« Comment peut-on être si stupide… ? »

J’ai posé lourdement mon front sur le bureau, un long soupir s’échappant de mes lèvres tenant le petit bout de cigarette bientôt éteint. Mes yeux se plantèrent dans l’écriture noire du rapport d’un comptable de l’orphelinat, en recherche certainement du visage idiot de ce dernier. Non mais c’est vrai, comment peut-on faire une aussi grosse erreur de calcul ?! Même les élèves de la classe bêta sauraient faire ça ! D’ailleurs, ce serait peut-être mieux que ce soient eux qui fassent les comptes de l’orphelinat…Je ne suis pas une flemmasse qui adorerait donner son boulot au premier venu même s’il s’agit d’un garçon de six ans ! Ah mais non, pas du tout…♥.

J’ai tourné lentement la tête vers l’horloge, flippant déjà à l’heure qui allait s’afficher. J’eus raison de m’horrifier d’avance ; une heure du matin et toujours au bureau…Tss. Moriarty, un jour je me vengerais de ton perfectionnisme bien trop…perfectionné. Et je ne vous oublie pas stupides comptables, votre tour viendra ! Fulminant dans mon esprit, j’ai jeté ma énième cigarette dans la corbeille débordante de papiers et d’emballages de gâteaux. Oui, je ne fais pas que manger dans ce bureau ! Mon regard mordoré se replongea dans les calculs se croisant, s’entremêlant, se raturant et que sais-je d’autre encore, pour trouver cette stupide erreur qui est le salaire de nos employés, augmentant de quatre milles dollars nets entre deux mois. Vous êtes d’accord que c’est un peu bizarre quand même ?!

Une main passa dans mes cheveux alors que je revenais à mon horloge. Trente minutes. Je sentais déjà la fatigue revenir et prit ma tasse de café pour laisser mon œil se plonger dans le vide intersidéral de son contenu…Pas de café. J’ouvris mon paquet de cigarettes pour remarquer que la pénurie ne s’arrêtait pas là. Pas de nicotine…Nom de Dieu et je bossais comment moi ?!

« Глупый секретарь который не знает как рассчитывать до двадцати ! »

Un autre soupir retentit dans l’air grisâtre infesté de fumée. J’ai fixé le plafond, croisant mes jambes recouvertes – pour une fois – d’un pantalon noir s’alliant à une chemise blanche simple, à une cravate et un gilet ébène. J’avais opté pour m’habiller « à la garçonne », en fait, je n’avais pas eu trop le choix ; ma femme de ménage étant absente, les affaire se sont accumulées près de la machine à laver, il ne restait plus que cet ensemble dans mon placard…Ce qui était déjà bien. Imaginez moi venir sans rien sur le dos à l’orphelinat...Oui bon, non n’imaginez pas…N’imaginez pas je vous dis !

Le silence régnait dans l’établissement, de ma position je n’entendais que le discret bruit de l’horloge et la légère brise derrière ma fenêtre. A cette heure là, y en a qui devaient pioncer comme des bienheureux…Et la seule à s’évertuer de travailler jusqu’à en crever bien entendu, c’était moi. Au moins, ça montre que je bosse, hihi ♥. Bien que Moriarty aurait encore quelque chose à redire sur ce dossier et m’aurait engueulé ALORS QUE CE N’ETAIT MEME PAS MA FAUTE.

Désolée, je me suis emportée. Optant pour une pause, je me suis demandée où je pourrais trouver des cigarettes et un peu de café, tout en me levant de mon siège pour marcher dans la pièce à moitié jonchée de papiers, de stylos et de débris, me rappelant que je devrais faire du rangement avant de partir, si un jour j’arrive à sortir de ces problèmes de comptabilité…

J’ai pensé aux seuls fumeurs adultes de l’établissement – car je ne suis pas encore assez folle pour m’introduire dans la chambre d’un élève – qui n’étaient autres que Smoke, Crime et Headache. Enfin les seuls…Ceux qui me venaient tout de suite à l’esprit. Un sourire s’afficha sur mes lèvres en pensant à Headache. Haa, ce cher psy, toujours aussi amusant ♥. Je m’imaginais déjà sa réaction lorsqu’il me verrait m’introduire nonchalamment dans ses appartements pour lui piquer son paquet…Hihi ♥. Pourtant, je ne suis toujours pas arrivée à ce point-là de manque de nicotine ou de caféine. Cette idée fut rejetée comme celle de m’introduire chez Crime qui réagirait encore moins bien qu’Headache…Au moins ce dernier, je savais comment m’en sortir pour ne pas me récolter des insanités ♥. Smoke ne laissait jamais de paquets à l’infirmerie, et même si elle le faisait, l’infirmerie devait être fermée à clé. Or, le double se trouvait dans le bureau de Moriarty qui était aussi fermé à clé. Mais c’est quoi cette manie de boucler à double tour chaque fichue pièce ?! Heureusement qu’il me restait la salle privée des enseignants…Peut-être qu’une âme charitable aura oublié quelques cigarettes dans un tiroir ♥.

Je me suis étirée avant d’éteindre la lumière de mon bureau d’un sourire entendeur puis d’ouvrir silencieusement la porte qui se mît quand même à grincer – note à prendre : à faire huiler – pour avancer d’un pas et faire face à…une ombre. Non, ne me prenez pas pour une blonde qui ne sait pas que l’obscurité contient toujours des ombres, merci. Il s’agissait d’une personne vue la corpulence et d’un homme me fichant la trouille de ma vie, m’arrachant ainsi un hoquet de stupeur se transformant en une mauvaise injure italienne. Ma main trouva l’interrupteur pour éclairer mon bureau et laisser voir…Headache ♥. Mon psy préféré ♥. Ce qui ne m’empêcha pas de me demander ce qu’il faisait devant mon bureau, avec à la main une bouteille de…champagne ?! Et surtout à une heure et demi du matin…Cela faisait tout de même longtemps que je ne l’avais pas vu ♥. Oui, une journée, ça fait long…Aucun commentaire, merci ! J’optai pour un masque de mécontentement non feint bien que je sois heureuse d’enfin trouver une autre âme vivante cette nuit, surtout Headache ♥.
Ma voix devenue acide, comblée de mon accent natal retentit dans un chuchotement alors que je le fusillais de mon regard doré :

« T’as pas fini de me foutre la frousse ?»