Sujet: La cruauté a un goût de royauté anglaise { Fish Jeu 14 Avr - 14:32
Début de journée banale pour emploi du temps banal, et vie hors du commun. Il y avait ça (la vie d'hors-la-loi, pas la banale existence de médecin pour gamins névrosés), pour sauver sa semaine, et puis aussi les bons petits plats cuisinés par son « cher et tendre – tendre au sens propre du terme. Trouvez-lui une chair plus relax que celle de Fish - » qui faisaient encore son bonheur de cannibal endurci. Pourtant, la vie à la Wh* était une tentation de tous les instants ; il y avait toujours une hanche ronde pour attirer son regard, le contours effilée d'une joue pour lui donner envie d'y percer un trou, ou encore...ou encore...la marque à demi-effacée, encore sanguinolente, d'un coup de rasoir, qui faisait monter dans le corps maigre de Jaw des flambées de chaleur digne de l'Enfer dans lequel ont sûrement été jetés Jeffrey Dahmer, Albert Fish, et tous ces psychopathes, finalement condamnés à mort par une justice injuste et impitoyable. Les américains et les japonais avaient choisi la meilleure méthode (la plus directe, en tout cas) pour se débarrasser des cafards sanguinaires, mais Jaw savait que si le gouvernement anglais finissait par l'attraper (et, immanquablement, le renvoyer en Thaïlande où on lui couperait la tête au nom d'une morale déformée par des siècles de philosophie prétendument humaniste), il se suiciderait avant que les mains rigides des gardes royaux ne se referment sur sa gorge de lait. De toute façon, ni lui, ni Finn, ne se destinait à vieillir au coin du feu, entouré de nombreux petits enfants dont la simple vue allumerait dans le ventre la danse des sucs gastriques. Non, lui, il aurait la mort de Fish, et après, trouverait bien un moyen de partir discrètement, après avoir digéré les beautés anglaises les plus sublimes – ces visages si pâles, et délicats, que tous paraissaient sortis du ventre très honorable et aristocratique de la Reine Mère -. Mais, avant la tombée du rideau, que le jeu continue, et que les pions du puissant L (L...Son cerveau surentraîné par l'intelligence avait-il le goût d'un chewing gum trop mâché, ou, au contraire, cachait-il ces délicieux petits sucs produits par la rupture des veines cervicales ?) tombent sous leurs dents pointues et affamées. Il le savait, que c'était pure provocation de se promener sous leurs yeux, à ces chatons précoces, aveugles et muets, sans griffes. Mais personne ne les voyait . Depuis qu'ils étaient là, il n'y avait jamais eu de battue au Loup Garou, ou de chasse à la sorcière ; ils passaient inaperçus dans la faune, majoritairement composée d'extravertis prétendument concernés par la Justice. Et la Justice, Jaw pouvait bien dévorer une cuisse humaine juste sous ses yeux, elle se montrerait toujours aussi aveugle que ses pions adolescents [ou autres flicaille et armée décérébrée. Qui n'a jamais entendu parler du lavage de cerveau militaire ?]. Qu'importe au monde anglais que ses adolescents disparaissent, il a toujours préféré à la jeunesse les bons vieux Lords rigidifiés par des siècles de corruption, des momies invalides coincées dans leurs fauteuils de velours. Enfin, si nous devions commencer à débattre politique anglaise (et surtout, côté corruption), nous en aurions pour des siècles, et d'ici là, ce ne serait pas les momies qui se seraient enfin décomposées, ce serait enfin la tête de la royauté qui serait tombée au pied des instincts bestiaux des anglais.
Car qu'est ce qui est plus froid qu'un british pur souche ? Un psychopathe en cavale.
Et si Jaw s'en fichait tellement de rester en liberté, c'était aussi pour narguer cette conception de la morale dont il n'avait strictement rien à faire. Les adolescents les plus beaux étaient des sacrifices, aussi délectables que ceux des Aztèques, lorsque ceux-ci leur arrachaient le cœur au nom d'un Dieu plumé et irritable. La divinité favorite des cannibale avait pour unique dénomination : Faim, la seule à satisfaire, à vénérer, parce qu'elle leur offrait tous ces privilèges auxquels les autres, les humains de basse qualité, n'osaient même pas rêver « par peur de la morale, voyons. Et c'est terriblement méchant de manger les gens. Vous n'imaginez pas à quel point ces victimes peuvent souffrir. »
Et alors ? Et, ça ne peut pas être un but, de faire souffrir, d'attendre les larmes pour dévorer ? Quand on ne sait pas vers quoi se tourner, on ne devient pas spécialement un monstre (ndlr : homme qui ne peut se fondre dans la société), on échafaude seulement des plans pour être un tyran, unique, terrifiant. Et Jaw connaissait le goût qu'avait la sueur de la peur. Terriblement musquée, comme si la victime commençait à se liquéfier sous la danse du scalpel. Ces chatons, donc, ces orphelins, qui étaient-ils pour pouvoir se prétendre l'arme de la Justice ? Jaw et Fish étaient sans doute assez « mauvais » (qu'est ce qui est vraiment mal ? Qu'est ce qui ne l'est pas ?) pour au moins avouer que la cruauté/le sadisme affamé avaient élu domicile dans leurs cerveaux aussi surdimensionnés que ceux de leurs tendres élèves, et que, en conséquence, ils étaient... - soyons fous – les serviteurs agressifs de celui que la religion appelait LE MALIN. En fait, ils n'avaient même pas besoin de cette excuse pour soutirer à un corps son impôt de sang coagulé. Après, faut-il encore savoir où se situent les morales, les to do or not to do. Mais, pour rejoindre le courant monarchiste, il est possible que Jaw avoue, qu'un fois qu'on a le pouvoir entre ses mains, il est difficile de le lâcher. Et que les sujets aristocratiques of the Great Queen are already his people (il avait autant de pouvoir sur eux que cette chère Elisabeth, en ayant au moins le triple de son héritage dégénéré). Et doit-on rappeler qu'un roi, un vrai, a pouvoir de vie et de morts sur ses...sujets ?
Enfin, tout à ses considérations philosophiques, Jaw entreprit de nettoyer son matériel de médecin, après une urgence nocturne. X (devait-il EN PLUS se rappeler du nom de ces gigots sur pattes ?) était venu frapper à sa porte, souffrant d'une rage de dents qui le faisait larmoyer. Se retenant de lui adresser un sourire goguenard, Jason avait ouvert la bouche et ausculté l'intérieur, avant de dire, dans un style très simple, très cosy, très direct : « une amande s'est coincée derrière votre molaire ». Doit-on aussi vous rappeler que l'adolescent est une créature des plus écervelée (précisément, l'homo erectus preadulte, qui souffre d'une réduction de sa logique, supporte aussi une lourde stupidité, qui lui est probablement venue avec la drogue, alcool, et toutes ces substances dont les orphelins de la Wammy's House semblaient friands). S'il avait écouté X, Jason aurait du lui donner de la morphine, mais, jouant au bon doc' d'Urgence, il se contenta de tapoter la jeune joue imberbe en renvoyant l'énergumène au lit. Avant de daigner retourner vers le sien. Où l'attendait sûrement son cher et tendre, encore repu de leur dernier dîner aux chandelles. Jason retira la blouse qu'il avait enfilée à la va vite et retrouva avec délices la chaleur confortable de sa couette. Ses yeux de reptile se tournèrent vaguement vers l'horloge, qui affichait en larges lettres vertes alien 5h10. Un baillement lui échappa, lorsqu'il se tourna vers Fish :
« On devrait leur mettre du vallium dans leurs whiskey nocturnes, à ces adolescents. Ca me permettra peut-être un jour d'avoir une nuit de plus de 5h. »
Ses yeux sourirent à la place de ses lèvres, malicieux, et il roula contre Finn, pour mordiller avec une tendresse très animale la veine qui battait dans son cou blanc de (peut-être) cajun.
Ne pas s'embarrasser de sentiments, certes, mais deviner, au moindre frôlement de leurs chairs affamées, qu'ils étaient l'un à l'autre ce qu'était la beauté à l'art. Vitale, et incroyablement complexe.
Invité
Sujet: Re: La cruauté a un goût de royauté anglaise { Fish Mer 27 Avr - 2:25
Tuer ou ne pas tuer. Futile question. Blottit contre les draps encore empreints de nos derniers ébats, l’estomac plein à ras bord des restes d’une nouvelle chaire tendrement immolée, je me retourne. Silence dans la chambre, en l’absence de mon aimé, délogé des bras de Morphée, et accessoirement des miens, pour une urgence nocturne. Silence, et sur mes lèvres flottent les traces de nos notre derniers repas, gout musqué, légèrement amer, étirement de la chair tendre se déchirant sous la dent, tandis que volent les morsures de ses baisers. Deux prédateurs, encore et encore, pour ces diners en amoureux, prenant l’allure de rites funéraires. Quel romantisme.
Les yeux mi clos, encore bercé par les brumes du sommeil j’attends, laissant du fond de mes entrailles gargouiller les restes d’un énième garçon, et sa viande se fondant dans la mienne en une valse de sucs gastriques, il sera mon sang, ma chair, mon énergie, et d’autres résidus moins nobles, mais qu’importe, le voila mien. Le voila notre. Et au fil de ces repas, c’est un peu une part de nous qu’il me semble, découvrir, reconstruire. Et une pensée pour Jaw, et ses dents se plantant dans ma chair morte, pacte, intime, tacite, passé entre nous, Jason déchirant mon corps nu, jouissant entre mes fesses froides avant de plonger ses doigts dans les entrailles fumantes et … Léger sourire. Sans doute aurait-il bien rit en constatant la trique que je viens d’avoir.
Oh, sans doute restait-il tout ce que je désirais. Ma mort comme le plus beau présent sur l’autel de son humanité, de toute manière l’avenir n’avait guère d’importance, ne restait que les morsures sanglantes de nos baisers, de nos bouches entremêlées au dessus d’un nouveau cadavre, ne restait que l’ennui qui résonne au creux de mon esprit comme une éternelle bombe à retardement. Ne reste qu’un chuchotis, celui de la réalité de nos êtres, de l’adrénaline au fond de nos veines, du sang sur nos mains, et de la robe soulevée toute grande de cette catin d’humanité, tandis que celle-ci dévoile son entrejambe rougie et boursouflée, d’où se précipite un énième marmot défiguré, une nouvelle guerre, une corruption dévoilée, une avancée de plus dans le si beau domaine de l’armement –remarquez l’admirable ingéniosité de nos congénères, qui ne cessaient de dédoubler d’imagination lorsqu’il s’agissait de détruire- quelques bébés congelés qui feraient frémir d’horreur toute une génération d’honorables mères de famille. Adorable tableau. Il fallait pourtant des coupables à pointer du doigt.
Des dégénérés, des rebus que la société se chargerait soigneusement de mettre à l’écart, des tendres individus, que les viols juvéniles, les abandons, les maltraitances auraient à jamais chargés de pourrir jusqu’à la moelle. Des êtres différents, des fous, qu’il fallait enfermer, soigner, ou plus expressément exterminer, selon les tournures que décidait de prendre cette douce catin de Justice. Jamais n’aurait t’on put penser, que cette vermine là puisse souper à sa table, cuisiner ses repas, soigner ses caries. Jamais n’aurait t’on put accepter l’outrageante vérité que le Mal avait visage humain. Même si, Mal, restait bien grand mot.
Car au final, qu’était ce ces vies là, qui se mourraient sous le tranchant sec d’une lame ? De ces giclées carmines que personne ne viendrait prendre la peine de pleurer, des vies de rien, que parfois les garçons en question semblaient presque offrir, tandis que leurs corps nus se cambraient sous le tranchant du rasoir. Qui d’autre aurait su soutirer la beauté dissimulée dans cette mort tendrement violente, qui d’autre aurait su ainsi les saisir, avant de les aimer, avec plus de fougue que le plus acharné des amants, de les laisser fondre en nous, nous délectant de ce gout salé de mort que nos dents arrachaient d’entre leurs chairs ? Autant valait-il les tuer à petit feu, dans la lente plongée promise par une vie de junkie et de baise sans capote. Autant, valait-il mieux les assassiner à coups de silences, et d’oublis. Au final, chacun était aussi coupable que l’autre. Simplement avions nous refusé le pêché de mensonge. Une porte qui s’entrouvre, le froissement bien caractéristique d’une blouse que l’on ôte. Sourire. Le voila de retour.
-Tu en as mis du temps. Lâchai-je dans un souffle, tandis que son corps vient se coller au mien.
Soupir contenté, tandis que doucement mes lèvres viennent saisir le lobe de son oreille.
-Dis plutôt que tu espères que cela les assommeras assez pour pouvoir te glisser dans leurs chambres et profiter de leurs corps juvéniles en toute impunité. Ce serait bien sacrilège de m’affirmer pouvoir te contenter des quelques bouts de chairs qu’ils te dévoilent durant tes journées de … travail. Ajoutai-je en une énième taquinerie.
Et affection sans sens d’une bête pour son semblable, instinct de survie nous poussant à nous accrocher l’un à l’autre, dans cet hostile monde aux absurdes convenances morale, ou encore attirance malsaine de Narcisse pour son propre reflet, tout cela n’avait grande importance. Ne restaient que des mots sans sens, et une alchimie de mort qui se dégage. Ne restait que nous. Et c’était bien assez.
Invité
Sujet: Re: La cruauté a un goût de royauté anglaise { Fish Ven 13 Mai - 0:17
Jason poussa un léger soupir d'aise, les yeux mi clos dans l'obscurité rassurante, aussi chaude que la couette, semblait-il, et se nicha au plus près de Finn :
"Tout le monde n'est pas aussi pervers que toi, mon amour[en français dans le texte]; je me suis mis en tête de ne jamais les désirer, de ne pas vouloir grignoter leurs petites cuisses rondes, attendries par les piqûres - End serait un délicieux sujet, pourtant, si on se fie aux cicatrices -. Il me faut au moins cet implacable sang froid pour résister aux tentations, alors veille à ne pas me le détruire avec tes provocations, sinon je ne suis pas prêt de dormir, malgré l'excellent repas d'hier soir. Quelles épices avais tu rajoutées à ce jeune imbécile, pour que sa chair en soit à ce point attendrie ? Dire que je commencés à me faire aux muscles durs de la jeunesse londonienne ; voilà que je vais de nouveau devoir m'habituer à tes nouvelles recettes ?"
Parler de leur dernier repas comme s'il s'agissait d'un poulet à la broche, comme si tout cela n'était pas immoral ; en se rappelant la tête de leur victime, Jason eut de nouveau son goût en bouche. Comment avait-il pu vivre aussi longtemps, sans avoir eu le plaisir d'arracher aux os le long sac flasques des muscles ? C'était toujours Fish qui les cuisinait, presque amoureusement, et lui, l'aidait par sa "connaissance" du corps humain, à ne pas abîmer les si délicates pièces de viande juvénile. Il avait faim, ça y est, de nouveau. Les lèvres de Jason remontèrent vers celles du cuisinier et il les happa, longuement, comme s'il cherchait dans cette bouche fraîche et cruelle les restes du sang qui s'était attardé à ses commissures, chargé de l'inutile tristesse de la victime. Le sang, c'était l'Histoire, la mémoire, la vie, l'homme, le composant le plus important du corps humain, etc, pensait Jaw, plutôt humaniste dans ses rares moments de bonté. S'ils dévoraient, à eux deux, la jeunesse encore fraîche des autres, c'était surtout parce qu'ils avaient faim de leur affection ; ils ne pouvaient acquérir l'amour de l'éternelle jeunesse qu'en l'assassinant, c'était écrit. D'autres serial killers avaient tenté l'expérience avant eux.
Le médecin imagina un instant l'un de « leurs » - possessivité fébrile oblige - garçons accroché à une branche comme un cochon à la broche. Pour bien manger, Finn devait sans cesse faire preuve de créativité : n'avait-il pas inventé les rognons d'adolescent ä la crème fleurette ? Ces recettes prenaient des airs de farce, et si quelqu'un, n'importe qui, avait ouvert le livre de cuisine de son amant, il en aurait sûrement ri, au moins aux larmes. Cœur sanglant au basilic. Brochettes de rognons poivrons au curry ? La Faim redevenait l'ennemie de Jaw aux heures les plus sombres de la nuit, et à l'aube. Il ne pouvait plus se passer du goût de la chair humaine, décidément, qui s'accrochait à ses lèvres, même lorsqu'il embrassait Fish. Le crime teintaient leurs bouches sardoniques :
"J'ai faim. Ce petit imbécile, bien inutile, m'a condamné à rester réveillé."
Il passa avec une tendresse presque feinte sa main sur la mâchoire nerveuse de Finn, et sourit, sournoisement. L'éclat des ses dents étrangement pointues accrocha la rare lumière entre les pâles lèvres d'aristocrates. Il y avait toujours dans les yeux de Jaw quelque chose de trouble, et ses prunelles grises, métalliques, cherchaient celles de son amant, avec une avidité passionnée (parce que, oui, Finn était autant le maître de Jason que le médecin était le sien). Jason aimait deviner qu'il maîtrisait cette bête féroce. Et parfois, le thaïlandais sentait qu'il l'aimait, vraiment, si ce mot, dans leur langage de sang et de viscère, signifiait bien quelque chose de plus profond que l'attraction inépuisable de la chair. De toute façon, personne ne leur ressemblait. Ted Bundy, Ridgway, ces deux là s'étaient seulement attaqués aux femmes. Tchikatilov avait lui aussi misé sur les femelles, les nymphettes si faibles. Alors qu'eux, eux... aimaient uniquement les corps minces et blancs des adolescents. Jaw sourit de nouveau, dans l'obscurité :
« Finn. Est ce que tu passes aussi ton temps à analyser tes crimes ? Nos crimes ? Notre raison d'être ensemble ? »
Il avait tendance à trop y penser, lui, mais ses rêveries ne semblaient pas laisser de trace sur son visage félin. Il ne pouvait pourtant pas « passer à autre chose » dans la minute, sa tête décolorée était souvent parasitée par ces questions d'ordre parfois secondaires ; mais peut-être que sa raison d'exister était là, dans ce lit, avec lui, pressé contre son corps trop frêle (mais inutile de pousser le sujet philosophique plus loin. Les heures matinales n'amenaient jamais à rien de concluant) ou peut-être pas. Arrêter de trop réfléchir, à ces questions banalement existentialistes :
« Oublie ce que je viens de dire, tout compte fait. »
Noie moi en toi, seulement.
Invité
Sujet: Re: La cruauté a un goût de royauté anglaise { Fish Lun 13 Juin - 0:25
-Oh tu devrais pourtant, c’est un délicieux passe-temps que de titiller ces chairs fraiches tout en sachant que tu n’en croqueras pas la moindre parcelle, chéri.
Accent ironique sur ce dernier mot tandis que je laisse échapper un soupir d’aise entre ses mèches blanches. Sans doute n’était-il jamais aussi beau mon animal nocturne que lorsqu’il se nichait entre mes bras, ses pulsions sauvages et destructrices docilement déposées au rebord de ma bouche. Et c’était jeu exquis, grisant, que d’attiser ainsi sa jalousie, en cette légère référence aux moult amants ayant passés le seuil de mes bras. Un seul avait pourtant su voir bien plus loin qu’aucun d’eux ne pourraient. Et ironiquement la réponse de Jason m’avait rassuré. Car malgré tout les écarts que je me permettais –qu’était-ce de toute manière cette union qu’était la notre ? Nous affirmer en tant que véritable couple, rejoignant ainsi les conventions qu’ils chérissaient tant à l’extérieur de cette bulle de bestialité où nous nous nichions, aurait frôlé les sommets du ridicule- oui malgré les nuits dans d’autres bras juvéniles, dont les étreintes n’étaient que fades placebos face à celles de Jason, celui-ci ne devait rester que et entièrement mien. Les choses étaient ainsi. Point.
-Quand aux épices, recette secrète, il ne faudrait pas que tu puisses te passer de moi un de ces jours. Continuai-je d’un air taquin. Et puis cesse donc de faire ta fine bouche, il nous faut bien un peu de renouveau de temps en temps.
Apres tout s’astreindre à l’immuabilité était aussi nous condamner sur le long terme. Afin de laisser libre cours à nos occupations –délicieusement euphémisme que je pris le temps de savourer une seconde- il fallait être eternel mouvement, ingéniosité renouvelée, sous peine de finir notre stagnation derrière quelques barreaux bien solides, d’où ils ne prendraient le risque de nous faire sortir avant notre mort. Réjouissante perspective. Heureusement que Jason sera là pour me libérer d’un tel risque. Délicieux caprice que cette perle d’égoïsme là, comme si le droit que je m’octroyais à partir avant mon amant, le laissant de nouveau seul, comme il l’avait été, comme nous l’avions été autrefois, apportait une folle touche de piment à tout cela. Non. Même une fois ma chair bien dissoute dans ses tubes digestifs, délicieux instant où je serais sien comme il est à présent mien, rien ne serait comme avant. Jamais rien ne serait de nouveau comme autrefois.
-Mais la Faim, est devenue notre quotidien. Et à cela je ne connais qu’un remède … murmurai-je en réponse à la lamentation de ma moitié, les yeux plongés avec fascination vers sa mâchoire, avant de me pencher et saisir doucement entre mes dents sa lèvre inferieure, la tirer légèrement, puis la relâcher et chuchoter.
-Il va falloir te distraire assez fort pour te la faire oublier.
Sourire entendu. Les scientifiques s’accordaient sur le fait qu’une fois qu’un animal avait gouté à la chair humaine il était à même de recommencer. Ce qu’ils oubliaient souvent c’est que le principe était tout aussi applicable à leurs congénères. Une fois cette catin là installée, tout les autres mets prenaient un gout insipide, et fade. Car qu’était ce qu’une côtelette fade de bête d’abattoir, sans vie, gout ou histoire, face à la chair musquée, tendre ou rude selon les corps mais à chaque fois délicieusement unique, d’un amant à jamais endormit ? Une fois cette névrose devenue routine, ce gout du sang bien ancré il n’y avait pas d’échappatoire. Et cela ne nous importait guère.
Pause lascive, tandis qu’une question incongrue surgit soudain les lèvres de mon aimée. Silence. Tandis que l’autre se reprend.
-Il vaut mieux oui, je ne te reconnais presque plus, encore un instant et on aurait crut que tu te mettrais à me parler de destin, et d’autres foutaises tout juste dignes à faire papillonner des cils une adolescente en-amourachée.
Taquiner Jason avait toujours été un exquis passe-temps aussi.
-Cela n’a pas grande importance. Tu auras bien le temps de réfléchir à cela lorsque ma chair se noiera entièrement dans la tienne.
Et presser mes lèvres closes contre les siennes, mâchoires appuyées l’une contre l’autre, en un défi silencieux.
-De toute manière les criminologues, ou d’autres de leurs congénères ayant du temps à perdre auront bien le temps d’élaborer tant et tant de thèses que même papi Freud s’en retournera dans sa tombe.
Sourire amusé à cette pensée. Au moins l’étiquette « homosexualité refoulée » serait-elle déjà à éliminer. Quand aux raisons de tout cela, il n’y en avait pas. Propre de l’homme que de tout vouloir entourer de beaux autours, de belles paroles comme pour affirmer sa supériorité. Bêtes nous étions, bêtes nous resterions.
-Mais maintenant … tout cela m’a donné grand faim aussi.
En attendant nous avions tout le temps de nous aimer.
Invité
Sujet: Re: La cruauté a un goût de royauté anglaise { Fish Lun 13 Juin - 18:24
« Parce que tu crois que je ne les palpe pas assez à l'infirmerie ? Je ne fais que ça toute la journée. C'est toi qui dois souffrir, derrière tes fourneaux ; tu ne les touches pas, tu les désires seulement, et de très loin. Mh ~ mais nous sommes au dessus du désir brut. La frustration nous rapproche de la perfection, non ? »
Ce qu'ils s'offraient mutuellement semblait parfois plus fort, que la chaleur rouge de la chair entre leurs lèvres ; en s'apprivoisant, Jason et Finn avaient ouvert une nouvelle dimension philosophique, une sorte d'impitoyable épicurisme, de loi du plus fort revisitée. Ils auraient pu se prétendre maîtres d'une nouvelle branche de l'anthropomorphisme – pendant des siècles, des tribus indigènes n'avaient-elles pas, seulement, mangé leurs proies pour s'imbiber de leur puissance ? Leurs envies, à eux deux, étaient quasiment artistiques : faire d'un corps juvénile un ballet d'explosions dans leurs bouches lassées du goût banal du gibier -. Le besoin d'art, et celui, plus paradoxal, de chaleur, les reliait l'un à l'autre, comme un fil gluant, qui maintenait leurs corps livides collés. Faire de la Mort un art, un but, une façon de penser :
« Crois tu vraiment que je pourrai me passer de toi ? Tu es la seule chose, pour laquelle ça a valu la peine que je parte de Thaïlande. Si tu savais toutes les merveilles qu'il y avait là bas... Tant qu'à faire, tu devrais essayer de faire des hamburgers ; un steak attendri par la cuisson, et des tomates ; ça devrait avoir bon goût. Un McJunkie ? Avec des wings ? »
Leurs discussions étaient toujours calmes, ponctuées de mots calculés à la syllabe près (C'était, tout du moins, le cas de cet alligator de Jason. Il réfléchissait toujours à ce qu'il disait, pour ne pas se faire prendre de court. Il détestait ne pas avoir le dernier mot), mais, parfois aussi, le médecin laissait la parole à sa corps. Repoussant la couette, il grimpa sur le bassin de son sanguinaire amant, braquant ses yeux froids dans les siens. Ses mains glissèrent le long des côtes saillantes, et ses lèvres jouèrent un instant avec le sourire malicieux qui menaçait de les allonger. Le Jaw Nocturne était toujours différent de celui qui le remplaçait pendant la journée. Ses longs doigts tracèrent sur les clavicules de Finn une ligne invisible, qui liait les épaules étroites à la gorge du cuisinier :
« Tu te portes volontaire ? On se lève dans deux heures. Quoique...tu n'as pas du pain à préparer, toi ? Tu ne nous auraos pas gardé un petit quelque chose au frigo, par hasard ? »
Ses jambes se refermèrent sur le bassin osseux, l'enfermant dans le creux tiède de ses cuisses maigres. Jason posa ses lunettes sur son nez aquilin, avant de se rapprocher de Fish, comme pour l'observer de plus près. Ses longs cheveux décolorés glissaient sur ses épaules, se coulaient vicieusement entre les plis de son tee shirt, et le médecin les repoussa en arrière d'un geste autoritaire :
« Peut-être qu'à force de côtoyer les échantillons sanguins de certains spécimens, je vais devenir aussi niais qu'eux. J'ai touché le sang de Waterlilly hier, je crains pour ma santé mentale. Tu penses déjà à ta mort, toi ? Tu comptes bientôt me renvoyer à la solitude, fourbe ? »
Se penchant vers le cuisinier, Jaw passa sa langue sur ses lèvres minces, les transformant en rictus gourmand. Bientôt, oui, un jour prochain, il se gaverait de cette chair gorgée d'amour. Il se voyait déjà mordre avec avidité dans la gorge de Fish pour l'ouvrir, très loup, très alligator. Il ne se sentirait, sûrement, jamais aussi vivant qu'en avalant la mort de Fish. Une fois de plus, il pourrait regarder les élèves qui l'entouraient avec supériorité, palper leurs fronts fiévreux sans ciller, seulement concentré sur la présence à jamais endormie endormie dans son ventre, matrice infertile et sanguinaire.
En attendant ce jour, il pouvait toujours se contenter d'un corps moins aimé. Un cannibale ne pense-t-il jamais qu'à la nourriture ? Probablement, aurait pu répondre Jason, d'une voix boudeuse. Comme le disait si bien Romain Gay, la viande était la préoccupation universelle ; pour certains, les épicuriens, elle était devenue un moyen d'atteindre le bonheur. Elle était toujours ça, pour Jason, l'art ultime (celui de « recycler » le mort. De cultiver son inexistence, et de faire sa jeunesse sienne, une fois de plus, comme la sorcière de Blanche Neige – la comparaison était déplaisante, mais sensée -) Jason avait aussi d'autres passes temps, à part celui, le principal, de fixer sur le reste de l'humanité un regard dégoulinant de mépris. C'était ça, d'être le dernier d'une lignée d'aristocrates acharnés ; parfois, il semblait encore à Jason qu'il entendait la voix criarde de sa mère lui répéter de se tenir droit, de faire honneur à la famille. Ici, à la Wammy's House, il n'y avait plus d'aristocratie. Il avait fait au blason familial un adieu définitif. Ça lui suffisait :
« Tu imagines que nous sommes une énigme pour ces gens ? Nous n'existons même pas. La présence du meurtrier ne devient plausible que lorsque l'on retrouve les corps. Et nous ne laissons pas de trace. Peut-être qu'un jour, quand tu te seras dissous en moi, ce sont ces mêmes petits imbéciles qui me jugeront, m'ayant bâillonné avec une muselière. Mais d'ici à ce jour... »
Le médecin haussa les épaules, et son visage, aussi lisse qu'un masque mortuaire, se rapprocha de celui du cuisinier. Ses yeux, qui trahissaient toujours tout, agrippèrent les prunelles de son vis à vis, teintés d'une douce langueur, anormale sur ce visage de cire :
« J'en aurais vite assez de ces idiots. Aucune maturité ; ils sont encore pires que les autres. Distraie moi, mon amour, distraie moi, pour que j'oublie ça, vite, avant que je ne fasse un massacre de mon premier patient de la journée. »
Son rire résonna dans la pièce, assourdi par sa bouche fermée qui se pressait fébrilement contre celle du cuisinier. L'expression était bien choisie : parfois, il avait vraiment envie de les massacrer, ces abrutis précoces. L'hypocrisie servait au moins à maquiller ça. Jaw, en bon Hitler contemporain, était pour l'eugénisme : retirer des gènes toutes les tares adolescentes, garder leur beauté fiévreuse, et se débarrasser ensuite des..."saletés". On est snob ou on ne l'est pas, hein.
Invité
Sujet: Re: La cruauté a un goût de royauté anglaise { Fish Ven 4 Nov - 18:50
Hannibal Lecter, on t'avais pas menti, J'ai dégusté son foie avec un excellent Chianti
Il y avait son regard de fauve apprivoisé, ses cuisses glabres enserrant les miennes, peau à peau bestial en cette étreinte un peu trop humaine, ses lèvres humides de baisers comme de chair fraiche, il y avait le blanc de ses dents, celui que j’étais le seul à voir inondé du carmin de la jouissance, il y avait son ton posément moqueur, qui ravale les râles lorsque s’ouvre et se referme la chair, dévore la vie, croque l’existence même, les mâchoires empreintes du baiser glacé d’une vie qui n’est jamais plus. N’a toujours été. Je souris doucement.
-Cesse donc de jouer les philosophes du dimanche, va. La perfection n’a rien à faire ici. Nous sommes ce que nous sommes, voilà tout.
Pas plus vivants qu’eux. Mais tout aussi morts.
Comme pour chasser tous ces existentialismes, ma langue se glisse, taquine, sur le rebord de sa gorge, caresse sa carotide en coup moqueur, tendre réponse à ses discours. Délicieuses futilités que ces échanges-là entre les plaisirs de la chair, quels qu’ils étaient. Comme deux bêtes meublant les silences pour en oublier ce qu’ils étaient. Que ce n’était qu’entre les gorges tranchées, les cris d’agonie, que c’était le nez dans la merde, les viscères et le sang, qu’uniquement, oh uniquement, nous étions vivants. Ma langue glisse, mes lèvres viennent se poser contre la peau du cou, cordes vocales vibrantes, oh nourris moi de tes mots mon amour, Némésis de ma solitude, on était, est, sera pas grand-chose toi et moi. Et le tâter doucement, du bout de la bouche comme des dents, et derrière les mots, derrière les Jaw d’un menaçant pompeux, les silences, les blouses blanches, la propreté cartésienne, l’immaculé de son innocence apparente blanche comme les murs, la chaleur qu’il renouait du bout de son stéthoscope, sauveur de vies, quelle ironie pour un tueur, derrière cette jolie muraille de factices, il y avait Jason, Jason et ses lèvres carmines dégoulinantes, un bout d’entrailles coincé entre les dents, dont le rouge assassinait la blancheur, Jason et son dos écorché, déchiré par la sincérité criante des fausses passions, Jason et ses ongles dans ma nuque quand on s’entretuait d’amour trop fort, Jason et ses regards, qui n’avaient rien, oh rien d’existant. Et plus que jamais. Humains.
Crasses béantes de l’humanité toutes haut hurlées du creux de nos draps. Réalité tant refusée, reniée, dénigrée, pulsions inavouées, qu’il me fallait doucement recueillir, comme pour cueillir la vie qu’ils avaient toujours refusé, du haut de leurs morales de mères de famille, comme pour oublier, qu’à chaque crime blâmé, qu’à chaque, si ironiquement appelé, Monstre brûlé, lynché, condamné, enfermé, guillotiné, électrocuté, rejeté à travers les langues comme l’Histoire, c’était un peu d’eux qu’ils s’acharnaient à punir. Mais qu’ils lustrent donc leurs bonnes consciences reluisantes de leurs yeux avides d’horreurs comme de sang, qu’elle s’échine donc dans son aveuglement, cette humanité, la bouche hurlante grande ouverte lorsque tombaient les becquées d’histoires de misère et d’horreur, qu’elle exile donc tout ceux l’ayant aidée à révéler sa véritable nature. Celle qui brille dans les yeux de la voisine, lorsque celle-ci murmure, du haut de son vernis d’indignation morale ma parole, vous ne devinerez jamais ce que j’ai lu dans le journal ce matin … Nous n’avions pas besoin de cela. Nous étions tout. Et peut-être rien à la fois.
-Le frigo est vide. Il faudra sans doute aller nous refournir bientôt. Sourire aussi silencieux que complice. Quand à ta solitude, elle te fait donc si peur que cela ? Ne me dis pas que … , je souris doucement, en rapprochant mon visage de ses regards, en un geste qui cueille le sien. … Tu ne pourras bientôt plus te passer de moi ?
Juste des l’un pour l’autre, deux images asymétriques partageant le même miroir. Unis dans notre bestialité humaine et notre auto fascination narcissique. Qu’il était doux de se contempler des yeux d’un autre. Car qu’importe nos différences, l’idée malsaine de délicieuse possession nous unissant, lorsque coulait le sang ne restait qu’un seul nous. Je n’aimais pas Jason, je m’accrochais à l’exquise image qu’il me renvoyait de moi-même, à ce désir salace de me retrouver dans les tréfonds de ses regards lorsque brillait entre nous les promesses de vie arrachée. Toi parce que pas eux, parce que Solitude ne serait envisageable. Toi parce que moi, parce que nous sans jamais eux, sans jamais nous. Toi, parce que mourir de ma main meurtrière sera la plus exquise des ironies.
-Alors nous n’avons que nous même pour exister. Ma voix se fait murmure.Dis moi, mon amour, si je n’avais été là, que serais tu devenu ?
Quels yeux se seraient rassasiés de tes crimes, comme tu dévores les miens ? Pour qui aurions nous existé dans toute notre réalité ? Oh, allons vivre et oublier. Sans jamais, jamais ….
-Ou plutôt, que deviendras tu, le moment venu ? Que feras tu de moi ? Noieras tu ma chair au milieu de tout ces autres se bousculant au fond de tes entrailles, me relèguera tu joyeusement au rang de tout nos autres … encas ?
… Nous aimer.
Doucement mes mains glissent contre son torse, tandis que le poussant doucement en arrière, mes cuisses viennent enjamber les siennes. Regard taquin.
-Un tel massacre serait pourtant un joli spectacle à voir. J’ai besoin de distraction moi aussi.
Me penchant d’avantage vers lui, profitant de ma nouvelle position de supériorité, mes lèvres viennent mordiller les siennes en un baiser moqueur. Dévores moi Amour, fais-moi vivre de tes étreintes. Que le monde se meure au bord de nos baisers obscènes.
Attends je crois que j'ai oublié un détail, En tant de guerre ils me fileraient une médaille.
Invité
Sujet: Re: La cruauté a un goût de royauté anglaise { Fish Mer 7 Déc - 20:01
O fleur lugubre, ô fleur hâlée, Lys de poison cueilli aux rives de volupté ! Le lourd et rouge encens des paroles d’amour, Profond nuage de musiques et de clartés, S’est abattu sur les dalles d’ivoire, et la vaine fumée, Impalpable comme nos heures lascives, s’est dissipée !
Soupir. La main du fauve se fait caressante, douce contre la mâchoire de son amant, tandis qu'elle glisse vers les lèvres avides :
« Ta pensée m'a l'air bien castratrice, ce matin. En développant ma... philosophie du dimanche, je pensais pourtant nous lancer dans un débat que nous ne serions pas prêts de terminer. Mais je vois que tu as d'autres besoins. »
Il presse son pouce contre le coin sec du rictus sauvage et se redresse sur ses coudes pour l'embrasser. Pas longtemps, juste le temps de retrouver sur cette bouche le souvenir déjà fané de leurs appétits. Il y passe la langue, dans ces creux tièdes sur lesquels avait giclé le sang amer d'une mort consommée. Et ses lèvres se pressent contre celles de son vis-à-vis, avec autant de tendresse hypocrite que s'il s'était agi de celles d'un cadavre, empreintes de leur dernières secondes de chaleur, mais déjà rigides. Finn avait un bouche de mort. Attirant les caresses, et si intimement tiède, que la chair fine se froissait sous les baisers échangés comme du papier de soie. Elle serait si facile à déchirer, cette bouche qu'il aimait plus que celles des morts.
Jason planta ses canines dans la lèvre inférieure de son amant. Jeu sensuel, et pourtant, les deux prédateurs savaient très bien que cet échange languide tournerait un jour à l'enterrement entre intimes. C'est dans son estomac, que Jason enterrera Finn, au fond de ses tripes avides, de son sang qui ne cesserait plus jamais de battre à ses tempes, lancinant, pour lui rappeler que, désormais, il ne serait plus jamais seul, habité par cette présence, tant matérielle, que d'essence divine. C'était ça, la mégalomanie. A partir du moment oú l'on sent que les êtres nous sont offerts, littéralement sur des « plateaux d'argent », le pouvoir nous monte à la tête. Eros et Thanatos, pour les références stupides. Sensualité et Mort. Ou Phobos et Algea. La Peur et la Douleur. Emmêlés au sein de cette immense ruche, dans laquelle les plus faibles étaient éliminés. Socialement parlant, ils faisaient à deux le boulot des suicidés : ceux qu'ils dévoraient devaient, sûrement, se pendre, un jour, ou avaler une bonne dose de barbituriques. Leurs proies étaient toujours des marginaux, de jeunes adultes qui peinaient à trouver leur place dans la fourmilière. Leur mal être les tournait automatiquement vers les pilules, les drogues. Si on devait se fier aux critères sociaux, ces malaises là poussaient, de toute façon, vers la mort. Quel adolescent n'a jamais entendu sa mère hurler : « tu te drogues ? Tu es dépressif ? ». Pour les adultes nerveux, l'adolescence mal gérée entraînait forcément les coupures aux poignets, plus ou moins légères. Plus ou moins sanguinolentes et âcres. Et puis, la Mort.
Jason et son amant, comme les bêtes qu'ils étaient, ne faisaient que suivre ces traces sanglantes qui les menaient tout droit à leurs proies. En les dévorant, ils leur évitaient seulement la partie la plus douloureuse du suicide, et leur offraient une opportunité auxquelles ils n'auraient jamais accédé, sans leurs crocs acérés : celle d'être aimés, plus que jamais, pour leur beauté qui, irrémédiablement, finirait par dépérir, comme une fleur lugubre privée d'eau, dans ce monde aux limites plus qu'étroites. Ils vieilliraient, apprendraient à vivre en aimant à moitié une femme qu'ils cesseraient de désirer au bout d'un temps ridiculement limité, et cesseraient à jamais d'être beaux dès que la flamme de la folie plierait bagages. Non, décidément, il valait mieux finir entre les lèvres passionnés des deux acolytes, plutôt que de subir cette hérésie, ce massacre volontaire. Et s'ils s'ouvraient les poignets, ces délicats adolescents, n'était ce pas pour mener cette mort prédatrice tout droit à la tanière oú ils se terraient, frémissant à la fois de peur et de désir ?
« Ma solitude, si tu restes là, ne me fera jamais peur. »
Il l'embrasse à nouveau, presse leurs lèvres carnassières, passant ses mains dans les cheveux bleus, anormaux, qui s'emmêlent entre ses doigts pâles d'aristocrate :
« Je te dissoudrai, je te garderai au chaud dans ma chair. Ce n'est pas la solitude que je crains. Si je t'ai dans mon corps, je continuerai à t'entendre, je pense. Comme je sens les mille murmures de nos victimes pulser à travers mes veines. Ta voix sera juste plus forte, plus exquise. »
Jaw baisse ses yeux, dans un mouvement de fausse pudeur. Excellente question, que serait-il devenu s'il n'avait pas goûté à la chair ? Un fantôme, sûrement, incapable de vivre complètement. Un être sans essence, à l'esprit faussement développé, un pantin mondain, qui se serait contenté de sourire d'un air vide. Jason, triste médecin de province, aussi glacial que tous ceux qui partageaient sa profession. Si ses lèvres étaient restées vierges de sang, il aurait gardé une âme étroite, frustrée. Il était né pour être un prédateur. Autant que Fish. Et c'était dans cette voie-là, et pas dans celle, si droite, que sa famille lui avait tracée, qu'il s'était le plus épanoui. La culture du crime, le goût du sang, la passion de la jeunesse... Il les avait sûrement ancrés en lui depuis son plus jeune âge, lorsqu'il avait vu onduler, sur la rive du Pa Sak, les créatures les plus belles du monde asiatique, ces adolescentes thaïlandaises qui, lorsqu'elles se penchaient pour se murmurer des choses d'une voix chantante et aussi glissante que leur chair, laissaient leurs cheveux de soie noir effleurer la joue mutine de leurs amies. Ces visions-là étaient l'innocence même, mais aussi l'éveil à une sensualité d'écolier, qui équivaut parfois à celle d'un prédateur encagé. La même frustration, la même avidité de beauté.
Ces choses-là ne se décident pas, finalement.
Être un prédateur, c'est simplement sortir du monde étroit dans lequel les hommes lambdas gardent leurs vies jalousement closes à toute possibilité d'art, d'épanouissement, et céder à ses envies les plus charnelles, pour vivre en harmonie avec sa nature de bête. Pour Jaw, être fou avait une connotation des plus positives.
« Non, Finn, tant que j'existerai, la solitude ne sera jamais qu'une étroite option que je n'aurai jamais la volonté d'atteindre. Tant que j'existerai, je ne serai plus seul. »
Quelques secondes de réflexion, et il repart à l'attaque des lèvres du cuisinier avec une ardeur de prédateur affamé :
« Tu peux toujours te distraire avec moi. »
Contenu sponsorisé
Sujet: Re: La cruauté a un goût de royauté anglaise { Fish
La cruauté a un goût de royauté anglaise { Fish
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum