«Les déclarations les plus belles ne figurent pas dans les manuels.» Benabar.
« Il vaudrait mieux que tu t'en ailles maintenant.»
C’était sur ces mots qu’il avait réussi à tout gâcher. A gâcher ce moment que Sho avait aimé, qu’il avait savouré. Parce qu’il était attiré d’une force inexorable par cet être, en face de lui. Cet être qui paraissait souillé. Souillé de quoi ? De qui ? Shadow ne l’aurait jamais su. Il aurait tant voulu savoir, connaître tout de ce garçon. Promise, qu’il s’appelait. Et il représentait la promesse. Oui, il lui promettait, à la seconde ou il avait voulu l’abandonner, que Shadow le retrouverait. Quelque soit le prix à payer, il le retrouverait, afin de l’aider, afin de savourer encore un peu ces instants. C’était totalement paradoxal. Complètement idiot. Absolument con. Vouloir voir quelqu’un qu’on ne connaissait pas, vouloir le sentir. Mais ne pas supporter cette compagnie. Souffrance inutile du corps et de l’esprit. Dans tout les cas, il aurait mal. Mais mal de quoi, merde ? Il se l’était dit, se l’était promis. Oui, une promesse à lui-même… promesse. Promise. Il ne pouvait plus ressentir de sentiments, il ne pouvait plus s’attacher, ni comprendre d’où venait ce réchauffement, au creux de sa poitrine, qui s’emballait. Il ne comprenait plus. Carrément plus. Alors, après ces mots, après cette intonation que Promise avait prise, mélange amer de tristesse enfantine et décevante. Non, surement pas. Mais Sho ne comprenait plus le garçon, à vrai dire, il ne l’avait jamais compris. Pourquoi avait-il tant attendu de l’entendre, lui et sa voix, cette voix qui paraissait tant envouter le garçon aux cheveux rouges ? Pour ensuite le jeter, le chasser, sans l’avoir laisser rentrer dans son monde, après lui avoir fermé les portes de ses sentiments, qu’il ne voulait surement pas dévoiler. Aucune confiance, logique. La nuance était qu’à présent, Shadow, contre toute attente, aurait pu crier. Il aurait pu crier, lui dire son nom, lui raconter sa vie, le garder ici, près de lui. Il aurait pu surmonter ces peurs, dépasser l’habitude qu’il avait prise. Ces petites manières inutiles dans des circonstances comme celles-ci. Alors, ce qu’il avait trouvé à faire, c’était de ne pas bouger. De rester immobile, ignorant l’ordre qu’on lui avait donné ; et puis, pourquoi aurait-il écouté, pourquoi aurait-il suivi des instructions, alors qu’il ne l’avait jamais fait ? Ce garçon était naïf… c’était ce qui faisait son charme. Mais, il cachait quelque chose. Il cachait des parcelles de son existence, qu’elle ai été passée ou présente. Il cachait à tous, surement, sa vie. Pourquoi l’aurait-il dévoilée. Il était sage et réfléchi. Son charme…
Alors, il s’était rapproché, avait posé ces mains délicates sur le poignet abimé de Sho. Sur ce poignet impropre et souillé. Qu’avait-il fait avec ses mains ? A lui-même, et aux autres ? Il valait mieux ne pas le savoir. Envies de nausée assurées. Sa main, délicate et fine, douce et pure. Blanche, rouge, à quoi bon voir de quoi était-elle composée, mais elle s’était glissée sur la peau de Shadow, comme une ombre, un songe. Un contact entre qui, entre quoi ? Entre un ange et le diable. Relation impossible, c’était fatal. L’ange ne pouvait, et ne pourrait jamais s’unir avec le diable. Pacte d’un pêché eternel auquel Shadow ne pourrait jamais luter, qu’il ne pourrait jamais contourner, ni connaitre. Fatalité de la vie. Et puis, cette apparition. Shadow n’avait presque pas senti la douleur. Simple tâche rougeâtre sur sa peau, l’ange punissant le diable, peut-être. Une petite goute de sang, puis il était parti. Simplement. Laissant Shadow seul, près de cet arbre.
Cet arbre qu’il n’oublierait surement jamais.
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Ce fut quelque instant plus tard que Shadow reprit ses esprits. Il regarda le soleil qui se couchait maintenant, au fond du bois, ces couleurs mélangées, ocres, rouge, se mêlant au bleu de la nuit et la lune, qui pointait le bout de son nez. Il marcha, seul, vers l’orphelinat. Tête vide, presque inhumaine. Il ne pensait à rien, plus à rien. Shadow, ou l’ombre vagabonde intelligente qui ne pouvait plus réfléchir. Tel un fantôme, une âme baladeuse, il rentra à l’intérieur de l’orphelinat. Les orphelins, tous agglutinés dans la salle commune. Certains jouant, d’autres seuls. Tristesse de leur visage, un devoir qu’ils n’avaient pas réussi, ou bien… une histoire d’amour qui s’était peut-être mal finie. Alors, doucement, légèrement, il monta les escaliers ; tête baissée, regard baissé, comme soumis par ce qui venait de lui arriver. Son idée première était d’aller se coucher, de dormir, de ne pas rêver, surtout pas. D’oublier même son nom. Le ciel n’en voulu pas ainsi.
Ces pieds, trainant, ces pas, saccadés, son souffle, coupé, il continua son chemin. Couloir sombre, odeurs se confondant, tant on pouvait sentir l’excitation de couples d’un soir ou de plus longtemps, le plaisir de boire ou de fumer, sensations confondues, sans distinctions aucune. Soudain, telle l’éruption d’un volcan, une odeur se dégagea. Plutôt une sensation, sensation exquise, savoureux dosage d’homme et d’enfant, le tout à la fois, l’avènement d’un besoin de s’occuper de quelqu’un. Shadow s’approcha, la porte était entr’ouverte ; il n’avait jamais remarqué auparavant cette chambre. Il n’avait jamais rien remarqué de toute sa vie à l’orphelinat, de toute façon. A partir d’aujourd’hui, il connaissait un orphelins de plus. Pas que ca le gênait, pas que ca le blessait, un simple affinement de sa pensée. S’ouvrir aux autres… Jamais il n’aurait pu y penser… avant. Il s’approcha de la porte, observant discrètement à travers le mince espace que laissait cette ouverture, et le vis. Non, ce n’était pas un rêve, ni un songe. Ce n’était pas un cauchemar, ni le pêché qui s’abattait sur lui. Ce n’était qu’un être réel, vivant. Un être qu’il n’oublierait pas de sitôt. Il sentit ces muscles se tendre, son souffle saccadé et son cœur battant la chamade. Il sentait cette chose qu’il n’avait pas vécu depuis bien longtemps, cette sensation exquise d’avoir pu retrouver une proie. Ce besoin naturel qu’il avait, mais qui ne se traduisait pas de la même façon… avec les autres. Les autres. Mais Promise n’était pas les autres. Promise était ce pêle-mêle savoureux de beauté, d’attirance et de rejet que pouvait procurer un homme. Il était à la fois la vision d’un ange, et l’odeur du démon.
Il frappa. Doucement, trois coups.
Il rentra sa tête à l’intérieur de la pièce, et annonça, gentiment, sagement, tristement, aussi.
- Promise ? Je… c’est moi. Je veux dire, c’est Shadow. Je voulais savoir comment tu allais ?
Non, il ne voulait pas lui avouer que le sublime râteau qu’il avait fait subir à Shadow l’avait marqué. Sho ne voulais pas s’extérioriser. Ne pas lui montrer le fond de son âme, ne pas lui expliquer la vraie raison de sa venue.
Je t’ai retrouvé. Maintenant, reste. Pour de bon.
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Sujet: Re: "Les déclarations les plus belles ne figurent pas dans les manuels." ~ PV Promise. Jeu 4 Fév - 23:14
Le plancher se fond en échardes. Les murs rétrécissent en volutes vaporeux dans l'ambiance nerveuse du couloir. L'air passe près de ses pommettes avec la fulgurance d'un ouragan fictif, une bourrasque glacée, qui s'évanouit dans l'angoisse. Des ombres invisibles passent dans un froissement de silence. Elles volent au-dessus du temps, au-dessus des fissures, contre les fenêtres gonflantes de vent, contre les formes mouvantes de leur espèce. Visqueuse, inconnue, inquiétante. Il avance dans leur masse méfiante et agressive. Un coup d'épaule, un éclat exaspéré se frottant à une indifférence affolée, un réflexe inconscient, un soudain volte-face. Les parois rétrécissent. Elles touchent son corps. Elles le broient, une omoplate vole dans le lointain. Réalité. Fantasme. Enfermé dans la folie, dans la panique ; il doit courir avant l'engloutissement dans les nappes de brouillard qui se rapprochent entre elles, l'attirant en leur sein noir et vermoulu, empestant la colle et la gangrène, le lait tourné et la pourriture. Il doit se mettre en sécurité avant que la brume ne l'engloutisse. La porte. Elle se cache. Elle refuse d'être découverte. La rainure s'efface dans le bois, se fond dans le papier, elle est gluante, elle est sournoise, elle rit. Et son rire se répercute sous le plafond comme le ferait un glissement sous une voûte de cathédrale. Elle est glaciale. Elle mord dans un ronflement dominateur la peau de ceux qui cherchent à pénétrer ses obscurs secrets. Elle est usurpatrice. Elle griffe ses opposants, s'accrochant à leurs empreintes comme elle violerait leur vie. Elle résiste avec la force des dissimulateurs. Elle est faible. Elle est fragile. Elle s'ouvre sous ses répétitions d'assauts, sous ses ébauches de poussée.
Hänsel resta un instant devant la porte qui s'ouvrait devant lui. Une respiration battit dans la chambre ouverte. Il imaginait avec aisance sa nuit converger en un point agité, un tourbillon de sens réunis en son centre, lugubre et déconcertant. Une seconde après, il s'était rué dans la pièce, balançant avec violence le panneau de bois derrière son dos, croyant à tort qu'il se refermerait sur lui-même, le protégeant des intrusions, des spectres qui hantaient au-dehors et menaçaient d'entrer. Avec des gestes frénétiques, il lança au hasard son livre et le mp3 qui vinrent buter contre le bureau, rasant sa surface et propulsant à terre un stylo qui errait là, innocent et oublié. Tournoyant au centre de sa chambre, perdu, il sentit qu'il était enfermé. Des silhouettes approchaient en cercle, dansant une ronde fantasmagorique qui vint se resserrer autour de ses hanches, descendant au sol, évoluant sur les meubles, se décalquant sur son esprit telles des ombres chinoises sur du papier de riz. Il essaya de les éviter, abandonna, les traversa et sentit leur fraicheur liquide, gluante, pénétrer à l'intérieur de sa chair avec dextérité, pendant qu'elles pouffaient dans leurs mains d'une transparence fiévreuse. S'accrochant à la fenêtre, il batailla avec elle pendant des secondes qui lui parurent des minutes, ou des minutes qui lui parurent des heures. Enfin, elle céda, laissant passage à la dimension du parc, qui, sinon exempt de peur, était dépouillé de danger réel, exilée comme elle l'était de l'autre coté. La voix de Shadow se répercutait en un murmure dans sa chambre, dans sa tête, dans son ventre. Ses échos déformés lui parvenaient dans un souffle tentateur, lui indiquant de reprendre le chemin qu'il venait d'achever en sens inverse. Il toucha le scalpel argenté en une brève caresse, et une sensation acerbe comme un courant électrique secoua son doigt, qu'il écarta vivement de la source du choc. Il ressentit dans un rêve nébuleux la douceur liturgique du sang de l'autre sur sa peau, communiant d'une eau écarlate et coupable, se repaissant de lambeaux arrachés à des stigmates édulcorés, tremblant d'une douleur vivace. Il prit sous le sienne la bouche aiguë et métallique, remuant faiblement dans un paradis de senteurs rouges. Il croqua dans la chair de violence qui se dérobait sous lui, et il aimait cela. Il aimait tirer sur les mèches ensanglantés, ramenées en paquets rigides, tendus par l'écoulement séché du fruit inconsistant. Il anticipait sur lui-même, se voyant les démêler avec la tendresse du bourreau penché sur sa victime, avec l'amour d'un amant dominateur et violent. Il s'entendait glousser dans une chaleur étouffante, saturée de l'odeur du poison et de la suie. Il étendit les bras en croyant se noyer dans les inflexions enchanteresses de la voix de l'autre, qui s'éteignaient et se rehaussaient continuellement, formant un chant constant de perles assemblées une à une comme de l'orfèvrerie précieuse. Quelle chance de profiter de pareille merveille, quelle chance d'avoir trouvé un délice qui se pliât à ses désirs les plus marqués, quelle chance, vraiment. Il eut l'impression de contempler, dans une reconstitution audio, le corps désarticulé et magnifique de la marionnette à la voix de dieu.
Toujours accroché au pendant de la fenêtre, il sursauta violemment lorsqu'un oiseau qu'il ne parvint pas à identifier se posa sur le rebord dans un cliquetis de pattes, agitant ses ailes avec un bourdonnement étouffé avant de repartir aussi vite qu'il était venu, effrayé par la réaction de la forme près de son perchoir. Promise resta immobile, se tenant droit, debout, le dos et les cuisses raidis, comme en attente. Sa main droite enserrait son bras gauche qu'il frottait lentement, offrant à un éventuel spectateur la représentation d'un personnage pataud et ahuri, à la chevelure tombant en désordre sur les épaules et le cou. Soudainement, il commença à trembler de tous ses membres, le corps agité de spasmes convulsifs, et il s'accroupit, le visage enfoui dans ses genoux, ses coudes serrés contre ses jambes, ses mains enserrant sa tête. Il bascula sur le coté, sa tempe et son coté gauche heurtant le tapis. Il pensa vaguement qu'à partir de cette information, il pourrait se repérer. Mais cette pensée fut immédiatement engloutie par le flot de la peur montante qui vrillait son crâne. Brouhaha fugitif. Rancune. Angoisse. Violence. Se mêlaient ainsi autant d'émotions bouillonnantes qui menaçaient d'émerger, formant alors une réaction improbable et agressive. Hagard, inexpressif, ses yeux écarquillés fixaient un des pieds de la chaise, qu'il ne pouvait voir. Ce faisant, il tournait entre son pouce et son majeur une des fibres du tapis, l'arrachant presque de l'objet. Elle céda. Il en prit une autre et recommença le même manège. Sa respiration s'accélérait en même temps que le flot augmentait à l'intérieur de sa tête. Dans des éclairs fugitifs, il apercevait tout ce qu'il voulait éviter, et tout ce qui était pour lui attirant. Il ne voyait pas avec ses yeux. Il voyait avec ses mains, il voyait avec sa bouche, il voyait par l'entremise de ce bout de fer coupant qu'il croyait par moments tenir entre ses doigts, découpant avec plaisir et dépouillant avec patience. Enfin, la voix de Shadow s'éteignit dans le lointain, et ce qui avait été vérité pendant un moment fut relégué au rang du mirage. Petit à petit, frissonnant encore de peur et de volupté, il desserra l'emprise qu'il avait gardé autour de ses tempes, libéra le fin cordon qu'il avait inconsciemment lacéré et redressa légèrement son cou avant de s'assoir, une jambe repliée sous le menton. Appuyé en arrière sur ses paumes, il prit le temps de revenir entièrement, pendant qu'il chassait les derniers relents de sa crise, les rangeant dans un tiroir de son être d'où, Promise le savait, ils rejailliraient à la première occasion venue, trop vivaces pour être endigués. Dans son langage tactile d'aveugle, il replaça chaque meuble à la place qu'ils devaient occuper autour de lui, et sut où était chaque chose. Alors il se releva et se dirigea vers le bureau, où normalement l'attendaient les affaires qu'il avait lâchées en arrivant. En effet, il y ramassa le mp3 qu'il rangea sur la table de chevet, prêt à l'usage, et emporta le livre qu'il voulait placer avec les autres, sur une étagère. S'approchant d'elle, il toucha le dos des livres qui s'y trouvaient alignés, appréciant le toucher des couvertures rêches contre sa peau, et l'émotion calme qu'il en tirait. Quelques minuscules bribes de carton se détachaient sur sa pression. Il était bien. Tranquille malgré son corps agité périodiquement de brefs tremblements. Il lui suffirait d'éviter ce garçon jusqu'à ce qu'il ait réussi à surmonter ses éclats. C'était mieux.
Et alors qu'il se faisait cette réflexion, il l'entendit retentir derrière lui, comme si une quelconque entité supérieure, s'ennuyant et désirant se divertir, cherchait à le narguer. Il serra ses lèvres qui ne formèrent plus qu'une mince ligne blanche. Il comprima le livre qu'il n'avait pas pu remettre à sa place, s'humecta les lèvres et mordit son ongle, irrité et paniqué. Bon Dieu, quel idiot. Il entreprit de monter et descendre son talon à un rythme régulier, tandis que l'affolement qu'il tentait de refouler se manifestait à grandes bouffées montant de son cou jusqu'à son cerveau. Shadow était tenace. Ou alors il n'avait rien compris. Ou alors Perle n'avait pas été assez catégorique avec lui. A toute vitesse, Promise passa en revue ce qu'il avait fait, ce qu'il n'avait pas fait et ce qu'il aurait pu faire pour que la situation... ne soit pas la situation actuelle, tout simplement. Hésitant sur l'attitude à arborer, il se retourna finalement vers Shadow, lui offrant ce qu'il pensait plus ou moins être son visage de trois-quart. Plus ou moins. Occupé à contenir l'agitation que lui causait la soudaine réapparition de l'adolescent, il n'avait pas localisé sa position avec certitude. Il avala sa salive.
« Ça va très bien. Je préférerai juste... être seul, si ça ne te dérange pas. »
Maintenant, fais ce que je te dis. Promise remit en place la masse de cheveux rouges qui tombaient devant ses yeux, décalant une mèche qui venait pendre sur sa bouche. Elle avait l'aigreur du sang.
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Sujet: Re: "Les déclarations les plus belles ne figurent pas dans les manuels." ~ PV Promise. Sam 13 Mar - 11:21
[Bonne chance pour arriver à avoir de l'inspiration après... ca. Je ferais mieux la prochaine fois, je t'assuuuuures ToT]
« Ça va très bien. Je préférerai juste... être seul, si ça ne te dérange pas. »
Sho baissa les yeux vers le sol, vers cette écharde dans le parquet, ici, à quelques centimètres de lui. Un moment, la sensation de marcher dessus lui prit, comme un désir. Il aurait voulu, un instant, sentir la pointe douloureuse s’enfoncer dans ses chairs, il aurait voulu voir perler sur son pied quelques gouttes de sang. Il aurait tout simplement voulu oublier se mal qui le rongeait de l’intérieur, qui le détruisait à petit feu ; Il voulait que Promise le regarde, qu’il s’intéresse à lui. Au point de souffrir. Mais il voulait. Ce regard perdu se perdit sur la pièce. Une étagère prenait place sur le côté, un lit, au fond. Et sur ce lit, l’objet de ses convoitises. Assit, cheveux emmêlés et à la saveur de sang. A la saveur de la souffrance, aussi. Des ombres voletaient au dessus d’eux, des fantômes surgissant de nulle part. Il fallait bien l’admettre, cet endroit était très angoissant. S’il l’avait pu, Shadow serait même part en courant depuis bien longtemps. Mais il ne pouvait pas. Son âme restait accrochée à l’endroit, ses pieds collés au pallier. Mais extérieurement, il aurait pu crever pour partir très loin d’ici et repartir dans sa chambre qui paraissait bien plus accueillante. Il remarqua par la même occasion que Promise était seul, dans cette chambre. Pourtant, il y avait bien eu son nom unique écrit sur la porte, mais Sho ne s’était pas rendu compte de cela. Pourquoi ? Pourquoi était-il seul, dans cet endroit effrayant et inquiétant, dans lequel on pouvait s’imaginer bien plus qu’un simple passé d’élève à la wammy’s house. La peur, la peur. Cette putain de peur l’empêcha une nouvelle fois de bouger. Il put attraper dans la poche de sa veste son paquet de cigarette, et, après avoir demandé timidement « Je peux ? », sans vraiment attendre de réponse, il l’alluma. La première bouffée s’échappa par l’extérieur. Visiblement, même les choses immatérielle et non-vivante sentaient que ce théâtre des angoisses devant lequel ils se trouvaient était loin d’être la source de leur sécurité.
Sho n’osa pas rentrer. Bloquer sur ce palier, il ne pouvait ni partir, ni rester. Il était pris entre sa panique de changement. Il ne voulait pas faire de mal à l’adolescent aux cheveux rouge. Mais il ne voulait pas l’écouter. Putain, qu’il comprenne. Que Shadow n’ai pas à parler. Qu’il n’ait pas à s’exprimer sur ce genre de choses, tellement compliquées à dire. Tellement compliquées à mettre en place, à écrire et à jouer. Tellement de temps pendant lequel Sho n’avait éprouvé qu’ignorance ou attachement amical. C’était impossible. Impossible de parler. Impossible même de baragouiner quelque chose comme à son habitude. Blocage, qu’on appellait ça. Blocage à cause de quoi, à cause de qui ?
A cause de lui.
Ce lui qui lui bouffait l’esprit, qui le consumait à petit feu, qui le faisait bouillir dans un chaudron de sorcière. Ce lui qui pouvait tant de bien, mais beaucoup de mal. Promise. Promets-moi que tu ne me tueras pas, au moins. Sho avait déduit machinalement que le garçon pourrait aller très loin. L’entaille dans sa chair en était le principal argument. Il devait l’écouter. Il ne devait pas s’amuser à le provoquer. Pas lui. Pas maintenant.
- Heu… D’accord.
Blanc.
Non non, il ne pouvait pas bouger d’un seul centimètre. Il fallait s’y attendre. Le regard qu’il adressa à Promise ne fut pas qu’une simple excuse. C’était juste le regard de celui qui s’acharne mais que ne veut pour rien au monde se faire découper le poignet. C’était celui qui disait « Excuse-moi… Mais je te jure que je voudrais bien. Je ne peux pas. C’est impossible. ». C’était celui qui signait son arrêt de mort. Celui qui lui ferait perdre toute dignité. Celui qui montrait bien « Je dis quelque chose, ne t’en fait pas. Mais je ne m’écoute pas. », et qui, dans un sens, montrait bien que Shadow n’en faisait qu’à sa tête. Celui que Promise ne pouvait pas voir. Sa main tremblante, sa cigarette se consumant doucement, presque changée totalement en cendre, il donna un petit coup de doigt sur le papier, et fit tomber les cendres de sa drogue. Ces cendres qui pourraient bien être lui, d’ici peu. Il emporterait aux enfers celle qui l’avait accompagné dans la douleur d’une fin de vie instable et incompréhensible. Elle serait bien la seule au monde à l’avoir soutenue jusqu’au bout.
Malgré cette peur de l’adolescent aveugle, il ne pouvait toujours pas en détacher son regard. Il restait obnubilé par cette forme si attirante, si enivrante. Il restait scotché à sa beauté, à ses courbes délicates. Au creux de ses hanches. Aux lignes graciles qui le composaient. Savait-il qu’il était si beau ? Savait-il qu’il était absolument dévisagé par Shadow ? Se doutait-il de ce qui se passerait ensuite ?
Shadow jetta dehors la cigarette, enleva sa casquette. Et il fit un pas. A l’intérieur de la pièce.
- Désolé, Promise...
C’était le ton qu’il employait pour dire « ce n’est pas moi ». C’était celui d’un adolescent qui avait besoin de connaître l’odeur du risque.
Oui, Shadow, à tes risques et périls.
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Sujet: Re: "Les déclarations les plus belles ne figurent pas dans les manuels." ~ PV Promise.
"Les déclarations les plus belles ne figurent pas dans les manuels." ~ PV Promise.