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 « Quand je serai jamais grand. » [pv : Greed]

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Sujet: « Quand je serai jamais grand. » [pv : Greed] « Quand je serai jamais grand. » [pv : Greed] EmptyDim 25 Sep - 11:23

« L’ambition, l’avarice, l’amour, la haine, tiennent comme un forçat son esprit à la chaîne »

    C’est l’histoire d’un petit enfant, qui s’appelait Ortie. Ortie était tout petit. Tellement petit qu’il chevauchait des vers luisants. Et c’était sa passion. Les gens ne lui parlaient pas parce qu’ils ne savaient même pas qu’il existait. Parfois, Ortie surprenait le monologue d’une âme en peine et l’écoutait attentivement, perché sur son ver luisant éteint. Quelques fois, il s’était surpris à comprendre ces problèmes et, même, à pouvoir les régler. Malheureusement, sa voix était trop transparente pour pouvoir parvenir jusqu’aux oreilles des démunis. Pourtant, un jour …

    Panzer releva la mine de son crayon, sentant comme un regard pesant derrière lui. Il haussa un sourcil, feignant chercher ardemment une fioriture dans sa trousse, histoire de dissimuler sa page lourde de mots à son professeur. En quelle matière pouvait-il bien se trouver ? Au-cune idée. Et ça n’était pas en louchant sur son cahier qu’il allait être davantage renseigné. En effet, celui-ci avait bien vite abandonné sa fonction première de prise de notes. Enfin, des notes, il y en avait partout, mais aucune d’elles n’avaient de rapport, de près ou de loin, avec son programme scolaire. Non, sur les pages s’enchainaient des idées, des histoires, des plans, des cartes, des projets, des explosions, des couleurs. Son écriture serrée et presque consciencieuse vomissait tout ce qu’il parvenait à trier dans son crâne constamment en ébullition. Il y avait beaucoup de dates aussi. Des dates historiques mêlées dans un bal infernal à des jours plus personnels. Oui, car l’Histoire, c’est ce qui semble bercer sa vie. Ce qui savait un peu plus à qui on avait à faire aurait pu imaginer qu’il rédigeait sa propre version de « Mein Kampf ». Raison de plus pour le cacher à l’adulte qui soufflait dans son dos. Celui ouvrit la bouche, afin de le réprimander. Le garçon, de son côté, ne bougeait pas, toujours quasiment allongé sur sa table, patientant, non sans dédain, que son enseignant lui fiche la paix. Du moment qu’il ne se mettait pas en tête de lui voler son précieux ouvrage, il ne comptait pas réagir. Car, parfois, même si on avait des talents d’orateur, il était préférable de laisser gronder le vent, même si le ver luisant était menacé de s’envoler aussi. Panzer haussa un sourcil élégamment, un sourire en coin : ce n’était pas trop mal, comme suite, ça, en tant qu’événement perturbateur. Ces derniers temps, il s’était mis en tête d’essayer de conquérir le monde par le biais d’histoires pour enfants. Puéril ? Ne disait-on pas que toute progéniture était reine dans un foyer ? Lui-même en avait fait les frais, les premières années de sa vie. Jusqu’à ce que Blumen ne débarque, telle une innocente et impétueuse Alliée. Tout au fond de son cahier, Panzer lui avait comme dédié une page, en traçant maladroitement une série de fleurs de toutes les formes, allant du dessin baveux digne d’un enfant de cinq ans, jusqu’au croquis floral digne d’un Expert en botanique.

    S’il attendait encore quelques secondes, il serait sauvé par le gong. Et, en effet, le glas se fit bientôt entendre dans les couloirs de l’établissement. Il perçut la pression se relâcher dans les pupilles du professeur et s’empressa –bien que ce soit des plus impolis- de ranger ses affaires et de sortir d’un pas précipité, en levant furtivement la main sur le côté pour saluer les autres, à la terrible manière du Führer. A plusieurs reprises, des surveillants, mais aussi des orphelins plus conscients que lui, lui avaient reproché ces imitations qui apparaissaient pour eux grotesques. Mais il en fallait bien plus pour faire renoncer Hänzel, qui prenait un plaisir inavoué à traquer toutes les manies, même les plus infimes de celui dont il pensait être la réincarnation. A tel point qu’on eût pu imaginer qu’à la fin de son règne, il allait se mettre à trembler violemment de la main gauche, de son propre chef.

    En attendant ce jour, il suivait à sa façon l’ensemble des cours auxquels il avait été inscrit, en tant qu’Expert. Non que ça lui déplaise, mais, la plupart du temps, il avait un mal fou à se concentrer sur la matière. C’était presque s’il n’était pas décalé d’une heure à chaque fois. Ou d’une journée, lorsqu’il avait eu le sommeil agité. Il ne dormait pas beaucoup, Panzer. Lorsqu’il ne faisait de nuits blanches seul, il passait toute la nuit à proférer des discours ou à raconter des contes pour enfant à l’un de ses rares interlocuteurs. Rares, certes, mais tous, à sa botte. Son élite, comme il avait coutume de l’appeler. Une élite de jeunes gens. Pour l’instant, en trois années de vie ici, il n’y avait rangé encore aucune adulte. Pour lui, être adulte était la pire chose qu’il pouvait arriver à un être humain. Bien entendu, c’était un adulte qui le passionnait. Mais, il y avait des exceptions à tout. Et, justement, il espérait dénicher une nouvelle exception, chez les adultes. L’un de ses professeurs ? Si ces derniers lui fichaient la paix, oui, pourquoi pas. Mais surtout, si ces derniers tentaient un tant soit peu de le comprendre.

    Panzer avait à présent une pause, avant le prochain cours. Tous les autres enfants étaient partis se dégourdir dans la cour ou à la bibliothèque, selon leurs affinités. Le garçon aux cheveux vivants se rendit directement dans sa prochaine salle de classe, ignorant totalement quelle matière on allait lui enseigner. Non, il n’était décidément pas fichu de retenir un emploi du temps dans sa totalité. Par contre, il aurait pu sans hésiter réciter dans l’ordre toutes les batailles marquant la Seconde Guerre mondiale. Ça ne vous étonne plus, à présent, n’est-ce pas ? Il réajusta sa cravate et s’engouffra dans la pièce, vide. Ici, on permettait aux jeunes de pénétrer comme bon leur semblait dans les classes car ils étaient suffisamment mâture pour ne pas y semer le chaos. Même Panzer, et ses tendances fascistes en prenait conscience. Et puis, que pouvait-il bien y faire de mauvais ? Ça n’était pas ses bras flasques qui allaient lui permettre de soulever les pupitres, au contraire. De ce fait, il prit place, dans la rangée qui jouxtait directement le mur, histoire de coller son front contre la vitre, et d’observer ses petits camarades, des rêves de conquête envahissant ses yeux céruléens.


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Sujet: Re: « Quand je serai jamais grand. » [pv : Greed] « Quand je serai jamais grand. » [pv : Greed] EmptyMer 12 Oct - 22:04

J'étais à des années lumière de penser qu'un jour je pourrais y croire.

10:00 am.

Dis-moi Greed, quelle est cette sonnerie ma foi assez peu agréable qui résonne à tes oreilles alors que tu regardes tranquillement le ciel ? Ne serait-ce pas la sonnerie marquant la fin, ou peut-être le début, d'un cours ? Étant donné le brouhaha que tu entends monté rapidement dans les couloirs qui se remplissent tout aussi vite, tu en conclus que c'est la fin d'un cours, et même l'heure de la pause.

… Attend. Tu n'étais pas censé faire cours, toi, à un moment ?

Tu te redresse, nonchalamment, te décollant du bord de la fenêtre par laquelle tu observais le monde aérien, et glisse une main sous ton chapeau pour la passer dans tes cheveux. Réfléchissons. Que pouvais-tu bien être en train de faire les quelques minutes précédant la rencontre avec la fenêtre ? Tu devais certainement être en train de marcher. Enfin, de flâner, le nez en l'air, à la recherche de la salle dans laquelle tu étais censé faire cours. Oui, tu avais cours, tout à l'heure. Mais ça, tu l'avais bêtement oublié en apercevant des oiseaux dans le ciel. C'est assez embêtant.

Tu regardes les élèves passer, tu regardes ces groupes d'enfants, d'adolescents, plus ou moins étendus selon la sociabilité de chacun, plus ou moins bavard selon qu'ils ont trouvé un sujet de conversation stable ou qu'ils passent leur temps à se couper la parole pour parler d'autre chose. C'est intéressant, de regarder passer les gens. Aussi intéressant que regarder les nuages, ou les oiseaux, ou un peu tout et n'importe quoi, finalement. Tout est intéressant, quand il s'agit simplement de le regarder.

Mais après un instant, la masse s'en va et disparaît dans les escaliers, hors de ton champs de vision, pour aller prendre l'air dans la cours pendant leurs quelques moments de répit. Toi, l'air, tu l'as pris depuis tellement longtemps, appuyé contre la fenêtre, que tu n'as pas besoin de prendre de pause, maintenant. Peut-être que tu pourrais aller dans la salle de ton prochain cours. Comme ça, pour une fois, tu seras à l'heure en cours. Oui, ça semble être une bonne idée. Il te suffit de savoir quelle classe tu as, maintenant. Il te semble que c'était les beta. Mais peut-être que les bêtas, c'était le cours que tu viens de rater. Ou. Tu sais pas. Tu sais plus. Tu dois bien avoir ton emploi du temps quelque part. Tu verras après. Pour l'instant, tu vas voir dans la salle, peut-être que tu trouveras un indice t'indiquant que oui, tu dois faire cours ici.

… Un indice, c'était une possibilité, mais tu ne t'attendais pas à trouver un élève dans la pièce alors que c'était le moment de la pause. C'est étrange. Peut-être un solitaire ? C'est dommage pourtant, de rester seul, comme ça, c'est triste. Il n'a même pas de livre pour lui tenir compagnie. Alors tu t'approches de l'élève, doucement pour ne pas lui faire peur, ton livre à la main depuis sûrement plus d'une heure maintenant, ton doigt gardant fidèlement la page à laquelle tu t'étais arrêté dans ta lecture.

Finalement, arrivé devant sa table, tu t'accroupis, croisant tes bras sur le pupitre et posant sa tête dessus, ton livre toujours fermement tenu dans ta main. Tu penches légèrement la tête et observes l'adolescent, détaillant ses cheveux noirs, ses yeux bleus, son visage, sa peau, incapable de mettre un pseudonyme sur cette tête, sur cette présence. Tu ne connais pas bien tes élèves, faute d'attention pendant ton propre cours, et cela te gène. Tu aimerais tellement savoir qui est qui et pouvoir être présent en toute circonstance, en supposant que tu puisses un jour être d'une quelconque utilité autre que de lire des histoire pour s'endormir ou passer le temps. Tu aimes les enfants, tu aimes les adolescents, tu aimes les adultes, tu aimes les gens en général et tu aimes tellement ton métier.

Si seulement tu étais moins rêveur.

Un léger sourire s'installe doucement sur tes lèvres.

    « Pourquoi tu es déjà ici, tout seul ? C'est triste, d'être seul. »

Tu te relèves, et glisses tes mains dans ton dos, te penchant légèrement vers l'élève, sans le quitter du regard.

    « Mais si tu veux rester tout seul, je comprendrais et ne t'empêcherais pas de faire ce que tu veux. »

Mais tu aimerais te rapprocher un peu plus de tes élèves. Ce serait une si bonne occasion. Tu sens qu'il peut se révéler être un personnage fascinant. Tu le vois à l'aura qu'il dégage. Pourquoi ne l'as-tu pas remarqué plus tôt ?

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Sujet: Re: « Quand je serai jamais grand. » [pv : Greed] « Quand je serai jamais grand. » [pv : Greed] EmptyVen 14 Oct - 21:08

    Pourtant, un jour, Ortie et sa monture se posèrent au bord d’un étang. Le ver luisant avait soif, il devait s’abreuver. C’était toujours une épreuve des plus périlleuses que celle de se pencher précautionneusement au-dessus de l’étendue d’eau. Le moindre coup de vent, le moindre bruissement aurait suffi à faire chavirer le duo dans les abysses qui se prélassaient, comme d’horribles prédateurs, aux pieds d’Ortie. Mais il fallait bien passer par là. Ortie était donc descendue de son ver, s’asseyant à côté de lui, patpatant son flanc visqueux …

    Les ailes du nez de Panzer frémirent, en signe d’insatisfaction. Les enfants connaissaient-ils la signification du terme « patpater » ? Ça n’existait pas, on ne pouvait pas leur en vouloir. Toutefois, c’était bien les plus jeunes qui s’évertuaient à inventer tout un tas de mots, plus ou moins logiques en fonction de l’âge de l’inventeur. « Patpater », c’était on ne peut plus évocateur, nan ? Rien qu’à l’intonation, on pouvait deviner ce qu’il voulait dire. Et puis, s’il se débrouillait bien, Panzer mettrait des milliers d’images, dans son livre pour enfants. Oui, c’était même obligé, s’il voulait qu’on l’écoute. Les enfants aiment les images. Les adultes préfèrent les chiffres. Panzer ne les aimait que sous forme de dates. Des dates inoubliables, qui se battaient en duel, dans son crâne de créateur. Revenons-en à Ortie. Narrant l’histoire dans sa tête, il n’avait pas la possibilité de raturer le mot « patpater ». C’était bien plus pratique, il le mettait sur le côté, dans une marge aussi large qu’un Ronflex. Le garçon aux cheveux impossibles se demandait bien pourquoi tous les autres s’évertuaient à annoter leurs idées, leurs leçons, leurs envies sur du papier. Ils encouraient toutes sortes de risques : perdre le cahier, le brûler, le donner à manger à un chien errant, ou encore se le faire voler par un professeur ou un autre orphelin. Ça, il fallait le noter : ceux qui veulent du mal semblent avoir une fascination pour tout ce que leurs victimes entreprennent, au point de mettre la main sur tout ce qu’ils possèdent ; comme une fascination malsaine.

    Ayant déjà vécu ce genre de mauvaise expérience, Panzer avait dès lors décidé d’imiter celui dont il se vantait d’être la réincarnation. En effet, tout bon livre d’Histoire porté sur la question précisait qu’à l’époque du Troisième Reich, Hitler n’écrivait jamais rien, d’une part parce qu’à la fin de sa vie, sa main gauche était prise de terribles soubresauts, d’autre part parce qu’il était muni d’une mémoire d’acier. Tout comme Friedrich, si ce n’était moins. Le jeune allemand s’asseyait rarement et n’écrivait dans un cahier que par convenance, lors de ses cours. Il aurait été encore plus mal vu qu’il ne s’affaire pas à quelque chose, pendant l’heure. Il tentait donc de rédiger le plus possible, bien qu’il préféra sa propre capacité mentale, presque monstrueuse, de trier tout ce qui lui passait par la tête. L’intérieur de son crâne, pour illustrer grossièrement, était comme un arbre gigantesque. Un arbre sans feuille, mais coiffé de centaines, non, de plusieurs centaines de branches, longues, sinueuses et assez robustes pour porter ses idées, suspendues adroitement aux ramures. C’était un arbre qu’on n’avait pas beaucoup aimé, autour de lui. A tel point que bon nombre des adultes qui l’avaient entouré, et qui avaient eu le courage nécessaire, s’étaient essayés à couper, tronçonner, déraciner ce végétal vénéneux. Toutefois, l’arbre avait eu raison d’eux, si bien qu’aujourd’hui, il était bien pratique au garçon qui s’était accoutumé à avoir l’encéphale encombré par un monstre aussi énorme.

    Des ondes vibrent à la surface de l’étang. Ortie relève sa tête lourdement casquée. Oui, il est obligé de porter un casque, c’est sa donneuse de vie qui le lui a ordonné. S’il n’en porte pas, il risque de se faire mal. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les vers luisants sont des animaux instables. Mais Ortie était un excellent dresseur. Il savait prévoir le moment où grimper sur leur dos devenait plus dangereux. Toutefois, sa donneuse de vie, en bonne donneuse de vie qu’elle était, ne voulait rien entendre. De toute façon, les adultes, qu’ils mesurent plus ou bien moins d’un mètre, n’écoutaient jamais. Des ondes vibrent donc, à la surface. Quelqu’un approche. Ortie s’empare des lanières de son ver, et le tire jusque derrière un champignon marron et mou. Un animal apparaît dans la clairière, silencieusement. Une immense panthère. Une panthère pas comme les autres : elle n’a pas de taches, elle n’est, ni noire, ni jaune, ni rouge, mais bleue. Un bleu royale. Un bleu nocturne. Un bleu qui donne à Ortie, l’impression que la nuit vient de tomber. Son vers luisant s’allume et se met à papilloter frénétiquement.

    Panzer décolle son front de la vitre. La panthère est alors en train de se redresser, dans toute la splendeur de son pelage, qui luit au travers de la fenêtre donnant sur la cour. Leurs regards se croisent. S’il n’avait pas été aussi courtois, Friedrich aurait certainement lâché un juron dans sa langue maternelle. Un adulte, sans l’ombre d’un doute. Cette dégaine, ce sourire bienveillant, ce livre même, et surtout, ces yeux. Un regard de félin, un prédateur un peu endormi, dans l’ombre de son étrange chapeau. Le jeune garçon plissa ses yeux maussadement bleus. Un bleu qui tirait sa révérence, face à la silhouette longiligne de l’inconnu. Il ne bouge pas, tandis que l’adulte lui demande la raison de son isolement. C’était un truc de plus de dix-huit ans, ça, le posage intensif de questions. C’était ainsi qu’ils démarraient toutes sortes de conversations, à caractères intimes ou officiels. « Vous avez appris vos leçons ? », « Veux-tu m’épouser ? », « Pourquoi tu es déjà ici, tout seul ? ». La plupart du temps, les enfants répondaient : « Parce que. » ou « Pa’c’que. » pour les plus rebelles. Mais là, Panzer n’avait pas envie de faire l’enfant. Il n’en avait pas envie car il avait eu comme le pressentiment qu’il n’avait pas exactement un adulte en face de lui. C’était le côté panthère. Et puis, il avait débarqué sans un bruit dans son histoire, s’y inscrivant à merveilles. Pourtant, de l’autre côté du miroir, dans ce monde qu’on appelait Angleterre, l’adolescent ignorait l’identité de cet habitué. Etrange ? Pas tellement. Il ne s’attardait pas sur les adultes. Les adultes n’auraient pas d’avenir dans son nouveau monde. Il n’y aurait de la place que pour certains enfants, pas tous, et pour les panthères. D’où l’intérêt naissant qui faisait comme un brasier au fond de ses yeux cruels.

    -« Non. Restez. »

    Il réajusta sa position, attablé de manière lascive, les jambes étendues sous son pupitre. Ses doigts se mirent à pianoter la surface plane de la table, lui qui n’avait jamais touché à un autre clavier que celui de son ordinateur.

    -« Si je suis ici, c’est que je préfère être seul, que mal accompagner. »

    Une nouvelle fois, un éclair jailli de la rencontre de leurs pupilles. Le visage du garçon était, comme à son habitude, fermé et stoïque à souhait, reflétant on ne peut plus mal ses sentiments.

    -« Vous n’êtes pas comme les autres, n’est-ce pas ? Vous êtes un adulte, mais vous tenez fermement un livre dans votre main, et vous avez passé votre doigt entre les pages, comme marque-page, et vous vous obstinez à garder cette page, alors que vos phalanges sont compressées à force de trop de pression. Pression qui ne colle pas avec votre personnage. Vous aimez les livres, c’est ça ? »

    Panzer et ses mauvaises manies ! Toujours, il se sentait obligé de formuler de longs et pesants discours qui avaient fait tourner les talons à bon nombre d’orphelins, lassés d’écouter cet oiseau piailleur. Oiseau de mauvais augure qui était venu se poser sur l’épaule de la panthère bleue.


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Sujet: Re: « Quand je serai jamais grand. » [pv : Greed] « Quand je serai jamais grand. » [pv : Greed] EmptyMer 19 Oct - 15:55

Wake us up before we die.

    « Non. Restez. »

Un léger sourire se trace sur tes fines lèvres, et tu t’interromps dans ton mouvement de recul. La tête légèrement baissée, tu l'observes, ton regard bleu sombre à moitié dissimulé derrière ton chapeau.

    « Si je suis ici, c’est que je préfère être seul, que mal accompagné. »

Doucement, tu acquiesces d'un hochement de tête, approuvant cette phrase bien connue que tu mets toi-même souvent en oeuvre, et redresses la tête, afin que tes yeux ne soient plus cachés. Vos regards se croisent, vous vous fixez, vous sondez presque. N'importe qui assistant à cette scène ne saurait supposer à quoi vous pouvez bien penser. Tu n'es pas aussi fermé que l'élève assit face à toi, au contraire, une mince ouverture laisse filtrer une aura de mystère. Comme si on pouvait supposer ton état d'esprit, tes pensées, ton humeur, mais que l'incertitude était trop élevée pour qu'on ose exprimer la moindre hypothèse.

    « Vous n’êtes pas comme les autres, n’est-ce pas ? Vous êtes un adulte, mais vous tenez fermement un livre dans votre main, et vous avez passé votre doigt entre les pages, comme marque-page, et vous vous obstinez à garder cette page, alors que vos phalanges sont compressées à force de trop de pression. Pression qui ne colle pas avec votre personnage. Vous aimez les livres, c’est ça ? »

Tu restes un instant immobile, sans réaction, te contentant de le regarder, d'un air à moitié rêveur. « Vous aimez les livres, c'est ça ? ». Doucement, ta tête se penche sur le côté, un léger sourire se réinstallant sur tes lèvres. « Vous aimez les livres ? ». Tu fermes les yeux.

Dire que tu aimes les livres, ce n'est rien d'autre qu'un doux euphémisme, ce n'est qu'atténuer une vérité trop forte pour être correctement qualifiée. Tu n'aimes pas les livres. Non, c'est bien plus que ça. C'est comme une fusion, une dépendance, une combinaison emplie d'oxygène pour t'aider à survivre dans une atmosphère dans laquelle tu ne peux respirer seul. Un besoin, une nécessité, presque ta vie, finalement.

Tu rouvres les yeux, et les poses sur l'adolescent, pour l'observer à nouveau. As-tu vraiment besoin de répondre à sa question ? N'y a-t-il pas, finalement, répondu lui-même en analysant si justement ton attitude ? Tu serres un peu plus ta poigne sur ton livre, réprimant une subite envie de lire ; ça n'est pas le moment, tu ne dois pas céder. Tu veux juste tenter de comprendre cet élève, lever cet intrigant voile de mystère sur cette personnalité fascinante.

Tu te recules de quelques pas, attrapes une chaise et la place, dos à la table de l'élève que tu ne sais comment nommer, et t'assieds dessus, croisant tes bras sur le dossier de la chaise.

Et tu le regardes.

    « Tu préfères écrire que lire, n'est-ce pas ? »

Une simple question, presque anodine. Une supposition, la démonstration d'une impression. Tu aimerais le comprendre, même juste un peu, même si c'est détail par détail. Tu aimerais, aussi, pouvoir affirmer que tu peux déterminer en regardant les élèves si ils préfèrent lire, écrire, ou bien écouter quelqu'un lire. Tu te fies juste à ton instinct.

Et tu le regardes. Tu aimerais mettre un pseudonyme sur ce visage, sur ces yeux et cette aura, mais tu en es incapable.

    « Si je peux me permettre... Je suis désolé si cela t'offense, mais je ne peux mettre de nom sur ton visage, et cela m'embête un peu. Je suis Greed, professeur de. … Je suis sûr que tu peux deviner ce que j'enseigne. »

Et tu souris.

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Sujet: Re: « Quand je serai jamais grand. » [pv : Greed] « Quand je serai jamais grand. » [pv : Greed] EmptyMar 25 Oct - 19:17

    Apparemment, Panzer avait vu juste dans son analyse. En fait, ça n’avait plus rien d’étonnant. Il ne se trompait que très rarement. Et même, avec quelques cerveaux gauches, il lui était arrivé d’en savoir plus sur eux qu’eux-mêmes. Ça, c’en était un peu plus effrayant. Mais, de toute façon, les gens intelligents faisaient naturellement peur aux autres. Oui, Panzer avait fait peur aux autres enfants, à l’époque. On l’avait alors associé, non pas à un innocent chevaucheur de vers luisants, mais à un monstre sorti tout droit du monde d’Halloween. Il s’en souvenait plus nettement à présent : chaque 31 octobre, il était accueilli par une classe quasiment déserte. La maîtresse feignait le réconforter. Toutefois, il n’avait alors pas besoin de réconfort. Il s’y était habitué. Oui, dès l’âge de sept ans, Friedrich avait ressenti ce que ça faisait d’être haï par son jeune entourage. C’était bien trop tôt pour le cœur d’un être humain. Le psychologue redoutait même qu’il mette fin à ses jours. Mais le garçon avait passé ce pas. Il avait la chance de se trouver une raison de vivre suffisamment hors d’atteinte pour qu’elle dure tout au long de son existence. La cérémonie du 31 octobre s’était répandue jusqu’à tous les derniers jours de tous les mois. Une fois il était un vampire, la saison suivante, on l’associait à un zombi, puis on débattait sur ses origines de loup-garou. Toutefois, tous les autres élèves s’entendaient sans discuter sur le fait qu’il devait représenter quelque chose de terrifiant. Un Jack l’Eventreur junior. Un futur Dieu de la Mort. Un cerbère à la recherche de ses deux autres têtes … et il était où Ortie, dans tout ça ?!

    Panzer fut soudainement tiré de ses pensées par le grincement des pieds de la chaise que le professeur tirait à lui. En baissant par hasard les yeux, l’adolescent se rendit compte, non sans un frisson, que ses ongles s’étaient rageusement enfoncés dans le bois de son pupitre. Ses pupilles se dilatèrent, les ailes de son nez se tendirent, et il s’empressa de dissimuler ses mains, coupablement, sous la table. Vite, trouver une phrase pour enchaîner. Cet adulte, panthère ou non, ne doit pas s’apercevoir de sa gêne vis-à-vis des années qui précédèrent son entrée à l’orphelinat. Personne ne doit savoir. Personne ne doit être au courant que son dossier, qui reposait sagement avec celui des autres occupants de l’établissement, n’était que la partie visible de l’iceberg, les chiffres officiels de la Seconde Guerre mondiale. Il y avait tellement d’autres histoires, peu racontables cependant. Des histoires bien plus moches que celle d’Ortie et la panthère bleue. C’était pour ça, en fait, que Panzer chérissait tant les contes pour enfants : pur, et dénué d’horreur, comme avait pu l’être son existence dans le monde d’Halloween.

    Ortie s’affole. La lumière de son ver luisant va attirer la panthère vers eux ! Et qui sait ce qu’elle serait capable de faire, avec ses interminables crocs et ses griffes gigantesques. Le dresseur saute littéralement en biais sur son animal, tentant de camoufler maladroitement les raies de lumière papillonnante. Mais déjà, l’immense félin relève la tête, posant ses pupilles en amande sur le minuscule duo. Ortie retient son souffle. Ça ne sert à rien, mais il le fait quand même. On le lui a enseigné. C’est un truc de vivants, qui veulent imiter les morts. Il voudrait s’enfuir en courant, mais son ver luisant est toujours en train de boire. Et jamais il ne l’abandonnera. Non pas qu’il tient à lui –les vers luisants ne sont pas les montures les plus en vogue en ce moment, du coup, ils sont beaucoup moins chers que les libellules- mais il ne peut pas abandonner ce que porte le ver luisant sur son dos. Ça, par contre, c’est quelque chose de précieux. Si la panthère les dévore, et bah, on ne saura jamais ce que c’était.

    L’histoire tourne à toute allure dans le crâne de Panzer. Comme si l’affolement le rendait encore plus vif d’esprit qu’il ne l’était déjà. Ça ne va pas, il faut qu’il prenne son temps. Une nouvelle question d’adulte. S’il préférait écrire que lire. Il lui aurait bien ri au nez s’il ne se sentait pas obligé de rester figer à sa chaise, pour cacher ses doigts aux ongles garnis de copeaux de bois. Oh, ça ne l’empêchait pas de faire travailler les muscles de ses maxillaires ; c’était juste que le cœur charbonneux n’y était pas. Avec de tels adjectifs, on pouvait facilement croire qu’il avait sa fête le dernier jour du mois d’octobre. Il se contenta donc de secouer la tête, en signe de dénégation.

    -« Non, je n’aime pas vraiment écrire non plus. Je préfère discourir et raconter des histoires. Si je les écris c’est parce que ça va trop vite dans mon crâne. »

    Pour joindre le geste à la parole, il releva une main, extrayant au passage les particules de table, et se tapota la tempe, l’air presque ennuyé par ce problème de sur efficience. Le professeur est maintenant à sa hauteur, comme s’il était désireux d’effacer le rang de maître à élève … Oui, les enfants, c’est précisément pour ça que vos tuteurs s’évertuent à rester fièrement debout pendant les cours. Ils veulent embrasser la salle d’un seul regard et, par la même occasion, vous narguer du haut de leur rang d’instituteur. Les adultes étaient décidément trop prévisibles. On pouvait deviner chacune de leur décision. Ou chacune de leur question. Encore une.

    Ortie a l’impression que sa dernière heure est arrivée. Ça a été bien trop vite à son goût. Beaucoup trop vite. La lune ricane au-dessus de sa tête, comme si elle se moquait de la courte durée de son existence. Il tremble comme un brin d’herbe. La panthère est juste là. Ses crocs scintillent dans le soir de son pelage. Elle baisse son immense faciès. « Bonjour, je suis une panthère bleue, dit la panthère bleue. Et toi ? »

    Le professeur lui demande qui il est. Mais il prend tout de même le temps de s’identifier. Les adultes aiment poser des questions, mais détestent y répondre. Cet homme avait pris les devants en y répondant avant lui. Greed … ça n’était pas très éloquent comme pseudonyme. Il n’avait pas l’air si avare que ça … à moins que cela ne désigne son insatiabilité en lecture ?

    -« Moi, je suis Panzer, comme les chars allemands. Rien d’étonnant, puisque je viens d’Allemagne. Quant aux chars, ils ont dû saisir ma passion pour l’Histoire. Rien de bien palpitant comme identité pour un orphelin. »
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