Sujet: Sachsenhausen dans le bécher. [Pv : Lambda] Lun 23 Jan - 22:45
Il n’y avait rien de plus simple pour un Expert que de demander l’accès au laboratoire. Une excuse à deux sous, prétexter une soudaine envie de travaux pratiques avec son partenaire. Il suffisait de ne pas grimacer pendant la requête ; c’était, après tout, la moindre des choses. Bien entendu, il fallait présenter les bases des expériences auxquelles on voulait se prêter, dans la joie et la bonne humeur. Deux ou trois feuilles de papier couvertes de formules et de schémas de verrerie trouvées sur le net, et le tour était joué. En effet, il n’intéressait en rien Panzer d’étudier l’autoprotolyse de l’eau dans les milieux arides. Toutefois, il accorda un sourire complice à la feuille d’exercices qu’il jeta à la poubelle, une fois sortie du bureau par lequel il devait passer pour emprunter le laboratoire. Ça avait été si simple qu’il en aurait bien ri grassement s’il n’était pas déjà suffisamment mal vu comme ça. Il se contenta d’en avertir son binôme, Lambda, avant de monter dans sa chambre pour retrouver sa blouse blanche. Il prit l’officieuse, donc celle qui n’avait plus rien de très blanche. Celle qui arborait des taches louches qui venaient d’on ne sait quel mélange. Celle sur laquelle il avait dessiné frénétiquement toutes les cartes de stratégie du camp allemand, pendant la Seconde Guerre mondiale. Bref, la blouse qu’il mettait, quand il était à deux doigts de faire sauter l’orphelinat. Car, la plupart des Experts, quelle que soit leur spécialité, avait la fâcheuse tendance à mettre en danger l’établissement entier dès qu’ils prenaient l’initiative de sortir les tubes à essai. On ne parlait même plus du degré de dangerosité qui battait des records lorsqu’ils mettaient la main sur les réserves d’acides. Bien entendu, ils étaient des enfants intelligents ; de ce fait, les murs n’avaient rien à craindre et ne s’écrouleraient pas aussi facilement. De la même manière, les accidents avaient été en nombre délimité jusque là. On savait pour qui il fallait prendre des préoccupations. Ne jamais laisser les substances psychotropes à portée de main de Mushroom ou de Chives. Eviter de confier les espèces chimiques inflammables ou explosives à des grands comme Hammer. Et, bien entendu, l’apanage habituel du « surtout, ne donnez pas d’acide sulfurique à Panzer ou à Fatal ; ils risqueraient d’en faire manger au petit Jewish ».
Apparemment, aujourd’hui, on ne lui avait pas laissé de consigne particulière. Peut-être parce qu’il était avec Lambda. C’était un type bien, Lambda. Un peu mou, un peu morne, mais toujours là. Panzer n’aurait pas pu mieux tomber, même s’il ne s’en rendait pas toujours compte. Il l’avait trouvé trop transparent d’ailleurs, au départ. Il avait voulu qu’il se découvre, lui qui était caché des lentilles violettes qu’il était contraint d’enlever en compagnie de l’allemand. Ou pas. On ne répondait pas si facilement à ses caprices, en fait. Peu importe, il semblait tolérer un peu plus quand c’était Lambda qui les refusait. Au départ, on avait bien cru que l’un n’allait pas se gêner pour empiéter sur le terrain de l’autre. D’autant plus que la spécialité du grand blond n’intéressait pas le petit brun. Il ignorait ce qui en était de la réciproque. Toutefois, l’histoire ne le menait pas tout le temps dans un laboratoire. D’ailleurs, s’il y allait, c’était pour découvrir la spécialité de son partenaire, ou pour faire des sujets, tous plus loufoques les uns que les autres. Officieux et officiels, entre autres. Les deux garçons ne se voyaient que rarement en dehors de leurs heures en commun. De toute façon, Panzer ne voyait pas grand monde. Et puis, il était tout à fait compréhensible que Lambda n’éprouve pas l’envie de dépenser plus de son temps en compagnie d’une petite raclure qu’était son démoniaque binôme. Un peu comme l’ombre et la lumière. Mais juste un peu. Car c’était une lumière pâle, environnante, qui était toujours là sans qu’on ne s’en rende forcément compte. A plusieurs reprises, le dictateur en herbe l’avait exhorté à se manifester, plus vivement. Cependant, on avait cessé de le prendre au sérieux depuis un peu trop longtemps. Même quand il s’essayait à être un peu plus humain, c’était comme si l’ombre du dictateur le suivait, à chaque pas, et dévorait peu à peu sa propre ombre, avant de s’attaquer à son mental, plus qu’il ne l’avait déjà fait.
C’était en fréquentant des gens comme Lambda que Panzer avait une chance de s’en sortir. S’en sortir, en bien, en fait.
-« Et donc là, on referme le couvercle, et normalement, on peut laisser le gaz filtrer jusqu’à ce qu’elle clamse. »
Pour illustrer ses mots, il reposa le couvercle hermétique en plastique transparent sur la boîte de même matière, où était enfermée une pauvre souris de laboratoire. Un étrange dispositif était installé sur le côté droit de la cage opaque. Il en résultait une approche pathétique du système de gazage des camps de la mort. Oui, c’était désespérant, comme entreprise. Mais l’idée avait été là, malheureusement, nourrie pendant de longues heures de cours, cristallisée comme chaque désir. Il ne se rendait pas compte, c’était affreux. Et tellement intéressant. Il avait dans l’idée de mettre fin à la miséreuse existence du petit animal, comme on ferait griller une tartine. Stoïque. Un peu exultant. Juste un peu. Histoire de garder un peu de dignité aux côtés de Lambda qui lui, avait un air abscond naturellement. Pour ne pas prendre de risque de finir intoxiqué, Panzer avait jugé bon de se flanquer sur la figure un masque à gaz qu’il avait retrouvé dans ses affaires. Un moyen un peu trop important pour les quelques effluves qui étaient susceptibles de leur parvenir. Dans un geste de charité, il en avait déniché un second, un peu plus récent, et qui avait le mérite de ne pas puer l’attirail militaire. Il l’avait confié à Lambda sans demander son reste, accrochant solidement le sien. En temps normal, il est difficile de respirer avec un masque à gaz. Néanmoins, ceux des deux garçons avaient suffisamment perdu de leur efficacité pour leur permettre d’aspirer et d’expirer sans trop de problème. Il ne manquerait plus que l’un d’entre eux tourne de l’œil à cause d’une insuffisance respiratoire. Pour sa part, Panzer était bien habitué à le porter, l’arborant même dans sa chambre, lorsqu’il avait mauvaise mine, et qu’il faisait semblant de dormir. Ça en avait fait rire plus d’un, de le voir coiffé ainsi. On remarque souvent que, quiconque porte un casque de ce genre, on perd toute l’humanité de son visage. On devenait alors une espèce d’entité maussade, tout droit sortie des enfers enfumés.
-« En fait, ça doit être terrible d’être une souris de laboratoire ; tu n’as aucune idéologie, aucune idée, aucune religion pour laquelle tu serais prêt à mourir … »
Il était à présent affalé sur la paillasse, le menton collé au carrelage froid de la surface de travail, perché sur un tabouret bien inconfortable. Il fixait le rongeur qui commençait à se demander ce qu’elle faisait ici, et pourquoi l’air devenait-il si lourd. L’une de ses mains était ballante, dans le vide, l’autre faisait rouler entre ses doigts une petite fiole d’hydroxyde liquéfié. Il souffla sur une mèche de cheveux noire et blanche qui lui barrait le visage, et bifurqua son regard bleu sale, en quête d’une éventuelle approbation, vers son partenaire de torture juvénile.
Invité
Sujet: Re: Sachsenhausen dans le bécher. [Pv : Lambda] Dim 29 Jan - 22:55
La grande question était pourquoi.
Peut-être parce qu'il s'agissait là de ton binôme et que, dans ta grande capacité à t'adapter à tout nouvel environnement et à toute nouvelle présence, tu avais appris, très rapidement, à supporter sa fréquentation. Peut-être que tu avais trouvé, en cette personne étrange, un petit quelque chose d'intrigant, de fascinant, qui te faisait le suivre malgré tout. Parce que si il y avait bien quelque chose de bizarre dans tout ça, c'était que toi, Lambda, un garçon plutôt droit, au moins en apparence, suive sans broncher les idées, les envies, d'un garçon tel que Panzer. Nul doute que tu ne partageais pas les idéaux du jeune nazi, certainement que tu n'appréciais pas ce mode de pensée, cette façon de voir les autres.
Et pourtant tu étais là, toujours là, quand l'adolescent avait besoin de toi.
« Et donc là, on referme le couvercle, et normalement, on peut laisser le gaz filtrer jusqu’à ce qu’elle clamse. »
Vous ne vous ressemblez pas. Vous êtes différents, mais vous n'en êtes pas pour autant opposés. Sûrement complémentaires ; c'est ce que doivent penser les gens qui vous voient, ensemble, à faire on ne sait quoi, à tenter d'accomplir une nouvelle idée sortie du cerveau bouillonnant du plus jeune. On a dû penser que tu étais la personne idéale pour rester avec Panzer, quelqu'un qui ne le haïrait pas, qui ne provoquerait pas sa colère, et qui ne l’entraînerait pas non plus dans des plans encore plus tordus que ceux qu'il est capable d'inventer par lui-même.
Tu es suiveur, passif, docile, gentil, peut-être ; quand il te demande, sauf cas exceptionnel car il arrive que quelqu'un d'autre que lui ait besoin de toi, de temps en temps, tu es à sa disposition, tu as accepté l'idée d'enlever tes lentilles lorsque tu es avec lui, pour lui faire plaisir. Même si voir dans ton miroir un adolescent blond aux yeux bleus te semblera toujours une vision étrange.
Le violet est une couleur tellement plus belle.
« En fait, ça doit être terrible d’être une souris de laboratoire ; tu n’as aucune idéologie, aucune idée, aucune religion pour laquelle tu serais prêt à mourir… »
Tu es suiveur, passif, docile, mais ça ne fait pas de toi un abruti naïf qui suivrait les idées les plus cruelles de son « chef » sans tenter de l'arrêter. Ça doit être ça qui fait qu'on te considère apte à rester avec Panzer, à garder un œil sur lui sans avoir à surveiller par dessus que ça n'aille pas trop loin ni que ça ne dégénère. Tu respectes suffisamment Panzer pour savoir à peu près quoi dire pour tenter de le stopper sans le froisser, lorsqu'il le faut.
Il doit en falloir, pour trouver Panzer respectable. L'intrigue et la légère fascination permettent bien des choses, il semblerait.
Machinalement, tu attrapes ton écharpe et tente de la passer par dessus ta bouche ; le masque à gaz que t'a offert le jeune dictateur t'en empêche, et tu fronces les sourcils, fixant la souris qui commence à s'agiter. Elle doit pressentir le danger qui plane dans son oxygène, et son instinct de survie doit la faire supposer que paniquer lui permettra de trouver une solution à temps.
Ce masque à gaz te gène vraiment.
Tu sens le regard de ton binôme posé sur toi, mais le tien ne quitte pas la souris, pauvre rongeur qui n'a même pas demandé à finir cobaye d'une de vos expériences de gazéification. T'as un peu pitié d'elle, à vrai dire, mais tu t'en ficherais sûrement si tu n'étais pas obligé, par sa faute, de porter un masque à gaz t'empêchant de sentir le fabuleux contact de ton écharpe contre tes lèvres. Mine de rien, tu trouves ça particulièrement stressant. Ça, et l'agitation de la souris qui tente vainement de gratter les parois de la cage, dans l'espoir désespéré de laisser filtrer un air respirable dans sa prison.
Autant que le permet ton masque, tu pousses un soupir.
« Au vu de sa réaction, je pense qu'il n'est pas nécessaire d'attendre son décès pour juger l'expérience comme réussie. »
T'es peut-être trop gentil Lambda, peut-être pour compenser la cruauté dont peut faire preuve le dictateur, peut-être pour que cette gentillesse l'influence comme sa cruauté pourrait t'influencer. Ce ne sont que des suppositions.
Tu arrêtes le dispositif installé sur la boite et ouvre le couvercle pour en sortir un rongeur essoufflé et même à moitié ko. Au fond, tu as surtout fait ça pour mettre fin au plus vite à cette expérience, et pour pouvoir ôter ce masque gênant. Ce que tu fais, un peu difficilement, à une main, l'autre étant occupée à tenir l'animal pour qu'il ne fuie et ne tombe pas ; t'es sûrement un peu trop grand pour que la chute ne lui soit pas défavorable.
C'est quand même mieux sans cette chose, que tu poses sur la paillasse avant de, immédiatement et par réflexe, attraper ton écharpe et la remonter jusqu'à ton nez, la lâchant ensuite pour passer tes doigts sur les poils de l'animal malchanceux.
« Que dirais-tu d'une expérience qui n'implique pas la mort d'un cobaye, plutôt ? »
Tu as peut-être agit égoïstement, à la base, il n'empêche que voir cette souris mourir ne t'aurais pas particulièrement plus. Ça manque de points communs, entre Panzer et toi. Ça doit être une bonne chose, au fond.