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 Major e longinquo reverentia ~ Lethal

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Sujet: Major e longinquo reverentia ~ Lethal Major e longinquo reverentia ~ Lethal EmptyMer 17 Fév - 18:21

Major e longinquo reverentia
De loin, l'admiration est plus grande.

Février 2009: Cabinet de Zéphyr
Lethal: 19 ans
Zephyr: 26 ans



    Parler est un besoin, écouter est un art.
    [Goethe]


    Zephyr était un psychologue compétant, quoi que ses collègues puissent objecter. Il avait bien des qualités, comme l'écoute, l'intelligence et surtout le tact, chose qui, loin de rassurer ses patients, le faisait passer pour un être hors norme et dénué de sentiments humains. Il faisait fi des remarques désobligeantes de ces derniers, et, faisant preuve d'une ténacité étonnante pour un homme si froid, persistait dans sa silencieuse écoute. Il possédait aussi un calme surprenant, se montrant distant -mais délicat- dans les situations les plus extrêmes et les plus angoissantes.
    Nonobstant, comme tout humain normalement constitué, ses défauts étaient nombreux et réellement handicapants. Aucune empathie, semblait-il, ce qui lui posait souvent, et bien trop régulièrement problème. Comment est-ce qu'un psychologue sans cœur gagne sa vie ? Bonne question. Il se demandait encore pourquoi certains élèves le préféraient à ses collègues. Son cynisme restait blessant et ses piques mesquines ne relevaient pas son capital sympathie, au demeurant inexistant.
    Le piège résidait dans son beau sourire, oh, pas hypocrite détrompez-vous, mais bien trop doux pour être le sien. La vérité...personne ne la connaissait. Comment savoir s'il vous appréciait, ou si au contraire, il vous méprisait plus qu'un pigeon borgne ?

    Particularité peu saisissante, Zephyr n'aimait pas ses patients. Il faisait tout ce qui était en son pouvoir -bien peut de choses à vrai dire- pour ne jamais s'y attacher. Ce n'était pas une entreprise difficile, son caractère se pliant aisément à cette tâche souvent qualifiée d'imbécile. Pour Zéphyr, un psychologue empreint d'empathie était un imbécile qui n'avait rien compris à son travail. Se prendre d'amitié pour un patient était une faute professionnelle qu'il jugeait impardonnable. Véritable bourreau de travail, il avait pourtant vu nombre d'enfants traumatisés et d'adultes désespérés, mais rien ne semblait l'atteindre; rien ne semblait le toucher véritablement. Comme si, finalement, il n'était qu'un spectateur impuissant devant la misère du Monde. Il détestait les épanchements et les larmes, quel intérêt ? Pleurer sur l'irréversible, idiotie. Peut être même une des pires que l'humain ait jamais inventée. Il ne se moquait jamais de ses clients, non pas qu'il les méprisât, il n'en voyait pas l'utilité, rien de plus.

    Il y avait, cependant, une exception à cette règle d'apparence immuable. Une exception qui s'appelait «intérêt». Zéphyr étant, sauf preuve du contraire, un humain, il ne pouvait lutter contre certains instincts. L'intérêt en était un. Un de ses points faibles. Sa curiosité ne connaissait aucune limite et dès lors que son regard perçant croisait un cas potentiellement passionnant, il ne parvenait pas à le lâcher. C'en devenait parfois une obsession un peu étrange, qui le poussait à interroger son client -que l'on pouvait alors nommer victime sans se fourvoyer- des heures durant. Exactement comme un stalker étudierait sa proie; comme un inspecteur se plongerait dans une enquête fascinante. Ce phénomène inquiétait Zéphyr qui haïssait les sentiments trop fort. Il avait du mal à lutter contre cette émotion particulière.
    Heureusement pour lui, ça arrivait peu souvent. A la Wammy's -puisqu'il s'agit du cas qui nous intéresse- il voyait presque toujours le même type de patient: des enfants traumatisés, battus, violés, angoissés, qui n'ont plus personne à qui parler. Des têtes brûlées au cœur tendre, des petites choses blessées, des suicidaires ou des anorexiques. Même quelques cas plutôt sympathiques. Mais rien de dévorant comme il le craignait.

    Jusqu'à Lethal.

    Lethal était un enfant particulier. Il avait le caractère le plus indéfinissable que Zephyr n'avait jamais vu. Comment décrire un mystère pareil ? Il entrait dans votre cabinet, paisible, un léger, presque imperceptible sourire aux lèvres, s'asseyait, croisait les jambes, posait ses mains blanches sur ses genoux et attendait. Il se comportait comme un petit prince, sans pour autant paraître ridiculement stupide.
    Il se comportait exactement comme Zephyr l'eût fait à sa place, et ça, c'était fabuleux. Car en plus d'être froid et distant, le psychologue possédait un narcissisme insupportable et incompréhensible. Jamais il ne s'arrêtait pour admirer son reflet, jamais il ne se vantait, non pas qu'il n'en eût pas l'envie cependant. Non, il se contentait d'émaner la fierté et l'honneur, parlant, il semblait boire ses propres mots; pensant, il ne semblait songer qu'a lui-même. Et surtout, les seules personnes qu'il estimait lui ressemblaient.
    C'en était maladif et anormal, et on ne s'y accommodait pas. Les collègues capable de l'admirer ne connaissaient pas cette facette de sa personnalité.
    Lethal lui plaisait.
    Il était calme, presque doux, gracieux et surtout, très intelligent. Ce fut un des rares patients qui le passionna réellement, jusqu'à l'obsession. Car le jeune homme était un cas clinique qu'il passait ses nuits à analyser. Le comprendre n'était pas aussi difficile que ça. L'analyser résultait d'un travail de longue haleine.
    Mais lui parler ! Oh, rien que lui parler ! L'effort était, semblait-il, immense. Ses entretiens avec Lethal, souvenirs ineffaçables, resteraient à jamais gravé dans sa mémoire: silences éloquents, discours interminables, rares, magnifiques.

    Un tintement se fit entendre alors que l'on poussait la porte du cabinet.
    Zéphyr leva la tête, vif comme un petit oiseau, et s'empressa de ranger les milles et unes paperasses qui ornait son bureau. Le dossier Lethal, entièrement étalé sur ses genoux, tomba gracieusement par terre alors qu'il se relevait. Poussant un soupir agacé, le psychologue entreprit de récupérer les feuilles éparpillées le plus rapidement possible, espérant vaguement que son visiteur ne soit pas le principal intéressé.

    « Entrez »
    annonça-t-il à contre coeur.

    Son ordre n'eût aucune utilité, on avait déjà pénétré dans son antre. Se rasseyant prestement, il jeta son regard sur le patient pressé.

    Lethal


    Évidemment.
    Un coup d'oeil à l'agenda, négligemment posé dans un coin du bureau, confirma ses craintes. Ils avaient bien rendez vous.
    Et il avait bien oublié. Son côté tête en l'air, qu'il avait mis tant d'années à dissimuler refaisait surface.

    «Excusez moi», dit-il avec calme, «J'avais omis votre visite»

    Il sourit, un peu moqueur -mais pas méprisant-, espérant une réaction de son vis à vis. Une séance de plus pour résoudre le puzzle.
    Sans qu'il ne sache pourquoi, il avait l'intuition qu'aujourd'hui encore, il se coucherait tard, les yeux rivés sur des dossiers muets et l'esprit embrouillé par cette insoluble énigme...

    «Asseyez vous» murmura-t-il, presque pour lui-même.
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Invité
Sujet: Re: Major e longinquo reverentia ~ Lethal Major e longinquo reverentia ~ Lethal EmptyVen 19 Fév - 22:16

Dans quelques heures aurait lieu son rendez-vous avec Zephyr, le psychologue de la Wammy's House. Devait-il s'en plaindre ou s'en réjouir ? Objectivement, Lethal avait beaucoup à lui raconter, mais il n'avait jamais vidé son sac. Les seuls discours qu'ils avaient – longs et passionnés alternant avec de longs et pesants silences – tournaient autour du pot, ne traitaient pas réellement de son cas. Ils laissaient entrapercevoir la psychologie de Lucifel sans jamais la dévoiler. Le jeune homme s'arrangeait toujours pour faire dévier la conversation quand il lui semblait qu'elle se focalisait un peu trop sur lui-même. « Et sinon, quel est ton meilleur souvenir, Lethal ? » « Oh, peut-on vraiment en sélectionner un en particulier parmi tous ceux que nous avons ? Et vous, seriez-vous capable d'éliminer tous les autres au profit d'un seul, négligeant ainsi la quasi totalité de votre existence ? ». Et ils repartaient dans un vif débat qui dérivait bien loin de la vie de ce cher Lethal. Ah, il était fort pour ça... Mais était-ce vraiment la solution ? Le névrosé commençait sérieusement à se poser la question.

Lucifel avait fini par craquer face au Docteur Kristjan Asgeirsson, le psychiatre qui s'occupait de lui à l'hôpital psychiatrique de Reikjavik. Après des mois de mutisme obstiné et de refus de coopérer, il lui avait explosé à la figure avec la violence d'une bombe nucléaire. Non... Lethal était une poubelle. Une benne à ordures pleine de déchets purulents que l'on remplissait sans jamais vider, et qui finissait par déborder, vomissant ses immondices sur le trottoir, à la vue des honnêtes gens écoeurés. Cette image faisait bien rire le jeune homme. Mais en même temps, elle lui donnait envie de pleurer : quand cesserait-il d'accumuler ce qui est malsain et indésirable ? Sans doute jamais. Il était né pour être un réceptacle à pourriture.

Ce jour était-il arrivé pour Zephyr ? Le jour où la benne à ordure se répandrait sur ses mocassins luisants ? Le psychologue se jeterait-il sur ses états d'âme viciés comme un chien à la curée ? Aurait-il peur ? Se moquerait-il ? Ou pire, ne réagirait-il pas du tout ? Lethal frémit : il l'imaginait bien hausser les épaules et gribouiller un rendez-vous chez le coiffeur sur un coin de post-it. L'horreur. De toute façon, c'était bien simple ; si ce satané charlatan blond osait lui faire cela, il le paierait très cher. Vraiment très cher. Personne n'avait le droit de l'ignorer quand il se livrait, c'était inadmissible. Inhumain, même. On ne laisse pas sur le carreau un homme en détresse... si ? Zephyr était-il si cruel ?

L'Islandais serra le poing, nerveux. Il se détourna de la fenêtre et regarda son frère qui surfait sur son ordinateur. Lethal lui en avait exceptionnellement autorisé l'accès, alors qu'il refusait d'habitude, de peur que Seth ne dérègle son précieux bijou surdopé et optimisé à cent pour cent. Samaël était concentré sur l'écran et ne le regardait pas, alors Lucifel put le contemplait de tout son soûl, sans se sentir honteux ou gêné. À cette époque encore, il vivait un amour à sens unique, se consumant pour son frère coureur de jupons. La blessure était profonde et ses lèvres sanglantes d'ouvraient de plus en plus à chaque nouvelle conquête. La dernière en date était Linda. Le névrosé se fichait bien du sort de la pauvre orpheline, c'était juste une salope qui lui prenait son frère. Et son frère... quelle faute lui imputer ? Egoïsme ? Non, il ne savait pas le mal qu'il causait. Optons plutôt pour « versatilité charnelle » et libertinage de moeurs. Ces sales habitudes donnaient à Lucifel des envies de meurtres, puis de fuite. Il tuerait tous ses rivaux avant de disparaître dans la nature. Oui, il avait envie de partir, loin de cet incube qui déchaînait en lui des passions si douloureuses. La mort lui semblait douce en comparaison avec ce supplice. Il lui semblait que Sam se fichait de lui. Que ses mots d'amour étaient vides de sens, contredits par ses actes odieux. Que faire ? Que croire ? Pour l'instant, Lethal préférait attendre et croire en son jumeau... C'était moins douloureux que de se torturer sans cesse à cause d'un amour impossible qui le vouait à l'autodestruction. De toute façon, Seth ne le voyait pas. « Tu passeras toujours en premier ». Et ta soeur ? Foutaises ! Ce sont tes plans culs qui passent en premier, Samaël, pas moi. Moi, je ne suis rien. Juste... un pauvre con que tu viens voir quand tu t'ennuies.

Lucifel détourna la tête et fixa le ciel pluvieux. Après de longues minutes de silence – combien au juste ? – Sam lui rappela l'heure : l'heure d'y aller. Ah, déjà ? Lulu prit ses lunettes, les mit sur son nez, embrassa Seth sur la joue et sortit, silencieux. Il se sentait lourd, malade et fatigué. Mal au possible. Il peinait à ne pas rentrer dans quelqu'un où à ne pas trébucher. Il descendit mollement les escaliers jusqu'au bureau du psychologue. Lethal lissa sa chemise blanche et son pantalon noir avant de frapper sèchement à la porte. Il entendit un bruit sourd, comme quelque chose de compact mais léger, qui aurait chuté. Le jeune homme entra sans attendre d'autorisation, espérant ainsi agacer Zephyr. Ce dernier était penché sur le sol et ramassait des feuilles de papier. Tiens, c'était bien la première fois que Lucifel le voyait aussi maladroit.

Le jeune homme avait ouvert très lentement la porte, la poussant doucement du bout des doigts, avec une légèreté presque angoissante. Il posa son regard améthyste, critique, sur le blond et le fixa avec une certaine dureté, comme s'il ne lui pardonnait pas cet accès de maladresse, presque condescendant. Il releva les yeux quand le psychologue fit de même, après avoir soupiré une invitation inutile à entrer. Ce brave Zephyr... Pourquoi autant de conventionnalisme ? Lethal s'avança dans le bureau après avoir refermé la porte derrière lui, sans le moindre bruit ou presque. L'homme regarda son agenda avant de s'excuser calmement, pour la forme :

« Excusez moi. J'avais omis votre visite. »

Si le visage de Lethal n'exprima rien, ses épaules s'affaissèrent. Oublié ? Zephyr l'avait ou-bli-é ? Cette constatation le frappa en plein coeur. Oublié... Tout le monde l'oubliait. Il était transparent pour tout le monde. Sans exception. Même pour cette espèce d'hypocrite.

Ce dernier lui intima de s'asseoir, mais Lucifel ne l'écouta pas et se détourna froidement. Un instant, il songea à partir sans explication, mais il avait trop envie de rester là et de se laisser éclater. Il allait voir ce qu'il en coûtait de l'oublier. Le jeune homme se posta devant la fenêtre, les lèvres serrées, les yeux fixés sur son pâle reflet. Après un lourd silence, sa voix grave claqua sèchement :

« Avec tout le respect que je vous dois, Monsieur, je ne vous excuserai pas. »

Le névrosé se retourna vers le psychologue, le visage dur, le regard glacial, méprisant :

« Comment pouvez-vous prétendre être psychologue si vous oubliez vos patients ? Vous vous relâchez, Zephyr, c'est très décevant. Et moi qui pensais que vous dominiez votre domaine... En vérité, vous êtes un faible doublé d'un hypocrite. »

Lethal s'était approché doucement, les yeux brillant froidement, furieux. Il posa doucement ses mains blanches et fines sur le bureau, bien à plat, avant de poursuivre, presque dans un murmure :

« Pourquoi êtes-vous devenu psychologue ? Par voyeurisme ? Ca vous fait jouir de manipuler la misère des gens et de les avoir à votre merci ? Certains patients – mais certainement pas moi – mettent leurs espoirs en vous. Et vous, vous les piétinez, c'est cela ? Vous êtes un pervers. En plus, vous n'êtes même pas médecin. Psychologue... Un beau métier de paresseux qui n'ont pas osé faire médecine ! »

Lucifel jeta un oeil sur le côté et vit les feuilles que ramassait précédemment Zephyr. Il y vit son pseudonyme et le nom de son ancien psychiatre. Le névrosé s'en empara vivement et lut quelques lignes. Il esquissa un rictus.

« Oh, comme c'est gentil... Le Docteur Asgeirsson vous l'a traduit de l'Islandais à l'Anglais ? Quelle délicate attention. » Il froissa la feuille entre ses mains, dur. « Je croyais pourtant avoir détruit ce fichu dossier. Il faut croire que j'ai sous-estimé cet abruti d'Asgeirsson, hm ? »

Le jeune homme se pencha en avant, frôlant presque Zephyr. Il souffla à mi-voix, glacé :

« Ainsi, vous êtes au courant pour ma névrose et mon syndrome borderline. Et pour le reste. Pourquoi ne pas l'avoir dit plus tôt ? Si j'avais su, on se serait amusé tous les deux bien avant aujourd'hui, hm ? Et dire que pendant tout ce temps vous vous êtes entretenus avec moi, en pensant dans un coin de votre esprit obtus que j'étais un malade mental... »

Oh, Lethal était loin de penser que l'homme avait un esprit obtus, c'était juste de la provocation. Il se recula et, soudain, balaya son bureau d'un revers de main, violent. Il envoya les pots à crayon répandre leur contenu sur le parquet, les feuilles voler,... Lucifel cria avec rage :

« Alors vous auriez dû savoir qu'il ne fallait pas m'oublier !! Tout le monde m'oublie ! Tout le monde omet ma présence ! Vous ne valez pas mieux que les autres, sinon pire ! »

Il se détourna vivement, fit quelques pas et posa un regard dégoûté au canapé. D'une voix plus calme, mais amère, il lâcha :

« Ce "divan" m'exaspère. »

Pourtant, Lethal s'y assit, croisa les jambes, posa ses longues mains délicates sur les genoux et lui offrit son habituel petit sourire gracieux, comme si de rien n'était. Il demanda d'une voix douce :

« Monsieur, comment allez-vous aujourd'hui ? Ce n'est pas grave, ce n'est qu'un petit oubli, vous êtes tout pardonné. L'important, c'est que la séance ait lieu comme prévu, non ? J'ai une question : pourquoi êtes-vous psychologue et pas psychiatre ? »

Difficile de savoir si Lucifel se moquait de lui ou s'il avait vraiment oublié ce qui venait de se passer. Dans un cas comme dans l'autre, si Zephyr se méprenait, leur rendez-vous ne manquerait pas de... piquant.
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Invité
Sujet: Re: Major e longinquo reverentia ~ Lethal Major e longinquo reverentia ~ Lethal EmptyDim 14 Mar - 18:01


Moderatio in omnibus, Moderatio in omnibus .

De la modération en toute chose. Toujours.

    Il fallait donc rester calme, serein, contrôlé. Zephyr rassembla la paperasse malencontreusement tombée à terre sur son bureau et jeta un regard terriblement neutre à son patient.

    « Avec tout le respect que je vous dois, Monsieur, je ne vous excuserai pas. »


    Il ne s'attendait pas à autre chose de la part du jeune homme. Beaucoup de condescendance dans ce simple petit humain. Il ne savait, à vrai dire, pas s'il appréciait ce mépris. Il avouait volontiers que cela l'amusait beaucoup. Il connaissait Lethal, de part ses comportements -qu'il analysait presque continuellement-, ses paroles -qu'il buvait comme un alcoolique se gorgerait de vodka- et enfin, last but not least, ses gestes, qui en disaient toujours long.
    On ne peut pas tout contrôler. Le meilleur des acteurs laissera transparaitre un peu de sa personne, le meilleur des menteurs tremblera un jour ou l'autre, le meilleur des hypocrites se trahira. Lethal se maitrisait à la perfection, encore fusse-t-il qu'elle existe, celle là. Car, comme tout humain, il avait des failles.
    Peu visibles, certes, et dissimulées sous des couches gigantesques de froideur, de mépris et de dédain, cachées derrières les dangereuses ronces de sa tristesse, sa protection.

    « Comment pouvez-vous prétendre être psychologue si vous oubliez vos patients ? Vous vous relâchez, Zephyr, c'est très décevant. Et moi qui pensais que vous dominiez votre domaine... En vérité, vous êtes un faible doublé d'un hypocrite. »


    Le blond afficha un sourire satisfait. Alors Lethal était en forme, du moins, il n'avait rien perdu de son répondant habituel. Ce qui, en fait, ne voulait pas réellement dire qu'il allait bien, au contraire. Etrangement, et bien que ce ne fusse pas tout à fait en phase avec son métier, il le préférait ainsi: torturé. C'était regrettable de devoir le soigner, mais plaisant aussi. Il exerçait ainsi un certain pouvoir sur le jeune patient, celui ci dépendant au moins un peu de lui. Et il le savait bien d'ailleurs.
    Son sourire s'effaça lorsque le jeune sot (mais pas tant que cela) repris la parole, impitoyablement froid. Un psychologue de base aurait donné sa démission, se voyant affublé d'un patient pareil.
    Le défi amusait beaucoup Zéphyr; il devait admettre que le caractère de l'Islandais possédait une force indéfinissable, quelque chose de fascinant et d'attirant à la fois.

    « Pourquoi êtes-vous devenu psychologue ? Par voyeurisme ? Ca vous fait jouir de manipuler la misère des gens et de les avoir à votre merci ? Certains patients – mais certainement pas moi – mettent leurs espoirs en vous. Et vous, vous les piétinez, c'est cela ? Vous êtes un pervers. En plus, vous n'êtes même pas médecin. Psychologue... Un beau métier de paresseux qui n'ont pas osé faire médecine ! »

    Oh, Lethal. Si peu de clairvoyance de ta part.
    Zéphyr retint un petit soupir cynique. Non, il ne fallait jamais prendre cet enfant de haut, sinon, toute discussion était close et il s'emmurait de nouveau dans son cercueil de glace. Surtout, ne pas le vexer, ça ne lui apporterait rien, sinon un amusement puéril et trop éphémère pour être intéressant.

    « Même pas médecin ? Oh, Lethal, un garçon intelligent comme toi ne devrait pas dire des choses pareilles. La seule différence entre un psychologue et un psychiatre ? Les psychologues ne peuvent pas prescrire de petites pilules pour soigner leurs patients, ils doivent se battre avec les mots, tout simplement. N'est-ce pas plus noble ? Je trouve ça plus valorisant. Sais-tu que certains psychopathes vont voir des psychologues et non des psychiatres ? Car les médicaments n'ont aucune utilité sur eux. »


    Il marqua une pause.
    Qu'y avait-il de plus fascinant que de soigner par les mots ? Il en tirait une fiérté incontestable car non seulement il considérait que ses réussites étaient nombreuses mais que son art était reconnus. Beaucoup de ses patients l'avaient remerciés. D'un point de vue humain, et même pour un homme aussi dédaigneux que lui, le sourire des anciens malades l'avait rassuré: il était capable de soigner par les maux par les mots.
    Par ailleurs, cela ne l'étonnait guère qu'un garçon aussi pragmatique que Lethal méprise son art, mais qu'en avait-il à faire ? Il changerait un jour d'avis, comme les autres, ou il se noierait, torturé par ses blessures. A choisir, que ferait-il ? Admettre son erreur peut être ? Ou pas. Mais le fait qu'il vienne encore ici, parle et écoute, se laisse porter par les vents -réparateurs ?- de Zéphyr prouvait quelque chose: l'intérêt.

    « Oh, comme c'est gentil... Le Docteur Asgeirsson vous l'a traduit de l'Islandais à l'Anglais ? Quelle délicate attention. Je croyais pourtant avoir détruit ce fichu dossier. Il faut croire que j'ai sous-estimé cet abruti d'Asgeirsson, hm ? »

    Zéphyr ne répondit pas immédiatement. Il observa le jeune garçon froisser la précieuse feuille de papier sans mot dire -il avait des copies- et, sans plus ciller, terminer d'ordonner son bureau. Régnait à présent une tension particulière dans la petite salle. Peu habituelle, il fallait l'avouer. D'ordinaire, Zéphyr n'était pas aussi maladroit, et s'il n'avait pas fait glisser sa paperasse, les choses se seraient déroulées exactement comme hier, avant hier et tous les autres jours.
    Quelque part, peut être était-ce l'oeuvre d'un quelconque Destin ? Encore fût-il qu'il existe celui là.

    « Monsieur Asgeirsson n'y est pour rien. C'est moi qui ait fait la demande, on s'est contenté de me transmettre le nécéssaire. Vous n'avez pas mainmise sur tout ce qui vous entoure, Lethal, encore moins sur ce qui vous concerne»

    Le psychologue ne souriait pas autant que ses confrères -heureusement- il se contentait généralement de rictus sarcastiques. Étrangement, la majorité de ses patients appréciait cette particularité. Comme on reprochait à ses collègues de trop sourire. L'hypocrisie étant le pire des maux, aujourd'hui, mais aussi le plus rependu et le plus difficile à contrôler. Qui n'a jamais sourit sans en avoir envie ?

    « Ainsi, vous êtes au courant pour ma névrose et mon syndrome borderline. Et pour le reste. Pourquoi ne pas l'avoir dit plus tôt ? Si j'avais su, on se serait amusé tous les deux bien avant aujourd'hui, hm ? Et dire que pendant tout ce temps vous vous êtes entretenus avec moi, en pensant dans un coin de votre esprit obtus que j'étais un malade mental... »

    Evidemment qu'il était au courant, mais il n'avait pas eu besoin d'un tas de paperasse pour s'en rendre compte.

    « Mon esprit obtus...vous vous essoufflez mon jeune ami, vous ne trouverez pas de psychologue plus ouvert au dialogue que moi même, que vous l'admettiez ou non. Je dois vous avouer que je suis capable de la plus grande des tolérances ...»

    Il marqua une pause. En disait-il trop ?
    Oh, non. Un garçon intelligent comme lui s'en serait aperçu à un moment ou un autre. Etre psychologue demande quelque risque qu'il prenait bien volontiers. Qu'est-ce qu'une vie sans risques sinon une existence bien misérable ?

    «...comme de la plus grande des rigidités. Cependant, comme on le dit si bien
    Homo sum, humani nil a me alienum puto. Tout ce qui touche un humain ne peut m'être étranger. Je suis capable de vous comprendre Lethal, et ça ne vous a jamais échapper. Je sais que ça ne vous plait pas beaucoup.»


    Mais le jeune patient l'ignorait ostensiblement, ou feintait de ne pas l'entendre. Il fallait être fin pour comprendre Lethal, et souvent, bien qu'ils en soient capables, les autres humains ne prenaient pas le temps de l'analyser. Parce qu'il faisait peur, son apparence froide (néanmoins cordiale) ne poussait pas à la curiosité.
    Sans doute effrayés de ce qu'ils allaient découvrir, beaucoup d'esprits intelligents renonçaient à étudier ce cas si singulier.
    Dommage, Zéphyr ne regrettait aucunement.

    « Alors vous auriez dû savoir qu'il ne fallait pas m'oublier !! Tout le monde m'oublie ! Tout le monde omet ma présence ! Vous ne valez pas mieux que les autres, sinon pire ! »

    Vlan, les crayons et les papiers churent à terre, emportant divers instruments d'écriture dans leur chute. Zéphyr se contenta d'admirer le spectacle. Les yeux de son patient brillaient d'une lueur gênante, malsaine, et, bien loin d'être mal à l'aise, le psychologue buvait cette douleur. Alors, oui, aujourd'hui Lethal était venu dans un état lamentable. Il n'en avait pas l'apparence, toujours propre sur lui, mais ses nerfs ne tiendraient pas bien longtemps face aux angoissantes et habituelles questions de son conseiller attitré. Car parfois Zéphyr avait en effet l'impression d'être le valet d'un petit prince malade. Ca n'était pas désagréable, il savait qu'au final, c'était toujours lui qui avait le dessus. Et au fond, ça lui plaisait bien d'aider Lethal. Il en valait la peine, assurément.

    Fasciné par la soudaine colère du génie, il ne réagit pas immédiatement, choisissant la patience: le laisser se calmer: Ira furor brevis est, n'est-ce pas ? Et il avait tout à fait raison, rapidement, Lethal se calma, jusqu'à jeter un coup d'oeil extraordinairement méprisant au classique divan, affalé dans un coin de la pièce (Zéphyr n'avait su quoi en faire, en vérité).


    « Ce "divan" m'exaspère. »


    «Vous aussi ?» répondit placidement le blond, « Je devrais le changer de place, vous avez raison.»
    Lethal s'y assit pourtant, dans sa position habituelle.

    « Monsieur, comment allez-vous aujourd'hui ? Ce n'est pas grave, ce n'est qu'un petit oubli, vous êtes tout pardonné. L'important, c'est que la séance ait lieu comme prévu, non ? J'ai une question : pourquoi êtes-vous psychologue et pas psychiatre ? »

    Peu décontenancé, le psychologue hocha machinalement la tête. Que lui réservait-il aujourd'hui ? Il ne faisait pas exprès, ça c'était certain. Mais alors son état empirait ? Etait-ce à cause de son frère ? Ou peut être était-ce totalement indépendant ? Un autre problème ? Lié à son syndrome boderline ?
    Perdu dans ses pensées et ses notes, Zéphyr en oublia le plus important: répondre. Après un long, interminable silence seulement, il rétorqua:

    « Très bien, comme toujours. Il n'est pas de mon devoir d'afficher une quelconque faiblesse devant mes patients, vous le savez bien. N'est-ce pas vous qui m'avez fait cette remarque d'ailleurs ? »

    Il marqua une légère pause, un imperceptible sourire aux lèvres. Satisfaction, enfin, de pouvoir discuter avec un véritable mystère. Il se sentait Champollion déchiffrant les hiéroglyphes. Avide de connaissance, il se lançait sans même réfléchir dans la quête de la compréhension.

    « Merci de me pardonner, Lethal. Ce fut bien bête de ta part, je sais comme tu aimes ces entretiens. Et ne le nie pas, tu ne parlerais jamais si ce n'était pas le cas. Quant à ta question, j'y ait déjà répondu. J'aime les mots et manier le verbe. Le médical ne m'intéresse guère.»

    Il jeta un oeil à sa bibliothèque. Lethal avait déjà dû l'analyser des dizaines de fois. Il s'y trouvait tout, sauf des traités de médecine. Beaucoup d'ouvrages ésotériques y trônait, d'ailleurs.

    « J'aime ce que je ne comprend pas. Et toi Lethal, tu es incompréhensible à première vue. Certains patients sont d'un ennui fou ! Tu peux bien imaginer... il suffit de constater le nombre de suicidaires et d'anorexiques que je vois chaque jour. C'est plat, c'est banal maintenant ! Je m'ennuie. Mais toi, tu m'apporte un peu de défi, j'apprécie »

    Un silence tomba sur la petite salle.
    Pas un silence pesant, cependant. Un de ces silences propices à la réflexions. Comme ceux qu'il règne dans les bibliothèques, ou les cimetières.


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