Sujet: Il est fou, le strident de l'ignorance. Mer 30 Déc - 1:54
┌ Dans un recoin de la salle de musique, 2004 └ Lust : 12ans | Phlegmat : 14ans ------------------------------------
Ça résonnait encore et encore dans sa petite tête. Comme si, quelque part, inconsciemment, il cherchait à se faire du mal, il aimait cette sensation, comme si tout cela n'était que le fruit de son esprit sadique, torturé, violent. Déjà 7 ans qu'il était là, déjà 7 ans, c'est fou comme les années passent vite, c'est fou comme rien de change. Un seul mot, il aura suffi d'un seul mot, une ridicule politesse, pour le rendre malade, le faire fuir, lui faire oublier son calme, laisser la place à l'autre lui qui était bloqué à l'intérieur, le mauvais Phineas, celui qui vivait dans le passé, celui qui se souvenait. Le passé, comme une dogue, l'envahissait. Que faire quand vous n'avez plus le contrôle? Phlegmat avait couru jusqu'à une sale, isolée, une sale vide, où le silence prenait peu à peu le dessus sur son être, sur celui qu'il était. Recroquevillé sur lui-même, il devenait le fantôme de son corps, maintenant, il n'était plus lui-même. Les yeux fermés, les genoux joints à un point tel que sa peau le faisait souffrir, il avait le souffle haletant, le son revenait à ses oreilles comme un couteau planté bien plus loin que le coeur, proche de l'âme, entre réalité, passé et présent. S'enfuir. Il fallait qu'il s'enfuie, il fallait qu'il s'échappe de lui-même, qu'il arrête ce bruit qui martelait son cerveau. Il devenait fou, il n'en pouvait plus, le même refrain, jour après jour, comment l'affronter ? Comment se mesurer à soi-même ?
Trop tard.
Il était dans une pièce, il tournait en rond. « Où suis-je ? », la phrase résonnait dans sa tête, mais aucun souffle ne sortit de ses lèvres. Il était perdu. À quelques pas, il vit un piano trôner la pièce, il s'en approcha avec curiosité. N'était-il jamais passé dans cette pièce ? Les murs lui rappelaient quelque chose, le piano ; le piano et son son lui rappelaient quelque chose. « Ce son-là. » Phineas toucha une note, prise totalement au hasard... ou peut-être pas. Ses doigts semblaient bouger seuls. Étais-ce ce « lui » à l'intérieur qui prenait le dessus ? Il ne semblait pas sûr de lui, savait-il au moins jouer du piano ? Un flash lui fit fermer les yeux. Il vit un homme, grand blond aux yeux foncés, sortir des sons affreux d'un vieux piano blanc, usé par le temps. Papa ? Une larme lui fit reprendre ses esprits. Ses doigts avaient fini par jouer seuls, une mélodie hideuse, qui résonnait encore dans ses oreilles, l'abasourdissant un peu. Ces absences ponctuelles lui arrivaient assez rarement, mais elles le replongeaient dans son passé, chose qu'il avait particulièrement tendance à ne pas aimer. Et d'où venait toute cette frustration ? Ha oui ! À cause de cette nouvelle.
Une jeune fille, Lust. Voilà deux ans qu'elle était arrivée, elle l'avait intrigué et puis il l'avait environ cerné. Il ne pouvait pas lui en vouloir. Comment pourrait-on savoir qu'une personne sur cette terre ne supporterait pas d'entendre le mot « bonjour » ? C'était absurde, il en convenait.
Il se souvenait d'elle, arrivant timidement, puis rencontrant Mello. Il se souvenait de son caractère amusant, de sa vitalité qui la rapprochait de son premier ami dans l'orphelinat. Se demandant alors si elle aussi, elle pouvait ressentir ce genre de moments, de possession de toi par toi-même. Il savait déjà que Mello, lui, les ressentait et avec le temps, il lui vint le besoin de savoir si les autres aussi, étaient comme lui. Ça lui arrivait, de temps en temps, de vouloir se sentir moins seul, comme s'il n'avait jamais vraiment été abandonné par la vie. Il savait très bien qu'il ne pourrait jamais trouver quelqu'un comme lui, car chaque Homme est différent et, même si leurs âmes se croisent, jamais elles ne seront identiques. Car chacun des orphelins de la Wammy's house cherche une route différente. Voilà ce qu'était la réalité. « Réalité » décidément ce mot ne l'aimait pas, tant mieux cela dit, il ne l'aimait pas non plus. « Comme ça nous sommes quittes. » La phrase n'avait encore fait que résonner dans sa tête. Il savait bien qu'il pouvait la dire, mais quelque chose, quelque part, l'empêchait de transmettre ses pensées à sa bouche. Même sans une once de son, un sourire naquit sur son visage alors qu'il pensait cette phrase. Il appuya sur une touche au hasard en se disant vaguement que le son grésillait un peu, comme pour se faire parler lui-même.
Le son résonnait dans la pièce, gravement, tel un souffle destructeur. Passant légèrement devant le celui que la grande et épaisse porte avait fait en s'ouvrant. C'était elle ! Une petite brune se plantait là au centre de la lumière qui émanait du couloir. Il était déjà tard et la nuit était tombée. Phineas, avant cette irruption solaire, n'avait pas remarqué qu'il était totalement plongé dans le noir. Pourtant, il aurait suffi qu'il allume la lumière en rentrant, comme l'aurait fait n'importe qui. Plissant les yeux, il avait reconnu cette petite frimousse de 12 ans : Lust.
Avait-elle vu qu'il était parti en courant et était-elle là pour s'excuser ? Phlegmat en douta, mais il n'ignorait jamais une hypothèse. Il y avait tout de même de fortes chances pour que tout cela ne fusse qu'une coïncidence ? Après tout, combien d'heures s'étaient-elles écoulées entre son départ précipité de la salle de jeux et ce moment précis ? Peut-être s'était-elle perdue en essayant de le rattraper ? Il ne pouvait pas en être sûr, alors il ne s'approcha pas. Espérant simplement qu'elle allumerait la lumière.
« S'il-te-plait, allume la lumière ! » Il ne pouvait que bouger les lèvres de façon compréhensible, mais d'aussi loin, dans le noir, s'était peine perdue, d'ailleurs c'était la raison pour laquelle il l'avait fait. Faire ce genre de choses aurait pu rapidement devenir problématique, devant ces élèves qui comprendraient rapidement qu'il n'était pas réellement muet et qui le forceraient sûrement à parler, mais parfois il aimait bien se montrer à lui-même que, de temps en temps, il cherchait à se faire comprendre, même s'il lui paraissait clair que cela n'avait aucune importance.
Invité
Sujet: Re: Il est fou, le strident de l'ignorance. Dim 10 Jan - 22:59
Il se passait bien des choses incompréhensible à la Wammy’s House pour que Lust ait cessé depuis longtemps de se torturer l’esprit à propos des peurs, des vices, des pensées sibyllines des orphelins écrasés par le poids de leur intelligence et de leur solitude. La brunette avait compris depuis quelques années que tous ces enfants n’étaient pas normaux. Qu’ils ne voyaient pas le monde comme elle le voyait, qu’ils vivaient surtout dans leur petite bulle qu’ils s’efforçaient de noircir de leurs âmes déchues. Ou quelque chose dans le genre. Elle n’avait que douze ans, quel intérêt aurait-elle à porter de telles pensées en son cerveau enfantin ?
« Hell…o. » avait-elle prononcée, amicale, à un orphelin. Avant de le voir fuir, sans comprendre. L’hésitation n’était pourtant pas faite exprès, c’était que la danoise maîtrisait bien mal l’anglais et qu’elle butait sur tous les mots, toutes les syllabes, incertaines. Son accent ne pouvait pas être si atroce que ça, tout de même. Elle refusait de croire une pareille chose. Certes, il était marqué de ces sons gutturaux, propres aux danois, certes les mots fourchaient, sa voix fluette n’arrangeait rien, elle pire qu’un dauphin mais… Était-ce une raison pour fuir ce bonjour amical ?
Elle aurait juste voulu faire connaissance, parler, un peu. Apprendre à ne plus être aussi seule et démunie dans cet orphelinat étrange où tout n’était que compétition et égoïsme. On crachait sur les autres de peur de se faire dominer. Lust n’était pas habituée à tant de haine et de rage. Elle, elle n’était qu’une fillette riche, ayant vu sa mère et son père se faire tuer sous ses yeux impuissants. Ayant vu sa petite sœur dépérir sous les coups de reins trop puissant de pédophile… Bien des traumatismes hantaient sa pauvre âme gamine et pourtant, elle prenait sur elle pour sourire encore.
Pourtant, la danoise tentait encore les contacts humains, croyant profondément dans sa tendre naïveté en eux… Et à nouveau, on la fuyait, comme si quelque chose en elle repoussait les autres ? Oh, elle était bien égocentrique, la demoiselle. Bien sûr, que le petit châtain s’était enfui, mais ce n’était certainement pas à cause d’elle. Ou du moins pas directement. Mais elle, comment aurait-elle pu savoir que des mots étaient proscrit du vocabulaire du Chocolate Rangers ? Personne ne l’avait prévenu. Il n’y avait pas de mode d’emploi pour communiquer à la Wammy’s House.
On plaisait ou on ne plaisait pas, voilà tout. On commettait un faux pas ou on s’en sortait d’une admirable pirouette. Mais cet art-là, elle l’apprendrait bien plus tard, malheureusement. Elle avait cherché à rattraper l’adolescent, puis avait laissé tomber. Elle s’était dirigée vers Near, puis Mello, puis avait décidé que sa petite sœur malade méritait plus d’attentions que ces enfants mesquins et méchants qui la détestaient. Parce qu’elle avait la prétention de croire que oui, on la haïssait pour ce qu’elle était, pour sa faiblesse qu’elle cachait derrière des rires et des farces mignonnes. Au fond, personne ne savait vraiment son calvaire. Mais elle aimait à croire qu’elle était assez importante pour se sentir haïe…
Et puis, quand le soir elle eut bordée sa petite Calliste, aujourd’hui décédée, mais à l’époque de l’insouciance, on ne pouvait savoir qu’elle allait perdre sa tendre sœur, la leadeur de Seven Deadly Sins décida de se vider la tête. Pas grand-chose, un verre de coca, un bisou tendre sur les lèvres exsangues de sa Nancy, un sourire de cette dernière et quelques notes au violon. C’est pour cela qu’elle se dirigea, sans trop savoir si elle était finalement heureuse ou pas, à la salle de musique.
De part un quelconque tempérament un peu brutal, qu’elle ne maîtrisait pas, elle n’ouvrit pas la porte toute en finesse, comme on lui avait appris en temps que fille de président. Non, ce fut brusque et rapide, faisant claquer le battant contre le mur. La salle était déjà prise, cependant… Mais qu’importe, la salle des violes n’était pas ici, mais un peu en retrait. Elle pourrait jouer sans déranger.
Ou peut-être pas.
Car, lorsque la pré-adolescente alluma la lumière, elle y trouva Phelgmat, stoïque. Il la fixait, et elle, elle se précipita devant lui, les yeux déjà humides d’émotion, ne se contrôlant pas aussi bien que la future elle-même. « Excuse-moi ! Je… J’ai dû faire quelque chose de mal, pour que tu… fuir ? Fuis. Nan, fuis, c’est ça, mais je voulais pas, hein ! Je voulais juste sympathiser. Mais il parait que tu parles pas. C’est pas un problème, ça, si tu parles pas. J’ai su parler avec les… gens muets, parce que ma sœur elle parle… pas beaucoup, tu sais et… »
Lust. Tais-toi. Elle se coupa net. Quelle était abrutie, l’adorable Lucyn, à tenter ainsi de se justifier, de se faire des amis. Elle baissa les yeux et ajouta, plus bas.
« Pardon. J’ai dû te… dé…déranger et ça t’intéresse sû…sûrement pas tout ça, elle eut un rire jaune. Tu sais jouer du piano ? Oh. Mais tu veux … pe-peut-être que je parte ? Au fait, moi c’est Lust. » lâcha-t-elle de sa voix taquine et encore hésitante. Elle afficha un sourire et embrassa sa joue.
Invité
Sujet: Re: Il est fou, le strident de l'ignorance. Ven 29 Jan - 12:05
La lumière, éblouissante, fit reprendre ses esprits à Phlegmat qui, en ouvrant ses yeux petit à petit, finit par apercevoir que la petite Lust s'était téléporté, juste devant lui, comme par miracle. Ses yeux brillaient. Miroitants, ils exprimaient les émotions bousculées, incompréhensibles, que la jeune fille ne parvenait pas à cacher. Peut-être, en fin de compte, n'essayait-elle même pas de les dissimuler.
Des émotions, elle en était farcie. C'était ce qu'il s'était déjà dit, la toute première fois qu'il l'avait aperçue. Tout, chez elle, reflétait une émotion. Ses cheveux cours, relique d'un passé tumultueux, ses gestes introvertis et son regard penaud. Phlegmat l'admirait avec curiosité, comme l'on regarderait pour la première fois un évènement naturel se produire. C'était en fait la première fois depuis bien longtemps, qu'il voyait autant d'émotions d'aussi près, la première fois depuis bien longtemps que ce vent frais soufflait contre sa figure, le vent de l'incompréhension mêlée à des émotions que peut-être jamais il ne pourrait ressentir. Mais il ne se posait pas vraiment de questions, après tout, à 14 ans, il y a des questions que l'on ne se pose pas encore. C'est un âge où l'on préfère se fermer sur soi-même et se concentrer sur sa propre existence et sa probable raison d'être, où chaque parcelle d'évènement nous rappelle vaguement un souvenir qui n'a pas encore eu le temps de s'enfouir profondément dans notre mémoire. C'était un enfant, juste un enfant, malgré tout.
Il faillit poser une main légère sur la joue larmoyante de la jeune fille alors qu'elle baissait les yeux en se coupant elle-même dans son monologue, mais ne le fit pas, jugeant inutile cet acte de compassion. Il serra alors vaguement le point et le reposa sur le petit tabouret du piano à queue, tout en regardant Lust se battre avec son inconscient besoin d'attention.
Toutes ces choses ; toutes ces choses qu'elle parvenait à « dire » lui rappelaient vaguement que oui, effectivement, il ne parlait pas. Ce n'était pas un mal et il en était parfaitement conscient. D'ailleurs, il ne voyait pas particulièrement le bien qu'il y avait dans le fait de « dire » ce que l'on pensait, ou bien même ce que l'on ne pensait pas vraiment. « Inutile ». Les mots, pour lui, n'étaient que suite d'idées sans fin. De vagues discutions avec lui-même qui ne pouvaient que résonner dans sa tête comme des tambours qui joueraient en couple dans une petite pièce insonorisée dont il aurait perdu la clef. Elle lui posait des questions auxquelles elle n'aurait sûrement jamais de réponses, c'était peine perdue. Il posa un doigt sur une touche grave du piano, comme pour lui donner une réplique qu'il ne pouvait pas lui faire parvenir autrement. La douceur des tons bas l'apaisait et pour lui, ce son était comme un accueil chaleureux irréfutable. Flegmatique, il se décala au bout du tabouret et posa une main sur la deuxième partie de l'assise, invitant la jeune fille à rester à ses côtés. Non pas qu'il en ai eu particulièrement envie, mais il pouvait apercevoir, dans les yeux de la jeune enfant hésitante, quelque chose qui l'empêchait de s'enfuir à nouveau, de la laisser seule ici. Peut-être était-ce le fait qu'elle ait légèrement embrassé sa joue, signe conventionnel du début d'une conversation, qui fit qu'il n'osa pas lui manquer de respect en l'ignorant totalement.
Il la regarda en esquissant quelque chose qui pourrait vaguement ressembler à un sourire, si on avait un minimum d'imagination, comme pour dire « Je sais qui tu es, tu n'as aucune raison de te sentir coupable en quoi que ce soit. » Il posa ensuite ses doigts sur le piano. Bien sûr, il savait jouer, comme tout bon enfant anglais digne de son rang social, cela faisait partie des nombreuses choses que son père l'avait forcé à apprendre, mais cette chose là avait la singularité de ne pas vraiment lui déplaire, ce qui, nous l'avoueront, était étonnant.
Castor et Pollux, une tragédie lyrique très connue d'un auteur français longtemps ignoré, Rameau. Il se dit qu'en commençant cette tragédie par un « Fa », Lust pourrait peut-être arriver à comprendre le message qui se cacherait derrière ses notes de musiques. Il se dit que, peut-être, à la fin de son petit spectacle, elle n'applaudirait pas, mais lui dirait quelque chose comme : « Bonjour, Phlegmat ». Il en doutait cela dit. Après tout il aurait fallu qu'elle sache lire à moitié dans les pensées, ce qui était assez absurde en soi, il en convenait, sans s'arrêter. À la fin du premier acte, il entamât le second en « La », ce qui sonnât inexplicablement bien. Enfin, il s'arrêta net sans prendre la peine de jouer le 3°, 4° et 5° acte en enchaînant directement, en « Mi », avec une musique Hindi très connue elle aussi, Mere sapno ki rani. Se disant que, finalement, il y aurait de fortes chances pour que, sur cette petite île, peu de gens ne connaissaient cette musique. Tout ceci était absurde, il en convenait, sans s'arrêter. « En Hindi, le Mi se dit Ga et le Fa se dit Ma, le sais-tu ? », se dit-il en se retournant vers la jeune fille, tout en continuant de jouer. Il s'arrêta brusquement sur un Fa, au milieu de la chanson et repris très doucement en « ut » avec un autre auteur Français, Henri Duparc, dont la seule œuvre pour piano est aussi belle que mélancolique.
Lorsque son doigt vint toucher la dernière note de la ballade, il fit lourd, plein d'espoir et d'amertume, sans qu'aucune de ces émotions ne vint se refléter sur son visage, comme si, tout ce qu'il pouvait ressentir, il ne pouvait le ressentir qu'à travers ce long piano à queue, ne gardant en lui que la frustration du calme inévitable. « Fa, La, Ga, Ma, Ut » se dit-il en souriant légèrement. C'était complètement absurde, il en convenait.
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Il est fou, le strident de l'ignorance.
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