- La volonté, en tant que faculté de se.../SONNERIE RETANTISSANTE
La plupart des élèves avaient déjà rangé leur matériel scolaire et n'attendaient plus que ce signal pour se précipiter hors de la salle de classe. Les autres, plus jeunes, sortaient avec moins de précipitation, lançant de timides regards à leur professeur, moins pour avoir son assentiment que pour excuser leur fuite. Anthem, le sourire froid, convoquait tout le désespoir du monde sur son sort comme à son habitude, immobile et silencieux, les poings pressés sur son bureau. Une fois que le dernier orphelin fut sorti et que derrière lui la porte se soit refermée, Anthem s'effondra dans son fauteuil. Le visage tordu, le dos vouté, les doigts crispés comme autant de griffes, paumes vers le ciel, il faisait l'effet de ces gargouilles de pierre que la pluie anime les soirs de tempête. Figées et ruisselantes. De ses yeux, de ses lèvres et de ses narines coulait cette même sève transparente qui a le goût de sel. L'humiliation s'enlisait dans d'autres sentiments plus glauques tels que le remords, la rancune, le regret, et tout cela flottait dans une mélancolie sombre et huileuse comme une mer.
Quand il n'eut plus de larme à verser, Anthem se sentit pris d'une grosse fatigue. Il se leva et alla donner un tour de clef à la porte de la classe. L'œil vide et sec, la tête vide et sèche, le verre vide et sec, Anthem ouvrit son placard personnel dans l'intention d'en sortir la bouteille d'eau-de-vie qu'il gardait précieusement cachée. En haut à droite, derrière le dictionnaire de latin. Rien. Dans un réflexe stupide, il envoya sa main au fond de l'étagère, des fois que la bouteille ait échappé à son regard. Il ne réussit qu'à renverser une boîte de feutres. Tandis qu'il remuait nerveusement les piles de livres des étages inférieurs, dans sa tête s'insinuait lentement l'idée qu'il était dans le caca. Il refit mentalement l'inventaire des personnes ayant pu avoir accès à ses effets et comme il arrivait à la conclusion que personne, non personne, n'avait jamais demandé sa clef, il dut convenir qu'il venait de se faire voler. Bon, en soit, la perte d'une bouteille de whisky n'était pas un drame. Mais dans le cas d'un enseignant à la Wammy's House, ça pouvait coûter très cher. D'autant plus que l'alcool lui avait déjà valu son poste d'enseignant par le passé. Si l'on venait à retrouver ladite bouteille les soupçons se porteraient naturellement sur lui à moins qu'on l'ait déjà dénoncé, dans quel cas il n'avait plus qu'à préparer un nœud coulant.
Anthem n'avait plus du tout envie de pleurer. L'angoisse avait séché son spleen. Agité, indécis, il lissait frénétiquement ses cheveux sans parvenir à savoir ce qu'il devait faire. Incapable de rester plus longtemps immobile, il sortit précipitamment de sa classe, bousculant deux ou trois élèves et laissant la porte grande ouverte derrière lui. Marchant avec une énergie qu'on ne lui connaissait pas dans une direction que lui-même ignorait, Anthem jetait sur chaque personne qu'il croisait un regard terrible parce que la paranoïa le gagnait. Il avait oublié que l'heure de la récrée justifiait une telle affluence dans le couloir et voyait dans chaque étudiant, dans chaque surveillant, et même chez les professeurs qu'il croisait, un potentiel voleur qui l'enverrait potentiellement à la rue quand il le dénoncerait. Aussi, il avait l'air encore plus fou que d'habitude et personne ne se gênait pour le dévisager avec un peu de mépris. Anthem aurait voulu disparaître en cet instant.
Invité
Sujet: Re: Bouche Agonie *libre Ven 4 Nov - 16:23
Citation :
J'étais inspirée, je te rejoins. 8D
- Excusez-vous, poussez-moi !
Curieux de cette interjection qui chamboulait l'ordre établi, plusieurs élèves se poussèrent – non sans écraser les doigts de pied de leurs camarades – laissant la voie libre à Dance qui devait se tortiller pour pouvoir avancer. Les couloirs de WH* à l'heure de la récré devenaient un parcours du combattant, tant ils étaient remplis par les élèves. Surtout lorsque la journée était maussade au possible, grise et terne comme toute bonne journée d'automne. On se serrait alors dans les couloirs, agissant comme les pingouins pour trouver un peu de chaleur humain afin d'affronter le grand froid. Puis il y avait les élèves agissant comme des bancs de poissons frénétiques, des truites remontant le courant et bousculant ceux qui se trouvaient sur leur route.
Ce banc de truites était constitué des élèves sortant du cours de philosophie, fuyant la salle au doux cri de « liberté » et « freedom ». Dance n'eut que le temps de pousser un « what » tonitruant avant de se faire entraîner par la foule, bousculé, ballotté entre les élèves comme un caillou avant d'être rejeté contre le dos de quelqu'un. Le choc lui fit pousser un grognement de douleur, suivi d'un massage frontal pour dissiper le mal. Bande d'idiots, ils ne pouvaient pas éviter de courir dans les couloirs ? Dance pesta encore une ou deux fois à voix haute contre les jeunes (alors que lui-même n'avait obtenu la majorité que depuis quelques années). Puis finalement, alors qu'il remettait sa guitare sur son dos, il se souvint qu'il avait heurté quelqu'un – et surtout qu'il ne s'était pas excusé.
- Excusez-moi je... M'sieur ça va ?
En tant que Word, Dance connaissait Anthem. Il avait suivi – et suivait encore – avec assiduité ses cours. Les autres pouvaient cracher sur la philosophie, prétextant que « ça ne servait à rien » pour Dance c'était toujours un délice de se poser des questions. D'échanger des avis, des théories, de mener de longues et fructueuses discussions. Sauf que les génies sont cruels, et chaque cours d'Anthem se devait d'être interrompu par des idiots cherchant à faire craquer l'enseignant.
Dance voyait les craquelures sur le visage d'Anthem, annonciateurs de la tempête qui se préparait. En tant qu'élève Dance ne pouvait pas faire certaines actions – qui pouvaient être mal prises ou mal interprétées alors qu'elles n'avaient rien de répréhensibles. Se balançant sur ses pieds, Dance finit par laisser tomber quelques mots.
- Est-ce que je peux vous aider ?
Il sentait confusément qu'il s'engageait dans des problèmes plus gros que lui. Mais tant pis, c'était là sa faiblesse que de vouloir aider son prochain.
Invité
Sujet: Re: Bouche Agonie *libre Sam 26 Nov - 22:00
AH ! Désolée de mettre autant de temps à répondre !! D: Merci de te joindre à moi, enchantée ! ----------------------------------------------------------------
À mesure que la panique gonfle, Anthem sent son visage se vider de son sang. Toute humidité a déserté ses lèvres comme sa gorge ce qui gène sa déglutition. Il la sent condensée sur ses tempes, la sueur, dans sa nuque, à la racine de ses cheveux. Il ne sait pas s'il est glacé ou s'il a trop chaud. Les sueurs froides, la larme brûlante. Dans sa tête, les idées se croisent en architectures de moins en moins cohérentes. La boîte crânienne à rythme bat le tempo sur lequel semble pulser le reste du circuit : KESS-KE-CH-FÊ ? KESS-KE-CH-FÊ ? KESS-KE-CH-FÊ ? Si, au début, il a vraiment essayé de chercher une issue à son problème, maintenant il n'en fait plus rien ! Les relations de corps à effets sont un peu brouillées. La transpiration est un bon conducteur, l'électricité générée par l'affolement parcours mille fois l'ensemble de son corps. Sa paupière gauche frémit comme la petite dépouille d'une grenouille sur la paillasse d'un laboratoire quand on lui envoie le jus. Végéter le long des autoroutes : sourire avec indulgence aux coups de klaxon, supporter le soleil écrasant sans n'avoir d'autre issue à cette artère de mélancolie que cet horizon qui reste désespérément vide et désespérément loin. A mesure qu'il avance, les arbres du lointain grandissent, et ceux qu'il dépasse s'écrasent. Quel mauvais présage se cache derrière cette perspective ?
Une baffe. Ouf !
L'impact lui a arraché un sanglot. Un peu sonné, Anthem piétine, tangue, se rattrape au sac d'une écolière qui ne se prive pas de lui faire sentir la grossièreté de son attitude en le gratifiant d'un regard terrible. La névrose retombe. Anthem a de nouveau honte, il a retrouvé son teint jaune, ses jambes se sont remises à se tortiller tandis qu'il se perd en sourires confus desquels glissent cycliquement un phrase dégoulinante de gentillesse dès qu'il croise une tête connue. Jeune Monsieur Near comment allez-vous aujourd'hui ? Vous avez un très joli cartable ! - Oh ! - Bonjour mademoiselle Who, comment vous portez-vous ? Très réussi votre dernier devoir, félicitations et-... Quand Dance s'approche de lui, il est partagé entre la crainte et la surprise. Dance fait parti de ces élèves qui rassurent son égo meurtri. Mais il fait également parti de ces élèves perspicaces à qui rien n'échappe.
- Oh Je- Je vais très bien m- monsieur Dance, rassurez-vous, j'ai les os solides, il en faudrait plus pour me briser ! - il part dans un rire un peu chaotique - Et vous même, comment vous portez-vous ? C'est que j'ai les vertèbres pointues, vous ne vous êtes pas fait mal en me heurtant ?
Ses sourcils ont retrouvé leurs trajectoires convexes, seule sa paupière gauche témoigne de son agitation intérieure par faibles sursauts. Peut-être que son visage est un peu plus crispé qu'à l'habitude. Peut-être aussi que son tracas transparait dans les tremblements nerveux qui agitent ses doigts. A moins que ce ne soit le manque d'alcool qui contrarie son corps à ce point. Quoi qu'il en soit Anthem veut se persuader que son angoisse est absolument indétectable, il s'acharne même à penser à des mièvreries de la plus douceâtre espèce. Il force le calme de sa respiration. Serre le poing pour calmer ses tremblements. Ouvre grand les yeux pour amortir le sautillement de sa paupière. Dévoile ses dents pourries dans un large sourire. LARGE. Ok. Dance se risque quand même à proposer son aide.
- Où avez-vous vu que j'avais besoin d'aide ?
Pour la première fois, sa voix n'a pas fléchi. Parfaitement audible, si claire : même presque froide. Anthem n'a pas sourit, ses sourcils ne se sont pas plissés, il n'a pas regardé ses pieds mais Dance bien dans le fond de l'oeil. Subitement conscient de sa dureté, Anthem rougit violemment, détourne le regard et se remet à enrouler son doigts dans ses cheveux. Il s'empresse d'ajouter :
- Oh ! Je... Je suis fl-flatté. M-merci. Mais pour l'instant j-je n'ai pas besoin de votre aide, les manuels sont rangés, je n'ai plus cours de la journée, pas de devoirs à corriger... - de nouveau, il fait fuser son rire grossier -Mais Pr-promis ! Je vous solliciterai ultérieurement si... si le b-besoin s'en fait s-sentir. Bonne journée !
Invité
Sujet: Re: Bouche Agonie *libre Dim 4 Déc - 23:16
Citation :
Fin un peu bâclée, désolé. =/
Toute autre personne extérieure à WH* en voyant Anthem et son sourire l'aurait pris pour un échappé de l'asile. Et mander une ambulance pour ramener le pauvre homme dans sa cellule avant qu'il ne touche aux enfants. Sans se douter qu'Anthem n'était qu'un simple professeur de philosophie - un être rempli de contradictions et de spleen à faire pâlir Baudelaire. Il pouvait élargir son sourire autant qu'il voulait, Dance n'y voyait que le sourire d'un homme au bord de l'abîme.
Et malheureusement Dance était du genre à rattraper celui qui dansait au bord de la falaise, plutôt que de détourner le regard. Quitte à se prendre une gifle.
Ce qui fut le cas. Le ton sec de l'enseignant le fit tiquer, sa paupière eut un soubresaut, son corps se raidit, se pencha en arrière craignant qu'une main ne s'abatte sur lui. Anthem avait des réactions qui avaient le don de vous mettre mal à l'aise. Avec ça le regard qui semblait lire à travers votre oeil, voir le fond de votre crâne et les soubresauts de votre cervelet.
Rien d'agréable.
Et voilà qu'Anthem changeait radicalement de comportement, devenant un pauvre gosse perdu.
C'est au tour de l'élève de capter le regard de l'enseignant, de chercher dans le trouble des iris le vacillement d'une certitude.
- Je sais me taire, vous savez. Je sais garder des secrets si votre recherche ne doit pas être ébruitée.
Il avait dit cela avec un ton un peu sec comme si c'était maintenant lui l'adulte responsable dans toute cette affaire. Dance n'aimait pas qu'on le rabroue ou pire, qu'on mette en doute ses capacités. Alors il le faisait bien entendre, et tant pis si Anthem le prenait mal. il lui proposait de l'aide. Que l'enseignant n'aille pas ensuite se plaindre que personne n'était bon avec lui.
Invité
Sujet: Re: Bouche Agonie *libre Mer 11 Jan - 11:44
« - J-Je cherchais... Je cherchais... »
A ce moment, sa tête ne lui est d'aucun secours, toute focalisée sur le va-et-vient des élèves dans le dos de Dance ; sur le rire de cette fille ; sur la sensation désagréable de la sueur qui sèche... Anthem avale sa salive. Au milieu de cette agitation, les yeux captivants de Dance qui lui disent : fais-moi confiance. Le prof de philo observe un silence méditatif. La perspective de se faire aider par son élève le laisse froid car cela implique une prise de risque supplémentaire et surtout parce que l'idée de se faire épauler dans sa bêtise irrite son ego. Mais en y réfléchissant, il se dit qu'il peut bien trouver un subterfuge qui lui permette de trouver l'aide de Dance sans avoir dévoiler la nature véritable de son problème. Il se met donc en quête d'une explication crédible qui innocente l'objet de sa recherche. « - Je sais me taire, vous savez. Je sais garder des secrets si votre recherche ne doit pas être ébruitée. » Les mots qu'a choisi Dance pour le convaincre trouvent en lui une résonance troublante, comme si son élève avait précisément su de quoi il s'agissait. Sa précipitation à lui venir en aide est louche, elle n'a pas pu naître d'un sentiment complètement désintéressé... Et puis il lui est tombé dessus si étrangement, impossible de croire à une rencontre fortuite... Soudain, pour Anthem tout est clair. Il lance un regard circulaire pour s'assurer que personne ne les écoute, puis ajoute d'une voix sonore, au cas où ils auraient quand même eu des spectateurs indiscrets :
« - Dance, venez-dans mon bureau, je vous prie, j'ai deux mots à vous dire à propos de votre devoir. » Deux élèves leurs lancent des regards surpris mais ils ont l'air d'avoir été convaincus par sa prestation. Après s'en être assuré, Anthem s'excuse doucement à Dance et le prie de le suivre.
Anthem est rongé par l'humiliation, sa peine est d'autant plus profonde qu'il avait cru, l'espace d'un instant, trouver un allié. Le voilà bien puni : il savait bien pourtant, qu'accorder, ne serait-ce qu'un soupçon de confiance à qui que ce soit lui vaudrait une trahison. Il se sent sale, utilisé. C'est malin. Il imagine tous les orphelins de la Wammy's House derrière son dos à se fendre à poire, et parmi eux certains professeurs, dont Carbon sans aucun doute. Cette image mentale lui fait presser le pas, sa vue se trouble comme ses yeux s'emplissent de larmes. Il s'arrête un instant pour sortir son mouchoir et s'en tamponner les yeux avant de repartir. Il jette un coup d'œil dans son dos pour vérifier que Dance le suit toujours. Une fois rendu dans son bureau, il ferme la porte à double tour, présente une chaise à son élève et s'installe en face de lui, les mains jointes. A deux reprises il se penche vers lui, ouvre à demi la bouche, mais ne parvient pas à trouver ses mots. La honte lui brûle les joues. Il est pris d'une flemme immense d'entrer dans ce qu'il croit être une grosse blague montée contre lui. Anthem n'aime pas ces jeux où l'on feint de ne pas le comprendre alors que lui, sait pertinemment. Il voudrait engueuler Dance mais cela lui demanderait un effort insurmontable. Pourquoi l'a-t-on choisi lui comme souffre douleur ? Il n'a vraiment jamais souhaité de mal à personne ! Rester tranquille; faire son job, boire un petit coup, c'est tout ce qui lui reste. Gêné, il se masse le front, et formule avec difficulté :
« - Je n'ai rien à reprocher à votre devoir. Je dois même vous féliciter. »
Il rit, ce qui le déconcentre un peu. Mais cela lui permet de se décrisper. Il faut que tu te détendes vieille branche, qu'il se dit à lui-même, tu flanches, ce ne sont que de pauvres gosses qui cherchent à un peu s'amuser. Et pour le sale ivrogne que tu es, c'est pas plus mal, qu'ils te secouent un peu, allez, ils ne pensaient pas en mal. Anthem se laisse aller contre son dossier, un petit sourire naît au bout de ses lèvres même s'il continue un peu à dramatiser. Il aurait préféré qu'on le taquine sur d'autres choses, là il se sent trop en péril. La boisson, c'est quand même une emmerde, pour un prof, qui plus est un prof de philo qui n'avait déjà pas beaucoup de crédibilité. Il a trop honte que ses élèves aient su pour son alcoolisme. Maintenant, regarder Dance dans les yeux, c'est trop difficile. Il essaie alors de se concentrer sur ses ongles qui ont des petites marques blanches là où il s'est cogné. Et d'une voix lente et sourde :
« - Bon, mettons que je sache déjà tout. Ça ne sert à rien de se fatiguer. Dance, Dites-moi où elle est, s'il-vous plaît. Je ne la cacherai plus dans mon placard, promis. »
Invité
Sujet: Re: Bouche Agonie *libre Jeu 26 Jan - 23:18
Dance comprenait de moins en moins les réactions de l'enseignant. Cet homme était un labyrinthe dans lequel il se perdait à chaque pas qu'il amorçait. Il semblait l'accuser d'avoir cacher quelque chose, mais quoi ? Dance ne comprenait pas. Il clignait des yeux, chercha ceux d'Anthem afin d'y lire les accusations non formulées. Mais l'enseignant demeurait tête basse jouant parfaitement son rôle de victime. Dance tâchait de ravaler sa colère - il tâchait d'être aimable et voilà comment il était remercié ! A croire qu'être un peu humain était devenue une faute au sein de cette société égoïste.
Horripilé, Dance se leva de son siège, posa ses mains à plat sur le bureau. Il devait respect à Anthem en tant qu'enseignant mais son comportement avait dépassé les bornes. Dance n'était pas du genre impulsif, mais à trop le chercher on finissait par le trouver.
- Écoutez monsieur, je ne sais pas de qui ou quoi vous parlez. Sûrement de ce que vous cherchez, mais comme je ne sais pas ce que c'est, je ne risque pas de vous aider.
Non vraiment il avait l'impression d'être un père en train de montrer à son fils que la vie était injuste. La colère de Dance retomba un peu, le jeune homme se passa la main sur les yeux. Inspira un coup, calma son coeur qui battait à tout rompre jusque dans ses oreilles - ses mains tremblaient encore de toute cette colère qui l'avait prise comme un poison.
- Je ne l'ai pas volé, pourquoi l'aurais-je fait ? J'ai mieux à faire que d'embêter des gens, surtout des enseignants que je respecte. Dites-moi ce que vous cherchez et je tâcherais de le trouver.
Il avait l'impression de répéter cette demande en boucle et de ne s'heurter qu'à un mur.
Invité
Sujet: Re: Bouche Agonie *libre Mer 8 Fév - 18:13
Grondante et écumante, gonfle dans leurs ventres cette tension froide faite d'embarras ; elle grandit et prend de la vitesse à mesure qu'elle s'enroule sur elle-même. Anthem s'y noie, il n'a jamais eu le goût de la natation en eaux profondes. Comme ces crabes qui côtoient la mer sans s'y risquer trop longtemps. Il s'efforce de ne pas croiser les yeux de Dance, enroule une mèche de ses cheveux autour de son index osseux et pleure intérieurement de gêne. Au comble de sa puissance, la tension cède sous son propre poids. Anthem est presque soulagé de l'entendre s'abattre avec fracas. Sa paranoïa épaisse s'estompe, dissipée par la colère de Dance à la voix aussi franche et forte qu'un coup de Mistral dans sa gueule ridée. Il se tortille sur sa chaise, demande à son élève d'excuser ses stupides spéculations. Il essaie d'expliquer son angoisse égocentrique en utilisant un vocable vaporeux, presque mystique, dont il est le seul à avoir le secret. Alors, il s'embrouille et voit bien que Dance n'y comprend rien. Il ouvre et referme machinalement la bouche, cherchant à filtrer l'air que ses branchies ne supportent pas.
- Excusez-moi. Dance, vraiment, je ne sais pas ce qui m'a pris ! J'ai tendance à devenir parano ces temps-ci, c'est la fatigue, je vous demande de bien vouloir me pardonner je... Je ne suis qu'un idiot.
Il a cette moue gémissante, une tête de poisson asphyxié. Anthem réprime un sanglot en détournant les yeux. Il sourit faiblement. Un sourire qui occupe la concentration de tout son corps. Il garde l'équilibre dans une acrobatie grotesque, entre son désespoir intérieur et la sérénité qu'il veut afficher au reste du monde. Ça lui raidit le cou à l'endroit où ses veines sont le plus visibles, ça lui tend les épaules, il est tout crispé de constipation. La gymnastique de la bienséance lui enlève toute dignité.
- Une une bouteille de Whisky j'ai perdu une bouteille de whisky je la cachais dans mon armoire aujourd'hui elle n'y est plus j'ai cru qu'on me faisait une blague ça me rend nerveux comprenez-vous j'ai déjà perdu mon poste par le passé pour une histoire semblable je m'acharne à sauver ma place ici mais vous gagneriez plus à me voir partir je suis tellement incompétent.
Non, il ne doit plus pleurer. Il faut qu'il se montre digne du respect que lui porte Dance. Il abat fermement son poing sur la table, La chair émet un bruit mat en heurtant le bois.
- L'alcool !
Il ne sait plus le plan qu'il avait trouvé pour organiser sa plaidoirie alors son cri reste en suspens, il s'entend le répéter plusieurs fois, en échos.
- C'est par pure vanité que j'aime mon travail. Par pure vanité que j'en souffre aussi. Le soir, je bois un whisky bon marcher, sans glaçons, sans cigarette et dans l'obscurité.
La comédie a assez duré, ça doit finir. Il s'est assez donné en spectacle comme ça, il voudrait prendre congé sous les applaudissements de Dance, dans une scène tragique où il serait victime de la fatalité. Alors il brode encore à sa connerie des répliques en dentelle, il voudrait avoir le style simple et éclatant des romanciers russes mais il patauge dans un bavardage adolescent. Anthem se lève, va ouvrir la porte de sa classe pour limiter le carnage. Il s'excuse encore platement auprès de Dance, désolé qu'il est d'avoir perdu toute crédibilité devant un élève qu'il estime autant. Il aurait voulu être celui qui épaulerait son élève et le conseillerait. Vraiment, quel personnage de merde il ferait dans un roman.
Invité
Sujet: Re: Bouche Agonie *libre Dim 19 Fév - 23:48
Dance avait ébranlé le barrage et l'eau retenue depuis des années se déversait, manquant de le noyer sous sa masse prodigieuse. Heureusement pour lui qu'il s'était rassis sans quoi il serait tombé de haut - même si son mental venait de faire un beau plongeon. Il se doutait bien qu'Anthem était fragile et que, comme tout humain, il avait ses faiblesses. Mais sûrement pas l'alcool. Oh il y avait bien ce regard lointain, ces cernes rouges mais Dance aurait mis cela sur le compte d'insomnies et non d'une quelconque substance.
- C'est par pure vanité que j'aime mon travail. Par pure vanité que j'en souffre aussi. Le soir, je bois un whisky bon marcher, sans glaçons, sans cigarette et dans l'obscurité.
C'était tellement cliché que Dance en aurait ri s'il n'avait pas soupçonné que c'était là la cruelle vérité. Personne ne méritait de mener de tels soirées avec soi-même. Anthem se levait, main posé sur la poignée déjà prêt à partir. Dance le suivit, agrippa ces doigts osseux dont la forme rappelait celle d'une araignée. La peau froide et sèche le fit frissonner.
— Je ne sais si je retrouverais votre bouteille. A mon avis elle doit déjà être vide. Nombre d'élèves ici aiment boire et ils ont du tomber sur la vôtre sans savoir même qu'elle vous appartenait.
Il n'avait évidemment rien pour démontrer que son hypothèse était la bonne, mais elle était du moins valable. Tous les élèves de WH* n'étaient pas des enfants de choeur et les fêtes clandestines où tournaient bouteilles et joints étaient monnaie courante.
— Je pense donc que c'est juste un concours de circonstance, et que votre secret est sauf. Puis ayez confiance en Moriarty. Je ne pense pas qu'il engage n'importe qui.
Dance admirait Moriarty - il y avait retrouvé une figure paternelle disparue, et loin d'être effrayé par l'homme, il en faisait l'éloge dans les secrets de son inconscient. Sa fascination était telle qu'il avait toujours la crainte de ne pas savoir répondre aux exigences de cet homme, de le décevoir. Chose qu'il ne supporterait pas car sans lui, qui sait ce qu'il serait devenu ?
— Cessez donc de vous lamenter. Et prenez cette occasion pour changer vos habitudes. Pourquoi ne pas plutôt lire un bon livre ? J'ai de bonnes références à vous proposer.
Dance aurait mérité la médaille du bon samaritain.
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Sujet: Re: Bouche Agonie *libre
Bouche Agonie *libre
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