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 Let me cry | Haze

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Sujet: Let me cry | Haze Let me cry | Haze EmptyMar 11 Aoû - 17:24


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« Cry, Timothée, Cry ! »

Combien de fois s’était-on moqué de lui à cause de son nom ? Combien d’enfants l’avaient appelé Cry avec ce sourire sadique et mauvais que seuls ces visages de pureté peuvent retranscrire avant tant de vérité ? Et combien de fois avait-il pleuré et crié à cette appellation, impuissante victime ? Impossible de savoir, impossible de compter, il ne voulait même pas y penser. Aujourd’hui où il était Truth, ce nom ne le faisait plus souffrir, mais pourtant, il pleurait et criait encore. Il pleurait toutes les larmes de son corps depuis ce qui lui semblait une éternité.

On l’avait vu, on avait vu son corps, alors qu’il était sous la douche et vulnérable à tous les yeux vicieux. On avait brisé son intimité et son secret. On avait découvert son sexe. Et à présent où le malfrat avait eu le temps de faire trois fois le tour de l’école, ils le savaient tous. Oui, ils savaient tous que la belle, la silencieuse, la discrète et invisible Truth était en vérité un homme. Il était même plus, ou plutôt, il était même moins : un homme castré. Ils le savaient tous, à présent, que ces nombreuses années n’avaient été que mensonges. Que celle qui était censée toujours dire la vérité n’était qu’une pure mascarade. Comment continuer de vivre ainsi ?

Tout en haut de l’établissement, sur le toit, une jeune fille pleurait. Habillée d’une robe noire, un chapeau vissé sur sa petite tête, maquillée délicatement, qui pourrait croire qu’elle est un homme ? Grande et élancée, les traits doux et harmonieux, des yeux ensorcelants et envoûtants, une fine bouche, un petit nez, un teint pâle et une peau douce. Qui pourrait croire qu’il est un homme ? Personne ne le croyait, personne ne le savait, ils vivaient tous dans l’illusion de son mensonge jusqu’à ce qu’un intrus ruine tout son travail pour laisser la vérité au grand jour. Dire qu’il s’était battu pendant sept ans ! Sept ans d’attention constante, de vie féminine si bien imitée, de secrets si bien gardés. Tout ce temps évaporé par l’incompréhensible comportement d’un unique élève échappant à son plan parfait.

Que faire à présent ? Il ne pouvait devenir homme, il ne pouvait rester femme, il ne pouvait être entre les deux de peur d’attirer trop d’attention. Que faire ? Les pensées de l’adolescent n’arrivaient pas à se construire, le cœur et le cerveau détruit par le choc qu’il venait de connaître. Il ne pouvait reconstruire son âme brisée, il n’avait plus assez de force, il ne pouvait rien faire.

Ah, il les haïssait tous ! Ces sales êtres moqueurs et sadiques, ces jaloux de sa beauté et de sa voix ! Tous ces êtres qui n’acceptaient pas ses différences tellement ils étaient banals. Tous ces pions qu’il avait si bien utilisé jusqu’ici lui échappaient, et il était près d’être échec et mat. Comment survivre ? Que faire ? Il serait prêt à tout, à n’importe quel sacrifice, à n’importe quelle ignominie, à n’importe quel acte pour arriver à être en paix de nouveau, à être tout simplement tranquille. Il était déjà dénué de toute morale, il n’était plus l’être pur et innocent que son père avait construit. Il était près à tout. Alors pourquoi aucun ange n’apparaissait pour lui proposer un pacte honnête ? Même Satan et ses marchés malhonnêtes lui iraient ! Tout plutôt que cette attente et cette peur qui lui serraient le cœur comme un étau.

Il le savait bien sûr, qu’aucune force supérieure ne viendrait l’aider. Dieu lui avait offert sa voix pour ensuite l’abandonner à son triste sort sans remord. Croyait-il que chanter résoudrait tous les problèmes ? Que cela apporterait le bonheur à son élu ? Il ne savait pas, cet Immortel, qu’à présent ses dons étaient bien dérisoires face à l’argent et la luxure. Luxure que le cantateur ne connaîtrait jamais, condamné à ne jamais ressentir ce plaisir tant vanté. Lui, il n’avait que son état de castrat pour le protéger. Mais qui, à notre époque, tuerait pour l’écouter chanter ? Ils étaient tous à l’extérieur, ses amoureux de la musique, bien loin de lui. Quel idiot il faisait ! Dire qu’il tenait son oncle entre ses mains grâce à son corps androgyne et son talent de Dieu. Innocent qu’il était, il avait cru qu’il pourrait exercer autant de pouvoir sur ces rustres, ces êtres souillés par tous les péchés du monde. Et à présent il se retrouvait comme avant, pauvre victime sans même un père chez qui se réfugier. Juste ses yeux pour pleurer.

Il était arrivé sur le toit ce matin, juste après le scandale. A présent le soleil était haut dans le ciel et il sentait la fatigue l’emporter dans les bras de Morphée. Si seulement il pouvait dormir pour l’éternité. S’évader à jamais de ce monde où tous les êtres avaient les oreilles bouchées de toute la brutalité possible. S’endormir pour ne jamais se réveiller, telle était sa prière silencieuse aux cieux. Malheureusement, comme toujours, il ne fut ni entendu, ni écouté, car il se réveilla le soir venu. Il avait froid, il avait faim, il avait mal dormi et avait mal au dos, il aurait du mieux se préparer. Mais il était passé dans sa chambre de façon si précipitée qu’il n’avait pensé à rien d’autre qu’à l’instant présent. Il leva les yeux vers le ciel, désespéré.

Les étoiles l’observaient de leur perchoir. Oh, elles riaient les perverses, de tant de malheur étalé sous leurs yeux ! Elles devaient s’amuser follement à observer cet être si laid et si mal accordé avec lui-même, cet être ni homme ni femme. Il ne pleurait plus à présent, il avait trop pleuré, et il avait trop de haine en lui-même pour laisser s’échapper une seule trace de sa tristesse. Ils allaient voir, tous ! Les étoiles comme les humains. Il ne se laisserait pas aller, il ne laisserait pas avoir. Alors il ouvrit la bouche et se mit à chanter, libérant la voix de castrat qu’il gardait si souvent enfermée, appelant son dernier réconfort, le seul bonheur qui lui restait : savourer la beauté de sa propre voix.


« Lascia ch'io pianga
mia cruda sorte,
E che sospiri la liberta
E che sospiri,
e che sospiri la liberta
Lascia ch'io pianga
mia cruda sorte,
E che sospiri la liberta

Il duolo infranga
queste ritorte
de miei martiri
sol per pieta
de miei martiri
sol per pieta

Lascia ch'io pianga
mia cruda sorte,
E che sospiri la liberta
E che sospiri,
e che sospiri la liberta
Lascia ch'io pianga
mia cruda sorte,
E che sospiri la liberta
»


Dernière édition par Truth le Mar 20 Avr - 19:34, édité 4 fois
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Sujet: Re: Let me cry | Haze Let me cry | Haze EmptyMar 11 Aoû - 20:45

Il était tard. Très tard. Trop tard, peut-être, pour la plupart d'entre nous. Les trois quarts des habitants du damné orphelinat dormaient ou vaquaient à leurs luxurieuses occupations dans leurs quartiers. Les retardataires était rapatriés dans leurs chambres par le ferme surveillant Tears à coup de " allez, s'il vous plait, quoi..." tellement apitoyant qu'on avait presque envie d'obéir, bah tiens... Le quart d'enfant restant était en fugue, recherchés par le vénérable professeur Silence ou en parade amoureuse dans le parc ou les salles de bain.
Bref, c'était une nuit comme les autres.

Dans la chambre numéro 10, étrangement calme, pour une fois, un son feutré de drap froissés se faisait entendre, couvrant légèrement aux oreilles d'un jeune individu azurocapillé les bruits de cavalcades qui retentissaient de temps en temps dans le couloirs et souvent suivis des incessantes suppliques de Tears qui poursuivait les réfractaires aux sommeil ou à la chasteté. Cependant, le jeune homme dont nous parlons n'avait, cette-nuit là, pas le cœur à prêter l'oreille aux divers tracas bassement mortels des jeunes orphelins, son nerfs auditif entièrement capté par un autre son. Cela avait commencé quelques minutes plus tôt lorsque, tel un infime fil de laine perdu, le bruit étrange avait caressé son tympan, étonnant de pureté, infime, mais perçant par sa beauté les relents auditifs de barbaries et de chair qu'on pouvait facilement discerner en tendant l'oreille et qui avaient, plus d'une fois, obligé l'Embrumé à s'enfouir la tête sous l'oreiller, en apnée jusqu'à la limite de l'asphyxie... C'était une musique, fugitive et étrange, diffuse comme le parfum d'une vierge et belle comme un rêve d'enfant, Haze s'était levé.
A pas de loup, s'efforçant de muer son insignifiance naturelle en discrétion et craignant le réveil de Lazy plutot que respectant son sommeil, il avait enfilé son uniforme sans boutonner sa veste ( c'était la nuit, après tout...) et s'était extrait de la chambre qu'il partageait avec le vautour de l'orphelinat, refermant la porte avec mille précautions.

Déambulant pieds nus dans les sombres couloirs de l'orphelinat, oubliant pour un temps sa peur et son dégoût, oubliant sa crainte de rencontrer quelqu'un, il tendait l'oreille, se raccrochant au son comme à un fil d'Ariane, craignant à chaque instant qu'elle ne se perde dans le brouhaha incessant qui meublait les nuits de la Wammy's House... Le bruit avançait et refluait, perdant du terrain lorsqu'il s'avançait plus loin dans l'orphelinat et revenant à lui lorsqu'il s'aventurait dans une flaque de lumière, près d'une fenêtre... Comme si l'astre mère lui-même avait voulu le refléter. Étrange comme on ne remarquait pas le nombre de fenêtres ouvertes, le soir...

Au bout d'un moment, un pas précipité retentit dans le couloir du troisième étage, Haze se plaqua contre le mur, Mello et Howl passèrent sans le voir, de même que Tears, le pauvre surveillant, à bout de souffle, les pommettes qu'on devinait rougissantes dans la semi-pénombres des larges corridors... Haze continua son chemin, le chant était de plus en plus proche, on en discernait parfois les paroles... Un vers revenait souvent, entêtant et lourd d'un sens étrange.

« Lascia ch'io pianga »


" Laissez-moi pleurer"... Hurlait Aurore dans le lit d'un de ses amants, criait les sirènes prisonnières de l'onde pour attirer les marins, déclamait Déméter aux portes des enfers... On aurait cru une supplique venue du passé.
Haze pressa le pas. Tel le papillon qui se dirige vers la lumière sans vraiment savoir qui elle est, nimbé dans l'inébranlable certitude qu'elle n'est source que d'extase et non de mort, nanti de l'irrésistible envie de se fondre en elle sans plus réfléchir. Gravissant le petit escalier qui menait à un vasistas, il déboucha, tel un comateux dans le tunnel de lumière, sur le toit.

Là, une âme trônait. Déroulant un chant qui semblait la dépasser, ses lèvres en mouvement semblaient vouloir s'envoler vers la voûte, laissant s'échapper le torrent d'un chant qui, à présent, emplissait l'univers. Haze resta un moment immobile, accroupi au bord du vasistas, ses doigts livides et arachnéens doucement posés sur les tuiles. Sidéré, presque catatonique, il finit pourtant par se lever, précautionneusement, presque avec douceur, soucieux de ne pas faire cesser ce chant qui semblait aussi pur et fragile que le cristal, buvant les mots comme autant de goutte d'extase. Il fit un pas en sa direction, un seul. Son pied nu restant silencieux sur la froide tuile du toit.

Touché au cœur, il ne put prononcer un mot.
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Sujet: Re: Let me cry | Haze Let me cry | Haze EmptyMar 11 Aoû - 22:14

Il était de nouveau enfant, dans la salle de musique chez lui, près de son père, à laisser s’échapper les notes qu’on lui apprenait. La vie alors, n’était que joie et amour, lui et son père, musique et musique. Il se couchait le soir en pensant aux chants qu’il apprendrait le lendemain, se levait le matin en pensant à ceux qu’il avait appris la veille. Le passé, le présent, le futur, qu’importait ? Il était heureux, ne connaissant pas d’autre monde que celui qu’il avait construit, dans cette petite pièce chaleureuse avec ses quelques instruments et pupitres. Comment pouvait-il imaginer, à cette époque, que sa voix briserait sa vie ?

Comment pouvait-il imaginer, aujourd’hui encore, que ce pur plaisir avait causé sa perte ?
Autour de lui n’était que chant, son univers n’était que chant, à cet instant, seul lui existait en ce monde et il était le plus heureux des êtres. Il offrait son visage à l’immensité du ciel et les étoiles, à présent, taisaient leurs rires en hommage à la beauté de sa tristesse. Il n’était plus sur le toit, il n’était plus à la Wammy’s House, il n’était plus sur Terre. Il était plus loin et bien plus près, à l’intérieur de lui-même, savourant sa propre beauté. Comment tel bonheur peut-il faire souffrir ? Impossible, ses souvenirs étaient faux, sa vie était fausse, il ne pouvait qu’être heureux du don que le Ciel lui avait donné. Il était impossible que son chant lui ait fait endurer la pire des tortures, c’était contraire à sa nature même. La Vérité mentait, telle était la seule solution.

Les dernières notes de son refrain s’éteignirent, il s’était habitué à chanter à capella, étant donné que personne ne connaissait sa voix et donc ne pouvait l’accompagner. Certes, cela mettait en valeur sa voix par sa seule présence, mais l’accompagnement musical apportait une émotion que le chant seul ne pouvait donner. Et le jeune homme, de connaître la saveur d’un orchestre, ne pouvait que déplorer que son chant ne soit parfait. Même si personne n’écoutait son chant, plongés dans leur égoïsme et leur vice primitif, le castrat était capable d’un grand pointillisme lorsqu’il était question de son art.

Il chassa d’un geste la larme qui avait brouillé un instant ses yeux, hommage personnel à sa propre prestation. Puis détourna un instant son regard des étoiles pour observer sa scène vierge de tout musicien. Ses yeux se figèrent sur l’intrus de son univers désert : un spectateur sur la scène, comble de l’absurde. Que faisait-il ici ?

Hébété par la surprise, il observa l’anomalie. Il reconnu en un instant Haze, un être discret et brumeux, toujours endormi ou somnolant, sans consistance, sans intérêt, tellement similaire à l’image que Timothée avait donné à Truth ! Mais en cette nuit, il surprit une étincelle dans le regard terne de son auditeur. Cette lumière qui s’allumait dans tout ceux qui savouraient son chant, qui se laissaient entraîner par la beauté de ses notes et qui restaient souvent longtemps immobiles, stupéfaits, se demandant encore ce qui leur était arrivé. Une lueur d’amour que le castrat aimait tellement voir. Le regard d’Haze s’apparentait à celui de Melody, simple et ignorant, ne faisant qu’écouter et recevoir sans se préoccuper du quoi ou du comment. Melody Cry, petite sœur du cantateur, lui avait fait découvrir la saveur du public, le bonheur de rendre l’autre heureux, l’extase d’entendre cette question hâtive et pressée « Tu chantes pour moi ? » Qu’est-ce qu’il avait aimé chanter pour cette enfant ! Se voir dans ses yeux et se savoir être pour elle l’être le plus merveilleux du monde. Malgré toute sa haine et sa colère, Truth se délectait de l’amour des autres, récompense des plus utiles.

Haze, par ce délicieux regard, en devenait beau. Car, quel plus incroyable spectateur que celui qui observe toujours les autres, tout le long de son temps ? Il ne pouvait exister de plus beau miroir que ses yeux, Truth en était persuadé. Lui qui avait tant chanté, lui qu’on avait tant écouté, il tombait en pamoison devant ces yeux grands ouverts dévorant son être. Son reflet était si beau dans ces yeux ! Il voulait se voir, encore et encore, éternellement, chantant l’amour et la haine, la tristesse et la joie, dans ces pupilles ébahies. Et quelles soient toujours habitées de cette sublime surprise, quelles brillent toujours de la joie de cette découverte. Oui, quelles soient toujours de cet éclat de cet instant suspendu où le chant avait trompé le temps.

Il était de nouveau enfant, ignorant tout des risques et des peurs, ne vivant que pour le bonheur. Bonheur similaire pour lui aux notes qui se succèdent. Un sourire éclaira le visage de l’adolescent, doux, affectueux, tellement vivant face au visage habituellement si terne de la jeune fille muette ! Son regard se couvrit d’amour, infini, perdant sa tristesse, s’emplissant d’une indicible beauté. Il fit deux pas, un de plus que son spectateur, restant tout de même à une certaine distance pour rester un peu irréel. Et, lui qui avait si souvent modifié son timbre pour ne pas attirer l’attention, se délecta d’entendre sa voix d’enfant-femme demander :


« Souhaites-tu que je chante pour toi ? »

Il se sentait comme en équilibre sur une fine corde au dessus du vide. Il suffisait d’un rien pour que le charme se brise, pour que son auditeur se dérobe à son regard, à sa voix, et qu’il se laisse retourner à la réalité.

Il était de nouveau enfant, et peu lui importait à présent ses secrets dévoilés et sa douleur passée. Peu lui importait que cet être sache ou pas s’il était homme ou femme.

Il était de nouveau enfant, à l’époque où la vérité était évidence et l’amour habitude. A l’époque où il croyait encore à la pureté de ce monde.


Dernière édition par Truth le Mar 20 Avr - 19:34, édité 1 fois
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Invité
Sujet: Re: Let me cry | Haze Let me cry | Haze EmptyMar 18 Aoû - 19:51

Émotion... Une goutte d'eau pure qui tombait dans ce lac d'onde stagnante, un infini chapelet de notes déclamées à la perfection qui faisaient vibrer le corps et l'âme, soignant l'un par l'autre et l'autre par l'un... Un signe d'infini qui tournait encore et encore dans un cycle éternel de félicité vertueuse, c'était tellement beau.
Envoûté par un miracle qu'il ne comprenait pas vraiment, le jeune homme restait ainsi, presque en pâmoison devant cette si étrange apparition. La scène semblait si irréelle que le charme en était renforcé, on se serait cru dans un de ces rêves éveillés qu'il faisait parfois en classe ou à la bibliothèque, la tête calée sur son exemplaire de " l'Assommoir" ( l'auteur devait avoir des origines un peu masochistes pour nommer une œuvre si longue et qui avait dû lui prendre deux ans de sa vie ainsi...), combien de fois ne s'était-il pas fait prendre en état de demi-sommeil par le bibliothécaire et par sa bouille souriante qui lui demandait d'aller coincer sa bulle ailleurs? Ah, nostalgie...

Pourtant, la réalité était là, Haze n'était pas de ceux qui se pinçaient pour vérifier la véracité d'une scène mais plutôt de ceux qui tentaient de faire durer les rêves. Si il en vivait un, alors qu'il dorme, c'était parfait.
... Mais tout de même, les rêves chantant et nocturnes devenaient une habitude. Rien qu'avec celui dans la forêt, ça finissait par devenir obsessionnel, étrange... Il allait falloir qu'il se trouve un bouquin d'interprétation ( genre que rêver de quelqu'un, ça signifiait un complexe phallique ou un truc du style...), hélas, rien que ce genre de pensée allait faire bien plus qu'un pincement au bras pour lui prouver la réalité des faits... A moins qu'il ne se mette aussi à penser n'importe quoi dans ses rêves, auquel cas ça allait devenir inquiétant... Mais là n'était pas la question.
Quelle importance, au final, qu'il rêve ou non?

Il posa ses yeux sur la jeune fille (car, avec une voix pareille, c'en était forcément une), elle se tenait face à lui, à peine plus haut, la lune projetait une lueur étrange dans son dos et l'empêchait de discerner les contours de son visage... Peut-être n'était-elle que musique et pas image? Peut-être n'était-elle pas faite pour être vu mais entendu? Une sorte de fantôme inconsistant et vivant par et pour sa musique? Après tout, il n'avait jamais entendu parler d'une voix aussi parfaite dans les couloirs de l'orphelinat, qui était-elle? Il essaya de s'avancer mais, de sa démarche si imparfaite et si maladroite, trébucha sur une tuile et manqua de tomber, pourtant, il ne laissa pas échapper un son. Trop occupé à tenter de saisir le chant dans toute sa splendeur, pourquoi était-il ici, au juste? Pourquoi lui? Pourquoi personne d'autre ne l'entendait? Il y aurait dû avoir tout le monde sur le toit... Bien sûr, peut-être les halètements des amants, ceux des surveillants qui cherchaient et ceux des drogués en manque couvraient les notes, si évanescentes dans leurs perfection... Lorsque le chant s'arrêta, il laissa la voix s'évaporer une dernière fois dans l'air avant que le bruit de sa respiration lente et profonde ne reprenne ses droits... A peine audible et pourtant tellement présent, c'était comme si ses oreilles, après tel festin, ne pouvaient pas s'arrêter d'écouter... D'entendre. Tentant de trouver la beauté partout, même dans l'acte humain d'aspiration à la vie.

Enfin, il y eut un bris.
Un changement dans le silence, un arrêt du flottement. Le son mat et graveleux d'un pas sur les tuiles puis celui, plus profond et plus intense, d'une deuxième avancée. Il écouta, il vit à peine. Vint ensuite le miracle de ce chant parfait mêlé à l'humanité d'une parole simple.

« Souhaites-tu que je chante pour toi ? »


Il en aurait pleuré. De joie, de surprise, de rage ou d'excitation mais il en aurait pleuré. C'était tellement... Étrange. Il leva le visage vers elle, dans ses yeux brillait une étrange lueur de fascination, donnant au reste de son visage une allure de masque. Un masque qui tomberait peut-être bientôt...
Chanter pour lui... Pour lui... La phrase l'avait tellement touché. dans sa tête, tout était blanc. Ou gris. Tout devenait monochrome, il ne trouvait plus rien à répondre. Comment dire quelque chose de simple après avoir entendu dire tant de beauté? Il cherchait, il cherchait... Il se rendait compte de la difficulté à dire quelque chose qu'on voulait dire. Il aurait voulu crier " oui", il aurait voulu murmurer, peut-être à son oreille et les mots nuancés d'une tonalité tendre, de continuer à chanter jusqu'au lever du jour... Mais rien ne sortait.
Tenter... Toujours tenter.

" Tu..."

Zut, raté... Allez, on réessaie.
Respiration.

" Chante."

Une prière plus qu'un ordre, une parole étrange qui semble l'infime formulation d'un désir difficilement contenu, l'horrible crainte que satisfaction lui soit refusée et l'atroce jubilation à la perspective qu'elle lui soit accordée.
Il relève encore une fois les yeux qu'il avait baissé, par pudeur, peut-être... Pour cacher ses pensées à cette peur enfantine qu'on a d'être démasqué et mis à jour. Mais cette fois-ci, il les relève empreint de certitude, presque de fierté. Fierté de savoir, pour la première fois peut-être, où il va, innommable gloire de s'être un instant trouvé soi-même, orgueil de voir à travers son propre masque...

" Chante et ne t'arrête plus."

Une voix monochrome chargée d'émotion, gris clair ou gris foncé, qu'importe... Il observe la chanteuse comme une source de félicité infinie, de toute la force de sa conscience nocturne chargée de rêves et de délires, de toute l'exubérance que l'obscurité lui donne...
Haze exulte.
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Invité
Sujet: Re: Let me cry | Haze Let me cry | Haze EmptySam 22 Aoû - 21:32

Timothée n’avait jamais vraiment prêté attention aux autres voix. Seule la sienne existait, seule la sienne apportait la véritable beauté, seule la sienne lui offrait une telle extase. Chez les autres, seuls importaient les mots, la signification des phrases. Jamais la simple saveur d’écouter. Dans son baladeur on ne trouvait que ses chants, que son père avait pris soin d’enregistrer, raison pour laquelle il ne prêtait jamais ses disques à qui que ce soit. C’est ainsi qu’il avait survécu à ces nombreuses années : en se recueillant le plus souvent possible dans sa chambre pour respirer au bonheur. Et parfois, lorsqu’il n’en pouvait plus de languir, lorsque ses lèvres ne désiraient que la musique, lorsque sa gorge n’en pouvait plus de ne jamais dévoiler son véritable timbre. Alors, en ces instants, il attendait la nuit pour aller sur le toit et libérer son âme. Comme cette fois-ci, une nuit comme les autres. Sauf qu’il y a un spectateur.

« Tu… »

Truth était pendu aux lèvres de son auditeur. Sans qu’il ne s’en rende compte, pour la première fois, son cœur battait fort à cause de la voix d’un autre. Rien que ces deux lettres faiblardes, cette unique syllabe hésitante avait bouleversé le castrat. Qu’allait-il répondre ? Oui, non ? Il était sous son joug, il était ensorcelé, hypnotisé, c’était évident. Mais Timothée ne pouvait s’empêcher de douter, d’avoir peur que sa proposition soit refusée. Les humains étaient si étranges ici ! Ils étaient si laids, tellement insensibles, ne comprenant rien à la beauté de ce monde. Ou plutôt, de sa voix.

« Chante. »

Son cœur bondit, ses yeux s’éclairent. Il veut son chant ! Il veut l’entendre ! Et il avait dit cela de façon si faible, comme une supplique, comme une imploration. Cet unique mot timide était chargé de tant d’émotion, tant d’indécision. Il était tellement perdu ! Pouvait-il vraiment croire que ce qui lui avait été proposé lui soit refusé ? Ou était-ce l’irréalité de la réalisation de son vœu qui le plongeait ainsi dans la peur ? Truth avait-il donc autant de pouvoir ? Non. Il n’avait pas de pouvoir. Il avait juste dans sa gorge un présent pour les oreilles de l’humanité. Juste la possibilité de transmettre des sentiments purs par un chemin magnifique.

Haze releva les yeux. Des yeux fiers et orgueilleux. Des yeux ayant soudain perdus toute trace de timidité ou de peur. Il ne pouvait voir le visage de Timothée et pourtant ce dernier savait qu’il le regardait, lui. Et lui, il le voyait. Il voyait ces yeux, ces reflets parfaits, joyaux inestimables par l’image magnifique qu’ils dévoilaient. Comment pouvait-on l’ignorer ? Comment pouvait-il laisser enfoui une telle beauté ? Comment pouvait-il oser mettre un masque opaque devant telle merveille ? Il n’avait pas le droit. Tout comme Truth n’avait pas le droit de s’arrêter de chanter.

« Chante et ne t’arrête plus. »

Il n’hésite pas. Il sait bien que son souhait va être exaucé, il a compris que leurs deux volontés ne faisaient qu’une. Truth frissonna. C’était comme s’il le mettait au défi de s’arrêter de chanter. D’une certaine façon, c’était offensant d’être obligé de chanter. D’une autre, c’était magnifique que d’être autant désiré. L’amour des autres, une denrée rare et précieuse qui apporte bien des délices. Timothée aimait être aimé, il aimait par-dessus tout être aimé pour sa vie. On pouvait même dire qu’il n’avait jamais autant souhaité être aimé, avec ces yeux lumineux de passion. Oh non, il ne souhaitait pas en vérité, ce mot était trop faible. Il désirait, il voulait. A présent et pour toujours. Tout serait bon pour avoir cet amour, absolument tout.

Le sourire du castrat s’agrandit encore, dévoilant une impatience inhabituelle. Impatience de chanter ? Pourquoi donc puisqu’en cette nuit il ne serait que chant ? Tout cela pour le montrer à Haze, cet être béni ayant ouverts de nouveaux horizons à l’art. L’homme redevenu enfant leva alors le bras. Geste lent et appliqué que cette remontée. Sans aucune hésitation il tendit la main vers son spectateur, invitation au contact des deux peaux.

« Viens, Haze. »
Qui aurait cru qu’il aurait pris tant plaisir à prononcer ce nom ? Tout cela parce qu’il savait que cela toucherait son interlocuteur. Qui donc se souvenait du nom de ce personnage transparent ? Il croira sûrement être spécial, ignorant que Truth avait étudié tous les élèves et appris tous leurs noms. Au cas où. Et sa prudence, encore une fois, avait été bien utile. Il essayait de mettre toute l’émotion possible dans sa voix, sans en faire trop, tout en y croyant. Il brisait toutes les barrières de mensonges qui protégeaient son être normalement. Sa voix était un appel. Pour que le spectateur entre sur scène et que s’arrête la représentation publique. Pour offrir à cet incroyable miroir un chant rien que pour lui.

« Je t’espérais depuis si longtemps. »
Le pire était que tout cela était vrai. Que ces mots, que ces gestes, que cette voix était vérité. Alors que pour Timothée, chaque jour, la haine remplaçait l’amour et le narcissisme était partout. Pourquoi, lorsqu’il chantait, devait-il changer de Vérité ?

Truth était enfant. Il ne pensait qu’amour et musique. Certes il avait encore en lui cet esprit manipulateur. Mais qui blâmerait ce petit être de vouloir se faire aimer ? Il se moquait de ses secrets et de ses anciens plans, il ignorait l’esprit adolescent qui essayait de reprendre les commandes. Non. L’enfant gouvernerait ce corps, il le gouvernerait jusqu’à ce que la dernière note soit jouée.
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