Le Brésil. C'est beau le Brésil. Il y fait plutôt chaud. On y trouve de très belles femmes, une végétation luxuriante par endroit. Des paysans. Des travailleurs, cultivateurs de la terre, essayant tant bien que mal de garder un brin de dignité en remuant une terre déjà acheté par de grosses productions, lâchant d'un ton dédaigneux des
ah, mais ta terre, nous on va en prendre soin, nous ! Puis les travailleurs... Qui pestent ou acquiescent...
Non vraiment, c'est beau le Brésil
On y trouve parfois des naissances, parmi ces pauvres petits paysans. Des mains en plus pour remuer le terreau ! Ou non...
Non
Peut-être qu'elle était pas bonne la gamine ? Un défaut d'la naissance, a dit le père en se grattant la tête. A l’hôpital de la ville, ils ont dis
albinos. Le père a pas compris.
- Albinos ? Que j'te connais que les lapins qu'sont albinos ! C'teuh gamine va nous apporter la famine...Pourtant la fierté campagnarde, fit qu'ils la prirent. Bah, à part ses cheveux presque aussi blancs que la mamie et ses yeux un brin démoniaque, elle était pas moche. Elle avait quand même le front proéminent d'la maman. Une preuve d'intelligence qu'ils disaient !
...qu'ils disaient
Ils l'ont appelé Barbara. Enfin, ils ont aussi hésité avec Victoria. C'était la mode les prénoms américains. Surtout ceux des quelques séries passant dessus les chaines locales. Pas sûr qu'elle l'ait su un jour, que son prénom s'était trouvé en regardant chaque jour un feuilleton bien cliché, aux femmes dont la chevelure était plus gonflée que la poitrine à Lolo'. Quand bien même, Lolo ou pas, Barbara n'eut pas le succès de sa représentatrice de série.
On la trouvait trop chétive, pas assez grande, ni bronzée, trop fragile. Elle disait ne pas trop aimer le soleil, ce dernier lui faisant mal aux yeux. Elle pleurait à chaque fois que sa mère voulait qu'elle égorge un poulet des plus
exquis, acheté au voisin.
- Mais qu'tu vas arrêter ta difficile hein ! Allé, va préparer le café pour ton père, si t'es pas capable de plumer l'oiseau...Et elle faisait... Elle aimait bien le café Barbara. C'était une odeur amère, mais si douce en même temps. Comme ses parents.
Oui, elle aimait bien le café
Elle était pas comme les autres Barbara. Ça se voyait. Les enfants des voisins étaient bronzés et plus musclés. Leurs yeux brillaient d'une intensité qu'elle n'arrivait pas à animer. Son regard rougeoyant, était blasé, insatisfait. Il y avait quelque chose qui lui manquait. Une envie, terrible envie d'augmenter son savoir, par tout et rien... Mais surtout par du n'importe quoi. Mais elle osait pas le dire à ses parents qu'elle était pas comme les autres. Enfin, ils durent le deviner. Tout le monde l'avait deviné.
Quand elle intégra l'école locale, la première chose que comprit Barbara, c'est qu'elle serait seule, parce que différente.
C'était le refus de la différence ~ Ma marginalité faisait peur. Mais étrangement, c'était réciproque. Je n'avais pas envie de me mêler à eux... Pourquoi s'amusaient-ils à se salir hein ? Moi je n'ai jamais aimé ça... Et quand moi, je ne les trouvais pas drôles, eux ne me trouvais pas belle.
C'étaient des gamineries. Moqueries. Elle était trop blonde, comme un fantôme ! Ses yeux rosées, étaient comme ceux du
choupakabra. Puis son front,
bahh ! Elle était pas humaine. Elle ne l'avouera jamais, mais cela l'a toujours complexée, bien que relativement parlant, le physique ne faisait pas tout... Mais la théorie n'était rien sans la pratique, n'est-ce pas ?
Théoriquement parlant d'ailleurs, elle aurait dû grandir et mourir dans sa bourgade brésilienne. Mais il n'en fut rien, sinon que du pire. Un incendie ravagea la maison familiale, surtout construite du bois. Par chance et réflexion, Barbara put s'en sortir. Ça ne fut pas le cas de ses parents.
... Ce qui me fais honte, c'est que je ne les ai pas pleurer. Je m'étais déjà faite à l'idée de la mort... Après tout, maman me disait de ne pas pleurer pour la mort d'un pauvre poulet. Quelle logique y aurait-il à pleurer la sienne ? Aucune, hein. Alors pourquoi j'ai honte ?
Barbara fut envoyée à l'orphelinat local. Un couple anglais, en recherche d'une gamine depuis longtemps, fonça sur l'occasion, en entendant parler d'elle. Une albinos c'était pas commun, donc plus vite colporté. L'affaire fut arrangée à l'amiable. Elle ne chercha pas à en savoir les détails, déjà intriguée par cette nouvelle vie. L'anglais, elle le connaissait un peu près... Mais surtout l'Américain. Là, elle développa son savoir dans l'anglais classique. Elle adora. Pas ses nouveaux parents par contre... Oh, ils étaient pas bien méchants, mais pour elle, ils n'étaient que deux inconnus, liés à sa personne par un simple bout de papier. Donc rien d'important.
Ils étaient gentils. J'ai appris beaucoup grâce à eux. Ils sont parvenus à combler un peu le vide de ma conscience. Mais ils étaient lassant à toujours chercher mon affection. J'aimais le café... Son amertume. Eux ressemblaient au chocolat chaud. J'aime pas le chocolat chaud...
Je me suis passionnée pour l'Homme. Sa nature, ses envies, refus, désirs. Je voulais savoir pourquoi une simple couleur de peau pouvait repousser. Pourquoi les détails physiques comptaient. J'ai toujours été troublé par ceci : autant au Brésil, ils me rejetaient, autant ici, en Angleterre, les gens m'adoraient. J'ai d'abord cru que c'était de la pitié. Pitié pour un congénère plus faible. Mais j'ai vite changer d'avis. Ils étaient fascinés. Je crois que la pauvreté met en avant le besoin de la survie. Je suis physiquement un élément faible. Dans ce pays et cette famille riche, mon étrangeté fait de moi un élément fort.
...
Un élément fort est un élément à éliminer ? J'ai lu ça dans les livres. J'ai appris ça à l'école. Alors j'ai commencé à avoir peur. Peur d'eux ! Qu'ils essaient de s'en prendre à moi. Ai-je raison ou ai-je tord ? J'étudie la question...
Et c'est un temps qui passe. Des années. Une chevelure qui pousse, une silhouette qui ne change pas tant que ça. La relation parents adoptifs - enfant, n'a évolué qu'en apparence. La recherche est fortuite. L'image est moins brouillée pourtant et ce sont des testes qui sont réalisés sous l'avis de la conseillère d'éducation. Elle intelligente, plus mature que les autres. Peut-être est-ce ça qui la rend ainsi ? Oui... On dit que 173 c'est pas rien...
Moi... Moi j'aurai préféré être bête comme mes pieds. La simplicité n'est-elle pas plus facile à porter ? Pourtant la complexité est admirable. Mais lassante, ennuyante. Je ne sais pas. Tout du moins, cela m'apporta malheur. Albinos qui disparaît dans le vent... Albinos antipathique ramenée dans un domaine inconnu. Si Whammy's house est désormais ma nouvelle demeure, c'est parce qu'il parait que je le mérite. Je ne sais pas ce que les Jaytown sont devenus. Ils ont pas voulu me le dire. Je paris qu'ils sont morts... J'ai pas honte. Ils avaient le goût de chocolat...
Et la Whammy's ? Quel goût à ce pensionnat ? Je pense bientôt croquer l'un des murs de cette maison de sucre~