.
classe
this is how i see the world.
Définissez vous en une phrase.
Dans un souci d'objectivité, je pense qu'il faudrait poser la question à mes amis...
Vous offrirez quoi à Noël à votre meilleur ennemi ?
Le DVD d'Ed Wood par Tim Burton.
Parmi ces livres ci-dessous, lequel serait le plus susceptible d'être votre livre de chevet ?
Finnegans Wake de James Joyce.
Ce que vous devez impérativement arrêter de dire. Sérieusement.
« Je comprends ce que tu ressens... »
La petite manie dont vous vous passerez bien ?
Faire des private jokes.
Il y a forcément quelque chose que vous auriez dû faire depuis longtemps et n'avez toujours pas fait.
Lécher les bottes du professeur pour m'accorder un délai supplémentaire si j'ai pas la flemme...
histoire
we are born like this !
Peu avant ma naissance, pendant l'échographie, l'infirmière en charge a fait une constatation. « Tiens, elle est de travers ! » Ma mère avait regardé les tâches sombres à l'écran, plissant ses yeux chocolats. Elle m'avait observée, petite chose à peine formée apprenant lentement à être, dans son ventre arrondi. Et puis elle avait ri. Le rire de ma mère était la plus belle chose au monde. Dommage que je n’aie pu en profiter. Elle a cessé de rire le jour de ma naissance. Le jour où elle a compris que la phrase de l'infirmière était peut-être bien prémonitoire. Parce que je suis née de travers. J'avais de jolis cheveux roux, comme ceux de mon père, comme ceux de ma mère. J'avais des yeux verts, vert émeraude, vert amour. J'avais des joues roses, un ventre pâle, des tâches de rousseur sur le visage. Mais des jambes en toc. Des jambes qui refusèrent de bouger, lorsque mon premier cri transperça l'air de l'hôpital et que mes bras se mirent à s'agiter dans tous les sens. Incompréhension des médecins, regard à la fois épuisé et apeuré de ma mère dans ma direction. Et puis la sentence tomba d'elle-même, quelques minutes plus tard. Il y avait quelque chose en moi qui clochait. Quelque chose qui me paralysait, m'empêchait d'être complètement en dehors du placenta maternel. J'étais un programme erroné, un programme troué. Un programme incapable de marcher.
Les six premières années de ma vie se sont déroulées dans une sorte de flou. Tout allait trop vite autour de moi. Les couleurs me paraissaient trop vives, les odeurs trop puissantes, les saveurs amplifiées. Je passais mon temps à me faire mesurer, inspecter, analyser. C'était déconcertant. Je ne comprenais pas bien. Je n'arrivais pas à saisir l'origine de cette agitation, la racine du problème. Je ne voyais pas en quoi j'étais si différente. Ou plutôt, je ne saisissais pas en quoi cette différence était un problème. Et je n'avais pas encore les mots, pour poser les questions. Les questions essentielles. Alors je me suis contentée d'attendre. D'attendre qu'on m'explique, qu'on me dise ce qui n'allait pas. C'est ma mère qui s'en est occupée. Elle me l'a dit tout doucement, du bout des lèvres. J'étais assise dans le large fauteuil, celui avec des roues, je m'en souviens. Elle m'a caressé les cheveux, tout doucement, comme si j'étais aussi fragile qu'une poupée de porcelaine. Il y a eu un silence. Et puis elle a prononcé cette phrase. Cette phrase me confirmant que je n'étais pas normale. Que mes jambes, n'étaient pas normales. Que les enfants de mon âge étaient censés pouvoir marcher, mais que moi je ne le pouvais pas. Que je ne le pourrais sûrement jamais. Et puis elle a ajouté qu'elle m'aimait, qu'elle m'aimait très fort. Enfin, je crois. Je n'écoutais plus. Mes oreilles paraissaient bouchées, comme après avoir plongé dans l'eau chlorée de la piscine. Mon cœur cognait très fort contre ma poitrine, et j'ai senti le besoin irrépressible de me lever, de me dresser sur mes deux pieds et de m'enfuir en courant. Mais je ne pouvais pas. Je ne pouvais pas. J'étais coincée.
« Corps en cage et cœur en prison. Moi je tourne en rond, je tourne en rond... »
Huit ans, deux mois, un jour.
Allongée dans mon lit. Mon réveil affiche sept heures. Période de vacances, et pourtant je n'arrive pas à me rendormir. J'ai l'impression d'avoir un marteau-piqueur dans la tête. Il me faudrait une aspirine. Sauf que le médicament est en bas. Que je ne peux pas me lever. Et que mes parents dorment.
Oh, je pourrais bien les réveiller. Mais je n'ai pas envie de les déranger. Ils sont adorables, mais depuis quelques temps, ils s'angoissent dès que je leur demande la moindre chose. Depuis qu'ils ont rejoint ce club étrange de « soutien » comme ils disent, en fait. Je trouve ça un peu dur, l'idée qu'ils aient absolument besoin d'aide pour s'occuper de moi, mais je ne peux pas leur en vouloir. M'opposer à leur décision, ce serait comme les laisser se noyer devant mes yeux. Parce que malgré tous leurs efforts, ils pataugent un peu, quand même. Ma mère s'appelle Louise. Elle est grande, fine, et à des jolis yeux bruns. Elle aime la musique classique, avant ma naissance, elle était danseuse dans un opéra plutôt célèbre. J'ai vu des photos. Des photos jaunies, un peu écornées, mais des photos quand même. Elle rit sur chacune d'elle. Moi, je ne l'ai jamais vu rire. Ça me fait un peu mal au cœur. Je l'ai vue me sourire mille fois, mais ce n'est pas pareil. C'est comme si elle s'était entraînée devant le miroir avant, comme si elle voulait me rassurer alors qu'elle même est morte de peur. Depuis toujours, elle a un caractère très perfectionniste. Elle veut toujours que tout aille au mieux pour moi. Elle me demande chaque jour si tout s'est bien passé à l'école, si mes camarades ne m'ont pas embêtée, si je ne me suis pas sentie mal à l'aise. Elle veut bien faire. Mais elle m'étouffe. Elle me perd dans son trop-plein de questions. Et je n'ai même pas le cœur de lui dire qu'à l'école, le problème n'est pas mes camarades, mais mon ennui constant. J'ai l'impression que tout est trop simple, trop facilement compréhensible. Ça m'endort, me lasse, m’agace. Je me sens comme dans un monde parallèle. Très étrange. Mon père, lui, est différent. Il est employé dans une compagnie d'assurances en ville. Son passe-temps préféré, c'est les échecs. Il m'a montré, une fois, c'est vrai que c'est intéressant. Mais à la fin de la partie, quand il a vu qu'il était en train de perdre, il a rapidement conclu que ce jeu était trop difficile pour moi. Je n'ai plus jamais joué avec lui. Dommage. Souvent, j'ai l'impression qu'il vit à des millions de kilomètres de moi. Pourtant je sais qu'il m'observe, me surveille, de loin. Je le vois, parfois, en train de me regarder par-dessus son journal, se croyant discret. Je fais semblant de ne pas le voir. Je me concentre sur ma peinture, ajoutant de nouvelles couleurs sur la toile. Il en manque toujours. Mes parents n'arrêtent pas de me dire que c'est « merveilleux » mais je suis persuadée qu'il y a quelque chose de vide. Une teinte manquante, sur laquelle je n'arrive pas à mettre le doigt. C'est très agaçant.
Bref. J'essaye de penser pour chasser mon mal de crâne, mais rien y fait. M'énerve. Je vais essayer de songer à autre chose... Mon regard se pose sur mon fauteuil à quelques mètres de mon lit. Et une question me vient à l'esprit. Pourquoi est-ce que je ne peux pas marcher ? Je veux dire, je sais bien que c'est un problème de muscle, ou quelque chose comme ça, mais pourquoi exactement ? Est-ce que c'est parce que je ne sens pas mes jambes, ou parce que je n'arrive juste pas à les bouger ? Un test s'impose. Tout d'abord, je m'installe bien confortablement sur le dos. Et puis je ferme les yeux. Et je me mets à bouger. Les doigts d'abord. Un par un. Je compte jusqu'à vingt dans ma tête. Mon cou ensuite, lentement. Je sens mes cervicales craquer doucement, légère douleur s'insinuant jusqu'à mes épaules. Je lève ma main droite jusqu'à mon coude gauche, ma main gauche jusqu'à mon coude droit. Je cligne des paupières, plisse le nez, entrouvre mes lèvres. Et puis j'essaye de plier les jambes. Et rien. Rien. Je suis cassée. Ça ne fonctionne pas. On a mis du sucre dans mon moteur.
Ma lèvre inférieure tremble un peu, je remonte ma couverture au-dessus de ma tête. Et je me répète en continue qu'il faut que je positive. Je me rappelle toutes les couleurs qui m'attendent, bien sagement rangées sur le chevalet. Je me réconforte en me disant que dehors, il fait beau, que c'est les vacances, que je n'ai pas besoin d'aller à l'école. Je me dis que ce n'est pas si grave, après tout, de ne pas savoir marcher. C'est comme ces gens qui ne savent pas nager : un jour, j'apprendrai. Oui voilà. Je me le répète, encore et encore, ce beau mensonge. Jusqu'à ce qu'il me paraisse suffisamment convaincant pour que je me rendorme.
Les marteaux-piqueurs me semblaient alors bien insignifiants.
« Tissons les rêves avec de l'air. Au milieu du funéraire. »
Dix ans, deux mois, vingt-trois jours.
Salon. Dispute de mes parents, à cause de moi, comme d'habitude. Assise sur le canapé, les jambes étendues sous une épaisse couverture, je les écoute élever de plus en plus la voix. Chacune de leurs paroles me blesse comme un coup de couteau dans le cœur. « Si tu t'en occupais un peu plus, hein ! ». Bing. « Si tu avais écouté ce que monsieur N. nous a dit au club, aussi ! ». Bang. « Si tu l'avais créée correctement ! ». Slash. Game over. Ma mère file s'enfermer dans sa chambre en pleurant, mon père va téléphoner à cet étrange monsieur N. du club de soutien pour lui demander des conseils. Et moi je reste là, morose. Je finis presque par ne plus savoir quoi penser. Vous imaginez ? Je ne sais PLUS pourquoi je me sens aussi lasse. Est-ce à cause de ces disputes de plus en plus fréquentes ? A cause de ce monsieur N. qui ne m'inspire pas confiance ? Ou à cause des cours qui me paraissent de plus en plus futiles ? Aucune idée. Peut-être un peu de tout. Mélange amer et répugnant. Envie de pleurer comme une madeleine. Mais si je fais ça... Si je fais ça mes parents vont encore se hurler dessus. Ça ne me dit rien de tout. Alors je vais plutôt essayer de me changer les idées. Je deviens une pro pour cet exercice ! Première étape : bouger. Alors je tends la main jusqu'à mon fauteuil, le ramène le plus près possible du canapé, et m'installe tant bien que mal sur son cuir abîmé. Ensuite je roule jusqu'à la cuisine et me prépare le petit-déjeuner le plus calorique de tout les temps. Il en faut peu pour être heureux, comme on dit. Hein ?
« Je n'ai besoin de personne en Harley Davidson. »
Douze ans, six mois, douze jours.
Ma mère est venue me voir, ce matin. J'étais en train de peindre. J'en étais au stade où les couleurs étaient tellement mélangées qu'on n'arrivait plus à les distinguer les unes des autres. Parfait bordel. Extase total. Et puis elle est entrée, et ma vie terne m'est revenue en plein dans la gueule. Quand je vois ma mère, je ne peux pas m'empêcher de remarquer à quel point elle est « usée ». Comme si elle avait vieilli avant l'heure. Ses beaux cheveux, maintenant si fades. Ses yeux chocolats sans le moindre éclat. Son dos voûté, ses épaules courbées. Est-ce que c'est moi qui l'ai fatiguée comme ça ? Est-ce que c'est de ma faute ? J'essaye pourtant d'être la moins dépendante d'elle et de mon père que possible. Enfin. Visiblement, ça n'est pas suffisant. Ma mère est entrée, donc. Elle a paru me chercher un instant, puis son regard s'est posé sur moi. Elle m'a fait son sourire-miroir avant d'avancer dans ma direction. Je lui ai répondu par ce même sourire, que je déteste tant. Je me dégoûte, parfois. J'ai posé mes pinceaux, les doigts et les joues complètement peinturlurées. Et puis, s'asseyant sur une chaise à côté de moi, elle a passé sa main sèche et froide dans mes cheveux, lentement. A ce moment-là, j'ai su qu'elle allait m'annoncer quelque chose d'important. Ma mère ne me touche quasiment plus depuis mes huit ans. A moins d'en être obligée. Je n'ai jamais vraiment compris pourquoi, elle s'occupe pourtant relativement bien de moi, s'inquiète, s'enquiert de chaque chose dont je pourrais avoir besoin. Mais elle n'établit jamais le contact. Comme si elle avait peur d'être contaminée. Ce qui est stupide, non ? Comment voulez-vous être contaminée par de la paraplégie ? Ha ha ha ! Très très drôle. Oui, vraiment. Bref, en tous les cas, j'avais raison : elle avait quelque chose à me dire. En même temps, j'aurais été surprise d'avoir tort. Je connais les bonnes réponses aux questions dans quatre-vingt dix-neuf pour-cents des cas. Ce qui énerve pas mal de mes profs. D'ailleurs, ça aussi je ne comprends pas ! Peut-être que ça les énerve, que je connaisse mieux leur sujet qu'eux-mêmes ? Je devrais peut-être leur poser la question. Ou alors ce serait trop indiscret ? BREF.
« Ma chérie... Tu sais qu'on t'aime très fort, papa et moi, pas vrai ? »
Ma mère commence toujours comme ça, quand la nouvelle à annoncer est désagréable. J'ai quand même hoché la tête.
« Alors voilà... Je ne sais pas si tu te rappelles de monsieur N. ? Il est venu dîner à la maison le mois dernier. »
Comment j'aurais pu oublier ce gars ? Il m'avait fichu des frissons dans le dos.
« Et bien, il nous a demandé, à ton père et moi, de venir alternativement habiter au sein du « club ». Il y aura toujours quelqu'un pour s'occuper de toi à la maison, mais nous ne serons simplement plus tous les deux ensemble. Tu verras, ça va t'aider à marcher. Monsieur N. nous l'a promis. »
Là, j'ai vraiment voulu hurler. J'ai voulu lui dire que c'était n'importe quoi, que ce n'était pas en obéissant à ce drôle de mec qu'ils allaient changer ma vie. J'ai voulu lui dire que ce « club » était étrange, que c'était complètement dingue. J'ai voulu lui dire que je ne voulais pas qu'ils se séparent, j'ai voulu lui dire que je me fichais d'aller bien, pourvu qu'ils restent ensemble. J'ai voulu lui dire que je l'aimais, que j'aimais mon père, aussi, plus que tout au monde. J'ai voulu. Et pourtant je ne l'ai pas fait. Je me suis contentée de hocher à nouveau la tête, comme si tout était parfaitement normal. Et puis je lui ai souri.
« Ne t'inquiète pas pour moi. »
Viens de balancer mon tableau par la fenêtre. Je me hais.
« Toutes ces promesses qui s'évaporent Vers d'autres ciels vers d'autres ports. »
Quatorze ans, zéro mois, six jours.
C'est une belle journée d'été. Je me suis installée dans le jardin pour profiter des rayons du soleil. Mais je n'arrive pas à me détendre. Ma vieille radio posée à côté de moi, j'attends. J'attends le retour de mes parents. Quand je me suis réveillée, ce matin, il n'y avait personne. Personne. Mes parents ne me laissent jamais seule de travers. C'est donc que quelque chose cloche, aujourd'hui. Je ne comprends pas. C'est vrai que depuis un moment, je ne les vois jamais plus tous les deux ensembles, mais... En temps normal, il y en a toujours au moins un à la maison. Alors quoi ? Ils se sont lassés ? Ils ont décidé de m'abandonner ? Je me pose ces questions, mais j'en doute. Ils m'ont déjà montré mille fois qu'ils tenaient à moi. Ils se sont disputés, ont fait une tonne de sacrifices. Se sont inscris à ce club stupide. Ils n'auraient pas tout jeté en l'air d'un seul coup, du jour au lendemain, juste par « ras-le-bol ». Pas leur genre. Oui voilà, c'est impossible. Alors il faut que je me calme, que je profite du beau temps et que j'attende.
Tiens, et si je me concentrais tout simplement sur les dires de la radio ?
Lentement, je me penche sur le petit objet rouge, et je tourne la molette des fréquences, jusqu'à obtenir autre chose qu'un grésillement. Les informations. Mieux que rien. J'aime bien en plus, d'une manière générale. On apprend toujours plus de choses intéressantes qu'en cours. Je me cale dans mon fauteuil, chasse une mèche de cheveux de devant mes yeux. Et puis je tends l'oreille. Un attentat en Palestine. Un oiseau dans le jardin d'à côté. Les résultats d'une étude sur les papillons. Un klaxon résonnant au loin. Le succès du défilé Channel. Un rire de gosse de l'autre côté de la haie des voisins. Ah, info de dernière minute. Un criquet saute sur mes genoux ; sursaut. Suicide collectif des membres d'une secte de Dublin. L'insecte retourne se loger dans l'herbe dans un grincement. Nom des victimes. Mon attention se reporte sur les informations. Charles O'Connor, Beth Landry, Sophia Antonelli... Je m'imagine leurs visages, me demande comment ils ont pu en arriver là. Christopher Drewings, Agatha Sands, Noé Ground... Noé Ground. Ce nom me dit quelque chose. Noé. Noé. N. Louise et Gabriel Callaghan, Deborah Lown.
J'ai l'impression qu'on vient de poser une bombe dans mes oreilles. Le journaliste explique que ces personnes ont décidé de mettre fin à leurs jours pour réaliser leurs rêves. La lettre d'adieu a été trouvée par la concierge de l'immeuble. Les explications se poursuivent, infinies. Mais je n'écoute plus rien. Plus rien du tout. Je sens mon cœur se compresser, les larmes grimper le long de ma colonne vertébrale, escalader ma gorge, jusqu'à parvenir à mes yeux et rouler sur mes joues. Il ne faut pas que je pleure, non, non. Ce n'est qu'un cauchemar, un horrible cauchemar. J'ai envie de crier, j'ai envie de hurler. Mais il faut que je positive. Il faut que je sois souriante, que je garde ma bonne humeur. Pitié, larmes, arrêtez-vous. Arrêtez-vous.
Je n'ai jamais eu autant envie de courir de toute ma vie. C'était pourtant une belle journée d'été.
« Le temps qui nous casse, ne la change pas Les vivants se fanent, mais les ombres pas. »
Seize ans, trois mois, un jour.
Autre chambre, autre lit. Mais même heure et même mal de crâne qu'à mes huit ans. Super. Bon. J'imagine que c'est un moment idéal pour un examen de conscience, ou un truc du genre. Voyons ce à quoi je pourrais penser...
La Wammy's House, d'abord ? Oui, ce serait bien. Alors voyons. Quand on est venus me chercher, j'étais sur le point d'être emmenée en famille d'accueil. Et puis des gens un peu bizarres ont débarqué et m'ont fichu les résultats d'un test de Q.I. sous le nez. Un truc que j'avais fait il y a quelques mois déjà, je ne m'en rappelais même plus. Enfin bref, toujours est-il qu'on ma rapidement collé le statut de surdouée sur le front. (en plus de celui d'handicapée et de celui de rousse un peu dingue, comme si j'avais besoin de ça.) On m'a fait comprendre qu'aller en famille d'accueil n'était pas du tout la bonne solution pour moi et que je ferais mieux d'aller dans cet orphelinat, à Winchester. Honnêtement, je me sentais un peu déconnectée de tout. Et je ne voyais pas pourquoi je refuserais une proposition qui me permettrait d'arrêter de m'ennuyer en cours. Donc j'ai dis oui. Deux jours après, j'étais là-bas, mon fauteuil peinant à avancer sur les graviers. Avec un peu de recul, je peux me dire qu'en fait, j'ai probablement atterri dans un asile de fous. De gentils fous, mais des fous quand même. On a dû comprendre que j'étais pas bien dans ma tête, et on m'a fichue là-bas. Ha ha ! Enfin bref, pour en revenir à mon arrivée. On s'est débrouillé pour me faire monter des escaliers (moi, des escaliers. La blague !) et on m'a fait patienter au moins une demi-heure devant le bureau du Directeur avant qu'il n'arrive. Là, il m'a fait tout son topo sur le règlement, etc, etc... Sincèrement, j'ai voulu être polie et écouter, mais j'ai décroché après deux minutes. Dur. Je ne suis revenue sur Terre qu'une vingtaine de minutes plus tard, quand il m'a parlé d'un pseudo que je devais choisir. Ça m'a intriguée. Ne pouvais-je pas tout simplement me faire appeler Bianca ? On m'a dit que non. Je n'avais rien écouté ou quoi ? Pas osé répondre qu'effectivement, je n'avais pas suivi un tiers du monologue. Je me suis donc retrouvée à devoir me choisir un nom. Je n'avais aucune idée, mais alors aucune. Et puis... Et puis je me suis souvenue de mon envie d'être. Mon envie de vivre, de ne plus être considérée que comme un fauteuil roulant et des jambes tordues. Je voulais être, pour de vrai, pour de bon. Donc Be.
Les travaux de mon esprit ne se calme pas. Bing, bang, ça cogne, ça tire, ça fait mal. Il faut que je continue de penser à autre chose. Alors je vais songer à « après ». Après le bureau du directeur. Oui, voilà. Au départ, je me contentais d'adresser la parole à quelques personnes par-ci par-là, sans vraiment prendre la peine de les connaître. J'avais peur. Je me disais que si je commençais à m'attacher à quelqu'un, on allait forcément me le retirer un jour ou l'autre. Stupide n'est-ce pas ? Carrément. Je passais mon temps à peindre, peindre, peindre. Et à observer, tout observer. Jusqu'à ce que ce soit à mon tour, d'être observée. Je m'en souviendrai toujours, j'en suis sûre. Comment pourrai-je oublier ? J'étais à côté de mes tubes de peinture, et je me demandais quelle couleur je devais choisir pour la suite. Et puis j'ai senti un regard dans mon dos, me fixant. Alors je me suis retournée. Et je l'ai vu. Ce petit garçon assis en tailleur par terre, un peu décoiffé, ne me quittant pas des yeux. A la base, je le trouvais juste mignon. Je lui ai dis bonjour. Il ne m'a pas répondu. J'ai attendu pourtant ! J'ai attendu qu'il parle, encore et encore. Mais rien. Il est juste reparti quelques heures plus tard, sans prononcer un mot. Je l'ai laissé tranquille. Et le lendemain il était là. Et encore le jour d'après. Et le jour d'après. Et le jour d'après. Il ne parlait pas mais me faisait sourire. Vous n'imaginez pas le tête que j'ai fait la première fois qu'il a dit quelque chose ! J'étais aux anges ! Même si c'était juste son nom, prononcé très rapidement, j'étais la fille la plus heureuse du monde. « Have ». Et depuis, on ne se quitte plus. Je suis incapable de vous décrire ce que je ressens pour ce garçon mais... C'est juste incroyable. Il est tout. Mon frère, mon meilleur ami, mon ange, mon cœur. Il est absolument toujours là pour moi. C'est celui qui surgit de nul part quand je suis au plus mal, celui qui me réconforte quand j'ai peur, celui qui arrive à me faire sourire malgré tout. Pas besoin de mot. Il me comprend, je le comprend. La confiance que j'ai en lui n'a tout simplement pas de limite. Nous sommes Have et Be. Be et Have. Behave. A nous deux, nous dictons la façon de se comporter du monde.
J'en oublie mes jambes, j'en oublie mon mal de tête. Je l'aime, je l'aime, je l'aime. Une fois, deux fois, trois fois, un milliard de fois. Voilà que je souris, tiens. La vie est merveilleuse. Tout simplement. Et je me rendors.
« Parle-moi des jolies choses, Des cahiers du cinéma. Dis-moi que l'amour ne s'arrête pas. »
HRP
wave your hands.
SURNOM(S) : Mint DATE DE NAISSANCE : 14 / 11 / 1996 ÂGE : 15 ans SEXE : ❒ M ✔ F AVATAR : random rousse DÉCOUVERTE DU FORUM : TC Color.// go away. EST-CE VOTRE PREMIER FORUM RP ? Wé tro é jéspair ke vou seré janti avek moa.
Dernière édition par Be le Mer 4 Avr - 15:47, édité 1 fois
Sujet: Re: Dis-moi, si je suis, si ça te va, que je sois comme ça. Mer 4 Avr - 10:03
Bonjour et re-re-re-bienvenue parmi nous ! Ton personnage est soit une Word soit une Alters. Mon petit doigt me dit aussi que la WH est à Winchester et non à Londres...petite bagatelle.
Sinon...Cette fiche est vraiment, mais alors vraiment, très belle. Je suis sous le charme de ton personnage et à deux doigts de pleurer (littéralement) devant ton histoire et...l'ensemble quoi. Je suis émue T^T surtout devant ce passage si beau :
Citation :
J'en oublie mes jambes, j'en oublie mon mal de tête. Je l'aime, je l'aime, je l'aime. Une fois, deux fois, trois fois, un milliard de fois. Voilà que je souris, tiens. La vie est merveilleuse. Tout simplement. Et je me rendors.
Bref j'aime beaucoup beaucoup beaucoup beaucoup et j'ai hâte de voir l'évolution de la relation entre Be et Have *w* !
Invité
Sujet: Re: Dis-moi, si je suis, si ça te va, que je sois comme ça. Mer 4 Avr - 18:33
Fuuuuuu ! ♥
Si tu as aimé, je suis contente. (en vrai j'ai carrément sautillé de joie sur ma chaise tout à l'heure, en mode hystérique, mais chut.) J'ai modifié, pour Londres/Winchester. Merci de me l'avoir fait remarquer ! Et pour Be, j'ai choisi les Words. J'ai hésité tout l'après-midi, mais au final je pense que c'est le mieux.