« Si je suis folle ? » Elle rit un peu. Un rire nerveux qui fait partir ses yeux délavés dans les coins de ses paupières et tressauter ses lèvres maigres et fades. Elle retourne la tête droit devant, droite comme son dos, droite comme ses os qui semblent percer sa peau. « Non, je ne pense pas. Enfin, vous savez, chaque personne a ses problèmes. Mais je ne crois pas en avoir, non ? Enfin je ne sais pas trop. Enfin je n’espère pas ! » Caffeine n’a pas de problèmes, mais son problème c’est elle. Elle le sait et le nie en gardant les yeux ouverts pour être mieux aveugle. C'est en s'immergeant autour de soi que l'on défile de ce qui est là, dedans. Elle joint ses deux index et les entremêle maladroitement. Sa bouche s’ouvre, elle va parler. Mais avant, elle penche légèrement la tête et attrape une mèche dorée pour l’entortiller nerveusement. La sècheresse crisse contre le frottement de sa peau. « Et vous savez, hein, je vais bien. J’en suis sûre. » Elle a un nouveau petit rire, toujours aussi tendu, quoi qu’un peu plus faible. Elle se veut rassurante. Elle a les yeux grands ouverts avec un sourire figé – parce qu’elle sourit toujours, Caffeine. Ce n’est pas pour vous convaincre, bien qu’elle s’en fiche. Mais c’est pour se convaincre elle-même que tout va bien. Elle parle d’avantage pour ne pas laisser les pensées filtrer dans sa tête, pour ne pas entendre de viles démons susurrer à sa conscience des mensonges véritables qui lui font tanguer le cœur et vider l’estomac. Les yeux se mouilleraient. Elle se met à taper du pied rapidemment, et bouge ses mains. « Et puis vous savez, je ne suis pas méchante hein ! Enfin je ne pense pas ! » Et puis ce qu’elle ne sait pas, c’est ce qu’elle est vraiment. Caffeine ne sait rien, Caffeine ne pense pas. Caffeine se tapit derrière des tapisseries d’ignorance, filées aux refoulement, brodées aux oublis et laquées à la fermeture d’esprit, comment pourrait-elle savoir quoi que ce soit. Mais c’est vrai, elle n’est pas méchante, mais bien trop gentille. « Vous savez, j’aime tout le monde. Enfin, je pense qu’on doit accepter les personnes comme elles sont. J’aime tout le monde. Je crois hein, mais ça j’en suis sûr. Les gens, débita-t-elle, sont tous gentils, je pense, et lorsqu’ils se comportent mal, c’est qu’ils ont une raison de ne comporter comme ça. Non ? Alors je leur pardonne, mais si je ne le fait pas, qui le fera, hein ? Je dois avoir raison, non ? » Elle parle beaucoup pour empêcher la corruption sourde de l’atteindre. Mais le problème n’est pas qu’elle parle, malheureusement, mais qu’elle vous aime. Mais qu’elle vous aime à la folie. Elle fait claquer sa langue contre son palais. Tic. Ses fesses commencent à bouger sur la chaise, elle s’impatiente. Ses grands yeux bleus cillent deux fois par minutes. On dirait elle à des ressorts entre les paupières. « Ce que je serait capable de faire pour une personne que j’aime, vous dites hein ? C’est ça ? » Elle porte un doigt peu gras à ses lèvres peu charnues, lève les yeux au ciel - au plafond, à l'occurence. Sa bouche se métamorphose pour former une bulle, prête à éclater. Caffeine réfléchit toujours en faisant semblant, elle ne réfléchit jamais réellement. Elle participe activement aux volontaires sincères qui déballent leurs sentiments au grand air. Evidemment que les premiers jets de ses pensées de sont pas la sincérité qui se cache dans les abysses de son psychisme. Elle relève les épaules, qui font bouger la bretelle verte de sa robe, et sourit. Heureuse, la Caffeine. Ignorante de soi. Ses yeux sont plissés de joie. Elle bouge ses mains activement, un bracelet carillonne contre un autre. « Tout ! Je pourrais les aider, je ferais tout ce qu’ils veulent, je ferai n’importe quoi ! Tout pour ceux que j'aime. Enfin je... » Elle compte sur ses doigts. « Je nettoierai leur chambre, j’alignerai leur stylo, je classerai leur ordinateur, je peignerai leur cheveux, je les aiderai, je trierai leurs vêtements, je leur prêterai mes cachets, je les aiderai à faire leur devoir, je leur prêterai mon café, je viendrai dans leur chambre, je les protègerai aussi, mais ça je ne sais pas le faire. Enfin je crois. Mais je peux le faire non ? Ahalala, j’arrive jamais à choisir toute seule. Enfin à savoir tout seule. Enfin je crois ! Je ne sais plus quoi penser, rit-elle très vite. » Caffeine baisse les yeux et regarde ses mains pour apaiser son gai soubresaut. Elle rappelle les personnages de contes, dont on dit que les yeux sont grands comme des soucoupes de tasse de thé. Se tête se redresse, le sourire à du tomber sur les mains froides. « Oui, il me demandent ça en général. Je sais, je suis un peu naïve. Une pause. Mais je peux pas ne pas les aider ! geint-elle avec amusement. » Les soucoupes retombent sur les mains qui ont attrapé le sourire. Sa tête remonte vivement, comme une chien. « Vous avez dit quelque chose ? s’alarme-t-elle. - Oui. » Ses ongles rongés tapent sur le rebord de la table ou elle s'accoude. Le rythme est agaçant de par rapidité et sa continuité. « Si j’ai un livre que j’aime bien ? » Un pause. Elle ne bouge plus, cette puce. Une très longue pause. Elle se meurt, l’insecte. Une très longue pause puisqu’elle s’est mise à crier en se recroquevillant, la fine fente de ses yeux fermées retenant un peu de panique salée. Elle est restée longtemps dans cet état de crise. Elle a gémit, elle s’est balancé. Elle avait le cœur tout lacéré à entendre ses plaintes inintelligibles. Elle répétait que tout allait bien. Elle a ensuite dit que ça irait. Puis que tout allait bien, encore. Elle est revenue fraiche comme une edelweiss sur les versants d’une montagne. Un sourire s’étendait sur tout son visage, tel un après coup de botox. Elle avait l’air si heureuse, j’en étais ému. J’oubliai vite ce petit imprévu, puisqu’elle l’avait fait aussi. J’oubliai que cette pauvre fille était complètement névrosée et que les gens qui arrivaient à la supporter devaient s’enfiler autant de cachets qu’elle ou alors lui en donner à profusion. « Alors, ce livre ? sourit-je aimablement. » Elle me rendit un sourire presque enfantin. En baissant mes yeux, j’ai vu des pilules blanches sur la moquette. Bientôt, elle baisserait ses yeux, ses traits s’affaisseraient, et elle serait aussi fraîche que des fruits pourris d’une nature morte.
Classe.
Définissez vous en une phrase.
Dans un souci d'objectivité, je pense qu'il faudrait poser la question à mes amis...
Vous offrirez quoi à Noël à votre meilleur ennemi ?
Un poisson rouge.
Parmi ces livres ci-dessous, lequel serait le plus susceptible d'être votre livre de chevet ?
Totem et Tabou de Sigmund Freud.
Ce que vous devez impérativement arrêter de dire. Sérieusement.
« Je comprends ce que tu ressens... »
La petite manie dont vous vous passerez bien ?
N'avoir aucune notion du temps.
Il y a forcément quelque chose que vous auriez dû faire depuis longtemps et n'avez toujours pas fait.
Quelque chose que je dois faire ? Euh. Non non, j'ai fini ma classification, ma maquette de l'ADN, tout est bon. Non ?
Histoire.
Je ne cessais de le harceler de questions, comme à mon habitude. J’inclinai la tête sur le côté et lui offrait mon sourire le plus candide pour qu’il veuille bien répondre à chacune d’entre elles. C’était le seul qui possédait la patience de le faire, de toute façon. Le seul.
« Je peux t’en poser encore une, Svan ? »
Le coin de mes lèvre faiblit un peu face à son manque de réaction. Je m’attendais à ce qu’il soupire et mette fin à mes interrogatoires d’un geste doux de la main, mais il écarta une mèche de mes cheveux et essuya une tâche de poussière sur mon front.
« Bien sûr. »
Mes yeux s’agrandirent d’avantage, mes dents se découvrirent. Je sautai du muret de pierres grises sur lequel nous nous trouvions, plantai mes pieds dans le gravier et me tournai vers lui, posant mes mains sur ses genoux.
« Svan, dis-moi Svan ! Penses-tu qu’une personne peut faire changer une autre ? »
Il médita un court instant, baissant son front. Ses yeux se cachèrent derrière la paille de sa crinière.
« Comme si elle en était responsable, tu veux dire ? »
Je hochai la tête et lui la secoua juste après.
« Alors non, trancha-t-il sans hésitation. Nous sommes toujours responsable de ce qu’il nous arrive. »
Mes sourcils se froncèrent, le concept m’échappait. Mais pour ne pas ternir ma réputation, je hochai une nouvelle fois vigoureusement ma tête, puis portai mes ongles à ma bouche pour les grignoter. Cette mimique ne lui échappa pas.
« Renata, ajouta-t-il, c’est comme si je disparaissais et que toi tu devenais triste. Ce serait de ta faute si tu pleurerais, puisque c’est toi qui décide d’être triste ou non. Tu comprends ? »
Je relevais mes yeux clairs vers lui.
« Tu ne disparaitra pas, répondis-je par reflexe. Et moi non plus. On ne changera pas, et tu seras là, et moi aussi, et tout le temps ensemble, et tu répondras à mes questions encore, non ? »
Nouveau sourire d’ange. Il rit un peu en balançant sa tête en arrière, faisant bouger ses épaules, puis me sourit. Je reviens m’assoir sur le muret de pierres grises, satisfaite.
Un mois plus tard, je l’oubliai.
Ce jour là, j’étais avec Svan lorsque d’autres personnes sont venues nous interrompre. C’étaient trois garçons et une fille qui n’avaient pas l’air d’aimer Svan. Parce qu’ils lui parlaient, il a oublié de répondre à une de mes questions. Mais il a finit par me prendre la main en disant qu’on partait. Pourtant j’aimais bien notre muret. On est allé plus loin, vers la zone industrielle, il s’est un peu calmé parce qu’il avait les mains crispés, et on s’est assis au milieu de la terre sèche. Je lui ai posé d’autres questions mais j’avais envie d’aborder un sujet en particulier qui taquinait mes pensées : lui. Ca pouvait paraitre étrange de se poser cette question, puisque je pensais être la personne la plus proche de lui, mais pourtant. Qui était Svan ? Je ne connaissais pas grand-chose de lui, à part qu’il avait un an de plus que moi – donc treize. Je savais qu’il avait au moins un parent, puisque j’avais vu son père à la sortie de l’usine. Je ne savais pas d’où il venait, à part qu’actuellement il vivait ici, je ne savais pas ce qu’il faisait en dehors de répondre à mes questions et de rire la tête en arrière en soulevant ses épaules à chaque rire. Je savais qu’il avait de beaux cheveux blonds, secs, que j’aimais bien regarder quand il baissait ses yeux pour réfléchir. Je savais qu’il avait les yeux bleus, qui tombaient un peu, et que je devais éviter quand il relevait la tête pour ne pas me faire prendre et rougir. Je savais qu’il était très intelligent, plus que moi. Je savais aussi qu’il avait des choses qu’il appelait « valeurs », ce qui le faisait parfois répondre très brutalement à mes questions. Je savais qu’il n’aimait pas quand je me rongeais les ongles, tirais sur les cheveux ou encore triturais sèchement les doigts. Je savais qu’il aimait bien notre muret de pierre, duquel on pouvait voir les voitures de pompier passer avec leur sirène stridente – nous étions juste à côté de la caserne. Je savais qu’il n’aimait pas trop les autres , surtout ceux de notre âge. Je savais qu’il était la pour moi, rien que pour moi, toujours avec moi. Et de savoir ça me contentait, d’habitude. D’habitude.
Mais si là je lui posai la question, il aurait tourné vers moi son sourire doux et demandé « Et toi, qui es-tu Renata ? ». Et je crois que j’aurai eu du mal à répondre. J’aurais dit que je suis Renata et ça ne lui aurait pas suffit. J’aurais dit que mes parents travaillent à l’épicerie du village et ça n’aurait pas suffit. Je lui aurais dit que j’étais la pour lui aussi, et il aurait fait quelque chose, peut être. Il aurait sourit ? Rougit. Il aurait penché sa tête comme moi ? Il m’aurait dit merci. Il m’ aurait répondu, mon Svan.
« Tu ferais mieux de rentrer à l’épicerie, Renata, c’est tard maintenant. »
Je voyais le soleil tendre les nuages rougeâtres pour colorer le ciel, tout au fond. Je ne lui avais pas posé la question. Je lui jetai un dernier coup d’œil hésitant, emmêlant mes doigts. Je savais qu’il me regardai en attendant. Je claquait mes ongles les uns contre les autres.
« A demain ? m’assurai-je. - A demain, bien sûr. »
Il se leva, et je le serrai dans mes bras, une étreinte rapide, tout en souriant. Je dévalai ensuite le chemin du retour en prenant soin d’éviter les cailloux.
Ce soir là, quand je suis rentrée, devant l’épicerie il y avait un camion rouge dont la sirène stridente était éteinte, comme ceux qu’on regarde avec Svan. Des hommes sombres s’affairaient devant la devanture, les murs aussi étaient sombres. Les cendres étaient sombres. La nourriture carbonisée, entre divers résidus de boites de conserves, aussi. Les corps de Papa et Maman aussi. Mes yeux aussi, sûrement, puisque la voisine est venue prendre ma main aux ongles rongés pour m’éloigner de mon épicerie.
Le lendemain, j’atterrissais sur le sol d’Angleterre et Mamie m’accueillit avec un sourire affable, mais pâle. J’avais complètement oublié de prévenir Svan. J’avais complètement oublié Svan tout court.
Mais ce n’est pas ma faute si Papa et Maman sont morts.
Un soir, deux ans après mon arrivée, je suis rentrée du collège sous la pluie. Il pleut souvent ici. Devant le petit portail de la maison londonienne tournoyait la lueur d’un gyrophare bleu. Crise cardiaque, rien de bien imprévisible. La seule raison pour laquelle ma gorge était nouée était que je me demandais qui allait me recueillir à présent. Mais je savais qu’il y aurait toujours quelqu’un qui serait la pour moi, et si ce n’était pas un membre de ma famille, ce serait un orphelinat. Alors qu’une assistante sociale me prenait en charge et m’emmenait à l’hôtel, elle réussit à contacter un oncle lointain. Il acceptait de me prendre en charge. Je devais retourner en Pologne.
Allongée à plat ventre sur le lit vieux-rose de l’hôtel, j’écoutai brièvement la conversation de l’assistante sociale à travers la porte de la salle de bain. Elle avait une voix douce de celles qui y vont toujours par quatre chemin pour annoncer une nouvelle, s’organiser ou alors couper une conversation. Une personne molle et hésitant. Des mots qu’elle disait m’en rappelaient d’autres, et ces derniers m’en présentaient d’autres. Si bien qu’au final je ne l’écoutai plus, concentrée sur l’enchainement illogiquement logique de mes pensées. Mes jambes bougèrent d’elles-mêmes et je me retrouvai à marcher en rond, à tourner, à ralentir et à accélérer tour autour du lit qui était l’ameublement principal de la chambre. Il se passait quelque chose.
Quelque chose me rongeait. Quelque chose me cognait. Ce n’étaient pas les morts qu’il y avait autour, c’étaient les vivants. Ce n’étaient pas mes amis, ni mes ennemis. Ce n’était pas ma famille, c’étaient les autres. Ce n’étaient pas les ambulanciers, ce n’était pas l’assistante sociale, ce n’était pas mon oncle Horst, ce n’était pas la Pologne, ce n’était pas les changements. Ma main glissa d’elle-même contre mes dents, je claquai la langue contre mon palais. Une idée fugace me figea soudainement. Ce n’était certes pas un mort, mais pas un vivant non plus. C’était un souvenir que l’on avait laissé partir. C’était quelqu’un d’existant dont j’avais oublié la vie. Ce n’était pas ce que je laissais mais ce que j’allais retrouver. Je rentrai en Pologne, je reverrai Svan. Et je crois que j’ai eu très peur d’un coup. Mon regard était tout d’un coup attiré par mon sac qui contenait plusieurs boites de cachets blancs.
Je revis Svan pour la première fois depuis mon arrivée une semaine après. Mon oncle Horst avait repris l’épicerie et l’avait restaurée, et malgré le fait que je me retrouvai de nouveau dans mon village natal, impossible de croiser mon ami à la tignasse blonde. Même du côté de la zone industrielle. Même du côté du muret de pierres grises. Nulle part. Si encore il subsistait un peu dans mon cœur. Il était devant le collège ou je devais aller à la rentrée. Il était entouré de trois garçon et d’une fille, les mains dans le poches, il rigolait. Il balançait toujours sa tête en arrière et ses épaules se soulevaient avec le même mouvement. Mon corps a couru vers lui quand il l’a reconnu, avec cette tignasse claire et ses yeux bleus. Je me demandais si je pourrais tourner la tête sur le côté encore et l’attendrir avec une petite moue enfantine. J’étais peut être trop vieille. Je me demandais aussi si il me reconnaitrai, je n’avais que les cheveux plus longs. Je me demandais comment ça se passerait, s’ils rougirait, s’il me dirait qu’il était heureux, quand je le heurtai soudain. Il avait reculé au moment ou j’allais le serrer dans mes bras. Il m’avait fait mal à la poitrine. Je posai ma main dessus lorsqu’il lâcha un grognement hargneux.
« Fais attention conasse ! »
Il m’avait fait mal à la poitrine. Ma main se crispa. Il releva vers moi un visage avec un sourire goguenard qui s’effaça vite. Il m’avait vue. Je n’avais pas du trop changer alors.
Nous nous évitâmes je ne sais combien de temps. Ou plutôt il m’évitait. Ou plutôt il m’ignorait. Il n’en avait rien à faire de moi. J’essayai de lui sourire quand je le voyais, au collège, dans la rue, devant l’épicerie. Mais rien. Ou plutôt si. Un regard inconnu, un regard qui n’était pas à Svan. Il n’était jamais seul, sauf la fois ou on se parla pour de vrai. Mais je ne sais pas si j’ai vraiment retrouvé Svan. Et j’ignore s’il a retrouvé Renata. Je m’adossai contre le même mur que lui, à un mètre, les mains dans mon dos. Il attendait ses amis, ceux avec qui je l’avait vu ce soir là, ceux avec qui je l’avait vu l’autre fois, trois garçons et une fille. Il ne rechigna pas face à ma présence. Je baissais ma tête, les joue rouges.
« Salut, Svan… dis-je timidement.
- Salut, répondit-il. »
Je n’osai pas le regarder, mais je crois que lui non plus . Mais en même temps je ne pouvais pas le savoir. Il sortit une cigarette, la fumée me chatouilla les narines. Le silence faisait mal. Il fallait que je lui parle avant que ses amis n’arrivent, mais je crois que j’étais terrifiée. Je crois que j’avais très peur, sinon mes jambes n’auraient pas tremblées comme ça. J’avais la terrible impression que je me faisais des illusions. Je tournai mes yeux vers lui et croisai les siens. Je sursautai et balança maladroitement.
« Tu as changé, je trouve. Enfin, je veux dire, tu as changé, Svan ? »
Je n’aurai jamais du vouloir et venir lui parler. Je plissai les yeux comme pour me recroqueviller.
« Oui, j’ai changé Renata. »
Ca tomba net comme une averse. Et d’invisibles doigts glacés caressèrent mon dos. J’eus l’élan d’un regret, soudain. Le regret d’avoir voulu lui retrouver, l’envie de fuir, ce qui aurait évité l’affrontement. Mes yeux se plissèrent plus fort. Je ne voulais pas qu’il vienne en face de moi, qu’il me regarde, qu’il insiste, qu’il me parle durement, qu’il me dise la vérité, comme il m’a toujours dit la vérité, et surtout pas cette vérité. Je ne voulais pas parce que je savais qu’il allait le faire.
« J’ai changé Renata, m’informa-t-il. Il y avait de la colère cachée derrière son ton conventionnel. Je ne suis plus celui à qui répondra à tes questions. Il marqua une pause, et repris plus violemment, ce qui me fit ouvrir les yeux. A moins que je ne réponde à ta dernière question ? »
Il ne me fit même pas un sourire narquois comme je m’y attendais. Il y avait aussi de la colère dans ses yeux, en plus que dans ses mots. Je secouai violemment la tête.
« Pose-la. - Non. - Allez. - Non. - Dis-la. - Pourquoi ? - Pourquoi quoi ? - Pourquoi tu as changé ? - A cause de toi. »
Mes mains commencèrent à trembler. Il s’écarta. Mes yeux restèrent fixés sur le goudron. J’étais sûre d’avoir peur. J’étais sûre que j’étais dans une mauvaise situation. J’étais sûre d’avoir mal et j’étais sûre d’une chose.
« Ce n’est pas vrai. - Parle plus fort. - Ce n’est pas vrai, j’ai dit. »
Il me vrilla du regard. J’eus envie de me mordre les doigts. La panique grimpait.
« Vraiment ? lança-t-il en récupérant un ton moqueur. Sais-tu que lorsqu’on laisse quelqu’un seul il doit se débrouiller par lui-même ? Surtout quand c’est un ami. »
Mes yeux bougeaient n’importe où pour l’éviter. Il prenait beaucoup de pauses pour ne pas être trop en colère, je crois.
« Tu ne m’as même pas dit que tu partais. »
Une autre.
« J’ai du trouver des gens mieux que toi. »
Encore.
« Putain ! Tu ne t’en veux même pas Renata ?! »
Il criait de nouveau, très fort, et je me courbai davantage, cachant ma tête dans mes mains. La panique gagna. Je criai aussi.
« C’est de ta faute Svan ! C’est toi qui as décidé si tu allais avec eux ou pas ! Et puis. Même ! C’est toi qui a décidé de changer ! Tu m’as. Toujours dit. Qu’on était responsable de. De tout. »
J’osai entrouvrir mes paupières humides. Son visage pâle se décomposait. Je repris de l’élan.
« Tu m’as dit que si j’étais triste c’était de ma faute. Alors si tu es- - Et toi c’est donc de ta faute si tu es partie. Et si tu es revenue aussi. - Non ! l’interrompis-je soudain. »
Impossible. J’avais du mal à tenir debout. Ma voix dérailla.
« Ce n’est pas ma faute. Ce n’est pas ma faute. »
Non, je n’ai rien fait moi.
« Ce n’est pas ma faute si il n’y avait plus personne, ce n’est pas ma faute s’il n’y avait plus que Mamie, ce n’est pas ma faute si elle est morte aussi, ce n’est pas ma faute si j’ai du revenir. »
J’ai juste attendu.
« C’est eux tous ! »
Pas moi. Je ne voulais pas pleurer. Une pause encore. Mon souffle se regonfle, malgré la gorge étranglée.
« Et moi alors ? murmura-t-il dans un souffle brisé. »
Je suis désolée.
« Pardonne-moi… »
Il redressa la tête. Je crois qu’il espérait. Une voix très basse, avec des yeux plus bas encore, pour le fuir au plus loin jusqu'à le perdre, dit :
« Mais ce n’est pas ma faute si je t’ai oublié, Svan... »
Il a rebaissé sa tête et ses cheveux de pailles sont venus couvrir ses yeux sombres. Il n’a plus rien dit et s’est préparé à partir. Quand à moi, face à mes yeux horrifiés, mes mains se sont plaquées sur ma tête et des gouttes lourdes ont jaillit de mes yeux. Mon corps s’est recroquevillé sur lui-même et a commencé un balancement régulier, tout près du sol. Mon souffle s’est haché et je n’ai plus pu parler, moi non plus. Je savais qu’il me regardait, et je m’efforçai de conserver le peu de lucidité qu’il me restait. Il finit par partir. Et quand mes membres m’auront rendu le contrôle de mon corps, j’irai chercher dans cette boite des cachets blancs.
Un homme vint me parler pour recruter mon cerveau dans son orphelinat quand mon oncle Horst mourut d’un cancer fulgurant, je ne sais combien de mois après cette discussion. Je ne revis plus Svan, je ne lui dis pas au revoir, mais j’ignore si je l’ai oublié. Je sais juste que nous étions deux enfants trop immatures qui se rejetaient sans cesse la responsabilité comme une balle. Quitte à tout détruire à chaque passage. Même nous. Jusqu'à la haine. Mais vous savez, ce n’est pas ma faute si tout s’est finit.
HRP.
SURNOM(S) : Pleasance, Sam. DATE DE NAISSANCE : 28/ 05/ 1950 ÂGE : Calcule ♥. SEXE : ❒ M ✔ F AVATAR : Pour l’instant, une blonde. Après, Nill de DOGS. DÉCOUVERTE DU FORUM : Moi connaitre la Wammy depuis ma naissance (un bout de temps). Mais il fut en pause. Mais il ne le fut plus. Donc je m’inscrit via Aisling, ou plutôt Miruru. NOTE SUR 20 DU FORUM : C’est pas bieeen de noter ! Je dirai qu’il est agréable pour les yeux et très bien organisé ♥.
Dernière édition par Caffeine le Mer 16 Mar - 20:18, édité 4 fois
Sujet: Re: Caffeine. With two sugars. Mer 23 Fév - 23:33
Bonsoir ! :3
La fiche avance-t-elle ? Ce serait dommage que non, il reste si peu à faire.. 8D
Invité
Sujet: Re: Caffeine. With two sugars. Jeu 24 Fév - 17:51
Non non non la fiche n'est pas en pause, j'y pense chaque jour mais aaaargh, impossible de pondre quelque chose comme je le veux ;;. Tout ça pour dire que. Je fais au plus vite promis ;;;. (et je blague pas, j'y pense chaque jour xD)
End > Ouiii Niiill/sort
Dernière édition par Caffeine le Jeu 24 Fév - 21:53, édité 1 fois