J'ai brûlé mon coeur de paille
Avec les feux de la Saint-Jean Open s’était retrouvé au milieu des jardins sans trop savoir comment. Comme s’il avait joué à Star Trek – sa nouvelle série du moment – et qu’il avait soudainement passé de la salle d’entrainement à l’extérieur, ce qui était tout bonnement impossible vu qu’il avait pris la peine de se doucher et de se changer dans les vestiaires. Il n’était pas stone non plus. Les machins bizarres de Mushroom, il n’y touchait pas. Ça ne lui disait rien de bon. Les drogués finissaient toujours par s’évanouir dans les toilettes, en prenant la peine d’écraser dans leur chute le peu d’honneur qu’ils avaient.
Pas question qu’il lui arrive la même chose.
L’explication la plus probable était qu’il avait juste marché sans réfléchir et, en vérité, ça lui arrivait souvent. Il ressassait ses dernières lectures ou vagabondait intérieurement en comptant le nombre de jours, d’heures ou de minutes qui le séparaient de sa sortie de l’orphelinat et de son retour immédiat en Islande.
Le pire, c’est qu’il faisait beau. Comme un dernier spasme avant la froideur rouge de l’automne. Il plissait continuellement les yeux; il avait l’impression que le soleil était partout. Dans ses cheveux, ses yeux, sa peau, son nez, ses jambes, de l’est jusqu’à l’ouest. Partout. Il avait lu quelque part que la planète se réchauffait dangereusement à cause d’un trou sur une couche invisible. Il imaginait le globe terrestre prendre feu et l’idée lui plaisait assez. Sans doute parce que ça n’arriverait jamais, voire pas avant des millions d’années. Il se souvenait que sa prof de géo, en Islande, disait que les petites îles risquaient d’être englouties. L’île scandinave aussi, à cause des glaciers. Et peut-être le Royaume-Uni. L’idée lui arracha un sourire qui, sur ses lèvres, ressemblait à un méchant rictus, façon Draco Malfoy.
Mais à part se promener, il n’avait rien d’autre à faire. Il n’y avait jamais rien à faire un Vendredi. Surtout pour lui.
Au bout de quelques pas où il se cessait de regretter le vide de sa vie sociale (il se doutait bien que s’il possédait le même caractère que la moitié des gars de la Wammy’s, il serait entouré de camarades d’aventures qui rempliraient son horaire quotidien), il vit une silhouette – qu’il jugea… hermaphrodite – avant de cerner une chevelure noire, assez longue. Arpège ! Il ne parvenait pas du tout à voir son visage mais il en était quasiment certain. Rassuré par sa découverte, il s’avança à grand pas. Elle devait l’avoir aperçu aussi puisqu’elle était seule et que son attention ne semblait pas accaparée par un téléphone ou un iPod ou un autre objet quelconque, il aurait été impoli de ne pas la saluer, ne serait-ce que d’un geste évasif de la main.
Malheureusement, lorsqu’il n’y eut plus que deux mètres, plus ou moins, entre lui et la dénommée Arpège, celle-ci s’avéra être… Leïn.
Zut. Le soleil avait dû sérieusement l’aveugler et la longue fêlure sur le verre de ses lunettes n’aidait en rien. Il avait évidemment commandé de nouveaux verres mais le week-end, ces paresseux ne travaillaient pas. En plus, ça accentuait terriblement son air aigri et multipliait au centuple la difficulté de parler à quelqu’un sans que la personne ne fuit ou ne le prenne pour un gangster fini.
Mais s’il y avait bien quelqu’un qui s’en foutait assez de ça et qui le montrait de façon curieuse et pour le moins embarrassante – s’il aurait pu, Open aurait rougi -, c’était bien Leïn. Elle était du genre bavarde et il s’était plutôt senti à l’aise avec elle. Il lâchait un mot par-ci par-là et au bout d’un moment, il s’était demandé s’ils étaient amis.
Et que fait Open quand il se pose une question sur la complexité des relations entre bipèdes ?
Il ouvre un bouquin. Et le dit bouquin (une encyclopédie pour adolescents masculins cette fois), lui apprit que lorsqu’une demoiselle adressait longuement la parole à un damoiseau, elle montrait alors un penchant pour lui.
Et pauvre Open, il n’y comprenait strictement rien et ne savait absolument pas comment réagir. Si ce n’est en restant le même.
Il grogna un «
Salut. » assez inintelligible.
Bref, comme d’habitude.